Chapitre 5 - Fatigue et jeu

— J'en peux plus ! Ils veulent ma peau, c'est sûr.

Épuisé et courbaturé, Harry se laisse tomber sur le lit de Rogue tandis que celui-ci est occupé à se déshabiller. En temps normal, il irait lui donner un coup de main – voir de langue – mais ce vendredi soir, il n'en a juste pas la force.

— J'en déduis qu'ils t'en ont fait baver, s'amuse l'homme, désormais torse-nu.

Un grognement lui répond et il sourit en observant son compagnon étendu, les bras en croix, incapable d'encore lever ne serait-ce que le petit doigt.

— Ils sont nombreux. Trop nombreux. Combien sont-ils ? Des centaines ? Des milliers ? Trop, juste trop.

— Allons, tente de l'encourager Severus, tu n'as eu cours qu'avec quatre des sept années, cette semaine. Et les équipes n'ont même pas encore repris leurs entraînements. Il va falloir que tu apprennes à te mesurer, la première semaine est censée être la plus calme.

Plus qu'un grognement, c'est cette fois une longue plainte d'agonie qui se fait entendre, et il ricane, satisfait, en se débarrassant de son pantalon.

— Tu veux dire que ça va être pareil la semaine prochaine ? Et celle d'après ? Et toutes les suivantes ?

— Ça va être pire.

— Mais j'y arriverais jamais ! Ça n'a rien à voir avec le fait d'être dans une équipe. Même être capitaine ne me demandait pas autant de travail. J'ai passé toute la semaine dans les airs, le cul posé sur un balai. J'ai mal aux fesses ! En plus, il a plu la moitié du temps. Cette foutue humidité s'est incrustée jusque dans mon squelette.

Severus s'allonge à ses côtés, son long corps noueux juste recouvert d'un caleçon, et il repousse une mèche de cheveux du front du jeune professeur épuisé.

— Tu es un peu rouillé parce que tu n'as plus joué depuis deux ans, mais tu vas y arriver. Tu vas non seulement y arriver, mais en plus tu seras un excellent entraîneur. Est-ce que tu te rends compte que tous ces gosses vont apprendre à voler avec un joueur qu'ils ont adoré encourager et qui, peut-être, leur a donné envie de s'y mettre à leur tour ?

Depuis sa brume de courbature, Harry grimace.

— J'ai assez donné en matière d'idolâtrie, merci.

— Si c'est vraiment ce que tu penses, il ne fallait pas commencer à jouer. Et encore moins te révéler doué ou inventer une passe qui porte désormais ton nom. Ils ne t'idolâtrent pas parce que tu es l'élu, mais parce que tu es un excellent joueur. Allez, maintenant, tu me retires tous ces vêtements et tu te retournes. Je vais te masser avec ce nouvel onguent anti-courbatures.

Depuis leur petite discussion le jour de la rentrée, Harry a bien remarqué que Severus exprime davantage ses sentiments à son égard. Il est devenu plus généreux en compliments et ne se contente plus de lui montrer son affection via de petites attentions pouvant facilement passer inaperçu comme il le faisait jusque-là. D'un côté, c'est agréable. Il se sent aimé, écouté, respecté. Presque couvé, en fait, par moments. Et ça, c'est moins cool.

— Quand as-tu trouvé le temps de faire cet onguent ? Tes journées sont bien occupées, aussi. Et puis, surtout, comment savais-tu que j'allais en avoir besoin ?

— Simple supposition. Et je n'ai plus autant d'heures qu'avant, Horace s'occupe des petites classes puisque Minerva n'est pas parvenue à le renvoyer.

Severus secoue la tête comme si ça le dérangeait, mais en réalité le fait de se partager le boulot à deux est une bénédiction. Il a plus de temps à consacrer à ses élèves – à ceux qui en valent la peine, en tout cas – et il ne passe plus 100 % de son temps libre à corriger des copies. Foutu Albus avec ses idées stupides et sa politique d'un prof unique par matière. Heureusement, Minerva est moins bornée et cette année, en plus d'Harry, quatre autres nouveaux professeurs ont fait leur rentrée. Ils enseigneront les runes anciennes, l'histoire des moldus, les sortilèges et les soins aux créatures magiques avec les titulaires déjà en place depuis de plus ou moins nombreuses années.

À ce rythme, d'ici un an ou deux, tous les cours seront données par deux professeurs simultanément et plus aucun n'aura à sacrifier sa vie personnelle pour continuer à enseigner. Peut-être même qu'Harry aussi restera au château et qu'il continuera à entraîner les joueurs de quidditch... Non. Il ne faut pas qu'il se mette à penser comme ça. Harry mérite de choisir lui-même sa voie et il a assez de talents pour prétendre à mieux que cela à même pas vingt ans. Si l'enseignement lui plaît, il pourra toujours y revenir dans dix ou vingt ans, après avoir vécu d'autres choses, après s'être essayé à la vraie vie. Il ne doit pas le laisser s'enfermer dans ce château toute son existence durant comme lui-même l'a fait. Il est de son devoir de le pousser vers ce qu'il y a de mieux.

