Chapitre 2 - La complainte d'une ado perdue

La complainte d'une enfant perdue - Lise

Un bruit. Un craquement, un cri, des lamentations...

Chaque son, chaque mouvement, chaque infime détail qui changeait me fait sursauter. Mon cœur bat si vite...

J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur.

Recroquevillée sur le lit, je guette la porte, la fenêtre, les murs immaculés, dans l'espoir qu'un jour, plus rien ne m'effraie.

On m'a dit que je souffrais de " troubles anxieux ". Les scientifiques et leurs mots compliqués... Moi j'appelle ça avoir peur de tout.

Depuis, je suis ici. Deux mois se sont écoulés, après mon entrée dans cet établissement, et rien n'a changé. Au contraire, entendre chaque jour les bruit atroces émis par les autres pensionnaires me donnent envie de mourir. Mourir pour ne plus entendre, pour ne plus sentir, pour ne plus pleurer, pour ne plus souffrir...

La peur est pratique. Elle nous permet de sentir lorsqu'il y a un danger, de rester sur nos gardes. Ainsi nos sens sont sur le qui-vive, prêts à réagir rapidement en cas de besoin. Mais cela, c'est à une dose habituelle; parce que, de mon côté, la peur est excessive. Toujours présente. Et, croyez-moi, la peur est insupportable, oppressante, dérangeante, insoutenable, lorsqu'elle est excessive et continue.

Je ne connais rien de pire que ça.

Imaginez, sursauter au moindre mouvement, pleurer dès qu'on vous parle, être inquiet juste à la vue de votre assiette de pommes de terre... Trouvez-vous cela amusant ?

Je conçois que l'on peut avoir envie de rire, avec cette énumération. Surtout l'histoire des patates ( je ne sais pas pourquoi, ça amuse les gens, le mot " patate " ). Mais croyez-moi, cette situation est tout sauf amusante. Elle est infernale.

Moi, je voudrais juste vivre comme une jeune fille normale. J'ai eu une enfance calme, sans soucis. Mes parents sont ( enfin étaient ) vraiment merveilleux ( du moins à mes yeux ), mes amis également, j'avais une maison, de la nourriture, des jouets... Tout ce dont un enfant pourrait rêver. Mais sans qu'on sache réellement pourquoi, aux alentours de quatorze ans, peut-être quinze, j'ai commencé à stresser. Au début pour de petites choses, sans réelle importance, des choses banales qui peuvent inquiéter une adolescente bourrée d'hormones ( l'adolescence est une période compliquée, autant au niveau physique que psychique ). Par exemple : " Qu'est-ce que je vais bien pouvoir porter à la soirée de Tommy ? C'est mon crush, il faut absolument que je sois irrésistible ! Et dire que la soirée est demain... Oh la la ! " ou " Quoi ? Il y avait un contrôle de maths sur Pythagore ? Mais ce n'était pas marqué sur l'emploi du temps ! C'est pas vrai...! " Jusque-là, rien d'anormal ( je suis sûre que chacun de vous a au moins eu dans sa vie une de ces angoisses ), mais rapidement, les choses ont changées. Je m'inquiétais alors dès que quelque chose sortait de mon quotidien. Un rendez-vous médical duquel on ne m'avait pas prévenue ? Panique. Un bus qui tombe en panne et qui ne peut pas me conduire au collège ? Crise de panique. Bref, les " symptômes " empiraient. Et ça a continué comme ça, jusqu'à ce que je ne puisse même plus mettre un pied en dehors de chez moi. C'est à ce moment-là que mes parents ont compris qu'il fallait agir.

Enfin, " agir " est un bien grand mot. Deux mois. Une éternité... Et aucun changement. Rien.

Pour ne rien arranger, les visites de mes parents se sont faites plus espacées, avec le temps... Au départ, ils s'en excusaient et pestaient contre leurs horaires compliqués, puis, petit à petit, ils ne prirent même plus la peine de se justifier; tandis que moi, de mon côté, je n'osais rien dire de peur qu'ils ne viennent plus du tout.

Finalement, même ainsi, ils ont fini par ne plus venir. Mes seules visites étaient alors celles de ces hommes et de ces femmes en blanc, qui me terrorisaient au possible.

À présent, cela fait plus de deux semaines que je tente de les joindre. Oui " tente ". On dirait qu'ils ont rayé mon numéro de leurs contacts, comme si je n'étais qu'une vieille connaissance avec qui il ne partageaient rien, et non leur fille.

Peut-être que je les ai toujours idéalisés, finalement... S'ils sont capables de m'abandonner comme ça, en plus dans une situation aussi insupportable, alors ils n'ont de parents que le nom. Je ne partage avec eux plus que les liens du sang, et rien d'autre.

Des pleurs se font entendre un peu plus loin dans le bâtiment, me coupant dans mes pensées et me faisant sursauter comme jamais.

Les larmes dévalent déjà mes joues sans que je puisse les arrêter. Qu'ai-je donc fait pour mériter tout ça ?

Je n'étais qu'une fille comme les autres...

Maintenant, je suis une fille perdue. Comme eux...

Soudain, la porte s'ouvre, un homme en blanc entre dans la pièce, et me regarde silencieusement pendant que je me réfugie dans un coin, terrifiée.

Il esquisse un sourire, qui m'effraie encore plus que sa simple présence. Les gens d'ici sont véritablement démoniaques.

Il commence à parler, et m'informe, lentement, de sa voix grave qui semble provenir des tréfonds des enfers, que je resterai ici pour le restant de mes jours.

Ils veulent faire des recherches sur mon cas, car...

Mon état est plus grave que tous les autres patients.

Pardon ?

Il est hors de question que je reste ici pour toujours !

Dès que l'homme est parti, j'utilise mon coude pour briser la fenêtre. Les morceaux entaillent ma peau, mais je m'en moque.

Les barreaux noirs qui se trouvent derrière me donnent la nausée. Cet établissement ressemble beaucoup trop à une prison...

J'enjambe le rebord et me glisse comme je peux entre les barres en métal, retenant ma respiration et me recroquevillant sur moi-même. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie... Ou peut-être que si. Je ne sais plus, vu que je ne fais que ça, avoir peur !

J'arrive miraculeusement à passer les barreaux, mais une fois de l'autre côté, assise sur l'appui de fenêtre, mon souffle se bloque brusquement.

Et pour cause : le sol se trouvent à une dizaine de mètres de là où je me trouve. Je panique d'un seul coup. Depuis quand ma chambre se trouve dans les étages ? Et surtout, depuis quand y-a-t-il ne serait-ce que des étages dans cet établissement ?!

Je panique tellement que j'étouffe, mon corps semble avoir oublié comment on respire, et mon cœur refuse catégoriquement de se calmer.

Subitement, mon corps bascule, et j'ai l'impression de me consumer de terreur, de mal-être et de douleur. Une accumulation destructrice...

Tout devient noir, et la seule chose que je me dis, c'est que maintenant, je n'aurais plus peur.

...

Enfin j'espère...

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