La Disciple
Seigneur. Quelle heure était-il ? J'émergeais douloureusement des bras de Morphée, la bouche pâteuse. Mes yeux étaient à peine ouverts que je prononçais dans un réflexe familier le nom de Shizune-senpai. J'allais être en retard pour mon entraînement et Tsunade-sama me passerait un savon de souffrances.
« -Euhm...désolée, Sakura. Mais il n'y a pas de Shizune, ici. C'est moi. Ino. »
Un soubresaut secoua mon corps endormi. Quoi ? Ino ? Ah oui. L'empereur. Le palais. La mission. Cette figure blanche et délicate penchée au-dessus de moi appartenait à la délicieuse future impératrice. L'apercevoir de si près, me fit réaliser la carnation pourpre de ses lèvres maquillées et ses sourcils finement redessinés au charbon gras et brûlé. Et cette blancheur sur son derme n'était due qu'à une poudre cosmétique terriblement prisée par les courtisanes du palais et la bourgeoisie de Konoha.
« -Tu as dormi longtemps, » constata-t-elle.
Sans blague. Je n'avais pas dormi la veille. Un moment, mon corps avait fini par dire merd-.
« -Tu dois opérer l'empereur dans deux heures. Sai viendra te chercher, » m'informa-t-elle avec tristesse. « -Je t'ai préparé ton bain, et des vêtements propres. »
C'était le monde à l'envers. La fiancée de l'homme le plus puissant du pays m'avait fait couler un bain, et allait m'habiller. Était-elle impératrice ou servante ? Puis, je me radoucis soudainement en me remémorant qu'elle était enfermée entre les barreaux de cette cage dorée depuis des semaines ; que son promis ne lui avait même pas fait la faveur d'une visite de courtoisie. Elle devait se sentir atrocement seule. Peut-être que là où je voyais ironiquement de la soumission, ce n'était qu'une preuve amicale, un pas vers moi pour nouer une relation. Je finis par sourire avec douceur.
« -Merci, Ino-sama.
-Oh non ! Pas le sama, par pitié, geignit-elle en levant les yeux au plafond.
-Je suis pourtant obligée ici.
-Moi, j'ai décidé que non, insista-t-elle et je haussai les épaules.
-Allez, viens ! »
J'avais bien pressenti l'immensité de la pièce. En effet, derrière le lit, elle se poursuivait sur une autre salle au centre de laquelle trônait un grand bassin rectangulaire, carrelé de jade. Mes yeux repérèrent le mécanisme ingénieux servant à amener l'eau courante dans cette piscine précieuse. Des pétales de roses blanches flottaient à la surface d'une eau encore fumante et délicieusement parfumée d'huiles essentielles. Il y avait des marches pour descendre progressivement. Ino me rejoignit et s'enthousiasme dans mon dos.
« -Allons-y ! Je me suis permise de distiller un peu de paillettes d'or. Il paraît que c'est bon pour la jeunesse de la peau. Ma grand-mère m'a même affirmé que certaines impératrices ingurgitaient un peu d'or pour rester jeunes éternellement ! »
Foutaises. Je ne connaissais qu'une seule personne en ce monde capable de conserver une apparence de femme fatale, même si elle avait passé les cinquantaines balais. C'était mon maître et elle usait d'une quantité de chakra importante à cette fin. Cela requérait une maîtrise parfaite et des années d'entraînements. Mange tout l'or que tu veux ma belle, ça ne fonctionnera pas. Pire, tu ne réussiras qu'à empoisonner ton sang et te diriger vers une mort lente et douloureuse. Ahlala. Que j'adorais les diagnostiques.
Je me déshabillai lentement. Après tout, une bonne trempette me ferait du bien. Autant me relaxer avant la délicate opération à venir. J'étais nue devant la blonde Yamanaka et ne ressentait aucune espèce de pudeur. Avec Shizune-senpai et Tsunade-sama j'avais l'habitude de côtoyer la promiscuité des bains publics. Pas de quoi faire un drame pour un sein dévoilé, a fortiori entre femmes. Mes orteils plongèrent contre la première marche et j'effectuais ma descente dans la chaleur et l'humidité. Mes ennuis parurent s'évaporer à l'instar de la vapeur des eaux.
