Chapitre 32 - Vagues et remous
Comme l'a dit Drago, l'eau est bouillante et Harry glapit quand elle pénètre ses vêtements. Il se débat, surpris, mais aussi de plus en plus furieux.
— Mais t'es pas bien !?
Les bras de Drago se sont refermés dans son dos et il l'attire avec lui vers le fond de la baignoire. Pas aussi impressionnante que celle des préfets, celle-ci est quand même profonde d'un bon mètre et large de trois. Chez les moldus, elle serait davantage comparée à un jacuzzi qu'à une baignoire ou une piscine, mais ça, Drago non seulement l'ignore, mais s'en tartinerai volontiers l'oignon avec une cuillère à salade si ce n'était pas le cas (Il faisait chaud et il était tard, la nuit où j'ai écrit ça. Mais ça m'a fait marrer à la relecture, alors je vous le laisse aussi).
— Lâche-moi ! s'énerve Harry. Lâche-moi, pauvre taré.
Dans l'eau bouillante, les remous n'ont rien de magiques, et rien d'électrique non plus. Ils sont le fait des corps des deux garçons qui se débattent avec rage.
Quand Harry comprend que repousser Drago ne suffira pas, il lui envoie son poing dans la mâchoire. Aussitôt, ses mains le lâchent et l'eau, à l'endroit où sa tête vient de plonger, se colore de rose.
— T'es complètement débile, s'acharne Harry.
— T'as perdu la tête !? geint Drago en sortant la tête de l'eau. C'était juste une blague, et toi...
Cette fois, Drago ne le retient plus. Il l'a lâché et se tortille entre ses jambes dans une vaine tentative pour se relever. Du sang coule de sa bouche entrouverte, régulièrement balayé par les remous créés par leurs deux corps. Harry pourrait se redresser et quitter la baignoire. Il le devrait. Mais au lieu de ça, il enfonce ses doigts dans les épaules du jeune sorcier et le repousse sous la surface. Il voit les yeux clairs de Drago s'écarquiller, il sent ses mains plus fraîches que l'eau, courir sur ses avant-bras. Ses ongles qui le griffent, ses doigts qui creusent sa chair à la recherche d'une aspérité où s'infiltrer pour le faire lâcher. Et puis il y a son corps nu qui frétille sous le sien. Ce corps qui heurte ses cuisses et qui se frotte. Ce corps à sa merci.
Aussi brutalement qu'il l'a enfoncé dans l'eau, Harry l'en retire. Rouge et pantelant, Drago veut reprendre sa respiration, mais est pris d'une violente quinte de toux. Les doigts toujours enfoncés dans sa peau rougie par l'eau chaude, Harry voit son visage virer au violet, et ce n'est qu'alors qu'il prend conscience de ce qu'il a failli faire. Sans ménagement, il retourne Drago et lui assène plusieurs grandes claques dans le dos.
— Pourquoi tu m'as pas repoussé ? l'engueule-t-il. Depuis que je suis là, tu fais de la magie, et je t'ai pas vu une seule fois avec ta baguette en main. T'aurais pu me repousser. Pourquoi tu l'as pas fait ? Pourquoi, putain ? Ça t'excitait, l'idée que je t'étrangle ? Merde ! Pourquoi je tombe que sur des gars qui veulent que je leur fasse du mal ? Pourquoi vous me faites ça ? Pourquoi vous m'obligez à faire ça ?
Sans vraiment s'en rendre compte, Harry s'est mis à frapper le dos de Drago bien plus fort que nécessaire.
— Potter...
À genoux dans la baignoire, Drago se retient au bord, haletant. Il a bien cru que cet abruti allait le noyer. Et cette lueur dans ses yeux alors qu'il le maintenait sous l'eau... Drago s'ébroue pour cacher le frisson qui le parcourt et il se retourne, attrapant le bras d'Harry au passage.
— C'est toi que ça excite, espèce de taré ! Regarde-toi. Tu bandes, merde. T'as failli me tuer et tu bandes !
