Chapitre 9 - Glace et espionnage
Assis en terrasse de chez Florianfortarome, Harry peine à garder les yeux ouverts. La veille a été consacrée aux sélections de l'équipe de Griffondor, mais surtout, les effets de la potion de Flitwick n'ont commencé à s'estomper que tard le jour précédent. Avant ça, il a donc passé une journée de plus à courir partout, trop souvent littéralement.
Le contre-coup lui a permis de tomber endormi dès que sa tête à touché l'oreiller, ce qui a été un soulagement pour le jeune professeur. Car, bien sûr, alors que Severus se tenait éloigné de lui et de son lit, les cauchemars en ont profité pour revenir le hanter. À croire qu'il n'en sera jamais débarrassé.
Au matin, le réveil a pourtant été difficile. S'il l'avait pu, il aurait volontiers repoussé son rendez-vous avec Ron et Hermione. Quelques heures de sommeil supplémentaires n'auraient pu que lui faire du bien. Au vu de l'animation qui régnait dans les couloirs après l'annonce de McGonagal au sujet des équipes remplaçantes, il a pourtant dans l'idée qu'on ne l'aurait de toute façon pas laissé se reposer. Alors, tant qu'à faire, il n'a rien changé à ses plans.
— Et donc, tu vas t'occuper de tout ça tout seul ? C'est beaucoup de boulot, quand même, puis t'as l'air épuisé alors que ça fait seulement quinze jours que les cours ont repris...
— J'imaginais pas qu'être coach était aussi crevant... T'es sûr que tu vas tenir le coup ?
Dans les yeux de ses amis, Harry lit de l'appréhension et même une certaine forme de crainte. Est-ce qu'il fait à ce point pitié ? Ça expliquerait les réticences de Severus à le laisser prendre le portoloin qui l'a conduit jusqu'au Chemin de Traverse.
— Ça va, tente-t-il de les rassurer. Je vous jure. C'est juste que j'ai peu dormi ces derniers jours, mais je me rattraperai demain. C'est mon week-end off et je compte bien passer la journée au lit.
Alors qu'il espérait les apaiser, il voit trois profondes rides creuser le front d'Hermione alors qu'elle quitte pour la seconde fois l'espèce d'annuaire qu'elle consulte depuis leur arrivée.
— Comment ça, tu n'as pas beaucoup dormi ? Tu refais des cauchemars ? Malgré la présence de Rogue ?
Elle est agaçante à toujours mettre le doigt pile là où il ne faut pas. Harry soupire et trouve même la force de se redresser tout en levant les yeux au ciel.
— On s'est disputé, marmonne-t-il. Du coup, on a passé quelques nuits loin l'un de l'autre, puis quand on s'est retrouvé...
— NANANANANANANAAAAA ! se met à crier Ron en se bouchant les oreilles.
Aussitôt, il se prend un coup dans l'épaule de la part d'Hermione, même si, au vu de sa carrure, celui-ci lui fait l'effet d'une caresse et qu'il ne relève même pas.
— Harryyyy, par pitié, épargne-nous les détails de ta vie, euh... disons... sexue...
Hermione lui saute dessus pour le faire taire tandis qu'Harry se cache le visage alors que tous les clients autour d'eux se sont retournés dans leur direction.
— Ron ! Mais ferme-la donc ! C'est toi qui attires l'attention sur nous.
Par chance, c'est ce moment que choisi Prim, la fille de Florian, pour leur apporter leurs monstrueuses coupes glacées. Avec un peu de chance, Ron aura désormais la bouche suffisamment pleine à tous instants pour l'empêcher de l'ouvrir de nouveau.
— J'allais rien raconter d'obscène, abruti. Je vous expliquais juste pourquoi j'ai à ce point l'air d'un revenant.
— Tu devrais lui dire que tu fais encore des cauchemars quand il n'est pas à tes côtés. C'est quand même très étrange, cette histoire.
