Chapitre 4 - Passé et futur

Les appartements de Severus. Harry pensait ne plus jamais les revoir et ça lui fait plaisir de s'être trompé.

— Rien n'a changé, murmure-t-il pour lui-même.

Circonspect, Severus hausse un sourcil.

— Nous ne sommes partis que deux mois et les elfes, eux, ne quittent pas le château en été, ils continuent à l'entretenir. Que pensais-tu trouver de différent ?

— Je ne sais pas...

Tournant le dos à son compagnon, Harry pense à se défiler, mais opte finalement pour une réponse honnête. Ça lui permettra peut-être d'en apprendre plus sur les intentions du Maître des potions.

— J'ai pensé, à un moment... que peut-être... peut-être que tu ne reviendrais pas ici. Que tu comptais arrêter d'enseigner. Après tout, ça n'a jamais eu l'air de trop te plaire...

Un souffle chaud dans sa nuque le fait frémir. Il n'a pas entendu Severus se rapprocher, et cette soudaine proximité le rend nerveux, mais il est vrai qu'il a toujours su se montrer discret quand cela s'avérait nécessaire.

— Ce n'est pas tout à fait exact, soupire l'homme contre sa peau. Je ne déteste pas enseigner, j'ai juste un peu de mal à supporter les élèves stupides. Et malheureusement pour moi, il y en a énormément dans cette école.

Les longs bras du professeur glissent sur son ventre et il pose son menton pointu sur l'épaule d'Harry. Ses cheveux lui chatouillent les pommettes alors que l'étreinte se resserre. C'est bon d'être dans ses bras, et surtout, ce câlin signifie forcément que l'homme ne pense pas à le quitter, non ? Sinon il n'en ferait rien.

— Harry, on doit parler.

Les os du jeune homme se glacent et ses doigts se contractent alors qu'ils avaient enfin rejoint ceux de son compagnon.

— De... de quoi ?

— De l'avenir. Du tien, en particulier.

Alors c'est vraiment comme ça que ça va se terminer ? Non, impossible. Il le refuse. D'un mouvement rapide, Harry se retourne et vient glisser ses doigts dans la nuque du professeur de potion. Lascif, il se colle à lui et l'embrasse. La réaction ne se fait pas attendre. Dans son dos, les mains de Severus se glissent sous son t-shirt et il ne leur faut pas deux minutes pour rejoindre la chambre qui a été parfaitement préparée par les elfes plusieurs heures plus tôt.

Ils n'auront pas cette discussion. Ni ce soir, ni demain, ni jamais s'il a son mot à dire sur la question. Et il fera tout pour l'avoir.

Au matin, quand il est réveillé par une caresse douce et chaude sur le front, Harry ouvre les yeux et reconnaît la silhouette sombre de Severus. Alors il sourit, satisfait.

— Il est temps de te lever, lui apprend l'homme. Minerva m'a chargé de te montrer tes appartements. Sans oublier que dans une heure nous avons rendez-vous dans son bureau pour te présenter à tes nouveaux collègues.

Ses nouveaux collègues. Ça lui fait bizarre de penser à ses anciens professeurs en ces termes, mais, au fond, c'est toujours moins étrange que le fait d'avoir passé la nuit avec l'un d'entre eux.


Deux toasts et un jus de citrouille plus tard, ils se pressent dans les couloirs en direction d'une aile où Harry n'a jamais mis les pieds.

— Je sais que ce n'est pas ton fort, mais cette année encore il nous faudra être discrets. Les élèves...

— Je crois que les élèves sont au courant pour nous, tu sais.

— Aucune importance. Ça m'étonnerait de trouver parmi eux ou leurs parents beaucoup de partisans de... ce que l'on incarne. Ils ne doivent rien pouvoir nous reprocher, tu comprends ? C'est ta première année en tant qu'enseignant, ton premier travail, et il est hors de question qu'une mauvaise expérience vienne torpiller ton avenir.

Harry hausse les épaules.

— Rien ne dit que j'en aurais besoin d'une seconde. Je pourrais rester et entraîner les futurs prodiges de quidditch ici toute ma vie.

À ses côtés, l'homme en noir fait claquer sa langue d'agacement et Harry a à peine le temps de tourner la tête dans sa direction qu'il se retrouve propulsé contre le mur de pierre. Severus est planté devant lui, son regard, qui n'a rien de coquin, fixé sur sa petite personne.

— Tu évites le sujet depuis des jours, mais...

— Je...

— Non !

Lui interdisant de le couper une nouvelle fois, Severus fronce les sourcils et pose son index sur les lèvres de son jeune compagnon.

