Lorsque Cassian fût appelé par Viktor à entrer dans le quartier général de la rébellion, l'accueil était mitigé. Les chefs de clan et guerriers autour de lui se méfiaient de cet étranger sorti de nulle part, mais à la minute où l'un d'eux se présentant comme le régent du village d'Emyth lui avait serré la main, la tension s'était envolée.

Le chef l'avait chaleureusement remercié de son courage face au loup-de-givre pour défendre des gens qu'ils ne connaissaient pas, mettant sa vie en danger contre une menace tout aussi inconnue.

Mais c'est quand Cornélia frappa la table devant elle de ses paumes de main que l'air était devenu glacial. Ses yeux gris lançant des éclairs au chasseur qui débarquait en plein conseil de guerre et qui lui rappelait également sa frustration lors de leur partie de chasse.

Elle mourrait d'envie de voir sa belle gueule écrasée contre la roche comme qu'elle désirait l'avoir entre ses cuisses. Et même si Cassian conservait une certaine prudence face à cette ardeur, il ne pouvait cacher cette même envie qu'en conservant son masque de froideur.

« Reprenons. » déclara-t-elle en fixant la carte du pays. « La mer gelée n'existant plus, la flotte de Stolheim va commencer à faire le tour de Givreciel or, s'ils découvrent que nous avons un port clandestin, nous ne sommes pas à l'abri d'une attaque venant de la capitale. »

Même si Cassian était un étranger, la cheffe toléra sa présence lors de cette discussion sensible sur le seul lieu permettant des échanges marchands entre le côté rebelle de Givreciel et le reste du monde.

En effet, il avait appris lors de cette réunion que si la capitale était coupée de tout avec que la mer gelée ne soit brisée, la rébellion avait depuis des années restauré un vieux port au sud du pays et caché par une immense forêt.

Ce port leur avait servi à faire du commerce et nouer des alliances hors du continent notamment avec la cité elfique de Rhapsodia d'où venait Vyrr mais également la cité naine d'Ironfrost. Cette dernière, toujours en avance technologiquement sur ses voisins, expliquait ses progrès par l'utilisation d'okril venant de Givreciel en échange de marchandises et de savoirs pour les rebelles.

La discussion commençait à tourner en rond entre les chefs de clan lorsqu'un nain essoufflé passa le rideau en s'exclamant : « J'ai une missive pour Cassian Nyrh de la part de la capitale ! »

Une simple phrase qui fit dégainer les armes de tous ceux présents, à deux doigts d'embrocher le chasseur qui venait de passer « d'étranger amical » à « espion ». Ce dernier se montra impassible, saisissant calmement la lettre avant de l'ouvrir et de lire rapidement les mots de son cousin.

— Tu as conscience que l'on ne peut laisser vivre un espion ? demanda l'un des chefs en se tournant vers Cornélia.

— Attendons ce qu'il a à nous dire. Alors, « Cassi » ? Ami ou ennemi ?

— C'est à toi d'en juger, « Connie ».

Cassian posa la lettre sur la table, la faisant glisser jusqu'à la cheffe d'un air de défi. Cette dernière ne perdit pas plus de temps pour la lire et passa rapidement sur l'histoire du coup d'État raconté par Jeremiah pour enfin avoir la preuve que le chasseur pourrait leur être utile.

— La production d'armes et d'armures a augmenté à Voile-d'hiver comme à Yolmin. Un grand nombre de soldats doit arriver de Stolheim dans une dizaine de jours et la princesse régente a demandé un soutien exceptionnel aux nations du sud pour détruire notre rébellion en échange d'une grande quantité d'okril. Okril qu'elle ne possède pas mais qu'elle compte nous prendre en dégageant un passage vers les montagnes de Fenrir.

— C'est impossible ! s'écria l'un des chefs nains. Les loups et leur déesse sont les protecteurs de ces montagnes et même nous, nous n'avons pas le droit d'y forer !

— Il y a de moins en moins de loup-de-givre, répondit Viktor en frottant son menton. Mener une expédition armée dans la forêt et jusqu'aux montagnes ne serait pas impossible avec l'aide de Stolheim.

— Ça pourrait expliquer pourquoi un loup-de-givre furieux est arrivé jusqu'aux portes d'Emyth il y a quelques jours ? ponctua Cassian.