« -Tu n'as pas défait tes cheveux... soupira Ino qui me suivait avec aisance, ayant terminé de détacher les siens. Ahm...l'opération se passera bien ?
-Aucune idée. Il y a plusieurs données auxquelles je réfléchis et dont l'empereur doit être conscient.
-Je t'en prie, sauve-le, dit-elle avec une autorité de princesse.
-Vous...ne le connaissez même pas.
-Non, mais ce palais sera mon tombeau si l'empereur disparaît. » Et elle ne put s'empêcher de se recroquevillée dans un coin du bassin pour ponctuer sa tirade victimaire. Voilà. Qu'est-ce que je disais ? Ce château était dangereux, cruel. La gueule du loup. Shizune-senpai, si je m'en sors vivante, il faudra qu'on ait une discussion toi et moi.
Et nous communiâmes avec le silence suite à ce funeste présage. Je n'étais plus d'humeur à engager une discussion courtoise. Il me fallait recentrer mes pensées sur mon objectif. De temps à autre, la nymphe promise au trône effectuait quelques brasses et me jetai des œillades incertaines. Avant d'être fripées comme des vieux pruneaux, nous sortîmes du bain tiède. Il était désormais question d'examiner la tenue que m'avait réservée Ino-sama.
Et c'était un non. Pas question que j'enfile ça.
⁕⁕⁕
Je pressai le pas. Mes sandales de bois tintaient tantôt contre un parquet laqué, tantôt contre le dallage d'une des nombreuses cours qui composaient le palais impérial. J'étais essoufflée et mon kimono me pesait dans ma course. Trop de couches compressaient ma poitrine et mon abdomen. Tenten avait ridiculement serré le obi. Je descendis un escalier à la volée, manquant de me briser la nuque à cause de ma précipitation. J'avais été convoquée au Pavillon de la Lumière Céleste (Amaterasu), de toute urgence. Au creux de ma paume, dormait encore le rouleau estampillé du sceau des Uchiwa.
Des shinobis m'ouvrirent les portes de cet antre impériale. C'était dans ce pavillon sacré que l'on avait déplacé le trône de l'empereur - à sa demande, depuis le début de son règne. L'allée principale me parut interminable et mes pas hâtés résonnaient entre les murmures de courtisanes vaniteuses et de ministres intriguants. A quelques mètres du siège de pouvoir, je tombais à genou comme l'exigeait la coutume. Avant de rencontrer le sol froid, j'avais aperçu la silhouette ténébreuse de l'empereur, entourée de ses fidèles conseillers. Il y avait le stratège Nara, le ministre Hiashi - accessoirement mon père, et le général Hatake.
« -Hinata Hyuga, » déclama le souverain sur un ton glacial.
« -Heika*-sama, j'ai pris connaissance de l'ordre impérial. Je...je... »
Je perdais tous mes moyens lorsqu'en redressant mes prunelles nacrées, je découvris les yeux bandés de sa majesté.
« -Je..j'accepte l'ordre...
-Ton père m'a assuré que tu avais des prédispositions en ninjutsu médical. »
Là, je commençais à paniquer. Les femmes de l'empire étaient autorisées à pratiquer le ninpô (art ninja) à une seule condition : être célibataires. Les épouses devaient renoncer définitivement à l'utilisation du chakra. Cette tradition prenait racine dans les lois patriarcales du pays. Etait-ce un piège ? Puisque j'étais presque unie au prince Sasuke, n'aurais-je pas dû poliment décliner l'ordre ? Non. Cela m'aurait envoyée au billot.
« -Tu assisteras donc le médecin durant l'opération, ce soir. »
Je sentais toute la crispation de mon paternel, humilié une nouvelle fois. Sa fille courbée devant un monarque qui l'avait éconduite et refusée. Sur ce, j'aperçus mon interlocuteur quitter son trône richement orné et toute la salle s'agenouilla dans le même élan. Une crainte sans nom semblait s'être abattue sur leurs épaules, contraignant leurs jambes à se dérober pour se soumettre à la figure effrayante de leur suzerain. Il quitta le pavillon escorté de son garde personnel et du général Hatake par un chemin arrière. Au moment où il disparut ses sujets redressèrent l'échine, soulagés. Les palabres reprirent de plus belle. La santé de l'empereur était au cœur de toutes les préoccupations. Et certains osaient à demi-mots suggérer que mon futur époux prenne le relais et réclamaient l'abdication de l'actuel dirigeant. L'heure était ainsi grave ? Tout se jouait sur cette opération.
