27 - Rose d'épines
« Allez, encore un petit effort ! »
Cassian poussa un long soupir avant de reprendre son ascension, les bottes marquant à nouveau la poudreuse alors que l'air commençait à lui manquer à cause de l'altitude. Il avait hâte d'arriver au sommet mais également d'enfin observer les créatures provoquant ce bruit de battements d'ailes incessant depuis une vingtaine de minutes.
Devant lui et ouvrant la marche, Karen Rose, sœur de Cristal étant restée en bas de la montagne. La forgeronne portait sur son dos un énorme sac rempli de matériaux mais avait une facilité à grimper qui surprit le chasseur ayant pourtant une très bonne endurance.
Lorsqu'ils arrivèrent enfin au sommet, Karen ne put se retenir de poser son sac et de courir à grand allure entre les sapins alors qu'un grognement fit relever la tête de Cassian au ciel : au-dessus de leur tête volait un groupe de wivernes, une créature fantastique très proche du dragon mais bipède avec une absence de pattes antérieures.
Sentant qu'elles n'allaient pas les attaquer, le chasseur expira un grand coup avant de se délester de ses armes et de regarder le paysage devant lui. Un ciel sans nuages où le soleil rayonnait comme jamais, une plaine où l'herbe n'était que partiellement recouverte de blanc et enfin un tout petit lac un peu plus loin. Il plissa les yeux pour essayer de deviner ce qu'il pouvait y avoir à l'horizon mais rien à faire, c'était une étendue infinie de neige.
Il but une bonne gorgée d'eau aromatisée aux fruits du dragon avant de partir rejoindre Karen s'étant allongée dans l'herbe. La tignasse auburn mélangée à l'herbe et à la neige, cette dernière n'avait que faire d'être présentable et se contentait de lever les mains vers le ciel où les wivernes semblaient prendre le soleil.
— Quand tu m'as demandé mon aide il y a quelques jours, commença Cassian, je ne pensais pas que nous devrions grimper tout en haut d'une montagne. Est-ce vraiment nécessaire pour forger ma nouvelle épée ?
— Fais-moi confiance, chasseur. C'est parfait. Et puis, n'es-tu pas curieux devant de nouveaux paysages ?
Cassian hocha la tête en s'asseyant à côté d'elle, lui tendant un morceau de viande séchée qu'elle croqua sans retenue.
Cela faisait quelques jours que le chasseur était arrivé à la cité des rebelles et qu'il avait gagné, malgré lui, le statut « d'amant de Cornélia ». Un nouveau titre donné par certains des rebelles à cause d'une gaffe de Viktor mais surtout parce que Cassian était le seul homme à être invité aussi longtemps dans les quartiers de la cheffe de la rébellion.
Un statut dont il n'avait que faire, autant que Cornélia et étant clairement la preuve qu'ils s'accordaient bien.
— Tu sais ce qu'on dit ? Que si tu continues à marcher vers l'horizon, tu fouleras la Terre Divine. Le bout du monde.
— Est-ce que les nordistes font partie de ceux croyant que notre monde est plat ?
— Ce n'est pas parce que notre éducation est moins développée que dans vos cités que nous sommes stupides ! s'exclama Karen. C'est « le bout du monde » parce que personne n'a réussi à atteindre sa limite. Si tu continues par-delà ces montagnes, tu trouveras un sol plat et de givre s'étendant à perte de vue. Beaucoup ont tenté le voyage pour arriver sur le continent Est, sans succès.
— Est-ce que tu sais ce qu'il y a à l'Est ? N'est-ce pas une mer ?
— Non, d'après les cartes, c'est une immense chaine de montagnes menant à un lieu à la nature luxuriante. Un lieu appelé « Terres Radieuses » où il y aurait un grand palais appartenant aux anciens dieux.
— Un palais ? Vraiment ?
— La légende raconte que l'ancien dieu créateur Nyosang s'est endormi sur ces terres et a créé un palais censé l'accueillir lui et sa femme, la déesse Anorra. Cette même légende raconte que l'endroit où nous nous trouvons est le corps de la géante Onhild ayant déplacé les continents à la création du monde, c'est pour cela que ces montagnes portent son nom.
— Je ne crois pas aux légendes... Et puis si ces dieux existaient réellement, pourquoi est-ce qu'ils seraient encore endormis ? D'ailleurs, comment une forgeronne peut connaitre autant de choses sur la religion ?
— La famille Rose était chargée de la conservation des archives de la bibliothèque royale de Givreciel et c'est mon père qui m'a raconté cette légende. D'après lui, ce sont les anciens dieux qui ont créé nos dieux actuels représentés en tant que créature fantastique mais également à notre image. Ils sont les gardiens du monde, comme la déesse Silja. S'ils ne se sont pas réveillés, c'est à cause d'un mal s'étendant depuis les profondeurs de la terre et corrompant des civilisations entières pour créer le chaos.
— Encore une excuse de la religion afin de justifier le comportement déviant de certains.
— Crois ce que tu veux mais les anciens dieux existent. Il y a même eu une rumeur... Il y a quelques années, comme quoi l'un d'eux s'était finalement réveillé.
— Et ?
