Chapitre 16
Je suis rentrée à mes appartements, et le soir venu, j'ai le cœur morose, l'esprit travaillé par les propos belliqueux du Roi, l'heure est avancée.
Il pleut en plus, comme si le ciel s'était joint à mes états d'âme.
Seule la pluie qui crépite brise le lourd silence de mes appartements.
Mon amie rousse me brosse ma longue chevelure, d'un air inquiet.
— Mademoiselle, je vous en prie, ne soyez point aussi attristée. J'en ignore les raisons, j'en suis bien mal, dit Mélanie.
Je me force à lui sourire.
Soudainement, on entend frapper à la porte. Je me lève aussitôt, et m'y précipite. Un majordome m'a précédé.
La plus profonde et grande joie qui puisse exister vient piquer mes yeux d'émotions, je sens cette douce chaleur envelopper ma poitrine.
Jérôme.
Trempé, son chapeau entre les mains, crispant un sourire, et prononçant :
— Bonsoir Mademoiselle Élisabeth.
— Bonsoir, duc.
Nous nous sourions sottement, pendant que l'eau continue de ruisseler sur son front.
— Oh Monsieur, je vous en conjure entrez donc !
Je me hâte de rejoindre Mélanie, à qui j'intime le silence, l'ayant vu elle contient un sourire béat, toute émoustillée.
— Garde ton calme, et va plutôt chercher de quoi le réchauffer, lui ordonné-je, cachant ma légère excitation.
Je reviens aussitôt, lui proposant de retirer sa lourde veste trempée. Je réclame que l'on ravive le feu de cheminée.
— Pardonnez-moi, je vais mouiller tout votre intérieur, se mine-t-il.
— Non point. Oh Monsieur, que me vaut l'honneur de cette venue ? Vous revenez de Paris ?
J'allais lui proposer de s'asseoir que voyant cette épaisse perruque gonflée d'eau, j'ose :
— Puis-je ?
Je l'ôte, délicatement ; on vient la prendre pour la sécher.
Ses cheveux un peu mouillés lui tombent jusqu'aux épaules, clairs, fins, légèrement ondulés ; ils sont si beaux. Il m'offre un timide sourire.
— Merci.
Je prends un instant pour l'observer, innocemment, comblée de sa présence.
— Comme votre vue me rend heureuse, murmuré-je.
Il sourit splendidement. Il porte alors son attention sur mes longs cheveux qui, détachés, me tombent en haut de la taille.
— Ils sont magnifiques, m'assure-t-il, essayant de se saisir d'une mèche bouclée. Ce blond, mêlée à cette rousseur.. Il vous sied parfaitement.
J'en souris de façon niaise.
— Oh, merci. Je vous en prie, asseyons-nous près du feu. Vous désirez une boisson chaude ? Oui, je vous en fais apporter.
Il opine, ricanant un peu, puis s'asseyant, il tend ses mains près des flammes.
Je me hâte de demander à Mélanie de m'attacher les cheveux, que je ne fasse pas négligée.
— Oh, Duc, bonsoir, entends-je la voix de mon oncle.
J'y retourne. Il vient le saluer, plutôt solennellement, Jérôme se lève pour recevoir ses hommages.
— Visite impromptue, d'autant plus que nous sommes de quasi inconnus. Ce qui ne semble pas être le cas avec ma nièce.
— Oh, oui, veuillez m'en excuser, Mademoiselle m'avait assuré que.. Je pouvais entrer ici à loisir.
— Tiens donc. Ma foi, je ne m'oppose point à ses paroles, vous honorez ces lieux par votre présence, duc.
Il a ce sourire hypocrite que je trouve embarrassant, bien que je sois convaincue qu'il en est sincèrement honoré. Le concerné répond par une inclination de tête polie.
Mon oncle vient me murmurer :
— Vous avez des relations plus qu'intéressantes Elisabeth.
Je passe outre cette remarque, gardant la mâchoire serrée.
Il nous laisse, en même temps qu'on nous amène nos tasses fumantes.
Une petite table est avancée.
— L'ambassade est donc arrivée ? Les avez-vous éblouis par vos talents ? débute-t-il.
— Je puis l'avancer sans crainte qu'on puisse me dédire, m'amusé-je à répondre.
Je préfère ne point aborder les menaces du Roi, et rester sur cette note positive.
— Et vous donc ? reprends-je.
Il prend une inspiration, pensif, avant de contenir un rire.
