Prologue

« CASSIAN ! »

En entendant son prénom, le garçon essuya d'un revers de la main le sang coulant depuis son front jusqu'à sa paupière et se releva avec difficulté. La poigne de son père le tira en avant et l'entraina dans une course effrénée vers la salle du trône.

Des cris de terreur résonnaient dans ses oreilles à chaque fois qu'ils croisaient les habitants du château en fuite, leur priant de s'échapper de l'enfer. Arrivé dans la cour intérieure, le garçon lâcha la main de son père pour regarder le ciel.

— Dépêche-toi ! Nous devons retrouver Jeremiah !

— Mais père... Il neige.

Laurenz Nyrh rattrapa la main de son fils, ne portant pas attention à sa remarque pourtant peu anodine en ce soir d'été. Ils continuèrent à traverser les couloirs en pierre jusqu'à arriver à quelques mètres de l'entrée totalement détruite.

Soudain, Laurenz poussa son fils sur le côté en anticipant des pics de glace tombant du ciel. Il se mit à crier à la mort car, même s'il avait esquivé l'attaque, sauver son fils venait de lui coûter la jambe gauche.

Cassian regarda cette dernière, prisonnière sous un pic de glace dont la base se teintait progressivement de rouge. Le garçon couru jusqu'à son père, les larmes aux yeux, et lui attrapa la main.

Laurenz, retenant ses cris de douleur en se mordant la lèvre, sortit de sa ceinture une dague et la tendit à Cassian en lui montrant la jambe bloquée.

— Non père ! s'exclama-t-il en pleurs. Je ne peux pas faire cela !

— Il le faut sinon nous sommes tous les deux condamnés. Fait comme je t'ai appris.

— Mais vous n'êtes pas un animal ! Jamais je ne pour-

— Souviens-toi du chant de ta mère pour atténuer la douleur et guérir les blessures.

Le garçon renifla avant de se frotter le nez et de saisir la dague qu'il planta d'un coup dans la jambe de son père. Les cris et le sang firent couler de plus belle ses larmes jusqu'à ce qu'il se souvienne des paroles :

Quand tu perdras ton chemin

Voyageant toute la nuit

Je chanterais sous la pluie

Te protégeant du chagrin

Trancher la peau de son père devint soudainement plus aisé pour sa force d'enfant alors que le sang coulait au ralentie et que Laurenz ne ressentait plus la douleur. Son fils continua à chanter sans relâche, oubliant les cris des habitants, le feu et la neige, jusqu'à entièrement séparer la jambe prisonnière du reste du corps indemne.

« C'est bien mon fils, tu as été courageux. » murmura son père en déchirant un bout d'étoffe pour retenir le sang de couler. Lorsque Cassian s'arrêta de chanter, son père serra des dents en retrouvant la douleur dans son corps mais put se tenir debout grâce à un morceau en bois provenant de la porte explosée de la salle du trône.

Avec l'aide de son fils, il se déplaça jusqu'à l'entrée et se stoppa, les yeux exorbités et levés vers le ciel. Cassian mit du temps à comprendre la scène devant lui : un enfant aux longs cheveux blancs était allongé sur le sol en pierre devant le trône avec derrière lui Jeremiah, le cousin de Cassian.

Le garçon suivit son regard jusqu'à se pétrifier devant la raison ayant poussé son père à saisir son épée : un immense dragon blanc tenant entre ses griffes le corps du roi de Givreciel, feu Jaden Vaeryl.

— À mon signal, cours vers Jeremiah et fuyez jusqu'au port.

— Et l'autre enfant ?

— La survie de notre sang est plus importante que tout.

— Mais pèr-

— Obéis... Maintenant !

Laurenz poussa son fils avant de dégainer son épée face au dragon le fixant avec rage. La créature divine cracha un souffle glacial vers lui, créant les fameux pics de glace l'ayant privé d'une partie de sa jambe gauche.

L'homme esquiva de justesse avant de prendre appuie sur sa jambe valide, tendant son épée en arrière comme une lance. Il attendit que la bête se rapproche de lui et que son fils et son neveu ne soient hors de danger avant de lancer son épée avec ses dernières forces pour perforer le corps de la bête.

Tout ce que Cassian entendit en quittant la salle fut le hurlement du dragon de glace suivi de son père lui ordonnant de courir plus vite. Au bout d'une trentaine de minutes de fuite, son père prit enfin conscience des paroles de son fils sur le changement de temps.

— Une tempête de neige arrive, dit-il essoufflé en s'appuyant sur sa canne de fortune. Regagnons vite le bateau et retournons à Odyssey !

— Que va-t-il arriver à la famille Vaeryl, père ? s'inquiéta le garçon en portant sur son dos son cousin encore sous le choc.

Un grognement provenant du château les arrêta dans leur course et tous purent voir l'envol d'un dragon blanc meurtri dans le ciel prêt à se déchainer contre le pays et ses envahisseurs. Les troupes du royaume de Stolheim, responsable du coup d'État et de la mort du roi de Givreciel, les dépassèrent avant de les arrêter, leurs épées pointées sur eux.

— Personne n'est autorisé à quitter le pays, par ordre du roi Stol-

— Je suis Laurenz Nyrh, chef de l'armée du roi de Leonidia. Êtes-vous prêt à entrer en guerre avec la plus grande puissance du continent ouest car votre seule erreur a été d'arrêter un guerrier fidèle, son fils et l'un des princes du royaume du sud ?

Les soldats s'écartèrent sous la menace et les laissèrent arriver jusqu'à leur bateau déjà prêt à partir. Alors que Laurenz put enfin se reposer sur le pont, tous s'activèrent en voyant la tempête de neige arriver jusqu'au château, gelant petit à petit la mer.

« C'est une punition divine. » déclara Laurenz à son fils, « La famille royale de Givreciel vient d'être décimé et la déesse de l'hiver nous punit. »

Cassian regarda alors en direction du château, s'éloignant à mesure qu'ils quittaient le port, et il ne put s'empêcher de serrer sa poitrine de sa main, son cœur envahi par la tristesse.

Plus jamais il ne pourrait revoir la petite fille de givre.

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