— Il aurait détesté voir la décadence des êtres vivants et aurait décidé de les punir en détruisant un pays entier. C'est comme cela que l'on explique tous les mystères sur le pays de NightHallow au sud du continent.
Cassian se redressa subitement, une réaction surprenant Karen qui le suivit en lui demandant du regard ce qu'elle avait pu dire de travers alors que les traits de son visage se tendaient.
Il avait du respect pour les croyances des peuples mais était toujours réticent à les accepter et pour cause : il était persuadé que tous ces mystères sur le monde étaient la cause de la mort de sa mère. Entendre le nom du pays où elle s'était aventuré avant de rentrer chez eux, une maladie inconnu dans le sang et la tuant quelques jours de souffrance plus tard, venait de provoquer une tension en lui qu'il tenta de calmer en régulant sa respiration.
Cassian, ne voulant pas s'étendre sur le sujet, rassura la forgeronne en prétextant le manque d'air en altitude. Cette dernière ne chercha pas plus loin et se mit à sortir son matériel pour exécuter ce pourquoi ils étaient venus ici : récupérer des écailles de wiverne.
Le chasseur n'avait pas eu besoin d'en abattre et suivi le conseil de Karen en s'aventurant un peu plus loin vers le lac où, en cherchant bien dans la neige, il put en trouver. Les créatures aimaient gratter leur peau lorsqu'elle se désaltérait après un long vol et leurs écailles étaient de très bons matériaux magiques donnant des propriétés surprenantes aux armes.
Après avoir travaillé les matériaux et observé la beauté du vol des wyvernes, Cassian et Karen s'apprêtaient à redescendre de la montagne lorsque cette dernière lui avoua quelque chose d'une voix soudainement triste :
— Cristal va partir.
— Partir comme... « mourir » ?
— Non, pas vraiment... Je sais que tu es au courant pour sa maladie et grâce, ou plutôt « à cause » de l'elfe qui séjourne avec toi, Cornélia a décidé de faire partir ma sœur de Givreciel. Il parait qu'il y a un cas d'okrilienne qui est traité à Northway, un pays du nord-est, et que Vyrr connait le mage elfique s'occupant des recherches sur le sujet. Il pourrait ralentir la progression de la maladie et allonger sa durée de vie mais...
— Tu as du mal à laisser partir un membre de ta famille, n'est-ce pas ?
— C'est vraiment dur. Je n'ai plus qu'elle. Nos parents sont morts pendant le drame d'il y a dix-sept ans, mes frères pendant la famine ou les conflits avec la capitale et il ne reste que nos oncles et tantes artisans. Elle est la seule Rose qui tient encore une épée en main et j'ai peur qu'il lui arrive quelque chose hors de notre continent.
— Mais si tu la laisses vivre ici, elle mourra soit de sa maladie, soit de la guerre. Qu'est-ce qu'elle en pense, elle ?
— Si c'est le souhait de Cornélia, elle ne réfutera pas sa décision. Elle fera tout pour devenir une très bonne combattante et représenter notre maison à l'Est. Cristal serait même capable de devenir une Prodige ! Elle va rencontrer des gens ayant une dette envers les Rose et sera bien accueillie et accompagnée, mais bon... Je suis sa sœur et c'est normal d'avoir peur, non ?
— Vu la casse-pied que c'est, il y a très peu de chance qu'elle ne meurt hors de sa patrie. Je suis sûr qu'elle te reviendra après avoir été soignée.
— Hm... Tu sais ce qu'elle m'a avoué ? Que plus tard, elle aimerait avoir un enfant. Une fille de préférence, et qu'elle l'entrainerait à l'épée comme Cornélia l'a fait pour elle. Qu'elle lui chanterait nos chants et raconterait nos histoires pour enfin la ramener dans notre pays et qu'elle puisse devenir le bras droit de « Sa Majesté Cornélia ».
— L'espoir provoque parfois des miracles. Et elle veut l'appeler comment son enfant ?
Un fin sourire apparut sur le visage de Karen qui observa Cassian de la tête au pied avant de lui taper amicalement l'épaule et de déclarer :
— Elle m'a dit que si c'était une fille, elle l'appellerait Yara, comme notre défunte mère.
— C'est pas mal... Et si c'était un garçon ?
— Cassian.
Le chasseur ne put répondre à l'aveu d'une Karen ne retenant pas son rire devant sa mine presque choquée. Elle n'en dit pas plus et entama la descente vers le pied de la montagne alors qu'il regardait une dernière fois ce paysage rare où les wivernes s'apprêtaient à quitter le ciel.
Ne souhaitant que le meilleur pour une gamine qui était censé le détester et qui allait avoir la chance de partir à temps de Givreciel. Avant que la guerre de ravage la terre de son enfance par le sang.
Qu'avez-vous pensé de cette courte pause au "sommet du monde" ? De ce moment avec Karen et de leur discussion concernant Cristal ? Qu'est-ce que cela laisse présager pour la suite ?
Je vais ralentir la sortie des chapitres, c'est à dire en sortir qu'un seul par semaine (peut-être pas la semaine pro mais bientôt). La raison ? J'ai été absorbé par l'écriture de The Marvelous Lion au détriment de Cassian ^^"
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