52 - La complainte de Givreciel

Alors que la guerre faisait rage à l'est, le chasseur de Leonidia prit la direction opposée aux conflits et réussit à retrouver l'exact chemin du lac de Silja. Arrivant aux abords du lac, il fut arrêté par un groupe de religieux surveillant le lieu et interdisant l'accès à n'importe qui sauf Viktor et Cornélia.

Mais Cassian n'avait pas de temps à perdre.

Il les repoussa mais dû sortir son arme lorsque plusieurs d'entre eux se mirent à lui tirer dessus. Il expliqua brièvement sa présence mais en apprenant que le chasseur était venu libérer la déesse Silja, les religieux devinrent tellement belliqueux qu'ils le forcèrent à tous les tuer.

Cassian s'étant pris une flèche dans la cuisse et un coup de masse à l'épaule mais en retour, il supprimait de sa route tous ceux voulant le tuer. Certains décidèrent de prendre judicieusement la fuite mais d'autres lui firent obstacle jusqu'à la mort.

Et après être descendu dans les profondeurs de la grotte sous le lac, traversant les plantations de fruits du dragon, il avait planté sa lame sanglante dans la terre devant la statue de la déesse.

Cette prison d'okril d'une Silja attendant sa délivrance depuis bien trop longtemps.

« Je n'avais pas à me mêler de toute cette histoire mais le destin m'a conduit sur ta route, Silja. Une quête impossible pour d'autres mais que l'on a confiée à un chasseur de ma trempe : traquer un dragon et le faire saigner pour récupérer son pouvoir. Au final, le roi de Leonidia a eu l'idée bien tardivement car c'est ta fille qui s'en charge depuis des années.

Ce voyage a remué tellement de choses chez moi, des souvenirs enfouis au plus profond de ma mémoire et des émotions que je ne pensais plus jamais ressentir. De la peine, de la satisfaction, une vive colère et même un semblant d'amour. On m'a toujours dit que je m'étais totalement fermé depuis que j'avais quitté la famille royale mais je pense que c'est bien avant, avec la mort de ma mère, que j'ai oublié comment aimer les êtres humains.

Aucune attache et pourtant... C'est à Givreciel que je me suis attaché. J'ai aimé le temps passé avec les rebelles, avec Viktor, Cristal et même Vyrr.

Avec Cornélia.

...Avant de te voir dans cet état.

C'est toi qui m'as décidé à agir, qui m'a poussé à rendre utile ma venue dans ce pays de l'hiver éternel.

Lorsque je quitterai cet endroit, tu pourras reposer en paix et le peuple de Givreciel retrouvera son libre arbitre. Il pourra faire ses propres choix sans avoir peur d'entendre la complainte et le battement de tes ailes venant les geler. »

Son monologue terminé, Cassian retira No Mercy du sol et essuya la lame sanglante avec une feuille d'arbre pitaya. Il prit une grande inspiration lorsque ses sens se mirent en alerte.

Un simple craquement.

Le chasseur ne se retourna pas, certain de n'avoir épargné aucun religieux sur sa route, et attendit. Les yeux fixant le sol jusqu'à ce que son odorat arrive à distinguer l'odeur des fruits et son parfum à elle.

Elle était venue, comme il l'avait prévu.

— Connie.

— Cassi.

Cassian se retourna enfin, son épée bien en main et fit face à une Cornélia débordante de rage. Armée d'une épée de fortune trouvée près d'un cadavre, elle avait l'air exténuée par la guerre. Ses vêtements étaient tachés de sang, du sien et d'autres, de terre et de neige fondante.

Et malgré la colère dans ses yeux, son accoutrement et son désir de croiser le fer, le chasseur ne put s'empêcher de la trouver belle.

— Tu m'as laissé tomber, commença-t-elle. Je t'attendais sur le champ de bataille et tu avais juré de me soutenir dans cette guerre.

— Je veux le bien de ce peuple, comme toi avant d'être obnubilé par la victoire et ta vengeance sur Vivianne.

— Toi, le cœur de glace, tu veux jouer au héros ?

— Mon cœur bat bien plus que le tient mais pour d'autres raisons.

— Et le mien était prêt à céder pour toi.

