5 - Solitude du chasseur
Le soleil se levant timidement derrière les montagnes de neige, la poudreuse scintillante telle des diamants, la nature s'éveillant avec le chant des oiseaux et les gouttelettes de glace fondant sur les branches des chênes.
C'est dans ce paysage surréaliste que Cassian se figea, observant l'horizon devant lui.
Malgré sa gueule de bois de la veille, le chasseur était très matinal et avait quitté le château et son confort avec le nécessaire pour dormir à la belle étoile pendant des jours. Il n'aimait pas être prisonnier des murs en pierre, observé par les serviteurs et jugé par les nobles.
Cassian était un animal sauvage depuis la naissance. Il aimait être libre et dès qu'il pouvait envoyer au diable les conventions sociales, il ne se gênait guère.
L'air chaud s'échappant de sa bouche, il frotta ses mains gantées avant d'avancer dans le paysage immaculé. Sans monture, il aimait les premiers jours dans un nouveau pays, faire corps avec la terre et comprendre son environnement quitte à y passer des heures seul.
Sur les coups de midi, alors que le ciel nuageux faisait tomber ses premiers flocons de la journée, il se décida à faire une pause sur les berges d'un lac presque gelé. Son porc séché en bouche, il détailla les environs avec attention, repérant les premiers pêcheurs du village d'Emyth s'installant pour toute la journée dans leurs coins.
Soudain, il sentit un frisson sur sa nuque et se retourna avec rapidité, la main sur sa dague et prête à trancher la gorge de son ennemi.
Mais rien. Personne derrière lui et pourtant... il se sentait observé.
« Faites attention au dragon. »
Cassian sursauta mais arrêta son geste violent lorsqu'il tomba nez à nez avec une femme aux longs cheveux blancs et au teint de porcelaine. Ses yeux bleus l'hypnotisèrent presque et il se demanda si ce n'était pas elle qu'il avait vue se balader près de la côte depuis sa chambre au château. Simplement couverte d'une robe blanche comme la neige mais sublimée par quelques broderies dorées, la femme se mit à lui sourire avant de lui dire :
— Ici, les animaux sentent la menace bien plus que vous ne le croyez. Si vous n'êtes pas respectueux des dieux, le malheur s'abattra sur vous.
— Contrairement aux autres étrangers, je m'y connais en divinité et même si je ne crois pas en leurs actions dans notre monde, je respecte les forces à l'œuvre dans ce pays.
— Vous n'avez guère changé, Cassian Nyrh.
La femme lui fit un clin d'œil alors que le chasseur plissait lentement les yeux, tentant de se rappeler s'il l'avait connu par le passé jusqu'à qu'une bribe de souvenir lui apparaisse : cette même femme, seule dans une forêt d'érable rouge.
Lorsqu'il ouvrit enfin les yeux, la femme était partie.
« Je ne suis pas fou. Ma solitude ne me fera pas perdre l'esprit. » pensa-t-il.
❄❄❄
Le soir même à quelques kilomètres d'Emyth, Cassian attachant à sa ceinture sa nouvelle proie, entendit des murmures provenant de la forêt derrière sa tente fraichement installée.
« Le soleil est déjà couché et ma tente plantée... Et pourtant mon instinct me pousse à découvrir la source de ces bruits. » se murmura-t-il pour lui-même avant d'éteindre son feu et d'attraper ses affaires.
Sa dague à la main, le chasseur s'engouffra dans la forêt faiblement éclairée par les rayons de la pleine lune et il put à nouveau remercier sa nyctalopie provenant de sa lointaine part elfique pour se repérer.
Ses pas étouffés par la neige, il avançait prudemment en contrôlant sa respiration et en pointant sa dague devant lui jusqu'à entendre le bruit d'un cours d'eau.
Et une voix de femme.
S'approchant doucement de la source, Cassian put enfin entendre ce qui semblait être un chant. Il se cacha derrière un pin, passant furtivement la tête pour observer l'étang où s'écoulait le cours d'eau.