Les grandes portes s'ouvrirent, ce qui imposa un semblant d'ordre.
« -Le Prince Sasuke Uchiha et le prince Naruto Uzumaki ! » annonça le ninja qui faisait office de page dans ce pavillon. Sa voix grave avait résonné fatalement en échos et comme un seul homme, la petite assemblée s'inclina.
« -Alors ! On est en retard ?! S'exclama Naruto, en remontant l'allée. »
Et pas qu'un peu. Le spectacle était fini. Pour ma part, le mien ne faisait que débuter et la levée de rideaux sur le jeune homme blond et exubérant n'avait fait que ravir le moindre de mes sens. Ma vue, tout d'abord, émerveillée par la beauté du prince. Ensuite mon ouïe, fébrile à l'entente du timbre enjoué. Enfin, mon odorat, lorsqu'arrivant près de moi, son parfum électrisant m'enveloppa. Nos yeux échangèrent une salutation silencieuse et les siens finirent par descendre sur mes lèvres carmines. Désormais, le spectacle, c'était nous.
« -Naruto, le rappela à l'ordre son homologue, d'une voix sombre. »
Il s'écarta lentement de moi et à la vue de mon fiancé, j'effectuai une révérence élégante, mais hâtée. Il ne m'accorda guère une attention et poursuivit à l'adresse de son « frère » :
« -L'empereur est déjà parti.
-Tu ne salues pas, Hinata-san ? Lui fit remarquer Naruto, gravement, et mon cœur ne fit qu'un bon. Ils se défièrent du regard quelques secondes, sous les airs ébahis des courtisanes et autres lèche-bottes. Kuso, Sasuke ! C'est ta fiancée, rajouta-t-il en grinçant des dents, tu pourrais au moins la saluer ! »
Il n'était pas rare de voir ces deux-là se prendre le bec. C'était un rapport de force constant. Une rivalité dont je ne saisissais pas bien les tenants et aboutissants mais qui remontait maintenant à une vingtaine d'années.
« -Je n'ai pas donné mon consentement pour cette union, » trancha finalement le brun. Il passa à mes côtés, continuant de m'ignorer, et pris la tangente par la sortie arrière du pavillon. Et alors ? Hurlai-je dans ma tête. Moi non plus je n'ai pas eu mon mot à dire !
« -Sasuke ! » cria le blond en se mettant à sa poursuite après m'avoir gratifié d'un sourire désolé.
Alors, tous les regards se tournèrent vers moi. Je fis fi de l'humiliation puisque le prince Sasuke Uchiwa venait clairement de me refuser en public. Contrairement à l'empereur, qu'il n'était pas, il n'aurait pas plus le choix que moi. Mon poing se serra et je quittai les lieux à mon tour, enragée.
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« - Je suis médecin, pas courtisane...un kimono aussi luxueux ne serait pas pratique à porter durant la délicate opération que je m'apprête à mener, Ino-sama, »
J'essayais de la convaincre pour la énième fois du bien-fondé de mon refus. Agenouillée, je fouillais dans mes affaires à la recherche de mon hanfu* rose, de mes bas noirs et de ma blouse de docteur. Je sentais les yeux d'Ino me fusiller, transperçant chez moi ce qui pouvait exister de cœur et de poumons. Je l'avais contrariée, voire vexée en déclinant poliment sa générosité. Elle en avait fait bien trop pour moi et il était désormais temps de se séparer. Cette princesse gâtée ne comprenait pas les enjeux qui me liaient à ma mission. Si j'échouais, j'aurais les yeux crevés ou arrachés. Un brin d'agacement agita mon esprit consterné et mes mains tremblaient. Mauvais signe.
« -Penses-tu vraiment que tu quitteras ce palais ? me demanda-t-elle avec un peu d'amertume.
