Début des rites.



«-Alors, c'est toi, Sakura Haruno.»

Le ton était déplaisant, la voix aiguë et grinçante. Je m'étais retrouvée nez à nez avec ce qui m'avait tout l'air de ressembler à une sorcière. Nous venions de nous croiser sur l'esplanade fleurie du pavillon pourpre interdit. Cette inconnue possédait une chevelure de braise et des yeux aux teintes violines. Son hanfu était aussi impudique, sinon davantage, que celui que je portais. Pourtant, l'habit lui allait mieux, seyant comme un gant à ses formes féminines. Je restais silencieuse, bouche entrouverte par l'incompréhension.

« -Sale petite insolente, montre tes respects à Karin! S'insurgea la servante qui accompagnait la rouquine. Hein? C'était qui Karin? J'avais déjà un mal fou à exprimer du respect à l'empereur, alors envers une femme au nom aussi banal. Je serrai mon poing. La matinée touchait presque à sa fin et depuis la veille, je n'avais avalé qu'un maigre petite-déjeuner – composé d'une soupe miso (froide de surcroît) et d'un bol d'algues et de riz. Autant dire que je crevais de faim ce qui me rendait irritable. Elles avaient envie de s'y frotter. Réellement?

« -J'ai entendu dire que tu avais partagé la couche de l'empereur est-ce vrai ? » demanda impoliment la dénommée Karin. De quoi je me mêlais? Cette mésaventure dans les quartiers impériaux ne concernait absolument pas le reste du palais. Et si les murs immuables des pavillons avaient enfanté une telle rumeur, alors je devais davantage me méfier.

«-Vas-tu répondre ?! intervint de nouveau la domestique, ce qui eut le don de m'agacer. Il me fallait a priori leur faire ravaler ces rictus insolents.

« -Occupez-vous de vos affaires. Sur ce. » déclarai-je froidement en inclinant uniquement la tête. Je devais passer afin de regagner le reste du palais. L'entrevue avec mon Maître allait bientôt débuter. Un rendez-vous que je ne manquerai pour rien au monde.

« -Sale petite conne! S'exclama la rousse, m'attrapant vivement le bras et levant sa main dans un geste menaçant. Par-don?! Elle oserait me gifler et signer son arrêt de mort ? Mais elle ne s'exécuta pas, puisqu'on venait de bloquer son mouvement. Je redressai mes yeux plein de colère sur Shisui Uchiwa dont l'apparition venait de nous éviter une tragédie.

«-Comment oses-tu?! s'égosilla-t-elle à l'adresse du garde, folle de rage.

-Désolé, Karin. Mais l'empereur m'a demandé de veiller à sa sécurité.

-Ah bon?! Souffla-t-elle avec mépris avant de poursuivre sur un ton ironique ; -Que pourrait-elle bien risquer au palais ? »

Le brun ne répondit pas et se contenta d'une œillade chargée de sous-entendus. Il fallait qu'elle comprenne le message : il n'était pas dupe. Elle finit par me lâcher et reculer.

« -Je n'en ai pas fini avec toi. » ponctua-t-elle en quittant les lieux avec hystérie, talonnée par sa vulgaire servante. Mon ancien patient se figea face à moi pour m'examiner, s'assurant que je n'étais pas blessée et qu'il était arrivé à temps. Satisfait, il m'offrit un maigre sourire.

«-Tu viens de faire connaissance avec la concubine favorite de l'empereur.

-Favorite ? Elle ?! M'étranglai-je, surprise. Puis je repris mon sérieux. Cela n'avait aucune espèce d'importance. Les affaires de cœur du souverain ne m'intéressaient pas. -Est-ce l'empereur qui vous envoie ?

-Oui. Je dois te mener jusqu'à la légendaire Tsunade. »


◊◊◊


Nous franchissions les merveilleux sentiers du Jardin Est. C'était le plus grand du château, et le plus secret. Situé dans les zones éloignées, bordant la maison des concubines, il comportait tout ce qu'il y avait de plus magnifique en terme de flore : des fleurs exotiques aux plantes esthétiques, il était entretenu par des dizaine d'ouvriers-jardiniers, chaque jour de l'année. Même l'hiver. Je pressentais l'intérêt de Sakura pour ce spectacle. Je ne pouvais nier qu'elle était belle et les bouquets colorés du parc la sublimaient. A proprement parler, je comprenais qu'Itachi eut été séduit ; non seulement par ses compétences médicales, mais également par ses atours féminins. Il n'avait sans doute pas su voir au-delà de la femme ; un réflexe sexiste assez courant au sein de notre clan. Toutefois sa beauté et son intelligence ne la sauveraient pas des codes établis au palais. Sa méconnaissance de l'étiquette et des règles, ainsi que sa vilaine habitude de défier les autres, mettaient en péril sa sécurité. L'empereur, l'avait rapidement compris ; aussi m'avait-il ordonné de veiller sur elle.

