29 - Partenaires de malchance

Un dernier regard face à la cité souterraine et la seconde d'après, Cassian dirigeait son destrier au galop vers la forêt. Accompagné d'un Vyrr bien trop bavard, le chasseur décuvait lentement des événements de la veille au soir et n'avait qu'une hâte : retrouver son cousin.

N'ayant pas eu de nouvelles de son meilleur ami depuis deux semaines, il s'inquiétait pour sa vie plus qu'il ne le laissait paraitre et espérait que rien ne lui était arrivé.

La première journée de voyage fut épuisante et Cassian dut obliger l'elfe à se taire avec la menace de lui couper son appareil génital. Il avait été tellement convaincu avec son air mal luné, que Vyrr n'avait plus rien dit jusqu'à la tombée du soleil sur les plaines enneigées.

Ils dépassèrent Brise-Lac mais, au lieu de continuer par le sud, le chasseur décida de faire la traverser du lac gelé comme raccourci plus sûr que la forêt de nuit.

— Tu es sûr de ton pari, Cassi ? Nous devrions au moins faire une courte halte afin de laisser nos chevaux se reposer. Et où va-t-on dormir ? Sur le lac ?

— On aura tout le temps de dormir quand on sera mort.

— Je prends une pause alors, ma monture a besoin de boire.

— Et moi je vais pisser.

— Ne te gel pas le bout ! Un coup sur la stalactite et hop, tu en perdrais la queue !

— Comment est-ce qu'un type comme toi peut faire partie des plus hauts représentants de son pays ? C'est aberrant.

Le rire presque malsain de Vyrr fit rouler des yeux Cassian avant qu'il n'arrête son cheval au bord du lac et qu'il ne s'éclipse à la bordure de la forêt pour faire son affaire. La nuit s'installait à peine dans les bois enneigés et déjà les oiseaux nocturnes se faisaient entendre.

Mais, lorsqu'il finit de remonter son pantalon, le chasseur posa sa main sur sa dague et se mit à détailler son environnement. Sentant une présence se rapprocher et tendant l'oreille jusqu'à entendre des bruits de pas dans la neige.

« Ça faisait longtemps que le chasseur n'était pas retourné à son premier amour. »

En entendant cette voix devenant de plus en plus familière, Cassian se détendit et poussa un long soupir jusqu'à ce que sorte de l'obscurité cette femme mystérieuse le suivant à la trace.

Ses cheveux blancs tombant sur ses épaules à peine couvertes par sa robe et son teint de porcelaine sublimé par ses yeux bleus, elle laissa échapper un petit rire cristallin avant de s'approcher de lui et de lui sourire.

— J'ai fait ce que vous m'avez demandé : j'ai sauvé « l'elfe aux yeux violets ». Non seulement j'ai failli mourir à cause de lui mais en plus j'ai l'impression de m'éloigner de ma mission depuis ma rencontre avec lui.

— Au contraire, mon cher, c'est lui qui vous apportera la vérité.

— Qu'est-ce que j'avais dit au sujet des phrases énigmatiques... Ça commence à m'exaspérer sévèrement. Si vous pouviez au moins me donner votre identité, ne serait-ce qu'un détail.

— Vous savez déjà qui je suis. Vous avez simplement peur d'avoir raison.

— J'en ai surtout marre de me faire épier. Je vous jure que je me retiens de ne pas vous menacer avec mon arme.

Malgré sa menace, c'est Cassian qui eux un mouvement de recul lorsque la femme se colla presque à son torse et se mit à caresser sa barbe naissante. Ses doigts étaient gelés, tout comme son souffle, mais son parfum fleuri apaisa le chasseur troublé par les battements de son cœur de plus en plus rapide.

Cette femme qui semblait le hanter à chacun de ses périples sauvages et dont le magnétisme n'était plus à prouver... Cette figure du passé dont il était maintenant sûr et certain de son identité.

— Arrêtez de jouer avec moi, Silja.

— Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis cette déesse ?

— J'ai vu votre statue dans les profondeurs de la cité souterraine d'Onhild. Tout le culte voué à votre personne et la ressemblance troublante entre vous et cet édifice. Cette façon de vous fondre dans le paysage et cette aura à la fois apaisante et sauvage. La force tranquille de la nature...

— Alors par déduction, vous pensez que je suis votre cible ? C'est bien un dragon que vous cherchez ?

— Un dragon, pas une déesse.

— C'est sensiblement la même chose, Cassian. Vous avez besoin de moi.

Soudain, il la bloqua contre lui avec son bras, la compressant contre son torse avant de se cacher derrière un tronc d'arbre. Son prénom venait de résonner à l'entrée de la forêt, Vyrr devant s'inquiéter de sa trop longue absence.

Il lui répondit en criant avant de baisser la tête vers elle, fixant ses lèvres avec une subite envie de les goûter lorsqu'elle lui chuchota :

— Vous me désirez.

— Dans vos rêves divins.

— Je le sens, autant dans votre regard qu'entre vos jambes. Vous êtes un amoureux de la nature et de la solitude, mon cher Cassian, et ici j'en suis la personnification même.

— Qu'est-ce que vous attendez de moi, à la fin ?

— Je veux que vous changiez l'avenir. Restez perspicace, ne vous laissez pas corrompre quitte à souiller votre lame et surtout, n'oubliez pas votre liberté.

