41 - À armes égales
« Un message de la part de sa Majesté. »
Le prince Jeremiah Leonidi ouvrit la missive tendue par le messager royal avant de rapidement la lire et de la déchirer. Il fronça les sourcils en soupirant puis remercia l'homme en le priant de rapidement quitter le champ de bataille.
Ce qu'il venait de lire ne lui avait guère plu et c'était une nouvelle complication majeure dans son plan et celui de son cousin.
Vivianne lui avait caché certains atouts dont un qu'elle comptait utiliser contre les rebelles qui rééquilibreraient le conflit en leur faveur. Un atout qu'il se devait de révéler à Cassian par tous les moyens.
Il descendit de son cheval et fixa les plaines un peu plus loin où se déroulait la première bataille contre l'armée du loup géant. Cet être divin qu'il avait vu avec ses jumelles, passant d'homme en créature fantastique, emmenant une horde de nains surarmés se battre contre les stolheimiens.
Si les soldats avaient ri en voyant des guerriers nains avec des masses et haches courir jusqu'à eux, ils avaient vite regretté en constatant la maitrise du combat de ces derniers.
La diversité de l'armée des rebelles n'était pas à prendre à la légère et comme le loup géant l'avait crié en début de bataille : « le peuple de Givreciel ne craint pas la tempête ».
Et Jeremiah commençait à croire en cette devise. Le peuple de ce pays était fier et n'avait pas eu peur de l'armée bien plus nombreuse face à elle. Ils avaient même réussi à prendre l'ascendant.
« Mon prince, le deuxième bataillon vient d'arriver. Il s'engage sur la plaine. » venait de lui annoncer un des généraux. Il se mordit la lèvre et ressortit ses jumelles afin d'observer de loin la situation.
— Avec eux, nous sommes certains de les anéantir. Ils ne s'attendaient pas à autant d'effectifs.
— Je ne pense pas qu'ils vont fuir, intervint Jeremiah, les nains n'abandonnent jamais et encore moins ceux du nord.
— Si seulement on pouvait mettre ce loup à terre...
— Il est déjà acculé. Il va bientôt céder.
— Il parait que cette bête est le demi-frère de notre princesse. Elle voulait qu'on le ramène au palais mais nous n'allons pas avoir le choix, il va falloir le tuer sur-place. Je pense que sa tête de loup sur une pique sera une satisfaction suffisante.
Le général eut un rire gras provocant l'exaspération de Jeremiah triturant le pommeau de son épée. Il savait que son cousin tenait à ce demi-dieu, ce nouvel ami appelé « Viktor ».
Il savait aussi que ce loup géant était susceptible de devenir un allié précieux dans le futur, surtout s'il accédait au trône de Givreciel.
— J'y vais, déclara-t-il soudainement en resserrant la sangle soutenant son épée.
— Pardon ? Il n'en est pas question. Vous n'êtes ici que pour faire un rapport à notre princesse.
— Je n'ai certes pas de formation militaire poussée, mais je sais me battre. J'ai été entrainé par le meilleur épéiste de mon royaume et mes réflexes dus à mon sang en partie elfique vont m'être profitables. Je dois affronter ce loup, il en va de mon honneur.
« Tu parles, tu n'aimes pas te battre. Combien de fois Cassian t'a mis au sol lorsque t'étais gamin ? Si j'ai la chance d'approcher ce loup et de lui révéler ce que la missive de Vivianne m'a appris, j'aurais sauvé des milliers de personnes par cet acte. »
C'est sur cette pensée que Jeremiah partit au galop jusqu'au champ de bataille malgré les réprimandes du général d'armée derrière lui. Il arriva quelques minutes après la nouvelle vague de soldat stolheimien et put constater de près de la force des nains.
Abandonnant son cheval pour le maintenir en vie, il esquiva agilement des coups de masse et réussit à se faufiler entre les affrontements pour se diriger vers le centre du combat.
Là où le loup géant était submergé.