— Véritablement Élisabeth, je n'ai jamais eu de journée telle, si longue, d'une langueur.. Je puis vous dire avec exactitude le temps qu'il faisait à chaque moment de la journée.
— Mh, ce matin dix heures ?
— Légères éclaircies !
Nous rions en cœur, quelque peu nerveusement. Puis, le regard fuyant, semblant réfléchir, il poursuit.
— Élisabeth.. Je vous avoue que.. Enfin, il s'avère que le traité pour lequel je mis tant d'ardeur à sa défense, n'était pas « suffisant » selon mon bien-aimé père, me confie-t-il.
Alors qu'il me paraissait évident que négocier davantage pousserait Louis XIV à ne signer aucun traité, ou à revenir sur certaines de ses concessions. Ce ne serait que le provoquer ! J'en suis persuadé.
Songeuse, j'acquiesce.
— Je me rangerai bien de votre avis.. Peut-être pourriez-vous obtenir du Roi des certitudes sur certains points, qui vous permettront de négocier sans crainte ?
Il hoche légèrement la tête d'approbation.
— Oui, c'est ce à quoi j'ai songé.
Qu'il soit aussi enclin à la confidence même concernant les affaires doit prouver qu'il me juge apte à les comprendre, et même à le conseiller ; j'en suis intimement touchée.
C'est alors qu'il s'approche de mon bureau, il y remarque le vieil ouvrage qui y trône.
— Oh, oui. Savez-vous que le Roi m'a accordé l'accès à sa bibliothèque ? J'y ai trouvé ce trésor, la République, de Platon, une traduction datant du XVe siècle.
Le maniant entre ses mains avec précaution, il étire un sourire en coin.
— J'étais certain que la philosophie vous intéressait aussi.
Nous avons discuté ainsi toute la nuit, ayant lu et commenté certains des passages de ce livre, s'étant questionné sur la vie, ayant un peu joué du clavecin, ayant ri en repensant à cette journée qui lui était si terrible, ayant voulu contempler le ciel par la fenêtre – hélas, il était couvert –, s'étant remercié et complimenté sur des sottises, ayant parlé longuement de nos amis et de leurs aptitudes à nous faire rire, s'étant raconté nos peines et nos avis ; enfin je ne me suis jamais sentie autant à mon aise.
La parole y est si facile, que je me permets d'évoquer ma mère et sa dernière lettre, ses effets, et mes pensées.
— Je ne comprendrai jamais l'usage de la tromperie... Et permettez-moi, mais comment votre mère a-t-elle pu ne point reconnaître vos talents ? Faut-il nécessairement l'oreille avisé d'un Roi pour cela ? Je ne crois point.
J'ignore pourquoi mais l'entendre me parler de la sorte me rassure énormément ; inconsciemment je me sentais peut-être quelque peu coupable d'orgueil à juger ma mère ainsi.. Ce qui nous amène à nouveau sur le sujet de son père :
— Mais voyez, j'ignore toujours ce qu'il va en penser. Pourquoi cela importe-t-il tant après tout ? Seulement... C'est l'inconnu, j'ai toujours appris à m'en éloigner, alors je n'ose. Lâchement.
— Jérôme, vous êtes libre en réalité. Vous le dites vous-même. Vous vous créez des barrières.
Son regard confus dans le mien, il me semble qu'il y trouve un semblant de réconfort.
J'ai le cœur battant, je me sens étrange, si proche de lui, j'ai une envie irrésistible de lui prendre la main, et de la serrer affectueusement comme pour le rassurer.
— Je vous apprécie Monsieur et je pense que l'on ne reconnaît point votre valeur, affirmé-je d'une voix douce, le regardant dans les yeux.
L'air qui règne me plonge dans la confusion, je ressens quelque chose d'original, de trop fort, trop profond, pour moi.
— J'ai pour vous une grande considération, Élisabeth. Et.. à la vérité vous m'avez atrocement manqué en ce jour.
Il en sourit, légèrement confus.
J'en détourne les yeux, me mordant la lèvre.
— L'heure est avancée... Comment, trois heures ! m'exclamé-je en ayant approché ma bougie de l'horloge.
— Eh bien, je n'en avais pas le sentiment.
Je vous souhaite donc.. une excellente nuit Mademoiselle. Merci de m'avoir accueilli..
Ayant pris sa veste, et tenant son chapeau entre ses mains, il prend une dernière inspiration et s'apprête donc à me quitter.
— Dormez bien Monsieur, lui réponds-je, lui offrant un sourire. À bientôt.