Il a raison. Les vêtements trempés d'Harry lui collent à la peau et laissent peu de place à l'imagination. Évidemment que c'est lui que ça excite. Il le sait. Il a conscience de ce qu'il fait subir à Severus. Il se rend compte que bien souvent il va trop loin. Pire, il est conscient qu'il se cache derrière le soit disant plaisir que l'homme en tire pour excuser ses actes.
Comme s'il lisait dans ses pensées, Drago grimace. Le dos toujours contre le rebord, il s'éloigne d'un mètre. Nullement dérangé par sa nudité, il se remet debout.
— C'est ça, les trucs que tu fais avec Rogue ? Putain, vous êtes vraiment tordus... Oublie que j'ai été intéressé par toi un jour. Il lève alors la tête vers le plafond de pierre et beugle. Et toi, t'as vu ça ? Je suis sûr que t'as rien manqué. Alors on peut arrêter, maintenant ? Après tout ça, me dis pas que t'es encore...
Le reste de sa phrase est camouflé par le bruit que fait Harry en quittant le bain. Détrempé, il traverse la pièce de vie et s'engouffre dans le couloir mal éclairé, abandonnant Malfoy et ses vociférations.
Il marche pendant dix minutes d'un bon pas, ne s'arrête pas pour visiter les nouvelles pièces qui sont apparues depuis sa dernière tournée, n'y jette même pas un œil.
C'est lui qui a un problème. Bien sûr. Lui qui est devenu un problème pour les autres. Il ignore ce qui lui a pris. Il sait juste que l'idée de Malfoy nu et vulnérable entre ses jambes lui a donné envie de le posséder. De l'asservir. Rien à voir avec une quelconque vengeance, non. Juste... Juste... Il ne parvient pas à mettre le doigt sur ce dont il s'agissait exactement. Une pulsion ? Un phantasme ?
— Tu sembles bien songeur.
La voix qui interrompt le cours de ses pensées est basse, chaude et un rien traînante. Et elle émane d'une forme dissimulée dans l'ombre d'un large fauteuil à oreilles. Aussitôt, Harry s'empare de sa baguette et la pointe sur l'inconnu.
— Qui est là ? Montrez-vous.
Un rire lui répond et, immédiatement, une minuscule boule de feu apparaît dans les ténèbres, éclairant la paume au-dessus de laquelle elle lévite, et la moitié d'un visage anguleux.
— Approche, lui conseille l'homme, avec toujours cette note amusée dans la voix. Approche, que je puisse te regarder.
Harry grimace. Cette attitude lui rappelle trop de mauvais souvenirs. Pourtant, sa curiosité piquée, il approche.
— Qui êtes-vous ? répète-t-il après avoir commandé à sa baguette de s'allumer.
— Je ne suis pas sûr que la réponse à cette question soit importante pour l'instant.
— Permettez-moi de ne pas être du même avis.
— Oh, je suis prêt à te permettre beaucoup de choses, s'amuse l'étranger.
Et, enfin, le lumos d'Harry est assez proche pour révéler le visage caché parmi les ombres. L'homme doit avoir la quarantaine, son visage tout en angles est plus pâle encore que celui de Drago, et de longs cheveux blonds, presque blancs, dégringolent sur ses épaules recouvertes d'une étoffe chère et immaculée. Au premier coup d'œil, Harry pense qu'il s'agit de Lucius, mais il comprend vite son erreur. L'homme lui ressemble indéniablement, il a les mêmes traits nobles, les mêmes yeux délavés, la même allure générale, mais il se dégage de lui une chaleur que ne possède pas le patriarche.
Et puis Lucius est à Azkaban, il ne peut pas se trouver ici en même temps. Enfin, le ministère est aussi persuadé que Drago se trouve à Sainte Mangouste, alors...
Mais alors quoi ? L'oncle de Drago ? Ou son frère, peut-être ? La famille Malfoy ne lui a jamais paru être un modèle, mais quand même, est-ce qu'un de ses membres emprisonnerait Drago pendant des mois dans les sous-sols de sa maison incendiée ?