Une tâche ingrate, soyons clairs.

A cette heure-ci, j'aurais dû être à la frontière avec Kiri. En mission d'espionnage.

De plus, il était difficile d'oublier le goût fleurie de sa peau satine, ainsi que le toucher soyeux de son derme, et l'intimité brûlante de sa féminité. C'était la première fois que le protocole de sécurité m'avait troublé, au point de m'effrayer. Je soupçonnais mon ami d'avoir volontairement omis qu'il n'était pas nécessaire ce soir-là, afin que je ne puisse pas le juger d'avoir succombé. Je sentis le besoin de presser le pas, pour mettre un maximum de distance entre Sakura et moi.


◊◊◊


J'espérais que mon maître allait bien. Je n'osais poser la question au garde Shisui. Me répondrait-il seulement ? Évidemment, durant le trajet, il s'était contenté d'une cadence quasi-militaire et d'un silence absolu. Inutile de ressasser l'humiliation qu'avait été de partager mon premier baiser avec cet homme. Il agissait comme un parfait étranger – ce qu'il était. Ne l'avais-je pourtant pas opéré ? Ne m'avait-il pas touché ? Je contractai solidement mon poing droit. Un jour, je le jurais devant les dieux de l'univers, je lui ferai cracher des excuses sincères. Le paysage éblouissant du jardin Est avait laissé place au boulevard qui traversait le complexe impérial. J'avais dénombré pas moins de trente espèces rares et en voie disparition en bordure des sentiers, et désormais j'observais l'agitation des habitants du palais. Ces derniers se figeaient à mon passage et les domestiques s'inclinaient avec respect – je n'aurais su dire si c'était à l'attention du garde personnel de sa majesté ou de la concubine que j'étais. Les courtisanes me gratifiaient de regards curieux et insolents tout en gloussant devant l'Uchiwa., les joues rosies. Je me demandais quel degré de parenté le liait à l'empereur puisqu'ils appartenaient à la même famille.

Nous montâmes en vitesse la pente menant au pavillon de la Lumière Céleste dont les portes s'ouvrirent avec solennité. Les souvenirs me submergèrent lorsque je redécouvris cette merveilleuse salle du trône, aux couleurs chatoyantes et aux décorations précieuses. Les emblèmes impériaux aux couleurs des Uchiwa avaient été suspendus aux charpentes. Ces bannières brodées retombaient lourdement à quelques centimètres du sol, créant une forêt de tissu luxueux. Aucun signe de vie ne transpirait entre les cloisons et les piliers de bois, simplement mon souffle régulier et les pas feutrés de mon « protecteur ». C'était en ce lieu que j'avais découvert la supercherie que ces deux lascars avaient monté lors de l'opération. Siégeant en tailleur sur son trône doré, l'empereur Itachi ressemblait à une statue de marbre. Aucune émotion ne colorait son visage et malgré les reflets colorés de la pièce, il était désespérément pâle. Une pression insistante sur mon épaule droite m'obligea à ployer le genou.

« -Votre Majesté », soufflai-je doucement. Je n'avais jamais autant vu le parquet de si près. La traîne de mon kimono s'étendait autour de mes jambes repliées.

« -Chose promise, chose due, l'empereur n'a qu'une parole, » déclara le souverain, et il étira un fin sourire avant de quitter le siège de pouvoir pour descendre de son estrade. « Redresse-toi. » ordonna-t-il lorsqu'il ne fut plus qu'à un pas de moi et j'obéis mécaniquement. Nos yeux se défièrent quelques secondes et il amorça un geste qui me choqua, rapprochant nos figures. Non. Son garde s'interposa dans la volée et expliqua d'un ton sévère :

-Pas sans protocole de sécurité.