— Je sais pourquoi tu ne veux pas aborder le sujet, mais pourtant il le faudra bien. Harry, il s'agit de ton avenir, de ta vie entière.

Ça y est, il va le faire. Ici, au milieu du couloir ? Alors qu'ils ne sont même pas encore arrivés jusqu'à ses appartements ? Comment le maître des potions peut-il être aussi cruel ? Après leurs ébats de la nuit, après les vacances qu'ils ont passées ensemble, après tout ce qu'ils se sont dit. Harry est terrifié, il est certain qu'il ne va pas tarder à pleurer.

— Non, supplie-t-il. Ne fais pas ça, ne dis pas ce que tu t'apprêtes à dire... Ça me tuerait...

Interdit, l'homme a un mouvement de recul en voyant son visage se décomposer.

— Harry ? Mais qu'est-ce que tu...

— Je ferais ce que tu voudras, pleurniche le jeune homme. Je me ferais discret, je ne te dérangerais pas... J'étudierais tous les livres de la bibliothèque pour avoir des sujets de discussion plus intéressants, mais je t'en prie, ne fais pas ça...

Désemparé, Severus laisse passer quelques trop longues secondes sans réagir. Il regarde Harry et ne comprend pas ce qui est en train de se passer. Ça fait plus d'une semaine qu'il tente d'aborder le sujet mais que le jeune homme se défile. Il le comprend, dans un sens, et c'est pour ça qu'il n'a pas insisté plus que ça jusqu'à aujourd'hui, mais là ce qui se produit le dépasse.

Son hésitation fait craindre le pire à Harry. Il vient de se ridiculiser, de prouver à quel point il est faible et son amant ne fait... rien ? C'est déjà décidé, pour lui, alors ? Et il n'éprouve déjà plus rien à son encontre ? Quel abrutit il a été de croire que tout ça pourrait durer. Profitant de l'immobilité de son vis-à-vis, il s'échappe. Il glisse entre ses bras et se met à courir.

Imbécile, imbécile, imbécile. C'était évident qu'un tel bonheur ne pouvait pas durer. Pas quand tout et tous se liguaient contre ce qui aurait pu – aurait dû – être une belle histoire.

— Harry !

La voix de Severus le fait frissonner. Il s'autorise un bref regard en arrière et s'étouffe presque en découvrant que l'homme l'a pris en chasse. Le visage rouge, les cheveux aux vents, le professeur court à perdre haleine dans sa direction.

Pris de panique, Harry accélère. Il est hors de question de le laisser le rattraper. Pas après ce qu'il vient de lui dire. Dans son dos, un sort de bloque jambe est lancé et il l'évite adroitement d'une pirouette avant de se rendre compte de son erreur. La seconde d'après il s'écroule sur le sol – étonnement mou – alors que ses mollets se ratatinent tels deux vieux marshmallows.

Aussitôt, Severus s'arrête à sa hauteur, les mains sur les genoux, le front luisant. Il ne parade même pas après sa diversion parfaite et son informulé qui a précipité la chute du jeune sorcier.

— Par le chapeau de Merlin, Harry, qu'est-ce que c'était que ça ? De quoi, par tous les détraqueurs, pensais-tu que je parlais ?

Le souffle court lui aussi, Harry lève la tête vers son ancien professeur. Il semble réellement confus. Et puis, il vient de lui courir après. L'aurait-il fait s'il comptait l'abandonner comme une vieille chaussette ?

Mais en même temps, il y a ce qu'il a dit... Harry ne comprend plus rien et sent ses joues se couvrir de larmes à l'instant où il retrouve l'usage de ses jambes et où Rogue se laisse tomber à genoux devant lui.

— Harry.... répète-t-il une fois de plus. Harry, qu'est-ce qui se passe ? Parle-moi, je t'en prie. Je ne comprends rien.

Ses bras glissent dans le dos du jeune sorcier et il l'attire à lui pour le serrer fort. Alors qu'Harry s'abandonne à sa chaleur et au doux son de sa voix. Il enfouit son nez dans les robes sombres et laisse ses sanglots remplir le calme des couloirs où même les portraits ont cessés de discuter pour les observer.


— Bon, tu m'expliques, maintenant ?

Par un hasard hasardeux, cette petite crise s'est terminée à moins de deux mètres de l'entrée des appartements d'Harry. Appartements qu'il ne pourra plus jamais quitter ou rejoindre en paix s'il en croit les dizaines de paires d'yeux peints qui l'ont regardé se relever et s'y rendre soutenu par le bras de Severus.