Et avant même qu'il ne puisse s'exaspérer, la femme s'échappa de ses bras en se laissant glisser au sol avant de s'éloigner vers la forêt, s'exclamant une dernière fois : « Ne passez pas sur le lac, vous risqueriez de vous tuer bien avant l'heure ! »

Cassian mit quelques minutes à reprendre ses esprits à la suite de cette rencontre avant de retourner vers un Vyrr ne comprenant pas la soudaine lenteur de son compagnon pourtant pressé de rejoindre la capitale il y a à peine une dizaine de minutes.

Outre l'avertissement qu'il allait suivre, son contact étroit avec celle qu'il supposait être la déesse de l'hiver venait de chambouler son esprit.

Était-elle réellement Silja ? La mère de Cornélia ? Pourquoi semblait-elle si jeune ? Était-ce à cause de son statut divin ? Si c'était bien elle... Est-ce qu'elle était le dragon qu'il se devait de capturer pour son oncle ?

« Alors, Cassian ? Qu'est-ce qu'on fait ? On continue ? » l'interrompit Vyrr visiblement impatient d'avoir une réponse claire.

Le chasseur frotta son menton, les sourcils froncés, avant d'alterner entre la forêt et le lac gelé. Il poussa un soupir d'exaspération avant de remonter sur son cheval et de déclarer :

— Changement de plan, on passe par la forêt au nord.

— Je pensais que c'était le chemin le plus risqué ?

— Je sens le danger mais il se pourrait bien que le lac soit la pire des solutions.

L'elfe ne questionna pas plus son partenaire de voyage et se contenta de le suivre à travers les bois. Leur nyctalopie les sauvait encore une fois, leur permettant de diriger leurs montures dans la forêt à peine éclairée par la lune.

L'ambiance tout autour d'eux était très calme, bien trop calme au goût de Vyrr. Le moindre grincement ou bruits d'animaux inconnus faisait se hérisser ses poils de bras et tous ses sens étaient en alerte.

Cassian gardait plus facilement son calme et pourtant, il était autant aux aguets voir plus à examiner les alentours avec ses yeux de lynx. Et à mesure qu'ils avançaient dans la nuit, les nuages se mirent à couvrir le ciel, cachant la seule source de lumière pouvant les rassurer.

C'est à minuit passé que Cassian fit signe à Vyrr derrière lui de s'arrêter. Ils descendirent de leurs chevaux et arrivèrent en quelques pas à l'orée d'une clairière enneigée où des rondins de bois étaient disposé en cercle, signe que c'était un lieu de passage suffisamment sûr pour y passer la nuit.

— J'assure le premier tour de garde, déclara-t-il en préparant un feu. Tu as tendance à me porter malheur donc j'aimerais être préparé si nous sommes attaqués.

— Je pensais que c'était un lieu « sûr » ?

— Au vu des traces, le dernier passage remonte à quelques jours... Mais tout peut changer très rapidement dans la nature.

Et Cassian n'avait jamais eu autant raison qu'à cet instant.

Ce qu'il ignorait, c'était que l'effort de guerre demandé par la princesse régente avait augmenté la fréquence de coupe des arbres dans la région nord-est du pays lui appartenant. Un chamboulement soudain qui avait perturbé toute la faune mais également les créatures fantastiques ayant l'habitude de se nourrir du petit gibier en bas de leurs montagnes.

Le gibier s'étant déplacé dans les bois au nord-ouest, les autres bêtes avaient suivi et ne retenaient plus leur colère contre les humains.

C'est à son deuxième tour de garde, l'esprit embrumé à peine réveillé par Vyrr il y a une quinzaine de minutes que le chasseur se mit à renifler. Sentant une forte odeur familière s'approcher... l'odeur du sang.

Son corps se tendit subitement avant qu'il ne jette son sac sur Vyrr pour le réveiller et qu'il bande son arc. L'elfe n'eut pas le temps de geindre qu'il se mit également à renifler et comprit que le danger arrivait enfin.

Apparaissant petit à petit dans la pénombre, faisant craquer les branches et colorant la neige de rouge, ils purent voir arriver au loin un énorme loup-de-givre avec entre ses crocs, le corps d'un nain déchiqueté.

Le sang tombant goutte à goutte au sol alors que la bête aux yeux rouges de colère mâchouillait ce qu'il lui restait de sa proie. La créature était un peu plus imposante que celle ayant attaqué le village d'Emyth et Cassian sentait déjà que le combat ne pouvait être évité.

— Tu vas bouger ton royal postérieur cette fois-ci ? demanda-t-il à Vyrr en sortant une flèche de son carquois.

— Obligé, je n'ai pas envie de mourir ici. À deux, on ne devrait pas avoir de problème à.... Oh putain. Je devrais apprendre à me taire.

Cassian leva les yeux au ciel alors que Vyrr poussa un couinement de désespoir en voyant un deuxième loup-de-givre identique au premier, la gueule en sang et se léchant les babines.

« Ne passez pas sur le lac, vous risqueriez de vous tuer bien avant l'heure ! » C'est cela oui et en attendant, on est déjà bien dans le purin. 



Qu'avez-vous pensé de la rencontre de Cassian avec celle que vous aviez devinez comme étant la déesse Silja ? Qu'est-ce qu'elle attend de lui ? Est-ce qu'il va se mettre en tête de la chasser ?

Comment s'annonce la suite du voyage malchanceux de Vyrr et Cassian ? S'en sortiront-ils indemne de leur combat ?

On va revenir à un chapitre par semaine à partir de mercredi prochain !

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