-Hn, admit-il en ayant un regard contrarié à l'adresse de son bras-droit.

-Je l'amène jusqu'à la légendaire Tsunade, trancha finalement Shisui. Tu devrais te préparer pour ce soir. Tes noces débutent et déjà la cité de Konoha est en liesse. Fais-leur oublier Kiri un moment.»

Et surtout, faîtes comme si je n'étais plus là.


◊◊◊


Début des hostilités. Devant le miroir de ma coiffeuse, je pestais contre des cernes que j'avais moi-même créée en me refusant à Morphée. L'excitation avait coulé dans mes veines tout au long de la nuit, et ce matin je découvrais avec stupeur et horreur que cette nouvelle journée marquait le début de mes noces. Ma robe de cérémonie était étalée avec le plus grand soin sur mon lit et brillait de milles feux. Faite d'or et brodée de fils en saphir, elle ravissait chaque regard que je posais sur elle et j'imaginais à quel point sa soie serait douce contre les courbes de mon corps. Dans l'ombre, je distinguais mes caméristes s'agiter en murmurant, aussi excitées que moi à l'idée qu'enfin, je me mariais.

« -Ojo*-sama, » souffla la plus téméraire en approchant à pas d'oiseau, incertaine. « -Le médiateur de vos noces ainsi que votre estimé père seront bientôt là afin de vous apporter votre trousseau et votre livre d'investiture. Nous devrions vous habillez.

-Un instant ! Réclamai-je en levant ma main pour les arrêter dans leur élan. Je me redressai vivement sous leurs regards ébahis et me précipitai vers la terrasse de mes appartements avant de descendre à la hâte les marches du perron pour courir à travers le jardin. Mes doigts fébriles défirent ma coiffure sophistiquée. Une dernière fois, je voulais sentir la brise printanière glisser contre mon visage. Il me fallait m'essouffler, me salir, sauter au-dessus du petit étang artificiel et les cris inquiets des servantes restées en retrait n'y changeaient rien. Libre une dernière fois. Le cœur battant, j'admirais le ruban immaculé au creux de ma paume tremblante. Bientôt, je l'offrirais à mon époux et il y mettrait le feu. Un frisson d'appréhension secoua mon échine raide. Enfin, un ultime coup d'œil à l'horizon lointain dont je deviendrais la souveraine.


◊◊◊


Nous avions contourné le trône impérial et nous nous étions engouffré dans la partie arrière du pavillon qui consistait en une coursive desservant plusieurs pièces. Loin des couleurs aveuglantes de salle précédente, les lieux souffraient d'une pénombre secrète. A ma droite, Shisui coulissa soudainement une cloison sombre et m'indiqua d'un signe direct d'y pénétrer. Tsunade-sama. A cet instant, je n'avais que vous en tête. La porte se referma avec brutalité derrière mon passage., mais à travers le fin papier qui la composait j'apercevais la silhouette du brun menaçante et discrète. Il nous laisserait un semblant d'intimité bien que ses oreilles ne fussent guère très loin. Je préférais pourtant cs dernières plutôt que ses yeux. Les miens se mirent à scruter l'endroit à la recherche de mon maître. Et je la vis, à la lueur d'une ampoule nue, agenouillée au centre des tatamis, les mains liées sur ses cuisses. Elle était vêtue d'un simple yukata gris et ses cheveux détachés ombraient sa figure amincie. Je me hâtai de la prendre dans mes bras ce qui parut la surprendre car je la sentis sursauter contre moi.

« -Sa...sakura... » souffla-t-elle et sa voix familière me transporta de bonheur. Je ne sus retenir une pluie de larmes que j'épanchais contre ses mèches blondes.

-Oui, Tsunade-sama. C'est moi... »

A regret, je remis un peu de distance entre nous. J'aurais souhaité la garder contre moi pour l'éternité et que nos cœurs battent à l'unissons comme autrefois ; Ce temps à la fermette paraissait définitivement révolu. Ses yeux en amande me fixèrent avec sévérité. Et son sourire pincé m'indiquait à quel point, elle s'était inquiétée pour moi.

« -Tu as été complètement inconsciente ! Sakura. » trancha-t-elle. « -Tu aurais dû fuir, continuer à fuir !

-Je....

voulus m'expliquer, mais elle me coupa en grondant :

-Tes cheveux ?!