Le salon où ils se sont installés est confortable bien que très impersonnel. Il pense un instant à profiter du week-end pour ramener des objets de la maisonnette avant de se rappeler qu'elle aussi est restée dans son jus et qu'il n'a toujours pas pris le temps de la personnaliser.

Il s'étend sur le fauteuil rouge très semblable à ceux qui se trouvent dans la salle commune de Griffondor et ose enfin poser les yeux dans ceux de son compagnon. Severus semble peiné par la situation, mais il attend, patient comme il l'est avec lui désormais, qu'il lui explique ce qui vient de se passer. Alors Harry inspire profondément et se lance.

— Je... Je croyais...

Bon, ce n'est peut-être pas si simple que ça à verbaliser.

— Tu ne comptais pas me larguer ?

Il faut quelques secondes à Severus pour réagir, pas certain d'avoir bien entendu. Mais quand il le fait, c'est avec une pointe d'énervement dans la voix, ce qui ne rassure pas son jeune ami.

— Qu'est-ce qui a pu te donner cette impression ?

— Tu n'as pas répondu, lui fait-il remarquer d'une voix qui sonne bien trop faible.

Alors Severus se lève. Il est si imposant, pense Harry, si impressionnant. Comment un homme tel que lui peut-il s'intéresser à un gamin dans son genre ? Un crétin dont le seul accomplissement a été de réaliser une foutue prophétie sur laquelle il n'a jamais eu le moindre pouvoir ?

Loin de partager ses pensées, pourtant, l'homme fait deux pas pour le rejoindre et s'agenouille devant le fauteuil qu'il occupe. Avec une infinie douceur, il lui prend les mains et les porte à sa bouche pour les baiser.

— Harry, souffle-t-il tout en revenant chercher son regard. Je n'ai jamais été aussi heureux de toute mon existence. Chaque seconde passée à tes côtés m'apporte plus de raisons de sourire que toute une année quand tu n'y étais pas encore. Je n'ai jamais été aussi amoureux.

Sa main quitte alors celles du Griffondor pour venir lui caresser la joue.

— Harry, insiste-t-il. Je t'aime.

Il se redresse, toujours sur les genoux, et vient passer sa paume à l'arrière du crâne de son compagnon.

— Je t'aime, répète-t-il en l'attirant à lui. Je t'aime.

Ce n'est que lorsque leurs lèvres se touchent qu'Harry sort de sa torpeur. À son tour, il vient l'enlacer. Les yeux fiévreux, il le dévore de baisers jusqu'au moment où l'homme y met un terme en s'écartant de lui, un sourire au coin des lèvres.

— Tu m'expliques, maintenant, ou tu préfères me garder dans l'ignorance ?

Harry se sent stupide. Pas que ce sentiment lui soit inconnu, mais il aurait préféré ne pas le ressentir en cet instant.

— Tu insistes pour me parler de mon avenir, baragouine-t-il. Comme si le tient n'y était pas lié. Comme si on allait se séparer...

— Bougre de gnome de jardin, ne peut s'empêcher de lancer Severus, agacé. Tu viens de finir tes études, tu as refusé la formation d'Auror – ce qui me semble être une bonne idée, soit dit en passant, peut-être la meilleure que tu aies jamais eue – et si Minerva ne t'avais pas appelé pour ce remplacement, tu n'aurais ni travail ni formation de prévu cette année. Alors, oui, je m'inquiète pour ton avenir. Parce que tu es prompt à la mélancolie et que moi je vais être coincé ici jusqu'aux prochaines vacances.

— Mais maintenant je suis là...

— Mais pour combien de temps ? Bibine peut revenir à tout instant et elle est bien loin d'avoir atteint l'âge de la retraite. Harry, je ne te dis pas de te presser. Si tu as besoin de quelques mois ou même d'une année pour réfléchir, prends-les, mais ne te fais pas d'illusion, ton statut d'élu à qui tous auraient tout donné a été salement entaché par ta relation avec moi. Ne t'attends plus à autant de bienveillance de la part de ceux qui ne te connaissent pas.

Harry hausse les épaules.

— Je sais ça, mais ça ne change rien à ce qu'on vit.

— Ça t'arrive de m'écouter ? Je ne te parle pas de nous. Nous, c'est acquis pour aussi longtemps que tu voudras de moi. Je te parle de toi, de ta carrière, de ce que tu vas choisir de faire pour t'offrir la vie que tu veux. À moins que tu n'ai l'intention de vivre sur les économies que t'ont transmis tes parents ou d'ouvrir une fondation où chacun serait invité à donner quelques galions au garçon-qui-a-survécu pour le remercier de ses services rendus ?

