21 - L'okrilienne

Ses mains agrippées à la fourrure de Viktor, le paysage hivernal défilait à toute vitesse devant ses yeux plissés. Le vent griffait le peu de peau qu'il avait à découvert, provoquant des larmes à cause du froid devenant de plus en plus intense à mesure qu'ils se dirigeaient vers le nord.

Mais Cassian dû le reconnaitre, voyager sur un loup géant était bien plus confortable que sur un cheval. Viktor avait beau être aveugle, ses sens sous sa forme divine étaient décuplés et il avait le mérite de tenir chaud.

Toujours accompagné de Cristal Rose devant eux avec son cheval, le trio commença à ralentir après quelques heures de voyage. S'enfonçant encore plus profondément dans la forêt de l'ouest du pays, terres hostiles et seulement foulées par les rebelles.

« On va faire une pause », déclara la voix grave de Viktor avant de s'arrêter devant des souches d'arbres et de chasser la neige d'un coup de patte. Le chasseur descendit du dos de son ami loup avant de lui tendre sa gourde pour lui faire boire un peu d'eau.

L'adolescente fit de même avant qu'une nouvelle quinte de toux n'agresse sa gorge, la forçant à s'appuyer contre un arbre, dos à eux, et à presque cracher ses poumons.

« Je reviens » dit-elle en s'éloignant d'eux et en ouvrant sa gourde. Cassian n'eut pas besoin de lui demandait si ça allait car un simple coup d'œil dans la neige lui fit remarquer de nouvelles traces de poudre et de sang.

— Elle t'intrigue de plus en plus, n'est-ce pas ? demanda Viktor entre deux lapements.

— J'ai l'impression qu'à chaque quinte de toux, elle va mourir.

— Tu t'inquiètes pour Cristal ?

— Je n'ai juste pas envie de trimbaler le cadavre d'une gamine sur ma route.

Sa froideur ne convaincu pas Viktor qui sentait qu'un attachement était en train de se créer entre eux de par leurs échanges mais également le combat qu'ils avaient partagé contre le loup-de-givre.

Le loup s'assit dans la neige en face de Cassian, surveillant du coin de l'œil l'adolescente s'étant éloignée d'eux, avant d'en dévoiler plus sur son état.

— Cristal est atteinte d'une maladie appelée l'okrilienne. C'est un mal très rare datant des premières heures du monde et qui n'est qu'héréditaire. Aucunement contagieuse.

— Lié à l'okril, c'est cela ?

— Exact. La famille Rose, avant d'être au service de la royauté de ce pays, était composée de grands forgerons. C'est en taillant les premiers morceaux d'okril que la maladie s'est répandue dans leur sang, provoquant une irritation de la gorge parfois jusqu'au sang et leur faisant cracher de la poussière métallique. C'est un mal qui attaque en interne sans effet visible extérieur autre que la toux.

— Une maladie extrêmement rare alors.

— Il doit y avoir maximum dix personnes dans le monde à en souffrir actuellement dont la majorité sont des nains. Le souci de cette maladie, outre le fait de ne pas avoir trouvé de remède, c'est son hérédité. Elle saute une génération à chaque porteur.

— Ce qui veut dire que si Cristal avait un enfant, il ou elle ne serait pas atteint de cette maladie mais sa descendance si, c'est cela ? Ça fait réfléchir à l'avenir... Et cette gamine trouve la volonté de se battre au côté de la rébellion alors qu'elle meurt à petit feu.

— Parce que c'est autant une malédiction qu'une bénédiction : l'okrilienne réduit l'espérance de vie sans traitement mais augmente la résistance physique, ironiquement. C'est-à-dire que Cristal a une meilleure défense malgré le fait d'être rongé par la maladie or elle arrive également à atténuer son mal par des remèdes créés par des mages venant de l'autre continent.

— Tu estimes qu'elle en a pour combien de temps comme cela ?

— Elle pourrait vivre jusqu'à 40 ans... Sauf si elle veut procréer. Ça ferait drastiquement chuter ses chances de survie, la douleur de l'accouchement étant vraiment violente.

— La vie est vraiment une sale race, conclut Cassian lorsqu'il vit la jeune fille revenir vers eux.

Le trio repartit quelques minutes après, suivant un chemin tout tracé dans la forêt les engloutissant de ses grands arbres. Le froid était de plus en plus intense et même le chasseur étant résistant, il frissonnait à chaque coup de vent.

