26 - Une maladie incurable
« JEREMIAH ! »
Un dernier cri faisant sourire Jeremiah alors qu'il venait d'emmener à l'extase l'une des servantes du château, en plein dans la réserve des cuisines. Entre les cagettes de fruits et bouteille d'alcool, il accéléra ses coups de boutoir pour venir en elle à peine quelques secondes après l'orgasme de sa première conquête à Givreciel.
La blonde à la respiration erratique remonta sa culotte et tira sur sa robe de domestique avant de recoiffer ses cheveux et de caresser la joue du prince qui était chaque jour à la hauteur de sa réputation.
— Je dois partir en commission.
— Je te souhaite une bonne journée et j'espère que tu viendras me retrouver dans ma chambre ce soir... répondit-il en l'embrassant avant de la laisser quitter la réserve.
Jeremiah poussa un long soupir d'aise en s'asseyant sur un tonneau, se rhabillant tranquillement et tentant de discipliner sa chevelure alors que l'endorphine envahissait son corps. Il n'avait qu'une envie, c'était de faire une sieste.
Mais c'est en sortant de la réserve que son devoir le rattrapa. Il manqua de se cogner contre une des intendantes du château, cette dernière le dévisageant avec sévérité malgré son statut.
— Monseigneur, commença-t-elle d'un ton sec, on a demandé votre présence immédiate à la sortie de Voile-d'hiver.
— Très bien... et euh...
— La princesse régente souhaiterait également s'entretenir avec vous avant le diner. Elle vous attendra dans la salle du trône.
— Parfait mais... Comment avez-vous su que j'étais ici ?
— Rien n'échappe à mes oreilles, monseigneur.
— Et est-ce que vous avez vu ou entendu quelque chose de dérangeant ?
La vieille femme ne répondit pas, se contentant de toiser le prince avant de faire une révérence et de repartir en direction des cuisines. Jeremiah frotta sa nuque par contrariété d'avoir été surpris et se mit à espérer que l'intendante resterait discrète sur ses agissements de Don Juan.
Ce n'est qu'une heure après qu'il se retrouva à traverser les rues calmes de la capitale Voile-d'hiver subissant une nouvelle tombée de flocon de neige. Tous les habitants et visiteurs étaient enfermés au chaud dans les établissements nocturnes alors que le soleil n'était même pas encore couché.
Le prince continua de marcher jusqu'à la sortie de la ville et ça, malgré son désir de se réchauffer dans n'importe quelle taverne, lorsqu'une main levée et s'agitant devant lui le fit accélérer le pas.
Il reconnut immédiatement la personne l'ayant fait appeler et la suivit pendant de longues minutes jusqu'à l'orée de la forêt bordant le château. L'endroit était plutôt calme mais assez proche de la civilisation pour qu'il ne soit pas dangereux pour le prince.
— Pourquoi ne pas m'avoir fait demander à la bibliothèque, Taras Faraelyne ?
— Il est parfois bon de prendre l'air loin des faux-semblants, répondit l'elfe en retirant sa capuche. Avez-vous réfléchi à ma proposition ?
— Je vous donnerais bientôt ma réponse... Avoir le contrôle sur une créature aussi importante qu'un Léviathan, ce n'est pas une décision à prendre à la légère.
— Je n'ai malheureusement pas votre temps.
Sur ces mots, une personne sortit de derrière un arbre et Jeremiah s'apprêta à sortir sa dague lorsqu'il reconnut l'elfe qui était au côté de Vyrr lors de son arrivée : Emilyne.
Cette dernière semblait avoir fait un long voyage à travers le pays vu l'état de ses vêtements et ses cheveux rouges négligemment attaché comparé à la première fois où il l'avait vu. Elle sortit de la poche de sa tunique une enveloppe qu'elle tendit au prince n'hésitant pas à l'ouvrir.
L'écriture sur le parchemin était soignée, digne d'une grande noblesse et il devina à la première ligne qu'il lisait la plume de Vyrr Rhapsody. Il ne prit pas la peine de lire la lettre car un autre parchemin de facture plus modeste était joint à celui du haut-elfe et tout de suite, il reconnut l'écriture de Cassian.
