Son carquois était déjà vide et il savait que son épée de fortune n'allait pas tenir longtemps contre les crocs du loup-de-givre. Il avait réussi à atteindre l'œil d'une des créatures et l'avait laissé partir à la poursuite de Vyrr dans les bois, ce dernier ayant une magie trop corrosive pour rester près de Cassian.

Le chasseur comptait sur sa grande endurance mais il savait qu'il ne tiendrait pas longtemps si d'autres loups-de-givre les rejoignaient alors que la fuite était impossible. C'était la vie ou la mort, point.

Soudain, il entendit un bruit d'explosion plus loin dans la forêt et vit les oiseaux partir en direction du nord, comme s'il voulait éviter quelque chose. Le loup face à Cassian se mit à renifler et à grogner encore plus bruyamment avant de l'attaquer d'un nouveau coup de pattes.

« Putain... Ça commence à me faire chier. » murmura-t-il en plantant son épée dans la neige.

Alors que Vyrr avait réussi à se débarrasser de son ennemi par un moyen peu respectueux de la faune, ce dernier en train de revenir tranquillement vers Cassian s'arrêta assez loin pour observer le chasseur s'apprêtant à montrer tout son potentiel.

L'elfe savait que cet homme était bien plus puissant qu'il ne l'avait laissé paraître et qu'il était parfois dans la retenue. Que s'il ne l'avait pas aidé avec le ver de neige, Cassian aurait pu se dévoiler à lui... Alors il attendit, tapi dans l'ombre, à regarder celui qui venait de retirer et jeter ses gants en cuir au sol.

Le chasseur retira également son manteau quitte à finir en chemise alors que la température n'était pas clémente. Ses yeux passèrent du noisette au gris en quelques secondes, fixant avec sévérité la bête devant lui, contractant tous les muscles de son corps et saisissant son épée d'une poigne de fer.

Cassian expira longuement et attendit un mouvement de la part de la bête méfiante mais visiblement trop énervée pour comprendre ce qu'il se passerait si elle l'approchait. Ses pattes bondirent d'un coup vers le chasseur et, alors que ses griffes et ses crocs étaient à quelques centimètres de sa chair, le temps sembla s'arrêter.

Vyrr eut du mal à constater ce qui se passait entre son partenaire et le loup mais ses yeux d'elfes remarquèrent un mouvement tellement rapide chez Cassian qu'il ne pouvait être vu par un œil d'humain lambda.

Le loup-de-givre s'étala au sol sur la droite du chasseur, ce dernier poussant un nouveau soupir avant de se tourner vers la créature fantastique. Subitement, du sang se mit à jaillir en quantité de son corps, colorant sa fourrure blanche de bordeaux.

La bête se mit à hurler de douleur, peinant à se relever et à se tourner vers le chasseur qu'elle rêvait de dévorer. Ses plaies étaient nombreuses et faites à des endroits très précis, assez profondément pour pousser le loup dans ses derniers retranchements.

Cassian tendit le bras en arrière en fronçant les sourcils avant de provoquer le loup en imitant son grognement jusqu'à ce qu'il réponde en tentant un dernier assaut et que l'épée du chasseur n'esquisse qu'un rapide tourbillon lorsqu'il se mit accroupi dans la neige.

Toujours un geste très rapide, précis et propre jusqu'à ce que la bête ne s'écroule derrière lui, la fourrure maculée de sang et poussant un dernier soupir.

Soudainement, l'épée de fortune de Cassian se brisa en mille morceaux et le chasseur passa d'une respiration contrôlée à erratique, ses yeux redevenant noisette et son corps las. Il tomba la tête la première dans la neige avant de venir se faire relever par Vyrr ayant assisté à tout le combat.

Le haut-elfe put constater de la chaleur surnaturelle que dégageait le chasseur mais surtout de sa fréquence cardiaque extrêmement élevée. Une main sur son poignet et il sentait que le cœur de son partenaire allait presque exploser dans sa poitrine.

« Cassi, dis-moi comment je peux t'aider » lui murmura Vyrr lorsque la main de Cassian s'agrippa à son manteau. L'elfe récupéra ses affaires et le rhabilla pour éviter qu'il tombe malade avant de l'allonger à l'écart et d'aller chercher leurs chevaux.

Il passa cinq bonnes minutes à reprendre son souffle avant d'enfin pouvoir se redresser et vider l'intégralité de sa gourde sous le regard dubitatif de Vyrr. Ce dernier n'en pouvant plus de retenir sa curiosité, il se risqua à poser sans détour sa question :

— Comment est-ce qu'un humain avec à peine un quart de sang elfique arrive-t-il à jouir d'un tel pouvoir sans utiliser une once de magie ?

— Tu t'es débarrassé comment de ton loup ? demanda Cassian en esquivant la question.

— Un conseil, ne va pas vers là-bas. Tu n'y trouverais que des os et un lieu ravagé par le poison.

— Je n'ai pas envie d'en savoir plus alors... Moi qui croyais que tu allais en mourir, je t'ai sous-estimé.

— Je pourrais dire la même chose de toi.

Cassian termina de s'habiller avant de soupirer et de fixer les paumes de ses mains d'une mine sérieuse. Il n'aimait pas dévoiler ses secrets mais étrangement, il sentait qu'il pouvait faire confiance à Vyrr malgré son caractère très agaçant.