Puis prenant l'aspect de la confidence, je lui murmure :
— Vous aussi vous m'avez manqué.
Ses pupilles bleus croisent les miennes une dernière fois ; on le raccompagne, nous nous séparons d'un dernier geste timide de la main, mon cœur cognant contre ma poitrine.
— Assurément, vous l'aimez, me surprend la voix de Mélanie, toute fière et heureuse qu'elle est. Oh, lui aussi, n'ayez crainte. Il vous dévore des yeux, continue-t-elle.
— Vraiment ?
— Il n'a regardé que vos lèvres.
— Mélanie, tu m'es désobligeante, la reprends-je.
— Mais laissez donc durer, il faut éprouver sa sincérité. Allons, il vous faut dormir désormais Mademoiselle.
Sa sincérité ? Qu'est-ce que j'ignore de lui ? Ne m'a-t-il pas confié sans aucune pudeur, ses chagrins et ses doutes, allant jusqu'à laisser sa fierté pour me faire entrevoir sa sensibilité ?
Cela prouve l'extrême confiance qu'il a placée en moi.
Le lendemain, je suis emplie d'une gaieté innocente, sourire rêveur, niaise joie devant le ciel bleu et le soleil brillant.
Mélanie termine d'ajouter des perles dans mes cheveux, à ses yeux je resplendis.
Une visite des jardins menée par le Roi en personne est une chose suffisamment rare et honorable pour justifier mon sentiment ; je ne veux pas en devenir prétentieuse, simplement profiter de l'opportunité.
Le temps est réellement splendide ; parfait pour une balade.
— Ainsi ma nièce, il paraît que vous avez su faire de l'effet aux anglais ? dit mon oncle, se dispensant de me saluer, entrant dans ma chambre.
— Mais je crois que celui que vous avez le plus touché, ce serait bien le Roi en personne, continue-t-il.
S'étant approché de moi, et passant sa main dans sa courte barbe, le regard suspicieux ; je garde la tête haute, bien que j'aie les yeux baissés.
Je choisis le silence pour toute réponse, je suis confuse moi-même et n'ose que dire.
— Avez-vous médité au sujet du mariage ?
Je serre les dents. J'ai posé un visage sur les noms de la liste, mais j'ai aussi posé un nom sur celui dont je suis éprise.
— Promptement. J'y vois peu d'inconvénients, et peu d'obstacles qui m'empêchent la chose. Si ce n'est...
Mes sentiments, finis-je dans mon esprit.
— Si ce n'est votre réticence naturelle à vous lier à un inconnu. Je conçois.
Il ne quitte jamais cet air supérieur, rendant ces douces paroles plus amères, mais je lui reconnais son indulgence.
Il semble contenir un sourire, ce qui m'interpelle ; il me passe devant prenant soin de me murmurer à l'oreille :
— Vous préférez attendre qu'un plus grand parti vous réclame. Ne soyez pas trop ambitieuse. À trop vouloir s'approcher du Soleil, on se brûle les ailes.
Mon orgueil aura l'habitude d'être piétiné à loisir, on ne se prive point de me menacer sous des allures de conseils ; mon propre oncle me perçoit comme vaniteuse.
— N'ayez de crainte, je sais où réside ma place, j'ai de l'honneur à défendre, osé-je lui répondre.
— Je n'en doute point. Ayez un bon après-midi.
Mélanie est restée plantée là, devant moi, l'air triste, empathique.
— Mademoiselle, je fais mander Jules ? Qu'il vous accompagne ?
J'acquiesce timidement.
La présence de mon meilleur ami est régénératrice, elle me donne à sourire, me rappelant qui je suis.
— Une magnifique jeune fille au grand courage. Tu as toujours été la plus téméraire de nous deux, souligne-t-il, me présentant son bras.
— Je ne puis plus me permettre d'être téméraire Jules. Les enjeux sont d'une autre envergure.
— Pas tant que cela, tu disposes de piliers qui empêchent ta chute. Reposes-y-toi dessus, tu le puis en toute sérénité – est-il nécessaire que je précise que j'en fasse partie ?
— Non, nullement, ahah, et je t'en remercie sincèrement. Rejoignons donc les extérieurs, Monsieur à figure d'ange, fais-je ironique.
— N'est-ce pas que le brun et les liserons bleus me magnifient ? reprend-il, avec un air charmeur.
— Laisse-moi deviner, tu as appris que le bleu était la couleur favorite de cette jeune bretonne...
Il perd de sa gaieté, prenant un air consterné.