Devant lui, le jeune homme s'est déshabillé et patiente, visiblement perdu lui aussi dans ses pensées. Les cicatrices sur son torse sont d'un blanc nacré, à peine marbrées. L'onguent qu'il a utilisé a empêché qu'elles ne boursouflent, mais elles resteront visibles à vie. Loin de lui inspirer de la pitié, elles parent à ses yeux le corps de son compagnon de la plus belle des façons. Car sans elles, jamais ils ne se seraient rapprochés au point, aujourd'hui, de ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre.

Severus tend le bras vers Harry et lui attrape la main. Ce simple geste fait relever la tête à son jeune amant et quand leurs regards se croisent, un sourire niais naît sur leurs deux visages.

— Tu es beau.

Harry hausse les épaules, nullement impressionné.

— J'ai connu mieux. J'ai mieux. Sous les yeux.

Ses yeux sont rieurs quand il prononce ses paroles, et intéressés. Pourtant, l'espace d'un instant, d'un battement de cils, Severus croit y percevoir autre chose. De la lassitude ? De la tristesse ?


Le week-end se révèle bien moins reposant qu'Harry ne l'avait escompté. Entre les première année toujours très impressionnés qui se perdent dans les étages et les nombreux couloirs qui les composent – et qui, pour certains, ont la fâcheuse tendance à ne pas toujours aboutir au même endroit – et les plus âgés qui n'ont pas perdu de temps pour mettre à exécution leurs premières bêtises, il passe autant de temps à courir que pendant la semaine. Peut-être même plus.

Il est occupé à raccompagner à la tour de Griffondor deux petits nouveaux épuisés qui ont tourné en rond tout l'avant-midi, quand un bruit de course et une interpellation enjouée le font se retourner.

— Harry !

Le garçon qui court vers lui, un grand sourire en travers du visage, est le nouveau capitaine des Griffondor. Stefen Romford est en sixième et a intégré l'équipe l'année précédente seulement. Ron n'a pas tari d'éloge à son sujet à cette époque, mais Harry n'a pu le voir jouer qu'une seule fois, lors d'un entraînement. Malgré tout, n'ayant entendu que du bien à son égard, et ce bien qu'il ait pris sa place dans l'équipe, il l'accueille comme s'ils se connaissaient.

— Avec ce qu'il reste de l'équipe, on va jouer un peu. Tu nous rejoins ?

— Et les recrutements ?

— Le week-end prochain. C'est nous qui avons le dernier créneau, fait mine de bouder le garçon. Du coup, on tue le temps en jouant.

La proposition est tentante. Jouer pour de vrai au lieu de tournoyer à deux mètres du sol avec des gamins tremblotants, ça ne se refuse pas. Ainsi, malgré la charge de travail qu'il lui reste, il promet d'être au terrain dans une heure. Juste le temps de déposer dans leur nid les deux petits qui piquent du nez après leur longue randonnée et de jeter un dernier coup d'œil à la carte des Maraudeurs. C'est ainsi qu'il a repéré les deux Griffondor égarés, mais aussi quatre Serpentard, deux Serdaigle et un Poufsouffle. Son père, Sirius et Remus se retourneraient dans leurs tombes s'ils savaient à quoi sert désormais leur précieuse carte.


— C'était dément ! Je rêvais de te revoir jouer depuis des années, mais te voir faire la chandelle Potter juste sous mon nez, ça dépasse tout. J'ai jamais été aussi heureux de perdre.

Le rire de Romford emplit le couloir du troisième étage où leurs chemins se séparent. Comme l'a dit le jeune homme, le match était des plus satisfaisants, et pas seulement parce que l'équipe d'Harry a gagné. Non. Une fois le vif d'or relâché, Harry a découvert que de se lancer à la poursuite de la petite bille dorée lui procurait à nouveau le même sentiment de bien-être et que plus aucun de ses soucis ne pouvait venir l'obscurcir. Enfin, le quidditch redevenait ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être ; un moment de plénitude absolue. Son moment.

— On remet ça quand vous voulez, s'enthousiasme-t-il en quittant ses élèves, un sourire joyeux aux lèvres.

— Le plus tôt sera le mieux. On te tiendra au courant. À plus, Harry.

Il va tourner dans le couloir menant à ses appartements quand une voix dure au timbre furieux s'élève derrière lui.

— Qui vous a autorisé à être si familier avec l'un de vos professeurs, Romford ? Moins dix points pour Griffondor. J'espère que ça suffira à vous rappeler que vous devez vous adresser à votre entraîneur en l'appelant professeur Potter ou Monsieur.

Se tenant devant les étudiants chez qui ne subsiste plus la moindre trace de bonheur ou d'insouciance, Severus Rogue les fusille du regard.

— Severus, tente Harry, mais l'homme lui fait signe de se taire.