Le deuxième bataillon avait reçu l'ordre de le mettre à terre, comprenant rapidement que la divinité face à eux n'avait qu'à tomber pour que le reste des rebelles n'abandonnent la guerre.
Ils étaient une dizaine contre lui, tentant de le blesser sans se faire prendre par ses crocs en sang.
Viktor, lui, donnait l'impression d'avoir perdu son humanité. Sous sa forme de loup, ses yeux étaient devenus sombres et n'exprimaient que de la rage accentuée par ses grognements. Sa fourrure au début immaculée était maintenant couverte du sang de ses ennemis mais également du sien.
Il avait été blessé à de nombreuses reprises, conservant encore quelques flèches plantées dans sa peau, mais il était encore vif. Il ne pouvait perdre au premier combat et se devait de montrer la force de la nature que les stolheimiens cherchaient à défier.
Jeremiah dû croiser le fer avec des guerriers nains lui barrant la route jusqu'au loup géant mais réussit à les amener à d'autres combattants pour s'empêcher de verser le sang. Il se contentait de les blesser mais évitait les points vitaux car tuer n'était clairement pas ce qu'il comptait faire en se mêlant au combat.
Mais alors qu'il arrivait enfin face au loup géant et ses assaillants, le hurlement bestial le figea de peur. Ça et la vision d'un soldat dont le corps était écrasé par les griffes de l'animal n'ayant aucune pitié pour ses ennemis.
Tout autour d'eux, la neige et la terre étaient devenues pourpres. Les cadavres commençaient à être nombreux, autant de nains que d'humains et cette image lui provoqua un haut-le-cœur.
Soudain, les yeux devenus rouge sang de Viktor croisèrent ceux de Jeremiah. Dévoilant un peu plus ses crocs, la bête s'apprêtait à lui sauter dessus et le prince le comprit à temps en se servant de son épée pour bloquer les griffes venant l'attaquer.
« Viktor Vaeryl ! Je dois v- » commença Jeremiah avant de subir un nouvel assaut du loup géant pourtant attaqué à l'arrière par deux soldats encore debout. Jeremiah avait l'espoir de lui livrer son information mais quelque chose clochait chez cet animal.
Viktor avait l'air d'être rongé par une colère étrange, la même que lui avait décrit Cassian face aux loups-de-givre. Mais malgré tout, le prince serra son épée et continua à contrer les puissants assauts de la bête le mettant rapidement à bout.
Le loup s'acharnait sur lui et pour cause : il connaissait son odeur. Elle était similaire à celle de Cassian mais également mélangée à celle de Vivianne. Par un raccourci facile, Viktor prenait Jeremiah pour un exécuteur de la princesse ayant tué son ami le chasseur.
Or, sentant qu'il était à deux doigts de perdre la vie sous la pression de la demi-divinité, Jeremiah brandit son épée face à lui en montrant son pommeau et en criant :
« Je suis Jeremiah Leonidi, le cousin de Cassian Nyrh, le chasseur ! J'ai un message à vous transmettre, votre Majesté Vaeryl ! »
Le prince avait usé de tout le respect possible face à cet adversaire capable de lui déchirer le bras d'un croc... Et étrangement, ça l'avait calmé. Les yeux de Viktor redevinrent d'un blanc laiteux avant de chasser les deux derniers soldats contre lui. Il se mit à renifler le pommeau de l'épée, rappelant au passage à Jeremiah que le loup était aveugle.
Soudain, le loup géant poussa un grognement avant de se jeter sur Jeremiah, le faisant tomber dans la neige et l'emprisonnant de ses pattes.
Et pourtant, cet assaut était différent des autres. Il n'y avait rien d'agressif chez la bête face à lui.
« J'ai promis à Cassian que je ne te tuerais pas. »
La voix grave du loup surprit le prince qui relâcha son épée et poussa un soupir de soulagement alors que ses mains tremblaient toujours de peur.
— J'aurais souhaité de meilleures conditions pour présenter mes respects au prince Vaeryl.