— Non, je l'ignore, j'ai simplement pensé que c'était la couleur qui me sied le mieux. Pourrais-tu t'enquérir à ce sujet ?
— Ahah, bien. Je ne promets rien, mais j'essaierai.
Il retrouve de son sourire.
L'ambassade est l'élément central – avec le Roi – de toute cette foule ainsi assemblée, les plus Grands font leurs hommages, je suis aux côtés de Sa Majesté, légèrement souriant.
Dégageant un éventail, me lançant un regard que je ne saurais sonder, les lèvres fines et les yeux bruns, Madame de Maintenon reste un personnage énigmatique.
Les Princes me jettent un regard plus favorable, que je mettrais sur la faute de ma parure – excepté pour le jeune Louis, toujours ravi de me voir uniquement pour ma personne.
L'on se met en marche vers la principale fontaine de Latone, le duc de Bourgogne en profite pour m'approcher et m'aborder :
— Élisabeth, n'est-ce pas que le temps est idéal ?
— Tout à fait, c'est bien agréable.
— Je suis bien aise de vous voir chaque fois toujours plus resplendissante.
— Vous êtes bien aimable Louis.
— Il le faut bien, j'ai le déplaisant sentiment que vous n'êtes point traitée à votre juste valeur.
Tant de gentillesse sortie de la bouche de cet adolescent royal, mais aussi tant de vérité, je lui murmure :
— Ne vous en faites point, je ne suis guère à plaindre.
Il s'en rassure comme il peut.
Nous passons donc au travers ses bosquets, admirant les détails des statues, la grandeur et la symétrie des jardins, la beauté des fontaines où l'eau jaillissante émerveille – particulièrement celle émanant de cette fontaine parée de coquillages et autres curiosités de la mer, dont j'ignorais l'existence.
Le Roi ne manque pas de nous présenter avec précision les éléments qui composent ses jardins, ils louent les compétences de Le Nôtre à laquelle il joint celles de ses jardiniers français.
Les anglais semblent trouver en ces lieux un réel plaisir pour les yeux, et pour les sens, embaumés par les parfums doux des fleurs qui composent les parterres.
J'ose parfois, témérairement, ainsi que disait mon cher ami, demander des précisions au Roi sur le choix de la représentation de tel ou tel Dieu, de la disposition de l'ensemble, ou enfin à propos de la source de tant d'idées merveilleuses.
Il prend le temps de me répondre, ne quittant pas ce léger sourire qui me donne à penser qu'il en éprouve quelque joie.
J'ai un étrange sentiment qui m'envahit alors que je l'écoute épiloguer.
Un sentiment lourd.
Que connaissons-nous du Roi ? Qu'il aime les petits pois et les agrumes, certes, qu'il paie cher les écarts à l'étiquette, bien, qu'il couve de grandes ambitions pour son Royaume, c'est une évidence.
Seulement, au plus profond de son être, qui est-il ? Qu'est-ce qui le travaille avant de dormir ? Qu'est-ce qui le fait sincèrement sourire ?
Nous connaissons le Roi, nullement l'homme.
Parvenus au bosquet de la salle de bal, on nous apporte quelques rafraîchissements, qui nous permettent de souffler un peu.
Je me détache de la compagnie du Roi, pour m'asseoir plus loin, voulant simplement savourer la vue et l'ouïe de cet escalier de fontaines que les rayons de soleil traversent.
Mes pensées s'égarent pour se diriger vers Jérôme. J'aurais grandement apprécié qu'il eût été là, il saurait me faire la conversation, d'une bien agréable des façons, qui lui est propre.
C'est Sa Majesté elle-même qui me ramène, me réclamant auprès de ses Messieurs anglais, qui semblent tergiverser quant à leur bosquet favori – ceci étant une excellente manière de faire leur cour, ils ne tarissent point d'éloges.
— Je serai curieux de connaître votre avis sur la question, m'avoue-t-il.
— Il m'est difficile de choisir parmi les fontaines et les bosquets qui se rivalisent.. Je pencherai sur les parterres fleuris qui ajoutent au plaisir visuelle celui de l'odorat.
Satisfait, opinant, il ajoute à voix basse :
— En ce sens, un lieu devrait particulièrement vous plaire Mademoiselle. Le Trianon de marbre. Ce sera pour une prochaine fois.
Je lui offre un grand sourire pour réponse, que n'a pas mon meilleur ami. Je croise son regard au loin, verre à la main, il paraît bien soucieux.