Cassian réussit à cacher sa surprise face à cette déclaration inattendue. Lui qui était persuadé que Cornélia était comme lui, elle avait menti et cédé à ce sentiment dont elle disait ne pas avoir le temps de s'occuper : l'amour.

Cornélia avait, comme de nombreuses personnes, succombé aux charmes glacials du chasseur.

— Depuis quand ? demanda Cassian en baissant son épée.

— Depuis que tu m'es revenu dans le coma. Que j'ai cru que tu ne t'en sortirais pas. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai eu peur de perdre quelqu'un.

— Tu m'as perdu à la seconde où j'ai pénétré dans ce lieu il y a des jours.

La cheffe des rebelles se mordit la lèvre, renforçant sa poigne sur son épée avant de la pointer vers la statue de sa mère.

— Tu comptes la libérer avec No Mercy, c'est cela ? Tu penses que seul l'okril transperce l'okril ? Je ne te laisserais pas faire.

— Renonce à ta manipulation sur ton peuple.

— Même en y renonçant, si tu tues la déesse de l'hiver, tout l'écosystème de ce pays sera déréglé. Toi qui aimes tant la nature, tu seras responsable de la mort de milliers d'espèces mais également d'humains n'ayant plus de quoi se nourrir.

— Tu connais la solution à ce problème.

— Et toi, tu en as pleine conscience ?

— Tu dois faire comme Viktor et accepter le flambeau. Tu dois acquérir les pouvoirs divins de ta mère, sacrifier ton humanité et devenir la nouvelle déesse de l'hiver pour garantir la survie de ton peuple et de ce pays.

À ces mots, Cornélia se jeta sur Cassian parant de justesse avec No Mercy. Leurs lames s'entrechoquèrent et se repoussèrent pendant de longues secondes, accentuant leur colère respective.

— Tu oses me demander de me sacrifier ?! De perdre ma liberté ?! Tu m'as trahi Cassian alors que j'avais besoin de toi ! Toi et moi, on aurait pu mettre fin à cette guerre plus rapidement et sans tous ces morts.

— Un seul homme ne peut influencer à ce point une bataille.

— En tant que fils d'un chef d'armée, tu sais pertinemment que tu as tort ! Avec toi, Volkan ne serait pas mort et Viktor ne me tournerait pas le dos pour s'approprier le trône.

— Tu dois ce sacrifice à ton peuple. Ces gens que tu as manipulés et privés de libre arbitre ont le droit de continuer à vivre sans tes manigances.

— J'aime mon peuple mais errer indéfiniment dans le ciel sous forme de dragon pendant des siècles pour apporter l'hiver n'est pas mon avenir. Ma destinée est sur le trône des Vaeryl ! Que vas-tu choisir Cassian ? La mort de ma mère ou moi ? Une vie de traitre ou un avenir à mes côtés ?

— Je choisis un futur où je serais maitre de mes choix et de suivre qui je désire.

Soudain, Cassian repoussa d'un violent coup de pied dans le ventre son adversaire avant de la désarmer d'un mouvement agile. Cornélia souffrant encore de sa blessure ne put retenir un râle de douleur alors que le chasseur s'éloignait d'elle pour s'approcher de la statue.

« Je vais mettre fin au calvaire de Silja et j'espère que dans ton autre vie divine, tu prendras conscience de tes actes passés. Je n'oublierais jamais tout ce que tu as accompli, les bonnes comme les mauvaises choses mais surtout... Les souvenirs de nos nuits ne quitteront pas ma mémoire. Que tu m'aimes ou que tu désires ma mort plus que tout. »

Sa main caressa rapidement la statue d'okril avant que No Mercy ne vienne se planter à l'intérieur de la petite fente creusée par l'incessant saignement créé par Cornélia sur sa mère.

La lame poussée avec force par un Cassian plus que déterminée arriva jusqu'au cœur de Silja et à l'instant où il sentit qu'il le transperçait, le chasseur entendit une voix.

La voix de la déesse chantant pour la dernière fois la complainte de Givreciel.

Merci, Cassian. Mon amour...

Une larme roula sans le vouloir sur sa joue alors que le chant résonnait dans toute la grotte mais également dans tout le pays. Chaque enfant de l'hiver pouvait entendre et ressentir la délivrance de la déesse au plus profond de son cœur.