— J'y songerai, Hermione, merci.
Si c'était pour se faire remonter les bretelles, il aurait aussi bien pu rester au château. Las, Harry soupire, mais quand Hermione replonge le nez dans son étrange grimoire, il voit là l'occasion de détourner la conversation.
— Tu comptes nous expliquer ce que c'est que ce truc à un moment ? Je te rappelle que tu n'es plus à l'école, tu n'as pas besoin d'apprendre par cœur tous les manuels que tu trouves.
Sans même relever la tête dans sa direction, Hermione fait claquer sa langue, ce qui lui fait furieusement penser au Maître des Potions. Si elle atteint un jour un poste important au Ministère – ce dont il ne doute pas – Harry craint un peu pour ses futurs subalternes. Une Hermione ministre de la magie parviendrait sans aucun doute à mettre à sa botte aussi bien ses partisans que ses opposants.
— Tu apprendras qu'en fait, si, il y a beaucoup de choses à apprendre par cœur quand on travaille avec le Ministre. Des lois, des amendements, des décrets en tout genres et même tout un tas d'informations sur tout un tas de personnes plus ou moins importantes. Néanmoins, ceci n'a aucun rapport avec le ministère ou avec mon travail.
— Ton stage, Hermione, la corrige Ron, la bouche pleine d'une demi galette recouverte de chantilly.
Elle lui décoche un regard noir, mais ne lui répond pas. Il faudrait que son patron soit un imbécile fini pour ne pas l'engager une fois son stage terminé.
— En fait, reprend-elle en regardant enfin Harry en face, pendant l'été, j'ai passé quelques jours avec mes parents.
— Oui, je sais.
— Je sais que tu sais, laisse-moi terminer. Pendant que j'étais avec eux, il s'est passé quelque chose... Quelque chose qui m'a un peu forcée à faire de la magie devant eux...
— Mais enfin, Hermione ! C'était super risqué !
Elle soupire, agacée, et Harry apprécie le fait qu'elle ait déjà raconté l'histoire à Ron, car tel qu'il connaît le rouquin, il sait que sa réaction a dû être bien plus excessive que la sienne et qu'elle a plus que probablement énervé Hermione beaucoup plus qu'il n'est, lui-même, en train de le faire.
— Je sais. Ça va. J'ai pas eu tellement le choix en fait, mon père allait se blesser...
Elle soupire une fois de plus et commence à touiller avec sa cuillère sa glace qui est en train de fondre.
— Oui, bon, peut-être que j'aurais pu faire en sorte que ce soit moins spectaculaire... OK, d'accord, ça va, j'ai compris. Mon but était de les choquer, oui. J'espérais que de cette façon certains souvenirs reviendraient peut-être, tu vois ? Sauf qu'ils n'ont pas du tout été choqués. Ils ont eu l'air un peu surpris, mais même pas tant que ça non plus. J'ai dû leur arracher les vers du nez avant qu'ils n'avouent avoir rencontré un type en Australie. Un sorcier.
Ses cheveux, comme électrisés par son énervement, se sont faits plus broussailleux que d'habitude, encore. La glace dans sa coupe a été réduite en une sorte de purée rosâtre que Ron contemple avec regret tandis qu'il racle les dernières gouttes de la sienne.
— Il a vingt ans, reprend-elle. Il est orphelin d'après ce qu'il leur a dit, et ils se sont attachés à lui. Ils m'ont dit... Ils m'ont dit qu'il était un peu devenu comme un fils pour eux...
Les grands yeux bruns d'Hermione sont voilés par une épaisse couche de larmes sur le point de glisser sur ses joues.
— Oh, compatit Harry en lui attrapant la main par-dessus la table. Tu es jalouse, alors.
La main d'Hermione se retire vivement alors qu'une grimace déforme son joli visage.
— Pas du tout !
Harry échange un regard avec Ron et celui-ci hausse les épaules. Oui, elle est jalouse, mais qui ne le serait pas dans ce cas de figure ?