« -C'est le marché conclu, Ino-sama. Je soigne l'empereur et je retourne de là où je viens, soupirai-je. »
Je l'entendis ricaner dans mon dos, puis elle déglutit bizarrement l'un de ses rires insupportables, m'obligeant à me retourner, inquiète. Sai était apparu comme par enchantement à l'entrée de la pièce. Un sourire glacé sur son visage fade donnait tout de suite le ton. Le soir était déjà là ? Shannaro ! J'avais perdu trop de temps à ergoter sur ma tenue avec Ino. Et ce foutu bain, combien de minutes nous étions-nous prélassé dedans ? Et puis mon sommeil semblait avoir duré des heures.
« -Sakura-san. Je dois vous mener à la salle d'opérations, désormais. Êtes-vous prête ?
-Ai-je le choix de ne pas l'être ?
-Bien sûr. Nous avons toujours le choix. Et les conséquences qui l'accompagnent. Je vais porter vos affaires. »
La future impératrice bouscula Sai, qui s'était rapproché pour exécuter ses paroles, et m'enlaça avec une force désespérée. Elle me souhaita à l'oreille, d'un soupir ardent, toute la chance du monde. Je la sentais crispée contre moi, retenant son souffle saccadé. Et puis, dans un dernier murmure, elle articula : « Nous sommes amies, maintenant. » Je la remerciais du bout des lèvres, partagée entre la gêne et la reconnaissance. Ce fut la seule habitante rencontrée qui m'avait gratifié d'autant d'attention et de gentillesse.
Nous rendîmes Yamanaka à la solitude de sa prison dorée, et je parcourais en sens inverse le long couloir aux lanternes rougeâtres, dont l'air était saturé d'encens. Je suivais mon guide d'un pas déterminé. Peuà peu, mes repères se construisaient et je parvenais à me remémorer vaguement le trajet parcouru avec Naruto. Je reconnus les portes, les cours, les jardins et quelques pavillons. Mes yeux se fixaient sur des points précis qui me serviraient d'images mnémotechniques. Je remarquais également la vie discrète qui agitait le palais en cette toute fin d'après-midi. Les domestiques qui s'activaient en bavardant, les shinobis vigilants, les courtisanes en promenade et les ministres en chemin pour leur devoir. Personne ne semblait se soucier de l'opération qui allait se dérouler. Ou alors, ils cachaient tous très bien leur préoccupation, ce qui n'était pas à négliger dans un monde d'étiquette et de pouvoir.
Nous parvînmes enfin dans le pavillon concerné. Des étendards imprimés aux couleurs des Uchiwa battaient au vent à chaque coin du toit. La bâtisse était impressionnante, un véritable monstre d'architecture traditionnelle ; Un bijou en terme de décorations, de matériaux travaillés et de finitions. Toutefois, Sai ne me laissa pas le loisir de contempler davantage et je dus entrer à la hâte. Une anti-chambre aux tatamis odorants et presque dépourvues de mobiliers nous accueillit. Je reconnus des silhouettes déjà abordées, comme Naruto tête-de-melon et son acolyte brun vêtu d'un haori bleu foncé et d'un hakamanoir. Son haut blanc présentait un éventail rouge à son encolure. Et je remarquais avec appréhension le katana qui pendait à sa taille. La panoplie du parfait petit salopard - excusez-moi du terme.
« -Voici le prince Sasuke Uchiwa, » me présenta sans entrain Sai. Comment faisait-il pour sourire autant ? N'avait-il guère de crampes à la mâchoire, et surtout : souriait-il toujours en toutes circonstances. Bonjour, je suis Sai : sourire. Bonsoir, vous allez être exécuté : sourire.
« -C'est le frère cadet de Sa Majesté, » précisa-t-il.
Ah, cela changeait tout. Je me sentis obligée de m'incliner mécaniquement, dénuée du moindre enthousiasme. Sitôt cette formalité exprimée, je me redressai pour ancrer mes prunelles émeraudes dans les siennes.
« -Et moi aussi, je suis un prince, pourquoi tu le dis pas, Sai ?! brailla Naruto en croisant les bras sur son armure abîmée.