Elle se pencha, paniquée, levant ses deux mains jointes afin que ses doigts agiles s'emparent de mon ruban carmin. Ma respiration se suspendit douloureusement dès qu'elle tira sèchement dessus pour l'arracher à ma chevelure.

-Hors de question que tu sois concubine !!! cria-t-elle en broyant la pièce de tissu au creux de ses poings enragés.

-C'est pour vous sauv...

-Non ! Je ne t'ai pas éduqué ainsi, Sakura. Tu es MA disciple. Tu es MON élève. Tu es...»


◊◊◊


La fille que je n'ai jamais eu. Mes lèvres ne purent l'articuler. J'aurais dû m'en douter à la seconde où la traîne de son riche kimono avait frôlé le sol de la pièce. Ce décolleté impudique, ces bijoux excentrique...jusqu'à ce ruban dangereux. Nous devions trouver une solution. D'urgence. Je la contemplais, si pâle, ses airs larmoyants et perdus. Les envies contradictoires de la secouer et la réconforter en même temps m'irritèrent. La présence de Shisui Uchiwa m'empêcherait de prendre la fuite. Il m'avait vaincu une première fois, et il serait capable de réitérer l'exploit. Et risquer la vie de Sakura dans une tentative d'échappatoire désespérée n'était pas envisageable. Il fallait la jouer fine et subtile. Aussi, je baissai d'un ton :

«-Ecoute. Tu vas devoir te préparer une potion contraceptive.

-Tsunade-sama, soupira-t-elle, nerveuse, ils ne me laisseront jamais accéder aux laboratoires du palais.

-Je sais ! C'est pourquoi, je vais prescrire moi-même à l'empereur un remède pour te maintenir en forme. Nous dirons qu'il est nécessaire pour ta santé. Les médic-nins du château la prépareront sans broncher si cela vient de moi.

-Oui, approuva-t-elle gravement.

-Ensuite, tu dois absolument prendre contact avec le prince Naruto Uzumaki. Il a été l'élève du pervers Jiraiya pendant un moment. Ne fais confiance à personne d'autre qu'à lui. Il trouvera un moyen de contacter Jiraiya pour qu'il nous vienne en aide.

-Oui, je l'ai déjà croisé mais...

-Et ! Repris-je avec autorité. N'abandonne pas ton entraînement. Tu n'es pas loin de parachever la technique du Byakugô no In .

-Je...on me l'a interdit...murmura-t-elle avec agacement, jetant un coup d'oeil vers la porte.

-Trouve une solution pour outrepasser cette interdiction. Shizune est ici. Ils la gardent au palais, elle t'aidera à poursuivre l'entraînement. Nous allons nous battre, Sakura. Compris ? »

Et sa figure pâle s'illumina du feu de la détermination. Je retrouvais enfin ma disciple. Ce fut à mon tour de passer mes bras par-dessus sa tête, et de la prendre contre moi. C'était peut-être un adieu, Sakura.


◊◊◊


« -Hinata-sama, » me souffla Tenten à l'oreille, alors qu'elle avait pressé le pas pour se joindre à ma hauteur. « -Neji-sama est là. »

Je redressai mon attention sur le petit pont que nous nous apprêtions à franchir. De l'autre côté, mon cousin patientait. Il avait intercepté mon chemin de promenade à travers les jardins extérieurs. Par souci d'étiquette, ma servante arrangea rapidement ma coiffure et le col de mon kimono sombre. Puis, elle se dépêcha de faire la même chose sur elle, ce qui m'arracha un faible sourire. Elle qui n'était jamais coquette...Mes sandales claquèrent régulièrement contre le bois du pont et l'eau en contrebas s'écoulait paisiblement, emportant dans son léger courant la nage gracieuse des poissons. Le membre de la Bunke vint à notre rencontre, aussi raide qu'un manche à balai, le visage complètement fermé. Il s'inclina respectueusement devant moi. Son armure aux couleurs du clan Hyûga luisait sous le soleil du printemps. Je lui rendis timidement son salut, sachant que nos relations n'avaient jamais été au beau fixe. Tenten m'encouragea en me donnant un discret coup de coude, et je me crispai dans une grimace complaisante.

« -Neji-niisan. Je...ne m'attendais à...vous trouver ici...

