23 - Les thermes

« On n'est pas bien là ? »

Les paroles de Vyrr se perdirent entre les rochers humides du bassin chaud dans lequel il se détendait entièrement nu comme le voulait la tradition des thermes.

Derrière lui, Cassian finissait de se dévêtir entièrement pour venir profiter du « bain des invités », un endroit des thermes réservés aux étrangers plus par confort pour les givrecieliens que par hospitalité.

La chaleur détendait les pores de leur peau et l'eau opaque à cause des mélanges de savons nettoyait en profondeur leur corps. Le bassin était situé dans une petite cavité dont les murs accueillaient de nombreux cristaux luminescents et où se laissaient porter par les mouvements de l'eau des pétales de fleurs dont le parfum embaumait toute la pièce.

À peine déshabillé, le gérant des thermes vint récupérer les vêtements des étrangers pour les laver en profondeur et les débarrasser de la crasse de leurs nombreux voyages à travers le pays.

Le chasseur vint rejoindre le haut-elfe, s'installant à une distance raisonnable pour éviter toute gêne lorsque ce dernier décida de n'en prendre aucunement compte en une seule remarque :

— Eh bien dis donc, Cassi ! Avec un corps pareil, les femmes doivent se battre pour t'avoir ! Et c'est qu'il est bien membré en plus, le chasseur !

— Tu n'aurais pas pu faire plus gênant... Quoique si, je suis sûr que tu aurais trouvé pire.

— Alors, qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais que les hommes comme toi ne prenaient qu'un bain par an ?

— Ta condescendance ne m'avait pas manqué, Vyrr. Ou devrais-je t'appeler « l'empoisonneur » ?

— Tu m'en veux toujours pour le ver de neige ?

Cassian ne répondit que d'un simple haussement de sourcil avant de confortablement s'assoir dans le bassin puis de passer sa tête sous l'eau pour nettoyer ses cheveux bruns.

Vyrr continuait à le dévisager jusqu'à ce qu'il lui raconte son départ de Brise-Lac sans lui. Son arrivée dans cette cité sous terre mais également de sa rencontre avec Viktor et Cornélia. Si le loup s'était montré poli envers l'elfe, la cheffe des rebelles lui avait tout de suite fait comprendre que son air supérieur n'était pas le bienvenu ici.

Se présentant alors comme un potentiel allié au pays de l'hiver éternel, elle s'était radoucie et avait écouté ses propositions commerciales entre les rebelles et la cité de Rhapsodia qu'il espérait un jour plus ou moins lointain diriger.

— ...Et puis Cornélia m'a invité à diner et nous avons fini par coucher ensemble.

— Pardon ?! s'étonna Cassian en se redressant.

— Olala mais c'est vrai que tu es très musclé pour ton âge !... Tu as quel âge déjà ?

— 27 ans mais là n'est pas la question. Comment en es-tu arrivé à cette situation ? Et je croyais que les elfes étaient trop purs pour des relations sexuelles sans but de procréation ?

— Alors non, beaucoup d'elfes sont asexuels mais pour ma part, quand je couche, c'est pour la recherche.

— Éclaire ma lanterne, s'il te plait.

— Pour avoir de l'expérience, savoir ce que ça fait, observer et enfin en faire un rapport mental.

— Quelle excuse... N'avoueras-tu pas que c'était également pour ton plus grand plaisir ?

— Je dois avouer que la cheffe des rebelles est attirante dans son genre. Douée, très douée surtout dans certains domaines mais j'ai fait sacrifice de mon corps pour servir ma cause : en savoir plus sur sa façon de fédérer.

— Elle t'a bien fédéré à ce que je vois.

Le rire presque mauvais de Vyrr mit mal à l'aise le chasseur poussant un long soupire en dévisageant l'elfe. Ce dernier détacha la pince retenant ses longs cheveux blonds avant de passer ses mains mouillées dedans comme s'il était fier de son accomplissement.

— J'ai une question, commença Cassian. Réponds avec sincérité, tu me dois bien ça après le ver de neige.

— Très bien mais j'aurais aussi une question alors.

— Je vais être direct : est-ce qu'en te rapprochant de manière intime avec Cornélia, tu as perçu des signes... différents chez elle comparés aux autres humaines ? Disons des changements de chaleur corporelle ou-

— Tu veux savoir si j'ai couché avec un dragon ? Ma réponse : je n'en sais rien. Sa peau était froide mais à part cela, je n'ai ressenti aucune obsession de son corps qui pourrait être lié au mal des dragons. Mais ce mal ne touche que les humains donc après tout... Si elle est vraiment la fille de la déesse Silja, elle cache bien sa forme divine.

— Je ne m'attendais pas à autant de perspicacité de ta part mais merci de ta franchise.