Il a beau savoir que Severus n'est pas sérieux quand il propose une telle chose – où il devrait le savoir – ça n'empêche pas Harry de bondir à cette idée.

— Bien sûr que non !

— Tu m'en vois ravi.

Le petit sourire en coin de l'homme toujours agenouillé devant lui l'agace un peu, parce qu'il signifie qu'une fois encore il l'a conduit exactement où il voulait qu'il soit. Il le mène vraiment par le bout du nez.

— Bien, maintenant que ceci est réglé, pourrait-on enfin discuter de ton avenir ?

Harry grimace et Severus se remet debout. Il époussette ses robes noires – bien que le sol soit immaculé, les elfes ayant dû quitter la pièce quelques minutes seulement avant qu'ils n'arrivent – et retourne s'asseoir dans le second fauteuil que contient le petit salon.

— On a rendez-vous avec McGo...

— Dans trente minutes seulement. Harry...

Bondissant hors de son fauteuil, le jeune professeur de quidditch se relève et vient se poster face à son compagnon.

— Tu as dit toi-même que je pouvais prendre une année de réflexion, pas vrai ?

— C'est exact.

— Alors considérons que je la prends. Je te promets que je vais y réfléchir et que dans un an j'aurais à minima une piste. Mais, s'il te plaît, cette année laisse-moi juste profiter de ce remplacement et de ce délai supplémentaire qui m'est accordé.

— En supposant qu'il durera bien un an.

— On prendra ce qu'on pourra. Et de toute façon, tant que je reste ici je n'aurais pas vraiment l'occasion de flemmarder. Et ce que tu veux, c'est que je reste occupé, pas vrai ?

Vaincu, Severus soupire et accepte le deal. Ce que dit Harry n'est pas tellement faux de toute façon, et rejouer au quidditch ne pourra lui faire que du bien – car, oui, il est certain qu'il ne ratera pas une occasion de se mêler aux entraînements.


Moins d'une heure plus tard, dans le bureau directorial, Harry est introduit auprès de ses nouveaux collègues. L'ambiance est détendue, tous sont heureux aussi bien de rempiler pour une année de plus que de l'accueillir parmi eux.

— Alors les rumeurs disaient vrai ! s'enthousiasme Slugorn en lui envoyant une grande claque dans le dos. Quelle excellente nouvelle. Enfin, moins pour le professeur Bibine, bien entendu. Mais ne dit-on pas que les joueurs de quidditch finissent toujours par réapparaître quelque part ?

— Il faut l'espérer en tout cas, s'en mêle Pikines par-dessus les rires du gros professeur, car notre jeune ami, ici présent, ne va pas éternellement gâcher ses nombreux talents en se contentant d'un poste de remplaçant.

— Professeur... veut l'interrompre Harry, mal à l'aise, mais elle lui coupe la parole de sa voix qui lui parait toujours aussi agacée que quand il assistait à ses cours.

À croire qu'il faut impérativement, dans sa vie, un professeur avec qui ne pas être d'accord et frôler l'incident diplomatique à chaque échange.

— Oubliez le « professeur », Harry. Nous sommes collègues, aujourd'hui, appelez-moi simplement Orlanda. Aussi, ce que je m'apprêtais à dire avant que vous ne m'interrompiez, c'est que j'espère avoir un jour l'occasion de disputer un match contre vous, maintenant que vous voici de retour sur un balai.

Personne ne semble tiquer, pas même Severus, mais Harry fronce les sourcils.

— Vous jouez au quidditch, pro... Orlanda ?

Nonchalamment, elle hausse les épaules et l'espace d'un instant, Harry croit même voir une expression douce passer sur son visage fermé. De la nostalgie, peut-être ?

— Plus depuis des années. J'ai laissé passer ma chance, mais il fut un temps où j'étais pré-sentie pour intégrer une grande équipe.

— Laquelle ?

— Ça n'a plus vraiment d'importance, aujourd'hui.

Elle lui sourit – un sourire à vous glacer le sang – et se retourne vers Minerva, en attente de la suite des événements. Vraiment, il ne comprendra jamais ce que ses amis peuvent bien lui trouver. À lui, elle file la chair de poule.

**

Hey les gens !

Quand je vous ai dit, il y a deux chapitres, que ceux-ci allaient être considérablement plus courts, vous vous souvenez ? Bah, disons que ce ne sera pas forcément le cas pour chacun d'entre eux...
Même si, en vrai, je pense que personne ne va s'en plaindre ;)


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top