-Ne nous ennuie pas, Naruto, intervint autoritairement Sasuke. »
Enfin un peu d'action ! Mon for intérieur avait une terriblement envie d'entrer dans la baston, mais je me contenais.
« -Je suis là pour m'assurer que les volontés de l'empereur soient respectées, » poursuivit-il en me fixant sans ciller. « Si jamais l'opération échouait. Ou qu'il en mourrait. »
Inutile de préciser, cher prince, ironisai-je en silence, je l'avais bien compris. Merci pour le coup de pression. D'un autre côté, me corrigea mon for intérieur,tu ne peux pas nier qu'à défaut d'être affable, il est beau. Oh, la ferme.
« -Je n'échouerai pas, Ôji-sama*. J'ai connu plus coriace. »
Faux. Mais il fallait sauver les apparences. Pardonnez-moi pour ce mensonge, Tsunade-sama. Et pour ce que j'allais dire ensuite, qui franchit mes lèvres avant même de passer le filtre de la censure :
« -Vous n'êtes pas là d'avoir la couronne tant que je veille sur sa santé. »
Il tressaillit. Cette masse de glace noire toute entière frémit au son de ma voix et au sens de mes paroles. Son corps demeurait raide comme un piquet, mais ses pupilles ébranlées étaient secouées de rage ? De surprise ? Un savant mélange de ces deux émotions, et de tant d'autres encore qui avaient fait éclater la lueur sanglante du sharingan à trois virgules. Je vis ses doigts frôler le mekugi* de sa lame. Sai souriait toujours, bordel. Qu'il le fasse, allez. Qu'il dégaine son katana. Mon poing ganté s'était déjà serré, prêt à l'expédier contre le mur le plus proche pour qu'il s'y encastre avec grâce.
« Oï ! Sasuke ! » intervint le blondinet, en l'attrapant par le bras. « -A quoi tu penses là ?! Hors de question que tu lèves la main sur Sakura-chan.
-Elle est agaçante et me manque de respect, répondit mon interlocuteur privilégié.
-Elle va sauver ton frère. Oublie pas. »
L'Uchiwa se dégagea sèchement de l'emprise du jeune homme. Ce dernier m'envoya un regard implorant et je poussai un soupir en m'inclinant encore :
« -Veuillez me pardonner, Ôji-sama. »
Pas de réponse, seulement une lente et maîtrisée expiration. D'une rapidité que je n'aurais jamais cru humaine, il vint à ma rencontre et agrippa avec fermeté mon poignet droit. Son dôjutsu se planta directement contre moi. Je ne pouvais nier son charisme ainsi paré de la puissance héréditaire de son clan. Il m'effrayait et m'attirait à la fois, deux sentiments que les prédateurs induisaient à leur proie.
« -Tu es une kunoichi. » persifla-t-il, les dents serrées.
Il faisait allusion à mon poing. Avait-il vu au travers de sa technique pupillaire, mon chakra amassé ? Avait-il pu, grâce à ce pouvoir, anticiper mon coup ?
« -Je préfère le terme de médic-nin, rectifiai-je. »
La légendaire Tsunade ne m'avait pas seulement enseigné les techniques médicales. Etait-ce si étonnant ? Je n'étais pas que son élève. J'étais surtout sadisciple. Et la nuance faisait toute la différence.
« -Sasuke-sama, déclara Sai. Nous n'avons plus le temps.
-Amène-la. Nous attendrons. »
Au lieu de relâcher l'emprise de ses doigts autour de mon poignet, il la renforça. Je fronçai les sourcils. Alors, le sharingan s'éteignit dans une mer d'encre noire. Je demeurais impressionnée par cette démonstration de force. Enfin, il me libéra et je pus m'éloigner, fidèlement escortée par Sai.
La pièce suivante officiait de bloc opératoire . J'aperçus deux tables en acier, recouvertes d'un drap de soie blanc. Il y avait un puits de lumière au plafond qui dirigeait directement les rayons de l'astre solaire au cœur de l'endroit. Mon guide déposa mes mallettes sur une table. Tout respirait le propre, et rien ne venait encombrer inutilement les lieux. Je me déplaçai pour sortir les instruments nécessaires à mon opération et les placer sur un chariot mobile. Mes cheveux étaient attachés grâce à mon ruban blanc et j'enfilai un masque de chirurgien. Concentrée, je n'avais pas remarqué la présence discrète d'une jeune fille. En l'apercevant, je sursautais, surprise. Pourquoi se terrait-elle dans un coin ? Brune, avec une poitrine au moins aussi opulente que Tsunade, elle me fixait timidement.
