Chapitre 33 - Disparition et abnégation

Sur les instructions de Stefen Romford, Minerva et Severus ont trouvé les réserves de potions cachées dans un buisson à proximité de la volière. Comme attendu, le garçon a supplié, pleuré, menacé, pour qu'on lui remette les siennes, mais au lieu de ça, il a été envoyé à Sainte Mangouste, où il est suivi par une psychomage spécialisée dans les addictions. Après ça, et bien qu'il aurait aimé se mettre au travail immédiatement, Severus est tombé de fatigue. La courte nuit, qu'il n'a eu d'autre choix qu'accepter, s'est révélée envahie de cauchemars où Harry périssait de mille façons.

Ainsi, c'est avec la boule au ventre qu'il s'est mis en devoir d'analyser la potion dès le lendemain matin. Sans même le consulter, Minerva s'est arrangée avec Slugorn pour qu'il s'occupe de ses cours, et les elfes de maison se sont vu demander de lui apporter ses repas directement dans son laboratoire. Des repas inspirés des sandwichs moldus, faciles à grignoter sans avoir à interrompre son travail en cours. Deux jours passent ainsi, deux très longs jours durant lesquels Severus ne dort que quelques heures, assis à son bureau, la tête plongée entre ses bras. Deux jours de stress où tout ce qu'il entreprend pour découvrir de quel genre de potion il s'agit échoue lamentablement.

Sur sa paillasse, trois nouveaux échecs lui font face. Une fiole déborde d'une mousse nauséabonde depuis qu'il y a versé deux gouttes de la potion d'Harry. Une autre s'est évaporée avec son contenu, ne laissant à son emplacement qu'un petit tas de sable noir. La dernière ne se trouve plus non plus sur le plan de travail, mais éparpillée en milliers de petits morceaux dans toute la pièce.

Énervé, autant que désespéré, Severus laisse échapper un rugissement de douleur. D'un mouvement, il balaie le reste de ses expériences dans les airs et, dans un mouvement de cape, il se retourne, prêt à quitter le laboratoire, au moins pour quelques minutes. Peut-être que quelques heures de sommeil dans son lit l'aideraient à y voir plus clair ? Ou alors, il pourrait se frapper violemment la tête contre un mur ? Il arrive que certaines personnes se relèvent plus intelligentes après une commotion cérébrale, alors pourquoi pas lui ?

Dans le couloir, où il court plus qu'il ne marche, Severus croit entendre du bruit en provenance d'une des alcôves à demi cachée à la vue. Si jamais il s'agit de deux élèves en train de se bécoter, il leur enlèvera 250 points à chacun, qu'importe leur maison. Il n'est pas du tout d'humeur à supporter la vue d'un couple heureux. Ce qu'il trouve, pourtant, n'a rien à voir avec ce qu'il craignait. Assise à même le sol, une petite élève boulote de Serpentard semble aux prises avec un sort compliqué qu'elle répète en boucle.

—  Dorricott ? Que faites-vous dans les couloirs ? Vous n'avez pas cours ?

La petite fille sursaute et lève sur lui un regard apeuré avant de le reconnaître et de souffler de soulagement.

— J'ai une heure de libre, professeur, et j'en profitais pour étudier.

Il n'a pas le temps pour ça. Pas du tout.

— Vous ne devez pas traîner dans les couloirs sans raison. Pourquoi ne pas vous entraîner dans votre salle commune ? Ou dans la grande salle ?

La petite seconde année détourne le regard, embarrassée. Il la voit entortiller ses doigts autour de l'ourlet de sa cape, et c'est à contrecœur qu'elle répond.

— C'est un peu la honte... mais il y a des sorts que je maîtrise pas... des sorts que tous mes copains trouvent ultra simples.

— Quelle matière ?

— Défense contre les forces du mal.

Severus soupire.

— Eh bien, allez demander des conseils au professeur Pikines, dans ce cas.

La gamine se tourne vivement dans sa direction et le dévisage comme s'il venait de lui conseiller de mettre le feu à sa meilleure amie.

— Pikines ? Vous voulez rire ! Elle est terrifiante.

Bien malgré lui, la remarque fait ricaner Severus. Ce n'est peut-être pas si étonnant que la gamine plaise autant à Harry. Ils partagent quelques points communs.

Il va lui répondre que les Serpentards ne se laissent pas impressionner par si peu, quand un raclement de gorge les fait se retourner tous les deux. À cinq mètres, à peine, la terrible professeure de défense est debout, au milieu du couloir, les yeux rivés sur Rogue.