La statue d'okril se brisa subitement en mille morceaux, laissant s'échapper une myriade de flocons s'envolant en direction de la surface. Un adieu de la part de Silja, reconnaissante et enfin libéré de sa douleur et tristesse perpétuelle.

Cassian avait le nouveau titre, en plus de celui de chasseur de dragon sans en avoir attrapé aucun, de « tueur de divinités » confirmé.

Il retira No Mercy des derniers débris d'okril avant de soupirer et de se tourner vers Cornélia pour constater du transfert de pouvoir entre elle et sa mère.

Et sa surprise fut grande en la voyant la main sur le cœur, comme si elle voulait se l'arracher, ses cheveux lévitant autour d'elle et ses yeux ayant pris le même bleu que ceux de sa mère.

Elle semblait hurler à la mort mais aucun son ne sortait de sa bouche.

Tiraillé par l'envie de la soutenir à son dernier moment d'humanité et celle de fuir par crainte de la colère persistante à son égard, Cassian choisit de faire preuve d'un acte de compassion envers son ancienne amante.

Il s'approcha d'elle, prêt à l'aider et la soulager dans la douleur, lorsque la voix de Cornélia l'interrompit :

« Tu n'es qu'un traitre et tu mérites un sort pire que la mort pour m'avoir dupé. »

Par instinct, Cassian sauta en arrière et leva son épée vers elle mais il fut désarmé d'un simple coup de main sur son poignet. Un coup pourtant bien puissant et assez fort pour que No Mercy ne tombe au sol et lui fasse perdre l'équilibre.

La transformation de Cornélia en nouvelle déesse de l'hiver continuait, lui faisant perdre peu à peu sa forme humaine pour se transformer définitivement en dragon blanc or, elle n'allait pas laisser ce traitre s'en sortir.

Elle se pencha et ramassa un débris d'okril avant d'user de sa nouvelle magie et de le transformer en arme. Cassian eut à peine le temps de se relever et de tendre la main vers elle pour l'empêcher que c'était trop tard.

La fille de givre venait de planter un pic de glace et d'okril en plein cœur du garçon solaire.

Cet homme qui lui avait apporté autant qu'il lui avait pris.

Crachant un filet de sang, la stupeur du chasseur s'accentua en voyant la glace commencer à le recouvrir totalement. L'emprisonnant comme la statue de Silja à la différence qu'il était entouré de glace et qu'une cage d'okril venait de se former tout autour de son cœur.

Une création qui empêcherait toute délivrance contrairement à l'ancienne déesse de l'hiver.

— ..Cor... Connie...

— Si je suis privé de ma liberté, alors toi aussi.

Cornélia esquissa un dernier sourire avant de venir embrasser les lèvres glaciales de son ancien amant. Ramassant No Mercy, leur épée commune, et la planta profondément dans la terre avant de hurler de douleur lorsque des ailes immaculées sortirent de son dos.

Elle ne mit que quelques secondes pour se transformer en dragon blanc, guidé par la volonté divine et dont les dernières rancœurs humaines avaient disparu de son esprit. S'envolant sans un dernier regard pour Cassian, traversant les différents niveaux d'eau pour enfin atteindre le ciel et disparaître dans les nuages.

La nouvelle déesse de l'hiver, Cornélia, faisait déjà tomber ses premiers flocons alors que le corps de son ancien amant n'était plus qu'une statue de glace. Une prison pour l'éternité.

Le prix à payer pour s'être impliqué.

Cassian Nyrh, le chasseur de dragon, dont le nom vint s'ajouter au nouveau couplet de la complainte de Givreciel.



ÉPILOGUE DÉJÀ DISPONIBLE

Ça va ? Vous allez bien ? Moi ça va. Cassian par contre, il a un peu froid.

Qu'avez-vous pensé de l'affrontement entre les deux amants ? Des décisions de Cassian sacrifiant la liberté de Connie en la forçant à prendre la place de sa mère comme déesse ? De la révolte de Cornélia et de sa colère faisant prisonnier de la glace éternel notre charismatique chasseur ?

❄N'attendez pas plus pour lire la vraie conclusion de cette histoire déjà disponible ! Mais surtout n'oubliez pas de voter et donner votre avis en commentaire sur cette fin déjà bien intense ❄

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