« -Voici, Hinata-sama, » me présenta Sai. « Elle sera votre infirmière durant l'opération, sur ordre express de Sa Majesté. »
Il s'inclina respectueusement devant elle, puis lui adressa quelques mots : « Hinata-sama, je vous présente Sakura-san. Elle pratiquera l'opération. »
Elle approcha et voulut me parler, entrouvrant doucement ses lèvres délicates mais les portes grincèrent sur la venue de l'empereur et de son garde personnel. Mon patient signifia immédiatement à Sai de quitter les lieux. Ce dernier s'exécuta comme un automate et nous fûmes à quatre voix, entre intimes. Le monarque était vêtu d'un simple peignoir de coton et ses yeux continuaient d'être désespérément bandés.
« -Heika-sama, » saluai-je en courbant l'échine et du coin de l'oeil, j'assistai au même mouvement de la part d'Hinata.
« -Bien. Je vous écoute, me dit-il sans bouger.
-Je vais tenter de vous injecter une protéine que mon maître a réussi à synthétiser à l'aide de diverses plantes. Elle est censée régénérer le nerf optique. Puis je vais devoir faire une ablation des calcifications qui endommagent votre nerf. Sachez que...si cela échoue...
-Échouer. Et sa langue claqua sèchement.
-Oui, repris-je assurée, il restera l'option de la greffe, si un donneur potentiel existe...
-Votre frère cadet, me coupa le garde personnel. »
J'allais poursuivre en expliquant que ledit donneur devait être mort récemment, etc. afin de ne pas priver un innocent de sa vue, aussi injustement.
« -Nous n'en arriverons pas là, sourit froidement l'empereur. J'ai d'autres moyens de tenir mon petit frère en respect que de lui briser la vue. Bien. Commençons, comme il a été convenu, par mon garde personnel. J'apprécierai que vous l'opériez avant moi, pour m'assurer que je ne cours aucun risque avec cette intervention. »
Anko me l'avait déjà prédit, mais je redoutais le moment de la confirmation. Inutile de donner mon consentement ou mon refus, puisque le garde se défaisait déjà de son armure encombrante. C'était ridule d'opérer un homme qui ne présentait aucune pathologie. La démence et la paranoïa du souverain faisaient abstraction de toute empathie envers les autres. Vêtu d'un simple hakama et torse nu, désormais, le shinobi s'allongea sur l'une des tables avant de retirer son grand chapeau de paille. Il défit le ruban qui nouait sa longue chevelure noire à la base de sa nuque et je m'approchai lentement, incertaine pour découvrir ses yeux qui souffraient d'une relative hémorragie. Prise de stupeur, je plaquai une main contre ma bouche pour retenir un hoquet de surprise. Etait-ce une plaisanterie?!
« -Je suppose que vous avez découvert qu'il présentait des symptômes similaires aux miens. Procédez. » ordonna l'empereur.
Je fis signe à Hinata d'apporter le chariot, et elle obéit sans broncher, toute blême.
Je ramassais une pipette qui trempa dans un liquide anesthésique avant de l'inoculer dans les yeux grands ouverts du patient. Ce dernier se crispa dans un spasme court. C'était douloureux, je sais. Ses pupilles se rétractèrent immédiatement. La minute suivante, mon assistante me passa une seringue et il me fallut glisser l'aiguille creuse sous la paupière pour injecter la solution protéinée. Mon coeur battait de manière irrégulière et sur mon front, des perles de sueurs brillaient d'un éclat terne. En redressant mon regard, je croisais celui d'Hinata qui m'aidait en maintenant ouvert les yeux du garde. Elle articula quelque chose, mais aucun son ne franchit sa bouche. Elle répéta, quitte à ressembler à un poisson hors de l'eau. Il me fallut tenter de lire sur ses lèvres.Que voulait-elle dire, bon sang ?
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