« C'est une technique que mon père m'a apprise et qui n'est que rarement utilisée. Je me sers de mon sang elfique pour accroitre mes capacités à leur maximum pendant une courte période, augmentant ma résistance physique mais également ma force et ma rapidité. Ensuite je mets en pratique des années d'entrainement et je me sers de ma vitesse pour lacérer avec précision ma proie, quitte à en faire exploser mon épée. Ça a l'avantage d'être unique et destructeur... L'inconvénient... »

La main sur son pectoral, il leva enfin les yeux vers l'elfe portant soudain un regard intéressé mais surtout compatissant, le poussant à continuer dans son aveu.

— Le problème c'est que cette technique stoppe les battements de mon cœur.

— Effectivement, c'est embêtant.

— Quelle réaction... Bref, ce sont mes performances et ma vitesse qui font inconsciemment s'arrêter mon cœur l'espace de quelques secondes avant de rendre ses battements irréguliers et de reprendre plus rapidement lorsque je me relâche.

— Si tu étais un homme ordinaire, tu serais déjà mort. C'est... tellement fascinant ! Cette force alliée à ton expérience, ton agilité, ta précision de chasseur et tes capacités liées à ton sang... c'est tout bonnement exceptionnel !

— Arrête de me tailler une pipe.

— Je suis sérieux ! La puissance me captive et seuls les dieux savent à quel point j'aimerais t'étudier en détail !

— Mais nous avons de la route à faire. Il est temps d'y retourner avant de croiser le chemin d'autres loups-de-givre.

Malgré la fatigue de la courte nuit et de leur combat, les deux partenaires de voyage reprirent la route à travers la forêt pour arriver au lever du soleil au village de Yolmin.

Une ville avec une forte population de nains et dévouée à la capitale de Voile-d'hiver. Une grande exploitation du bois et du minerai dans un même endroit réunissant de nombreux forgerons, tanneurs et autres artisans maîtres dans leurs domaines.

Malheureusement, cette ville participant activement à l'effort de guerre était celle causant le plus de dérèglement dans la nature, ce dont avait constaté Cassian et Vyrr en quittant la forêt saccagée par les nains et souillée par les odeurs de l'exploitation à outrance.

Dégouté par la situation, lui qui chérissait la beauté de la nature, le chasseur entraina l'elfe avec lui en direction du sud sans faire la moindre halte à Yolmin, direction Voile-d'hiver.

Le voyage fût éprouvant à cause du manque de sommeil et leurs courtes pauses mais ils arrivèrent finalement à la capitale en fin d'après-midi.

Constatant de leurs yeux que la princesse régente ne faisait pas dans la dentelle dans sa préparation à la guerre face aux rebelles. Si une partie de la ville était réservée aux conforts des touristes d'Odyssey, le reste carburait pour fournir tous les matériaux nécessaires à un bon conflit.

À peine arrivés en bas de la montée menant au château, Vyrr et Cassian furent stoppés par les gardes royaux leur demandant de confirmer leurs identités et ce n'est qu'après de longues minutes qu'ils purent enfin continuer leur route et arriver dans l'antre des Vaeryl.

— Écoute-moi, commença Vyrr au détour d'un couloir, avant d'entrer et de retrouver nos masques face à la royauté, j'ai quelque chose à te dire. Quelque chose d'important.

— Tu veux me déclarer ton amour ?

— Je n'aime que moi. Passons. Lorsque tu feras route vers la cité souterraine pour retrouver les rebelles... Passe vers le sud à travers la forêt où l'on a failli se faire tuer.

— Pourquoi cela ? Tu veux ma mort maintenant ?

— Traverse la forêt et va vers le sud puis fais le chemin à travers les monts et enfin tu arriveras sur la route menant au lac de Silja. Là, tu comprendras.

— Je comprendrais quoi ?

— Tu verras bien... Et je pense que comme moi, tu devras faire un choix : partir ou rester et choisir son camp. Personnellement, je n'ai pas d'intérêt à participer à cette guerre civile, mais j'espère que tu n'y laisseras pas stupidement ta peau. J'aime voyager avec toi.

— T'es vraiment tombé amoureux de moi pour me balancer ça.

— Crois-moi, je ne suis pas assez fou pour entrer dans ton harem déjà bien rempli, chasseur inconscient.

Vyrr haussa les épaules devant l'air mal luné de Cassian jusqu'à ce qu'il pousse la porte de la salle du trône et qu'il revoit celle qu'il avait cru aimer pendant des années : Vivianne Vaeryl.

Toujours aussi belle, une expression douce et pourtant... Une lueur presque inquiétante dans les yeux. La princesse en temps de guerre ne semblait plus si innocente mais c'est la présence d'un Jeremiah, les yeux dans le vide, à ses côtés qui avait troublé le chasseur.

Lui qui s'inquiétait pour son cousin, il était à la fois soulagé et encore plus perplexe en le voyant ainsi, presque terne.

Cassian ne se doutant pas un instant de ce qu'avait pu vivre le prince de Leonidia durant ces deux semaines.

Qu'avez-vous pensé du combat contre le loup-de-givre ? De la capacité spécial de Cassian et de son effet secondaire dangereux ? De son voyage avec Vyrr et de leurs inquiétudes sur la préparation de la guerre ?

De la piste sur laquelle Vyrr veut le mettre ? Comment pensez-vous que vont se passer les retrouvailles à Voile-d'hiver ?

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