— Professeur, articule-t-elle avec son accent américain, pourrais-je vous dire deux mots en privé ?

De moins en moins enclin à aller faire une sieste, et de plus en plus à retourner au travail, Severus secoue la tête.

— Si ce n'est pas urgent, je ne vais hélas pas avoir de temps à vous consacrer. Minerva a dû vous expliquer...

— Ça a un rapport avec le travail que vous menez en ce moment, le coupe-t-elle.

Severus fronce les sourcils, suspicieux. C'est dur à croire, vraiment, et il ignore s'il doit lui faire confiance ou non. C'est tellement improbable.

— Les informations que j'ai à vous donner vont vous intéresser, je n'ai aucun doute à ce sujet.

L'envie de la chasser est grande, mais la curiosité est plus forte et il fait demi-tour en l'invitant à le suivre d'un mouvement de tête.

— Pas plus de dix minutes.

— Ça devrait prendre à peine plus, soupire Orlanda.

Puis, se tournant pour la première fois en direction d'Ori, elle lui sourit.

— Venez me trouver à 18 h dans mon bureau, Miss Dorricott. Nous verrons ce que nous pouvons faire pour vos difficultés.


Les bottes de Rogue et de Pikines font crisser les débris de verre qui s'étalent sur le sol de pierre et l'odeur nauséabonde de la mousse indésirable flotte toujours dans la pièce. D'un sort de nettoyage, Severus débarrasse la paillasse et fait disparaître la puanteur par la même. Dans son dos, Pikines s'assied sur le bureau chargé de copies à corriger auxquelles il n'a pas touché depuis son départ pour le loch.

— Si nous pouvions faire ça rapidement, s'impatiente l'homme en se plantant face à elle.

— Vous devriez vous asseoir, le prévient-elle. Vous ne vous attendez pas à ce que je m'apprête à vous révéler.

Severus aime bien Orlanda en temps normal. Il aime sa franchise, son côté froid et puis aussi le fait que les élèves qui ne l'idolâtrent pas la craignent. Mais là, aujourd'hui, elle l'agace au plus haut point. D'un mouvement impatient, il fait venir sa chaise de derrière le bureau et s'y assied, dérangé malgré tout par le fait qu'elle le surplombe désormais.

La femme se racle la gorge et une lueur étrange passe dans son regard avant qu'elle ne se remette à parler.

— Je vais en venir aux événements qui se déroulent actuellement, mais avant ça, j'ai besoin de poser les bases. Vous verrez que tout prendra sens quand ce sera fait.

— Ne perdons pas plus de temps, alors.

Elle hoche la tête.

— Comme vous le savez, j'ai vécu ces dernières années aux États-Unis, mais ce n'est pas là que j'ai passé l'essentiel de ma scolarité. J'avais 13 ans quand mes parents ont été mutés au Brésil. C'est comme ça que j'ai intégré Castelobruxo dès ma troisième année. C'est une très bonne école, plus orientée magies naturelles que Poudlard et où les potions servent à bien plus de choses qu'en Angleterre. Vous vous y plairiez, sans aucun doute. Une fois mes études terminées, et bien que mes parents aient cette fois décidé d'immigrer en Finlande, je choisissais de rester là-bas pour travailler. L'alchimiste chez qui j'ai pu faire mes armes était un homme surprenant. Plus vieux que moi de vingt-cinq ans, il m'a appris énormément de choses pendant les cinq années où j'ai travaillé pour lui.

Elle a beau éviter un maximum les détours, Severus commence à s'ennuyer. Qu'est-ce que cet alchimiste Brésilien peut bien avoir en commun avec la disparition d'Harry ?

— Cette année-là, reprend-elle, celle de mes vingt-trois ans, je lui ai déclaré mes sentiments. Je me doutais qu'il ressentait la même chose, mais à cause de notre différence d'âge, il a d'abord commencé par refuser de m'écouter et c'est comme ça que j'ai perdu ma place...

— Loin de moi l'idée de vouloir être désagréable, mais j'ai beaucoup de mal à comprendre en quoi cette merveilleuse histoire va m'aider à retrouver Harry.

Elle le foudroie du regard et il pense un instant qu'elle va s'en aller, mais au contraire. Elle recule un peu plus sur le bureau, froissant et écartant les parchemins de ses élèves avec ses fesses.