— Et ce livre, alors ? Je ne vois pas ce qu'il vient faire dans cette histoire.
Ses yeux ont retrouvé leur moiteur habituelle et ses joues leur couleur normale. Plus de rougeur, plus de larmes, plus de pif brillant et renifleur. Il semblerait que la jeune femme ait appris à lancer un glamour sans l'aide de sa baguette.
— C'est le registre de tous les élèves nés en Océanie et qui ont étudié à Mahoutokoro ces dix dernières années. Comme c'est l'école la plus proche d'Australie, je suppose qu'il a été scolarisé là-bas...
Harry plisse les yeux, moitié impressionné, moitié terrorisé. Vraiment, un jour elle sera en mesure d'écraser n'importe quel opposant sans même avoir à lever le petit doigt.
— Comment tu t'es procuré ce truc ? Je suppose qu'en faire la demande au directeur n'est pas suffisant.
Elle sourit d'un air qu'il ne lui connaît pas. Sûre d'elle et peut-être même un peu satisfaite qu'il ait posé la question.
— Pour quelqu'un de normal, non. Mais même au Japon, ils savent ce qui s'est passé ici et ils connaissent mon implication dans la chasse aux horcruxes... Pas que j'aime m'en vanter, hein, tu me connais. Sauf que ça, en plus du fait que je travaille au ministère, que j'aie une place si proche du ministre, en fait, ça fait qu'ils ne m'ont même pas demandé ce que je comptais en faire.
Impressionné, Harry approuve du chef. Cette nouvelle Hermione lui plaît beaucoup, mais il craint un peu qu'elle ne cesse un jour d'être compatible avec Ron. Ce dernier, qui a récupéré sa coupe de glace fondue, ne semble pourtant pas s'en formaliser, alors Harry choisit de ne pas s'en inquiéter non plus pour l'instant. Après tout, Severus aussi est bien plus intelligent et autoritaire que lui, mais ça ne le dérange pas. Au contraire, il trouve plutôt ça sexy.
— Et donc, tu n'es pas du tout jalouse, c'est ça ?
— Évidemment.
OK, va pour la politique de l'autruche, alors. Après tout, tant que ça lui convient à elle, ça lui convient à lui.
Se dévissant le cou, il jette un œil au registre et grimace en découvrant qu'il est écrit en japonais et qu'il ne parvient pas à reconnaître le moindre mot.
— Sortilège du Babelfish, anticipe-t-elle
Un sortilège bougrement efficace, mais aussi terriblement compliqué, qui permet à la personne qui le maîtrise de parler et comprendre toutes les langues du monde. Au fond, il n'y a rien d'étonnant à ce que la seule personne qu'il connaisse et qui soit capable de le lancer soit Hermione, alors il hoche juste la tête, curieux tout de même de savoir qui a bien pu le lui enseigner.
— Et tu l'as trouvé ?
Hermione secoue la tête, les narines dilatées par l'agacement que lui procure cet aveu.
— Pas encore. Mais je ne suis pas sûre qu'il ait étudié là-bas. Le japonais est une langue compliquée et il y a peu d'étrangers qui peuvent s'enorgueillir d'avoir étudié à Mahoutokoro. J'ai demandé les registres d'autres écoles, aussi, j'attends leurs réponses. Je veux juste m'assurer qu'il n'est pas dangereux, ajoute-t-elle, comme pour elle-même. Pourquoi ce type s'est-il rapproché d'une famille de moldus, au départ, déjà ? Ça ne te semble pas suspect, à toi ?
— Peut-être qu'il ne s'est pas rapproché d'eux volontairement. Qu'ils se sont juste rencontré et que le courant est bien passé entre eux. Peut-être même que ce sont tes parents qui l'ont approché, justement à cause de la magie qu'il dégageait. Il faudrait rencontrer ce gars pour en avoir le cœur net.
— Mais c'est prévu.