— Parce qu'ils ont déjà commencé... Alors nous allons enfin vers le chemin de la guerre, après toutes ces années. Très bien. J'ai besoin d'y réfléchir. En attendant, nous resterons vigilants. Nous ne devons pas nous éparpiller et nous concentrer sur nos ressources. Augmentons la production d'armes et d'armures mais également nos échanges commerciaux. Nous sommes à deux doigts de conclure une alliance avec Northway et nous ne pouvons passer à côté de ça.

« Nous ne craignons pas la tempête ! » s'écrièrent-ils tous en cœur avant de conclure la réunion et de discuter entre eux des précautions à prendre.

Cassian sortit de l'édifice, sa lettre en main et interrogeant l'un des chefs sur la présence d'une taverne ou autre rade pouvant lui servir à transmettre un message lorsqu'il sentit une main sur son épaule :

— Où vas-tu ? l'interrogea Cornélia en caressant le pommeau de son épée avec sa main libre.

— La reine doit être informée de tous les faits et gestes de ses petites fourmis ? Je désire simplement répondre à mon cousin qui prend beaucoup de risque à m'informer de la situation à Voile-d'hiver.

— Je veux que tu manges à ma table ce soir. J'aurais de quoi écrire et je suis même prête à t'accueillir dans ma demeure pour la nuit.

— On sait tous les deux que ce n'est pas une bonne idée.

— Je t'encourage à passer aux thermes avant de venir me voir. Tu sens fort l'animal.

Cassian renifla profondément en tournant légèrement la tête avant de hausser les épaules, provoquant un rare mais petit sourire chez la cheffe des rebelles. Cette dernière l'examinant de la tête au pied comme s'il était son diner lorsqu'elle fût interpellée par l'un de ses subordonnés.

Le chasseur fit de même avant de prendre le chemin qu'il avait fait avec Viktor, se perdant entre la contemplation des cristaux lumineux mais également ses pensées.

Surtout sur ses souvenirs des courbes de Cornélia nue dans le lac gelé. Il avait eu envie de la toucher depuis le premier jour mais plus il en apprenait sur ce pays, moins l'idée était bonne. En effet, s'il devait chasser un dragon, il devait s'assurer qu'il n'allait pas coucher avec avant.

Si Viktor était un demi-dieu loup, qu'est-ce qui empêchait Cornélia d'être une demi-déesse dragon ? Est-ce que c'était vraiment sa mère Silja qui était apparue pour les soutenir dans leur rébellion ou était-ce Cornélia elle-même ?

Et si jouer double-jeu avec ceux qui commençait à l'accueillir bras ouvert ne lui posait que peu de problème moral, la question du sexe avec un dragon relevait du danger.

C'est au cours de ses voyages qu'il avait eu connaissance d'un mal propre aux relations humain/dragon, une obsession et envie irrationnelle crée à la suite d'un acte charnel avec une créature divine ou semi-divine. Nombreux sont ceux morts de désir et de folie à cause de la chaleur de ces créatures et c'était bien la dernière chose que souhaitait attraper Cassian. Ça et une maladie sexuellement transmissible.

L'odeur des fleurs et la chaleur ambiante le ramenèrent à la réalité alors qu'il entrait dans les thermes de la ville souterraine. Il fut bien accueilli par les gérants malgré la méfiance qu'il sentait dans leur regard jusqu'à ce qu'il pose trois pièces d'or sur leur comptoir.

Leur sourire s'élargissant autant que la bourse de Cassian se vidant de jour en jour.

— On est vraiment gâté avec les étrangers en ce moment ! Vous allez nous permettre de refaire entièrement l'entrée.

— « Les étrangers » ? interrogea le chasseur en retirant son manteau.

— Vous et l'elfe maniéré, là-bas !

Le gérant montra du doigt un espace servant de vestiaire au loin et il n'en fallut pas plus à Cassian pour partir à la rencontre de celui l'ayant sauvé en l'empoisonnant.

« Vyrr Loraelyan Rhapsody » déclara-t-il en arrivant devant le haut-elfe le regardant d'un air faussement désolé, un sourire narquois sur le visage.

« Je t'ai manqué, c'est indéniable. »

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