La missive datait d'il y a quelques jours et le mettait au courant de la situation de son cousin : il résidait temporairement dans la base des ennemies de la couronne et ne pouvait livrer plus de détails. Il se contentait d'avancer dans sa mission et espérait que de son côté, Jeremiah ne se soit pas fait corrompre par l'engouement pour la guerre civile du pays.
La missive de Vyrr, en revanche, était plus précise sur la situation de Givreciel : les troupes se préparaient des deux côtés du pays et bientôt, le combat s'engagerait. Il ne manquait qu'un élément déclencheur pour que l'un des camps ne fasse le premier pas.
« Je suis à deux doigts d'avoir la réponse à mes questions auprès de Cornélia mais je suis convaincu qu'après cela, elle me forcera à quitter le pays. Nous sommes extérieurs aux conflits internes du pays et par conséquent, nous quitterons Givreciel dès que j'en donnerais l'ordre. J'estime à quelques jours notre départ.
Si vous arrivez à parler au prince Leonidi, saluez-le de ma part. Son cousin est un homme intéressant et passionnant et j'espère pour eux qu'ils sauront ne pas s'engager personnellement dans cette guerre. J'aurais plaisir à vous revoir à l'avenir. Détestablement, Vyrr Loraelyan Rhapsody. »
— On m'a transmis ces missives alors que je tentais de retrouver mon seigneur, déclara Emilyne d'un ton las. Le seigneur Vyrr est inconscient de s'aventurer dans les terres hostiles de Givreciel et de nouer des liens avec les rebelles...
— Au lieu d'inconscience, je dirais « intelligence ». Notre seigneur sait ce qu'il veut et place ses pions avant même que la partie n'est commencée. Il assure son avenir alors que son présent est très incertain.
— Est-ce que votre seigneur est au courant de votre proposition ? demanda Jeremiah en rendant la lettre de Vyrr.
— Aucunement. Tout comme lui, je me positionne en avance. Je sais qu'il a un bel avenir qui l'attend donc je n'hésite pas à l'aider comme je le peux. C'est à vous de décider si vous voulez vivre dans le passé ou préparer l'avenir.
C'est sur ces mots que les deux elfes quittèrent Jeremiah, le laissant perdu dans ses réflexions alors que le soleil déclinait de plus en plus entre les nuages.
Devait-il informer son père ? Il y avait songé mais la nouvelle arriverait bien trop tard aux oreilles de son roi. Il ne pouvait qu'attendre sa venue.
Est-ce que le mariage aurait toujours lieu ? Si la réponse était positive, l'alliance pourrait être bénéfique seulement si la princesse Vivianne arrivait à écraser la rébellion. Mais si elle était négative, elle arrangerait bien plus Jeremiah qui aimait son train de vie volage.
Que voulait-il vraiment ? Taras Faraelyne n'avait-il pas raison ? N'était-il pas destiné à un avenir plus glorieux ? Ces toutes ses pensées firent perdre la notion du temps au prince et arriver avec un peu de retard dans la salle du trône.
Vivianne l'attendait tranquillement, assise sur le siège de feu son père le roi, un sourire aux lèvres en voyant Jeremiah arriver vers elle et faisant la révérence.
— Excusez mon retard, princesse.
— N'avions-nous pas dit que nous pouvions nous tutoyer ? répondit-elle en retenant un petit rire.
— Naturellement. Pardonne-moi. Tu voulais me parler avant le diner ? Est-ce politique ou d'ordre privé ?
— Un peu des deux.
Vivianne se leva du trône, ses doigts jouant entre eux et une démarche calme la dirigeant jusqu'à la fenêtre à sa droite. Elle posa sa main sur le mur en pierre et se mit à fixer l'extérieur tout en gardant le sourire.
« Je t'ai déjà parlé de l'infidélité de mon père, n'est-ce pas ? »
Le ton chaleureux qu'elle prit eut l'effet inverse chez Jeremiah qui se raidit immédiatement en entendant le mot qu'il redoutait. Maudissant l'intendante d'avoir peut-être fait part à la princesse de ce qu'elle avait découvert plus tôt dans la journée.