— Je ne me répéterais pas, tente de l'impressionner Harry, et l'homme se remet à rire.
— Ça tombe bien, parce que ce serait inutile. Je te donnerais mon nom quand le moment sera venu, mon très cher Harry. En attendant, je te conseille de boire ceci.
Dans sa main, un petit flacon apparaît et Harry s'enflamme.
— C'est vous ? C'est vous qui me fournissez cette saloperie ?
— Ou peut-être que je ne fais que la livrer. Tu la veux ? Ou je la garde ?
Harry hésite. Le fait de ne pas avoir de stock l'inquiète, mais peut-il pour autant accepter la potion offerte par cet homme ? À force de le regarder, Harry lui trouve de moins en moins de traits en commun avec Drago. Certes, il en a le port altier et la pâleur, mais derrière son masque affable, il y a comme une aura de folie qui émane de lui. Pas dans le genre de Xenophilus Lovegood, et encore moins de Luna, non, quelque chose de plus vicieux, comme une bête tapie dans l'ombre, prête à attaquer.
— J'en ai déjà pris trois fois, aujourd'hui.
Il vaut mieux refuser. Il ne fait pas confiance à ce type. Mais l'inconnu sourit en sortant une flasque de la doublure de sa cape.
— Déjà ? Et tu n'as pas peur de tomber à court ? Tu devrais peut-être commencer à les accumuler, comme Drago avec ses réserves.
Il agite la flasque, la débouchonne et avale une lampée de ce qu'elle contient.
— Vous savez pour Drago ?
L'homme a un rictus. Il range sa bouteille et reporte son attention sur la fiole qu'il tient toujours à la main.
— Je sais aussi que tu n'en a pas pour demain matin.
D'un geste souple, il envoie la fiole vers Harry, et sans même avoir à réfléchir, l'ex-attrapeur la rattrape. Ça fait rire l'étranger, mais avant qu'Harry n'ait pu ajouter quelque chose, il s'incline dans une révérence élégante et disparaît sous ses yeux.
Pendant dix minutes après ça, Harry ausculte les environs immédiats, mais il ne trouve ni trappe, ni passage secret. L'homme a bel et bien transplané, ce qui confirme à Harry qu'il n'est pas, comme eux, prisonnier des sous-sol.
Alors, honteux, Harry fait demi-tour et regagne la pièce de vie de Drago. Quand il la rejoint, son ancien ennemi est toujours allongé dans la baignoire. Les yeux fermés, il jouit de l'eau chaude dans le doux clapotis qui se répercute contre les murs de pierres. Quand il capte les bruits de pas d'Harry, il tourne la tête dans sa direction. Il estime visiblement que le jeune homme n'est plus un danger, parce qu'il referme les yeux presque aussitôt et se détourne de lui.
Mais à l'aise, Harry se racle la gorge avant de parler, restant à bonne distance de la baignoire.
— Je... j'ai rencontré un type. Un blond aux cheveux longs.
Il pense d'abord que Drago ne l'a pas entendu, ou qu'il fait comme s'il ne l'avait pas entendu, mais il finit par soupirer.
— Je voulais te râler dessus encore une nuit, au moins, mais s'il est passé à l'action, je n'en ai peut-être plus pour longtemps... Alors je devrais probablement te dire ce que je sais à son sujet.
Toujours sans pudeur aucune, Drago se lève et quitte le bassin, nu comme au jour de sa naissance. L'eau, ainsi que quelques bulles de savon coriaces, ruisselle de son corps blanc dont Harry ne parvient pas à s'arracher. Il lui faut une éternité pour se sécher et enfiler un peignoir. Celui-ci, visiblement fourni avec le bain, est du même gris pale satiné que ses iris.
Drago est magnifique là-dedans, et il le sait.
— Tu répands de l'eau partout. Sèche-toi, ordonne-t-il en se laissant tomber dans son fauteuil.
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