— Plus vous m'interromprez et plus cela prendra de temps. Mais bien reçu, je vais la faire plus courte encore. Il m'a virée, j'ai insisté, on s'est mariés.

Il roule des yeux et elle prend ça pour une invitation à reprendre, peut-être avec un peu plus de détails.

— Moins d'un an après notre mariage, un homme s'est présenté à la boutique. Il prétendait être à ça de parvenir à l'élaboration d'une potion qui allait changer la face du monde. Je vous ai dit que mon mari était un alchimiste... ce n'est pas tout à fait exact. Dans un sens, il l'était, bien sûr... d'ailleurs, je suis au regret de vous annoncer que la pierre philosophale détruite par votre ami Flamel, n'était pas la seule en activité.

— Flamel n'était pas mon ami, la détrompe Severus. C'était celui d'Albus.

Elle hausse les épaules.

— Quoi qu'il en soit, cet imbécile était trop imbu de lui-même et il est mort pour rien. Je vous ai dit que mon mari avait vingt-cinq ans de plus que moi, vous vous souvenez ? En fait, son apparence était celle d'un homme de quarante-trois ans, mais il était réellement âgé de deux-cent-trente-six ans le jour de notre mariage. C'est pour ça qu'il a d'abord refusé mes avances.

Severus fronce les sourcils, agacé, et un peu dérangé aussi, quoi qu'il ignore par quoi exactement.

— La potion qui a drogué Harry n'a rien à voir avec un élixir de jouvence.

— J'y viens. La passion de mon mari, c'était le temps. Accélérer le temps, le ralentir... Voyager à travers lui.

Cette fois, il secoue la tête, persuadé que cette discussion ne va nulle part.

— Tous les remonteurs ont été détruits après l'évasion de Black, il y a près de dix ans...

— Je vous l'ai dit, le monde n'attend pas les avancées de l'Angleterre pour continuer à tourner. Mon mari possédait un moyen de retourner dans le passé, mais son fonctionnement différait de vos retourneurs de temps. Là où vos gadgets, si j'ai bien compris, changent la ligne du temps sur laquelle on se trouve, le sien en crée une nouvelle.

— Un univers parallèle ?

— C'est ça.

L'air bravache, Orlanda le défie de la contredire et, quoi qu'incrédule, au moins un peu, Severus ne s'y risque pas.

— Ce... c'est une découverte incroyable, mais... je ne comprends toujours pas...

Elle le coupe, sûre d'elle.

— J'y viens. Cet homme qui est apparu dans nos vies, son visage me disait quelque chose, mais je ne parvenais pas à remettre le doigt dessus. Il disait s'appeler Ray Mogdalof, mais nous étions d'accord avec Alessandro, mon mari, pour dire qu'il mentait. Cet homme disait avoir développé une potion qui rendrait le polynectar obsolète. Il n'en a fait la démonstration qu'une seule fois, mais j'ai trouvé ça terrifiant.

— C'est la potion qui a été utilisée pour créer les ersatz, comprend Severus.

Elle approuve.

— Comment...

— Ce n'est pas important pour l'instant.

— Qu'est-ce qui l'est, alors ?

— Cet homme ne possédait pas que la potion des ersatz. Celle-là était la sienne, bien sûr, mais avant de débarquer au Brésil, il a passé plusieurs années a tenter de mettre la main sur un moyen de parvenir à ses fins. C'est ça qu'il cherchait auprès de mon mari, même si ce qu'il a trouvé semble lui avoir plu davantage.

— La machine ?

— Ce n'est pas une machine, mais une potion. Une potion qui ne fonctionne que dans un cas particulier. Un cas extrêmement difficile à provoquer.

— Vous en avez trop dit ou pas assez.

Elle soupire.

— Vous n'êtes pas sans savoir que, parfois, les joueurs de quidditch disparaissent ?

Il fronce les sourcils.

— L'endroit où ils sont projetés se trouve en dehors du temps et de l'espace. C'est arrivé à Alessandro quand il était jeune. J'ai toujours pensé que c'était de là que venait sa passion pour le temps. Quoi qu'il en soit, il a disparu deux ans et en a profité pour étudier l'endroit où il était bloqué. Autant qu'il le pouvait, en tout cas. Quand il en est revenu, il s'est mis en tête de concevoir une potion qui, si elle est prise quelques heures avant la disparition, permettrait de choisir l'endroit et la date à laquelle on veut réapparaître. À côté de ça, bien sûr, il a poursuit ses études d'alchimiste, et quand il est parvenu, avec son maître de l'époque, à mettre au point une pierre qui fournissait de l'élixir de jeunesse, il a pu se concentrer à temps plein à sa nouvelle activité sans avoir à craindre le temps qui passait.