Une information qui ruinerait immédiatement toute sa stratégie et le charme qu'il lui faisait depuis des jours mais également l'alliance entre leurs pays.
— Il a eu deux enfants illégitimes, répondit calmement Jeremiah pour ne pas se trahir. Cornélia et Viktor, n'est-ce pas ?
— Exactement. Mon père était connu pour être un homme très volage. Il parait qu'avant de se marier avec ma mère, il passait de nombreuses nuits avec des paysannes et servantes... Et je pense même qu'il a continué après ma naissance. Il aimait la chair.
— J'en suis désolé.
— C'est étrange parce que, comme ma mère, j'ai toujours réussi à lui pardonner ce vice. Comme s'il était malade et que l'infidélité était incurable chez lui. Ce que je n'arrivais pas à pardonner, par contre, c'était les femmes avec qui il couchait. Je leur en voulais tellement... Est-ce que tu trouves cela étrange ?
— ...Chacun a sa façon de vivre les choses.
— Je pense que beaucoup sont atteints de cette maladie et pour cela, il n'y a aucun remède. On ne peut que ralentir la progression du mal.
— Où veux-tu en venir, Vivianne ?
La princesse fit un geste de la main vers Jeremiah, lui intimant de s'approcher d'elle. Elle lui fit un grand sourire avant de pointer du doigt la cour extérieure du château éclairé par les torches faisant face aux bourrasques de vent.
Jeremiah plissa les yeux avant de les ouvrir en grand. Il sentit la main de la princesse lui caresser la joue et ses lèvres embrasser son menton alors que son regard fixait le spectacle qu'elle venait de lui « offrir » à l'extérieur.
« S'il était trop tard pour mon père, je compte bien te guérir de ce mal et cela, pour que tu ne sois qu'à moi pour l'éternité. Je continuerais à te débarrasser de ces sangsues et ça peu importe à quel point elles s'accrochent. »
En bas, dans la cour extérieure, retentissaient les cris de la servante blonde avec qui Jeremiah s'était accoutumé à de nombreuses coucheries depuis son arrivée à Givreciel. Les bras de cette dernière étaient retenus par deux gardes appuyant également leurs pieds sur son dos pour la forcer à rester à genoux.
Un autre garde lui faisait face, ignorant ses plaintes et ses pleurs, jusqu'à ce qu'il la réduise au silence en abaissant son épée d'un coup violent sur sa nuque. Le sang se répandit partout dans la neige alors que la tête blonde de la domestique était attrapée par les cheveux et exhibée vers le haut comme pour avoir l'approbation de la princesse.
Cette dernière continua de sourire face à l'expression choquée de Jeremiah qui n'arrivait plus à émettre le moindre son.
« On peut dire de moi que je ne suis qu'une ignorante incapable de gérer un conflit mais lorsque l'on s'attaque à mon honneur, je réagis comme une givrecielienne : je montre les crocs. En parlant de crocs, j'ai une faim de loup ! J'espère que l'on mangera une bonne bête rôtie ce soir ! »
La princesse embrassa la joue de Jeremiah avant de quitter la salle du trône sans se retourner ou montrer une quelconque gêne à ce qu'il venait de se produire. Jeremiah, lui, était encore sous le choc et ne pouvait arrêter de fixer le corps sans vie de son amante.
Ce soir-là, il ne se joignit pas au diner et la seule personne qu'il retrouva à une heure tardive fut Taras Faraelyne. Tous les deux concluant un accord sur le long terme dans les sous-sols du château de Givreciel.
❄ Prochain chapitre déjà disponible ! ❄
Alors... Que pensez-vous de ce chapitre avec Jeremiah ? De son infidélité et de la façon dont "l'innocente" Vivianne gère les choses ? De son accord avec Taras ?
Est-ce que vous vous doutiez que Vivi aurait pu faire ce genre de chose ?
❄ Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et laisser un petit commentaire !❄
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