43 - La fille de givre

« POURQUOI EST-CE QUE TU AS FUI ?! »

La claque qu'il venait de se prendre résonnait encore tout autour d'eux. Les guerriers détournaient le regard face à ce duo pourtant si complémentaire mais en pleine discorde.

Viktor frotta sa joue brûlante, sentant sans même le voir le regard assassin de sa sœur alors que l'odeur du sang sur son corps brouillait encore ses sens.

Cela ne faisait qu'une journée qu'il était revenu du champ de bataille avec son armée de nain et les retrouvailles avec Cornélia étaient amères.

— Je te l'ai dit, un autre bataillon arrivait pour nous détruire. C'était le bon choix, stratégiquement.

— Le peuple de Givreciel ne recule pas face aux combats ! Il n'abandonne pas !

— C'était une retraite nécessaire pour la suite. Calme-toi Connie, tu es sur les nerfs. Tu n'as pas vu la puissance de l'armée stolheimienne. Ils sont bien plus nombreux que prévu et surtout très forts. Ils viennent aussi du nord et le climat ne les perturbe pas un poil. Ici, ils se sentent autant à l'aise que chez eux.

— Je m'en fous de tout ça. À cause de votre retraite, ils vont bientôt arriver à Echo ! Nous n'avons pas fini de faire évacuer la population ni de fortifier la ville !

Un silence pesant s'installa entre eux avant qu'un grognement ne sorte de la bouche de Viktor. Il ne comprenait pas le raisonnement de sa sœur. Elle qui avait la responsabilité de son peuple qu'elle avait à tort manipulé, elle se permettait d'autoriser le sacrifice d'une armée de nain et de son frère pour ne pas perdre la ville d'Echo.

— Est-ce que j'ai si peu de valeur pour toi que j'aurais dû laisser ma peau pour les retenir ?

— C'est parce que tu as de la valeur que tu avais le devoir de tout faire pour les empêcher d'arriver jusqu'à nous.

— Connie, j'ai croisé le cousin de Cassian.

À ce nom, la cheffe des rebelles se détendit et il sentit qu'il l'avait détourné de la colère un instant pour capter son attention.

— Le prince Jeremiah joue double jeu auprès de Vivianne. Il est bien de notre côté... Enfin du côté de Cassian.

— Et alors ? Qu'est-ce que ça change ?

Viktor renifla et éloigna sa sœur des guerriers autour d'eux pour lui annoncer en privé l'importante nouvelle.

— Stolheim a engagé un dragon. Alvasi, la déesse de la guerre des Terres gelées. Elle est prête à se battre contre l'esprit de ta mère.

— Alvasi... J'en avais entendu parler. Mais elle ne m'empêchera pas de l'invoquer et ça, dès maintenant.

Cornélia donna un coup de poing à l'épaule de son frère, lui priant de se reposer et de nettoyer tout ce sang sur lui alors qu'elle se dirigeait vers la sortie de la ville d'Echo.

Viktor la suivit en ignorant ses demandes, fixant le ciel comme s'il pouvait en voir les nuages d'orange et de rouge annonçant la fin de la journée.

Et soudain, tout autour de lui devint silencieux.

La respiration de Cornélia se mit à ralentir lorsqu'elle porta la voix pour chanter la complainte de Givreciel.

Une chanson racontant la détresse d'une déesse attristée par les actions des hommes sur la faune et la flore qu'elle protégeait de tout cœur. Une langue ancienne mais dont la signification avait été enseignée par Silja elle-même et se transmettait à chaque famille du pays de l'hiver éternel.

Viktor ne put se retenir d'accompagner sa sœur et apprécia les premiers effets de cette invocation en sentant les flocons de neige tomber sur ses joues.

Le dragon ne serait peut-être pas encore visible mais la tempête, elle, découragerait n'importe quelle attaque sur la ville.

Après avoir chanté et versé une larme, Cornélia s'approcha de son frère pour coller son front au sien en fermant les yeux et en chuchotant :

« Pardon. Va te reposer et te laver. Je m'occuperais de nos assaillants dans la nuit. »

Le loup n'eut pas le temps de répliquer qu'elle lui frappait les fesses, le faisant sursauter, avant de repartir dans la ville d'Echo où l'évacuation prenait du retard.

❄❄❄

« Cher garçon solaire,

J'envie le court temps où nous dormions ensemble après nos nombreuses batailles charnelles. Je sais que quelque chose entre nous a changé depuis que tu connais « la vérité » et j'ai hâte de retrouver la synergie entre nos corps pour chasser cette impression.

Des nouvelles du sud : ton cousin a rencontré Viktor et nous a annoncé une nouvelle faisant pencher un peu trop la balance du côté de Vivianne. Je t'en parlerais à voix haute, c'est plus sûr. Nous sommes toujours à Echo et à l'heure où j'écris ces lignes, la tempête de neige fait rage sur les plaines.

Nos ennemis vont être affaiblis et j'espère que ton cousin est rentré à Voile-d'hiver à temps car je m'apprête à les attaquer dans les pires des conditions. La Valkyrie Impure a soif de combat, autant que No Mercy qui je l'espère a été comblée.

J'enverrais Viktor te rejoindre dans deux jours à Brise-Lac. Quant à moi, même si j'aurais aimé te retrouver, je me dois de rester en retrait à Echo et de poursuivre l'évacuation des villages voisins.