— Je ne suis toujours pas sûr de comprendre, avoue Severus.

Mais en vérité, un pattern est en train de se dessiner sous ses yeux et il craint ce qu'il commence à comprendre.

— Mogdalof est devenu ami avec mon mari. Ils ont partagé beaucoup de leurs connaissances et je pense aujourd'hui qu'il avait une emprise sur lui qu'il n'aurait pas dû avoir. Alessandro était un sorcier intelligent et rusé, mais ce jeune traître l'était aussi. Il a trahi mon mari et l'a assassiné après avoir obtenu ce qu'il voulait de lui. Quand j'ai découvert son identité, il était trop tard. Il avait trop d'emprise sur Alessandro et rien de ce que j'ai pu lui dire n'a été en mesure de changer le cours des choses. Après ça, Mogdalof a fui et je suis partie à sa recherche. Je cherchais la vengeance, le sang. Une compensation à ma peine horrible. Je lui ai presque mis la main dessus un soir d'octobre. Il jouait avec une petite équipe de quidditch russe. J'avais déjà enfourché mon balai, prête à lui fondre dessus et à le faire tomber du sien, quand il y a eu un flash lumineux. Tout le monde a crié et l'instant d'après, il n'était plus là. Il avait réussi à s'envoler vers le passé.

Bien malgré lui, Severus est pendu aux lèvres d'Orlanda. Son histoire l'intéresse bien plus qu'il ne le croyait possible, même s'il n'est toujours pas certain des implications qu'elle peut avoir dans la sienne. Les coudes posés sur les genoux et le torse penché vers elle, il l'interroge.

— Qu'est-ce qui s'est passé, ensuite ?

— J'ai toujours été douée en quidditch. Déjà à l'école, je jouais dans l'équipe officielle. Alors j'ai intégré une petite équipe, à mon tour. Plusieurs années sont passées et ma carrière a décollé. J'ai vu deux de mes coéquipiers disparaître avant de l'expérimenter à mon tour. C'était lors de la coupe du monde et les Rockets du Maine, mon équipe, l'emportait. Je suppose que certains espèrent toujours me voir reparaître un beau matin.

Severus hoche la tête, perplexe.

— Comment avez-vous fait pour vous retrouver dans la même dimension que lui ? Enfin, pour peu que...

Elle lui sourit, des larmes prête à couler.

— C'était une précaution de mon mari. Si jamais l'un de nous remontait le temps par mégarde, l'autre devait pouvoir le suivre. Il suffit de créer un marqueur identitaire avec juste une goutte de sang de l'autre personne et de l'ajouter à la potion de voyage. Avant chaque match, chaque entraînement, j'en prenais une fiole.

— Pendant des années ?

Elle approuve.

— La pierre philosophale a bien des propriétés, vous savez. Si elle peut empêcher le vieillissement d'un être humain, elle peut aussi cloner quelques gouttes de sang. Le sang que mon mari a arraché à son adversaire le jour de son assassinat.

Toutes ces informations jettent un voile différent sur les récents événements et, comme l'avait prévenu sa collègue, Severus sent la tête lui tourner. Il est heureux qu'elle l'ai fait asseoir avant d'entamer son récit.

— Orlanda... En quelle année se sont déroulés ces événements ?

Elle lui sourit, mais sans aucune trace de joie sur les traits.

— Je me suis mariée en 2014. Ma brillante carrière de batteuse a pris fin en octobre 2029, quand j'ai disparu devant une foule de 500 000 personnes, et je suis née en Angleterre le 13 mai 1988.

Severus ouvre la bouche, sous le choc.

— Vous êtes élève de Poudlard en ce moment même... réalise-t-il.

Elle approuve, l'air enfin moins bravache, le cœur lourd.

— Je suis née Orlanda Dorricott. Mais tout le monde m'a toujours appelé Ori.

— Qui est l'homme que vous avez pourchassé toutes ses années ?

Elle le détaille un instant, certaine de prendre la bonne décision, mais inquiète quant à la suite des événements. Peut-être un rien soulagée, aussi, qu'enfin, une personne connaisse son histoire.
Quand elle répond, c'est dans un souffle, comme si sa voix refusait de partager cette information qu'elle retient depuis tant d'années.

— Drago Malfoy.


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