— Quoi ? Quand ?
Sortant de son mutisme, Ron la dévisage d'un air outré. Ça, il ne le savait pas.
— Si tu m'écoutais, tu le saurais. Je t'en ai parlé il y a une semaine.
— Mais je t'écoute ! Seulement si tu me parles de choses importantes alors que je reviens d'une journée crevante, t'étonnes pas que je ne retienne pas tout... T'imagines pas ce qu'ils nous font faire dans la formation de futurs aurors...
— Étant donné que mon travail consiste entre autres à vous accompagner certains jours pour prendre des notes, si, j'en ai une vague idée Et je sais aussi que si tu passais moins de temps à faire l'idiot avec tes coéquipiers, tu serais plus attentif aux consignes et les exercices te sembleraient moins compliqués.
Non désireux de les voir se prendre la tête alors qu'il ne leur reste qu'une demi-heure à passer ensemble, Harry tente de recentrer la conversation en s'intéressant à la date de la fameuse rencontre.
— Le 22 octobre.
Ron ouvre la bouche pour ajouter quelque chose, mais Harry, qui le connaît par cœur, sent bien que ça n'a aucun rapport avec la famille de sa petite amie. Alors, d'un regard, il lui fait comprendre de la fermer. Il ne peut pas gagner alors qu'il est en tort. Et vu l'état d'Hermione, il n'est vraiment pas nécessaire de l'énerver davantage.
— C'est marrant, se rend-il compte au bout de quelques secondes. C'est ce jour-là qu'aura lieu le premier match des équipes B. Les Serpentard, menés par la meilleure recrue de cette année, contre les Poufssoufle. Je suis désolé pour eux, mais ils vont se faire atomiser.
— T'as pas l'air franchement désolé, remarque Hermione avec un sourire en coin.
— C'est clair, s'offusque Ron avec une grimace de dégoût. Depuis quand tu tiens avec ces vermines ?
Harry hausse les épaules. Au moins, son plan a fonctionné, ils semblent avoir renoncé à se disputer, au moins pour le moment. Alors il enchaîne et leur parle de la jeune Ori et du potentiel qu'il a décelé en elle.
— Qui aurait cru que mon élève préférée serait une Serpentard ? s'amuse-t-il alors qu'ils se lèvent, laissant sur la table le prix de leurs glaces et un généreux pourboire.
Son registre sous le bras – elle pourrait le faire disparaître dans son sac extensible, mais compte bien le consulter à nouveau dès qu'ils auront laissé Harry sur la piste de départ des portoloins – Hermione sourit.
— Moi.
— Là, Hermione, tu te flattes. Rien ne laissait supposer que j'étais prêt à enterrer la hache de guerre avec la maison Serpentard.
— Pas même l'homme dans le lit duquel tu passes chaque nuit ?
Mouché. Harry met quelques secondes à répondre – en partie, peut-être, à cause de la fatigue qui grignote un peu plus son esprit à chaque pas qu'il fait – tandis que les joues de Ron prennent une nouvelle fois une vilaine teinte cramoisie.
— T'es chiante !
— Hermioooneeeee !
Elle se met à rire et tapote le bras de son petit ami alors que celui-ci ne souhaite rien de plus que de disparaître sous terre.
— Logique en fait. Et observatrice.
— En plus c'est même pas totalement juste, boude Harry. On a passé au moins deux nuits dans mes appartements à moi.
— Harryyyy ! Mais t'y mets pas aussi !
Le rire cristallin d'Hermione, les râleries de Ron, tout ça va lui manquer jusqu'à leur prochaine rencontre. Mais à l'idée de bientôt pouvoir retourner se blottir contre le corps chaud de Severus pour rattraper ses heures de sommeil, Harry sourit, et bien vite, il joint ses rires à ceux de sa meilleure amie tandis que son autre meilleur ami continue de bougonner dans son coin, arguant que vraiment, ils n'ont aucune décence.
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