Ne meurs pas avant moi.

La fille de givre.

XXX »

Les soldats n'avaient pas le temps de crier et de toute façon, les bruits étaient étouffés par la puissance du vent. La neige tombait comme jamais au-dessus de la plaine d'Emyth et faisait même envisager le retrait des troupes stolheimiennes vers la capitale.

Leur général ayant renvoyé Jeremiah Leonidi plus tôt dans la soirée, avait décidé de maintenir leur position et ça peu importe les intempéries. Aucun des deux camps ne pourrait attaquer par ce temps et les hostilités reprendraient le lendemain matin...

En théorie.

Mais Cornélia n'aimait que la pratique, quitte à ce qu'elle soit fourbe.

Pas de cadeau dans la guerre.

La cheffe des rebelles était partie en direction du camp ennemi avec une troupe d'élite : des guerriers aussi vif et discret qu'elle et qu'on pouvait presque qualifier d'assassin. La tempête était leur alliée et ils s'en étaient servis pour infiltrer plusieurs tentes.

Tranchant des gorges et faisant se répandre le sang sans même se battre.

« ON NOUS ATTAQUE ! » avait réussi à s'écrier l'un des soldats avant de perdre la parole et la vie, la Valkyrie Impure s'enfonçant dans sa chair encore chaude.

Cornélia repéra d'un coup d'œil les gardes chargés de sonner l'alerte au loin et ne perdit pas une seconde en passant son épée en mode arc. Elle chuchota un court sortilège faisant apparaitre deux flèches d'air par magie qu'elle tira sur les deux gardes s'apprêtant à avertir le reste du camp.

Leurs corps tombèrent dans la neige et roulèrent jusqu'à elle, lui permettant de les achever avec de nouvelles flèches. Son regard était froid, sans émotion et sans pitié.

La cheffe des rebelles avait ôté tellement de vie qu'elle en oubliait l'impact.

Peut-être que ces hommes avaient des familles, des femmes et enfants attendant patiemment leurs retours au pays ? Peut-être étaient-ils frères ? Amis d'enfance ? Tout cela ne lui traversait plus l'esprit.

Pour elle, ceux ayant juré allégeance à sa demi-sœur et au roi de Stolheim ayant gâché son avenir, méritaient leur sort. Même si la déesse Silja était à l'origine de ce conflit, tout était de la faute des étrangers. Toujours.

Une xénophobie consciente qui, malgré sa lettre à Cassian, l'empêcherait toujours de céder son cœur de glace à ce chasseur venu du sud.

Son cœur ainsi que sa totale confiance.

Mais alors que Cornélia arrivait jusqu'à la tente du général de l'armée ennemie, elle fut surprise de n'y trouver personne.

« Cornélia Vaeryl. »

Ne bougeant pas d'un millimètre, elle sentit une lame froide contre sa gorge et une autre appuyant dans son dos. Elle tourna à peine la tête et croisa le regard d'un homme d'une cinquantaine d'années, la barbe grisonnante et portant une armure de haut gradé stolheimien.

— Tu ne te souviens pas de moi ? murmura-t-il contre son oreille.

— Si je devais me souvenir de chaque ordure que j'ai croisée dans ma vie, je pourrais en écrire un grimoire entier.

— « Si j'attrape cette petite garce, je jure de la déflorer devant le cadavre de son père. »

— Putain... Le pédophile en armure.

— Ce soir-là, alors que tu fuyais avec ton frère, tu m'as planté une dague dans le tibia. Je me souviendrais toujours de ton regard menaçant et de ces yeux que j'avais envie de faire pleurer. J'ai attendu ce moment longtemps, bien trop longtemps.

— Tu ne vas pas me violer vu que maintenant, je suis majeur.

Cornélia se mordit la lèvre en sentant la douleur d'une des lames venant s'enfoncer dans la peau de son ventre. Le sang commençait déjà à couler alors que le petit rire de cet homme résonnait contre elle.

— La princesse veut ta tête sur une pique. Mon roi veut ton corps brûlé vif.

— Et toi, qu'est-ce que tu veux ?

— Je te l'ai dit, petite garce, je veux te voir pleurer. Je veux que tu supplies pour ta vie. Je veux te souiller jusqu'à ce qu'on ne te reconnaisse plus. Allez, maintenant à genoux avant que je n'enfonce plus profondément ma dague.

La cheffe ne put s'empêcher de rire malgré la douleur avant de déclarer :

« C'est moi qui soumets les hommes. »

Et alors qu'elle esquissait un geste, la lame lui transperça la peau d'un mouvement brusque, faisant ruisseler son sang sur le sol et expirer un souffle glacial.



J'ai ENFIN terminé l'écriture de cette histoire et par conséquent, à partir de la semaine prochaine, je sortirais deux chapitres à nouveau chaque mardi ! L'histoire se conclura après le chapitre 52 et son épilogue (très important) si mes calcules sont exactes... le 15 septembre !

Qu'avez-vous pensé des retrouvailles tendues entre Viktor et Cornélia ? De la lettre de cette dernière à Cassian ? De l'assaut en pleine nuit et du coup sanglant concluant ce chapitre ? Cornélia s'en sortira-t-elle ou est-ce déjà la fin (prématurée) pour elle ?

❄ N'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire, on se retrouve mardi prochain pour deux nouveaux chapitres ! ❄

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