— Tu as peur d'attraper ce mal ? Je pensais que tu avais déjà couché avec elle. Elle est clairement le style de femme qui t'irait bien. Le genre sauvage comme toi.

— La ferme, Vyrr. Elle m'a invité à diner ce soir et j'ai l'impression que je vais passer à la casserole comme toi à ton arrivée ici.

L'elfe se contenta de sourire tout en caressant ses cheveux de sa main. Tous les deux se laissèrent une minute de silence pour savourer ce moment de paix et de rare confort en ces temps troublés jusqu'à ce que Vyrr l'interrompe.

« Ne trouves-tu pas étrange que les rebelles veuillent la guerre alors que cet endroit est la preuve de leur indépendance face à la capitale et à la princesse régente ? Pourquoi est-ce qu'ils se battent ? D'accord, ils veulent se venger pour le coup d'État d'il y a 17 ans, mais ensuite ? Est-ce purement une question de territoire qu'ils souhaitent retrouver ou c'est bien plus ? Tu peux penser que je vais loin dans mes réflexions mais c'est toutes ces interrogations qui font que je suis ici, à l'extrémité ouest du monde, dans le pays de l'hiver éternel et dans un bassin chaud avec toi ».

Cassian ne répondit pas parce qu'il n'avait tout simplement rien à dire de pertinent face à l'elfe. Lui se contentait d'accomplir la mission donnée par son oncle le roi et rien d'autre. Le pays l'intriguait de plus en plus et dégageait quelque chose de mystique, une aura qu'il percevait et ressentait parfois intensément.

Le plus grand mystère étant Cornélia et sa vraie nature.

S'il devait traquer ce fameux dragon blanc, il perdrait de nouvelles amitiés qu'il estimait déjà comme importantes. Celle de Viktor en particulier mais également sa relation frère-sœur avec Cristal Rose.

— Ta famille est experte en poison ? demanda-t-il en pensant à l'adolescente. Est-ce que tu t'y connais en maladie rare ?

— C'est vaste comme sujet, répondit-il sérieusement. J'ai beau avoir passé les cent ans, j'en apprends encore tous les jours.

— Disons que si une personne était infectée d'une maladie très rare, héréditaire mais surtout incurable, est-ce qu'avec ta magie tu pourrais tout de même trouver un moyen de la sauver ?

— Non. Il me faudrait plus de connaissance et de puissance. De quelle maladie parles-tu ?

— De l'okrilienne. De l'okril dans le sang qui attaque les organes internes et fait tousser du sang et de la poussière métallique et corrosive.

— Intéressant... Il faudrait que je me renseigne mais j'ai peut-être déjà une piste. On en reparlera quand je serai totalement sûr. C'est pour une de tes conquêtes ?

— Non, pour une gamine dévouée à Cornélia.

— Ma parole mais chasseur c'est vraiment la profession qui fait tomber toutes les femmes du nord ! J'ai raté ma vocation !

Pour une fois, Cassian se permit de rire avec l'elfe continuant de blaguer sur son charme avant de lui parler de sa mère et ses études à Rhapsodia mais également de sa vie à lui. Comment la quête du pouvoir déchirait toutes les branches de sa famille et cette façon de le regarder tel un rebus par ses compères hauts-elfes.

C'était le seul moment où Vyrr pouvait être honnête avec un autre être humain jusqu'à ce qu'il déclare en avoir trop dit et qu'il quitte les thermes pour aller passer la soirée à étudier des ouvrages religieux.

Ses vêtements aussi propres que son corps, Cassian se retrouva deux heures après à l'endroit que lui avait indiqué Vyrr précédemment : les quartiers de Cornélia. Il sentait déjà l'odeur de la nourriture à peine arrivé devant sa porte, mais resta planté devant. Hésitant pour toutes les raisons évoquées au court de la journée et ayant peur de regretter cette décision.

Le chasseur allait faire demi-tour lorsque la porte en bois s'ouvrit devant lui et que les yeux gris de Cornélia le transpercent. Elle le dévisagea comme à son habitude avant de l'inviter à entrer sans un mot. Ce dernier obéit et se retrouva dans la salle à manger de la cheffe des rebelles, l'endroit éclairé par des lampes à huile mais également des cristaux.

« Alors, de quoi as-tu faim ? »



Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre dans l'eau chaude ?

De la discussion entre Cassian et Vyrr ? De la possible nature de Cornélia ? Des interrogations sur la guerre et enfin, vos théories sur le déroulé du dîner ?

On se retrouve la semaine prochaine pour deux nouveaux chapitres !

❄ Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et laisser un petit commentaire ! ❄

https://youtu.be/6n_eBPWLGUs

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