-Votre soeur m'a dit que vous appréciez vous promenez ici, alors je suis venu, répondit-il sobrement.

-Et que me vaut cette rencontre ? »

Silence. Et je remarquai ses yeux nacrés dévier vers ma domestique qui s'empressa de baisser les siens. La vent éphémère se joua de nos chevelures un court instant, tandis que nous restions plantés au milieu du sentier.

« -Je vous ai trouvé courageuse, » reprit-il en me fixant de nouveau. « -J'ai connu des soldats moins braves que vous sur le champ de bataille, Hinata-sama. Vous opposez à votre père.

-Ce fut un échec, répondis-je, assez amère.

-Non. Au contraire. J'ai entendu dire que l'empereur organisait un tournoi pour ses noces. Dans quelques jours. J'y affronterai le prince Sasuke pour vous. Si je sors vainqueur, je serai en droit de réclamer un dû. »

Ma mâchoire se décrocha de surprise. Cette annonce était si soudaine. Je tournai ma figure vers Tenten dont l'expression figée de stupeur me laissa entrevoir le même désarroi.

« -Pourquoi ? M'empressai-je de demander.

-Il est parfois important de se sacrifier pour sa famille. »

Il s'inclina de nouveau et reprit sa route, passant aux côtés de ma servante – la frôlant d'un rien. Je remarquai qu'il fit tomber à son oreille deux ou trois mots, mais je ne sus les entendre et il poursuivit par-delà le pont.


◊◊◊


« -Tu es magnifique.

-Merci, Oto-sama, m'inclinai-je, radieuse. »

Mon père était venu, accompagné du stratège Shikamaru Nara et du ministre Danzô Shimura. C'étaient les trois médiateurs de mon mariage. Shimura-dôno avait apporté le livre d'investiture : une pièce de maître tenant en un rouleau précieux rempli d'idéogrammes calligraphiés qui dictaient mes devoirs et mes droits. Shikamaru, mon ami d'enfance et dont je ne me formalisais d'aucun suffixe le concernant, avait donné mon trousseau : un petit chariot tiré par un ninja et contenant la dot de l'empereur : des bijoux, des livres, des robes, des parfums et mes insignes de pouvoir. Nous nous installâmes dans le salon de mes appartements afin de procéder à la lecture du livre d'investiture. Nos visages étaient tournés vers l'Ouest – comme le souhaitait la tradition et il y avait dans ce rite, le poids de coutumes pesantes et sacrées. Dès le dernier mot prononcé, tous les regards m'appartinrent et je souris doucement ; tous attendaient mon approbation. Je me mis à genou, et me prosternai devant les médiateurs avant d'articuler haut et fort :

« -Moi, Yamanaka Ino, j'accepte le livre d'investiture et le sceau de l'impératrice. »

Fou de joie, mon père m'écrasa dans ses bras sous les soupirs dévastés des servantes. Il avait froissé ma robe et menacé ma coiffure, mais son étreinte valait le coup. Je sentais sa fierté m'irradier. Shikamaru et Shimura-dôno se contentèrent d'une révérence respectueuse.

Mon palanquin m'attendait à l'extérieur. J'allais sortir de mon pavillon et découvrir le complexe impérial dont on m'avait privé pendant de nombreux mois. Les raisons de cette solitude forcée étaient multiples : s'assurer que je n'attendais pas d'enfant, empêcher les tentatives d'assassinat, etc. Aucune ne fut assez légitime à mes yeux pour justifier un tel isolement. Dès mes premiers pas, les dames de compagnie s'empressèrent de porter la traîne de mon kimono cérémonial.


◊◊◊


« -Kotobuki ! » s'écrièrent les habitants du palais en s'inclinant comme un seul homme. Au loin, par delà les remparts nous parvenaient les cris de liesse du peuple et les feux d'artifice sauvages lancés depuis les quartiers populaires. Tout n'était que vacarme. J'étais en retrait, non loin de Karin. A quelques mètres devant nous, après les rangées de ministres, d'aristocrates et de princes, la nouvelle impératrice saluait ses précieux sujets depuis une terrasse haute. La fatigue courbaturait mes membres et des festivités aussi énergivores étaient malvenues dans mon état. Je n'avais le cœur de féliciter personne.