— « Prince » ? s'étonna Viktor. Je ne me suis jamais vu comme ça mais soit, c'est effectivement mon statut si l'on doit être conventionnel. Mes respects à vous, prince Leonidi.
— L'heure n'est malheureusement pas aux formules de politesse, je le crains... Vous devriez fuir avec le reste de votre armée de nain.
— Le peuple de Givreciel ne craint pas la tempête.
— Certes, je l'avais compris à votre détermination... Mais un nouveau bataillon va arriver de notre côté dans très peu de temps. Si je suis venu jusqu'à vous, ce n'était pas pour avoir une chance d'affronter le loup géant de Cornélia mais pour vous en informer et...
Jeremiah hésita un instant. Devait-il lui confier directement l'information livrée par Vivianne ? Devait-il attendre d'avoir la chance de voir Cassian ?
Ses interrogations internes furent interrompues par deux nouveaux soldats tentant de blesser Viktor. Une tentative vaine chassée de plusieurs coups de patte violents les entrainant au loin.
— Le temps me manque. Viktor, promettez-moi de veiller sur mon cousin si vous en avez l'occasion.
— La promesse sera tenue.
— Promettez-moi également qu'après cette guerre, nous pourrons nous revoir et échanger ensemble sur de possibles échanges entre Givreciel et mon pays. J'y tiens, en échange de l'information suivante.
— Quelle information ?
— Promettez-le.
— J'essaierais. Dépêchez-vous, je les sens arriver de loin.
— Les forces de stolheim, avec l'accord de Vivianne, ont recruté et ramené avec eux le moyen de contrer le dragon contrôlé par les rebelles.
— Nous aurons la force de détruire une telle arme. Aucune flèche n'arrivera à t-
— C'est une arme vivante, Viktor. Cet atout contre vous, c'est un dieu. Un dragon.
Viktor ne put retenir un grognement exprimant autant d'incompréhension que de colère. Comment et où Stolheim avait pu trouver une divinité capable de les aider dans cette guerre ? Il ne savait pas que cela était possible contrairement à Jeremiah qui s'y connaissait assez en histoire et politique pour lui donner des détails.
— Sur le continent Est vivent plusieurs clans de dragon et l'un d'eux forme de redoutables combattants. Des demi-dieux comme vous capables de prendre forme humaine et de combattre avec férocité... Mais la guerre et la présence du dragon blanc de Givreciel a attiré plus qu'un « demi-dieu », elle a attiré un des dieux de la guerre.
— De tels dieux existent ?
— Je n'y croyais pas jusqu'à ce que les archives royales de Voile-d'hiver me l'apprennent mais oui. Un dragon d'une autre contrée viendra affronter le vôtre et il est puissant. Il faut en informer votre sœur et mon cousin.
— Merde... Très bien, j'y veillerais en prenant en compte le caractère confidentiel de cette information. Cassian me tuerait si votre révélation venait à vous faire pendre par Vivianne.
— Merci.
Le loup géant s'écarta du prince avant de pousser un hurlement particulier signalant à son armée de se retirer du combat pour le moment. La bataille d'aujourd'hui serait perdue, mais pas la guerre.
— Jeremiah, commença Viktor alors que le prince récupérait son épée, comment est-ce que s'appelle ce dieu de la guerre ? Est-il si dangereux ?
— C'est l'un des plus féroces. Le dragon Alvasi, surnommé « déesse de la guerre des Terres gelées », une des fondatrices du clan Prideblaze.
On équilibre un peu la balance dans chaque camp, quitte à mettre mal nos rebelles favoris ! Qu'avez-vous pensé de cette rencontre entre Jeremiah et Viktor ? De leurs promesses et enfin de la révélation sur le dragon ?
Alvasi qui est une déesse fondatrice du clan Prideblaze, avec le père d'Arley, elle-même mère d'Alvie. Alvie la dragonne de glace pas du tout apprécié...
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