Je prends congé de la compagnie du Roi, me sentant soudain quelque peu oppressé ; je me rends aux buffets des rafraîchissements.
— Il faudra que vous me révéliez votre secret, me surprend une voix familière.
Je contiens une marque de surprise.
— Mademoiselle Constance. Quel plaisir.
— Ce pauvre marquis, il semble avoir jeté son dévolu sur vous, alors que vous ne lui avez accordé pas même un regard, dit-elle avec un ton pathétique.
— Qui donc ? m'effrayé-je.
— Je plaisante, votre expression fut fort divertissante, rit-elle fièrement. Cependant cela pourrait être vrai, mais il n'oserait jamais.
Elle a toujours le don pour piquer ma curiosité, je ne parviens à me défaire de sa désagréable personne.
— Vous évoluez trop près du Soleil ma chère.
J'en reste muette, pendant qu'elle se délecte de grains de raisins, avec ce sourire mesquin qu'elle possède toujours.
Quelqu'un d'autre semble le penser et l'avoir remarqué : Louis-Alexandre.
Repensant alors à ce que j'ai promis à Jules au sujet de sa future amante, je m'éclipse et préfère la compagnie de Laure.
— Mademoiselle Élisabeth, aux côtés du Roi vous apparaissez si rayonnante, me dit-elle sincèrement.
— Oh merci. Cette dame-ci vous a-t-elle encore abordé ? désigné-je Constance.
— Non point, j'ai retenu vos paroles dont je reconnus la véracité.
Elle est si aimable, si honnête que je m'attriste de ce qu'elle se doive de se mouvoir parmi une Cour aussi hypocrite.
Certes, désormais je me sais dans le cœur de tous et constamment exposée, mais peu m'importe. Oui, car les yeux du Roi m'en convainquent, les mots de Jules me soutiennent, et l'amitié de Jérôme me porte.
— Ne trouvez-vous point qu'il y a parmi ces jeunes hommes quelqu'un d'autre qui rayonne ?
J'ai les yeux rivés sur Jules, qui sourit gaiement au milieu de ses amis. Elle suit mon regard, et ses joues paraissent rosir.
— Oh... Assurément, qui peut nier le charme de la personne de Monsieur de Luynes..
— Le bleu lui sied, il s'agit d'une belle couleur.
— Oh oui, semblable au doux ciel, mais le rouge, me semble-t-il, ressort davantage sur sa blondeur.
A cet excès de franchise, elle se reprend :
— Si vous permettez, je..
— N'ayez crainte. Je me joins tout à fait à votre avis.
Rassurée, elle s'octroie un sourire.
— Je lui souhaite de trouver celle qui aura la chance d'être aimée de lui, poursuis-je, sincère.
À cette phrase, interpellée, ses fines lèvres rosées s'entrouvrent légèrement.
— Je.. Vous..?
Que pensait-elle ?
— Il est mon ami d'enfance, je l'estime comme un frère. Nous n'avons jamais eu d'autres sentiments que ceux de l'amitié.
Elle en opine de la tête, cachant son trouble. Elle n'ose en demander davantage, nous changeons de sujet.
Plus tard, me voici dans les appartements de Jules, après une plaisante discussion à propos de Laure – mes mots l'ont enchanté, je crains qu'il ne s'habille en rouge tous les jours – nous changeons de visages pour de plus austères une fois à son cabinet de travail.
— Élie, je me suis entretenu avec mon précepteur d'armes Beauvilliers, et il semblerait que le Roi ait d'autres desseins qui vont mettre à mal la paix fragile actuelle. Il m'a avancé ma promotion, ce samedi je serai officiellement officier. Il m'a évoqué un régiment d'infanterie à préparer et inspecter... Ma mère en était ravie..., ajoute-t-il toujours impassible.
Je ne sais que penser, je reste songeuse.
— Eh bien mes enfants ! nous surprend la voix grave de son père. Ne vous mettez point en peine, des guerres il y en a toujours eu, et celle-ci semble nous guetter, mais pas avant l'année prochaine au moins. Et puis Jules, vous ne savez donc point que les affaires ennuient les jeunes filles ? Vous la minez en lui ôtant ce sourire qui a su même charmer le Roi.
Je sais qu'il a dit cela avec d'honorables attentions, seulement je ne peux m'empêcher d'en être légèrement piqué.
— Allons, allons, rejoignons le Grand Couvert, nous intime-t-il.
Avec Jules on s'échange des regards confus, acquiesçant et suivant son père.
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