J'avais eu le temps d'apercevoir Ino et sa magnifique toilette, éblouissante comme le soleil, le front haut et le port altier. Elle avait tout d'une reine et paraissait se mouvoir avec grâce et aisance au sein de la population du château. Quant à l'empereur, il n'était pas présent et attendait la mariée dans le pavillon de la Lumière Céleste. On disait partout que la fête durerait au moins deux semaines, le temps que les divers rites s'accomplissent au profit de la légitimité du couple. J'étais soulagée, d'une certaine manière, car occupé avec sa fraîche épouse, Itachi ne me convoquerait pas dans sa couche.

« -Pfff, » murmura Karin. « -Je sais qu'il la délaissera. Elle est vraiment fade. »

Gloussements, petits rires malvenus par-ci par-là, ayant comme origine les courtisanes sensibles à la remarque de la concubine. J'avais pressenti que ma « consoeur » et visiblement « rivale », avait des relations bien placées et assez solides. J'espérais qu'Ino n'en pâtirait pas. Il était temps pour moi de m'éclipser, mes jambes imploraient ma pitié. J'allais louper le buffet, tant pis. Peut-être pourrais-je demander à une domestique de l'apporter dans mes quartiers ? En songeant à ces derniers, j'étouffai un gémissement de désarroi, ils étaient complètement à l'opposé de ma position actuelle. Shannarô ! Je me dépêchais de fendre la petite assemblée, cherchant dans la foulée la tête de melon propre à Naruto Uzumaki. Toutefois, il faisait sombre malgré les lanternes orangées et il y avait trop de visages présents. Enfin, la sortie s'annonça. Un échappatoire plus que bienvenu dans lequel je m'engouffrai rapidement. Il me fallut descendre une flopée de marches en bois, porter attention aux pans de ma robe sur lesquels je menaçais de trébucher. Cette tenue n'était décidément pas pratique ; lourde à cause de ses couches, pesantes parce qu'on y avait rajouté des parures, encombrante à cause de ses tissus flottant au niveau des membres inférieurs. Une seconde d'inattention me suffit à louper les ultimes marches et je chutai brusquement dans un cri sourd. Non, personne n'était intervenu pour m'éviter de rencontrer douloureusement le sol. Étalée de tout mon long, j'étais épuisée moralement. Mes ongles griffèrent la terre alors que je serrai les poings, faisant appel à mon chakra pour soulager une souffrance soudaine dans ma cheville.

« -Que fais-tu là ? »

Soupir. Là-haut, de nouveaux cris de félicitations s'ébrouèrent dans l'air. Et mes yeux se relevèrent sur la voix masculine qui venait de m'interpeller. A contre-jour des lampes, l'ombre me fit directement penser à Shisui. Toujours sur mon dos celui-là. Mais alors qu'il se penchait, un rayon de lumière mit en exergue les traits du prince Sasuke. Ma bouche s'entrouvrit de stupeur. Il portait son kimono de cérémonie, également, aux symboles de l'éventail et à la noirceur profonde ce qui faisait ressortir sa peau pâle. Je remarquai un katana pendu à sa hanche.

« -Je suis tombée, ça ne se voit pas ?

-Non. Je pensais plutôt que tu t'étais enfin résignée à te prosterner devant moi. »

Je vis rouge et me jetai sur lui. Surpris par mon geste furieux, il perdit l'équilibre, bascula à son tour et je me retrouvai à califourchon sur lui, poing levé, prêt à lui enfoncer mes phalanges dans la figure. Toutefois, son regard onyx me fit hésiter. Directement plantée dans les miennes, ses prunelles noires me mettaient au défi. Le doute joua contre moi. Il eut le temps d'attraper mon poignet, de le tordre pour me forcer à quitter ma position et il m'obligea à me redresser.

« -Pourquoi ne m'as-tu pas frappé ? » souffla-t-il de manière glaciale.

Très bonne question, cher prince. Il me relâcha lentement et esquissa un mince sourire, fugace et fantôme. Je crus même un instant l'avoir halluciné. L'épuisement altérait ma vision, c'était cela? Je portais une main fébrile à mon front.

« -Je rentre, soupirai-je.

-Seule ? S'éleva une nouvelle voix, dans mon dos. Et je compris aisément que Shisui m'avait retrouvé. »

Cette question-ci, en revanche, ne demandait pas de réflexion et j'ouvris la marche, désespérée.




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