Ne comprenant pas les paroles, il réussit pourtant à reconnaitre cette mélodie qu'il avait entendue il y a dix-sept ans de cela dans le château de Voile-d'hiver. Mais c'est le spectacle devant ses yeux qui le surprit le plus.
Une femme nue, de dos et l'eau s'arrêtant à la naissance de ses fesses, de longs cheveux bruns mouillés, contrastants avec la neige environnante, et qu'elle essorait alors que des lucioles tournoyaient autour de son corps.
Un spectacle féerique à en couper le souffle du chasseur.
Il détaillait de ses yeux les courbes de l'inconnue éclairée par la lune, cette mélodie familière dans les oreilles, et s'écarta un peu plus de son arbre protecteur lorsque du givre au sol fit glisser son pied l'entrainant au bord de l'étang.
La femme se tourna immédiatement vers lui, ses cheveux mouillés couvrant sa poitrine, et fonça jusqu'à Cassian avant de l'attraper par la fourrure de son manteau.
Abasourdi par le spectacle de la magnifique nudité que lui offrait l'inconnue, le chasseur ne put réagir comme il en avait l'habitude alors que sa dague glissait de ses doigts gantés.
Elle en profita pour la saisir et la coller à la gorge de l'étranger l'épiant sans retenue avant de déclarer à haute voix :
« Tu vas mourir tué par ta propre lame, étranger, et ton sang donnera une nouvelle teinte à la neige. Décline ton identité avant que je ne mette fin à tes jours ! »
Cassian, la tête encapuchonnée, fixa avec attention les yeux gris de la femme le menaçant, son visage affublé d'une cicatrice à l'arcade, avant de descendre lentement sur le reste de sa peau blanche qui semblait tout aussi marqué.
Une preuve qu'elle devait savoir se battre et qu'elle n'hésiterait pas à le tuer ici même.
« Réponds-moi ! » s'écria-t-elle, les sourcils froncés et sa main libre s'appuyant sur l'épaule du chasseur.
Soudain, comme s'il venait de revenir à lui et prenant conscience de la situation, Cassian donna un rapide coup de tête contre le front de son assaillante quitte à faire couler un peu de sang autour de son cou.
Il enchaîna avec un coup de pied pour l'éloigner mais cette dernière s'agrippa à son manteau, l'entrainant en arrière dans l'étang glacé.
Cassian, la tête sous l'eau, put récupérer sa dague en serrant avec force le poignet de l'inconnue et, lorsqu'il revint à la surface, cette dernière avait disparue.
Le corps tremblotant de froid, se demandant comment « elle » avait pu se baigner nu dans une eau gelée, il se mit sur ses gardes en fixant la surface de l'étang. Il retira son manteau l'alourdissant et le jeta sur le bord, détournant le regard une milliseconde suffisante à la femme pour resurgir à quelques mètres de lui.
Une femme armée d'une épée.
Tous les deux se firent face, les pieds touchant le fond de l'étang mais évitant de bouger malgré tout, attendant que l'un d'eux n'attaque en premier.
« Une femme armée et sachant se battre, ce n'est pas commun. Elle doit faire partie des rebelles de Givreciel. Ce qui veut dire que... » pensa le chasseur avant de porter son pouce à ses lèvres devenant violettes à cause du froid.
La femme se mit alors à avancer vers lui le plus vite possible dans l'eau lorsque Cassian leva la main devant lui, lui priant de s'arrêter et en déclarant : « Je suis un ami de Viktor ! »
Et, comme s'il avait sorti un mot magique, elle s'arrêta, ses yeux gris ouverts en grand.
« Comment est-ce que tu connais Viktor ? Et puis qui es-tu, étranger ?! »
Mais Cassian n'eut pas le loisir de répondre, le froid l'empêchant de sentir ses jambes immergées et le faisant plonger de force vers le fond.
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De la découverte du paysage de Givreciel et de la solitude de Cassian ? De ses deux rencontres énigmatiques ? Va-t-il s'en sortir indemne ? On se retrouve mercredi prochain pour la suite !
❄ N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire et voter pour ce chapitre s'il vous a plu ❄
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