Sur un signe supplémentaire de sa part, les joueurs déguerpissent et, quelques secondes plus tard, les deux hommes referment la porte des appartements d'Harry derrière eux.

— Tu dois te faire respecter, Harry, s'emballe Rogue en arpentant le petit salon à grandes enjambées.

Circonspect et aussi un peu agacé par le ton de l'homme, l'intéressé secoue la tête.

— Je ne pense pas que le respect passe par un titre quelconque.

— Eh bien, tu te trompes.

— Je ne crois pas.

Faisant un effort évident pour ne pas s'énerver davantage, Severus s'arrête et, après une courte réflexion, revient sur ses pas pour se poster face à son compagnon.

— Harry, tente-t-il d'une voix qu'il espère compréhensive et pédagogue. Tu sais ce que la Gazette dit à ton sujet. À notre sujet.

Il lève les yeux au ciel à la mention de ce canard opportuniste, mais ne lui laisse pas le temps de répondre avant de continuer.

— Nombreux sont les élèves, ou les parents de ceux-ci, qui le lisent. Et bien que ce torchon ait prouvé plus souvent qu'à son tour sa bêtise crasse, beaucoup continuent de le croire. Ne fais pas l'erreur de croire que tu peux être proche de tes élèves, car certains n'attendent qu'un faux pas de ta part pour le rapporter à cette feuille de chou.

— On a juste disputé un match...

— Et ce n'est pas ce que je te reproche. Tu es leur entraîneur, vous jouez au quidditch, c'est parfait, mais n'oublie pas que vous n'êtes plus sur un pied d'égalité. Tu es le professeur et ils sont tes élèves. Ne les laisse pas croire que vous pouvez être plus que ça.

— Qu'est-ce que tu entends par plus que ça ? Tu n'as pas confiance en moi ?

Severus soupire et secoue la tête à son tour. Il ne fait plus seulement semblant de s'être calmé, mais est surpris de découvrir qu'il l'est bel et bien.

— Je ne parle pas de ça. Harry, vous ne pouvez pas être amis. Pas tant qu'ils sont élèves et que tu es professeur.

Agacé, Harry ricane et contourne son compagnon pour aller se planter derrière son fauteuil.

— C'est ridicule et tu es bien placé pour le savoir.

— Comment ça ?

Les sourcils froncés de Severus l'agacent. Comme s'il ne voyait pas de quoi il parle.

— Toi et moi, on s'est rapproché précisément alors que j'étais élève et toi professeur, lâche-t-il avec hargne.

— Ça n'a rien à voir.

La voix de l'homme vrille juste assez pour qu'Harry savoure l'espace d'un instant sa victoire. Touché.

— Au contraire. Et je crois que tu es jaloux.

Le calme qui l'avait envahit s'est éclipsé, soufflé par un vent de ressentiment et, blessé, Severus quitte le petit salon en claquant la porte. Que cet imbécile se débrouille tout seul s'il est si malin, et qu'il ne vienne pas pleurer quand ses nouveaux amis le poignarderont dans le dos.

Cette nuit-là, et ce, pour la première fois depuis leur arrivée au château, les deux hommes dorment seuls, chacun dans son lit.

Pire, le lendemain Severus se révèle introuvable et ne se présente à aucun des repas dans la grande salle. Dépité, Harry retrouve là une caractéristique du professeur de potion qu'il avait occultée depuis quelques mois et qu'il avait crue disparue. L'homme est rancunier.

**

On n'en est qu'au chapitre 4 et les voilà déjà qui se disputent...
Espérons que ça ne dure pas trop longtemps... ;)

Ah, tient, d'ailleurs, tant que j'y pense ! Parce que ça pourrait servir, sait-on jamais.
Cette semaine, j'ai trouvé (tout à fait par hasard, en plus) une version traduite en anglais (fort mal, d'après les commentaires) des larmes du Phénix.

Mon nom n'était cité nulle part, il n'était pas précisé que c'était une traduction et, bien sûr, je n'ai jamais entendu parler de cette personne avant.

C'est très con comme action. Déjà, de s'attaquer à une fanfic de 100 000 mots quand on a un niveau très moyen en anglais (sérieux, entraînez-vous sur des textes beaucoup plus courts et évitez de juste tout passer sur Google Trad, ça se voit). Et ensuite, de ne pas avoir demandé l'autorisation de la traduire.

Parce que je l'aurais donnée.
Sans problème.
Je l'ai même déjà fait, en fait (Les larmes est en cours de traduction en espagnol ^^)

Voilà.
Ceci était un petit message de prévention du Comité Contre les Traductions Frauduleuses xD

Oh ! Et ne perdez pas votre temps a essayer de retrouver cette traduction. Deux heures après l'avoir signalée, l'équipe Wattpad l'avait déjà virée. Iels ont été super réactifs. Cœur sur vous, si jamais vous passez un jour par ici. ❤️

Et des bisous à toustes.


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