Se demandant comment des humains normaux pouvant supporter ces températures si basses... Lorsqu'il comprit à mesure qu'il avançait.

La neige devenant moins épaisse sous les pattes du loup, les bruits d'oiseaux et du reste de la faune bien plus présents, l'air plus chaud et surtout les pins remplacés par les hêtres pourpres et enfin les érables rouges.

Cristal parti soudain au galop, l'excitation gagnant son visage, alors que le chasseur était émerveillé par le paysage devant ses yeux. Comme si la forêt était une frontière et cachait un lieu hors du commun dans ce pays de l'hiver éternel.

La traversée sous les feuillages rouges dura une bonne trentaine de minutes, Viktor laissant à Cassian le temps d'observer ce nouvel environnement, lorsqu'ils quittèrent enfin la forêt pour arriver devant une plaine enneigée où des moutons à l'épaisse toison grignotaient l'herbe presque gelée.

Un troupeau de chevaux montés par ce qui semblait être des guerriers rebelles passa même devant eux au galop avant de s'engouffrer dans la forêt d'où il venait.

Et face à eux, à des kilomètres, une immense chaine de montagnes donnant l'impression d'être infranchissable et d'avoir atteint la limite du monde.

« Bienvenue chez nous. » murmura Viktor avant d'emmener Cassian à travers la plaine. Ce dernier découvrant un environnement bien plus vivant et chaleureux qu'à son arrivée à Givreciel.

De nombreuses personnes s'occupant du bétail, d'autres portants de gros panier sur leurs dos remplis de fruits du dragon quand certains se servaient de poney pour tirer des chariots de minerai.

De la fumée s'échappait parfois de la terre, réchauffant l'air et créant des lieux parfaits pour boire du thé à la marmite en cet après-midi où le soleil restait timide.

À mesure qu'il s'approchait du pied des montagnes, le chasseur constatait qu'une vraie cité rebelle s'était créé en marge du reste du pays vu le nombre de givrecieliens présents. Autant d'humain que de nain.

C'est en arrivant au pied d'une des montages, là où régnaient de nombreux stands d'artisanat et de commerçant, qu'il fut encore plus émerveillé. Une énorme entrée avait été creusée dans la pierre, les faisant pénétrer dans des galeries toutes chauffées pour enfin arriver à une immense cavité souterraine.

Une ville dans la montagne, comme les plus remarquables cités naines de l'autre continent.

« Nous sommes dans une des montagnes d'Onhild, nom tiré d'une déesse très ancienne qui aurait façonné le monde, son corps allongé et en repos ayant créé cette chaine de montagnes. Cet endroit est un ancien lieu religieux qui au fil des générations est devenu une cité naine grâce à ses nombreux filons d'okril. Après le coup d'État d'il y a 17 ans, une grande partie des givrecieliens se sont réunis ici pour implorer la fin de l'hiver éternel à la déesse Silja. Leurs prières furent tellement intenses que la déesse décida de réveiller un volcan souterrain, pas suffisamment pour créer une éruption mais juste assez pour produire de la chaleur pouvant aider au développement d'une cité. Depuis, c'est le bastion de notre rébellion contre l'envahisseur Stolheim et il n'y a que les givrecieliens, les marchands autorisés et les invités de notre clan rebelle qui peuvent y accéder. »

Cassian avait distraitement écouté le discours de Viktor, ses yeux perdus et ne sachant quoi observer tellement il y avait de chose. Des bâtiments en pierre semblable à des maisons étaient construits dans la roche, des cris d'enfants se chamaillant un peu plus bas dans la cavité se faisaient entendre et les odeurs de nourriture bien chaude se mélangeant délicieusement avec l'ambiance de marché géant souterrain.

En continuant dans les galeries, ils arrivèrent à une autre cavité reliée à la précédente par un grand pont en pierre surplombant les profondeurs de la montagne éclairées par le reflet de la lumière sur les cristaux de roche.

Ici, l'ambiance était plus à la préparation d'une guerre. De nombreux bâtiments partiellement ouverts occupés par de nombreux ateliers d'artisans mais également des forges où le bruit du métal que l'on frappe en rythme devenait presque entrainant.

Les gens s'occupaient de leurs petites affaires, allant d'atelier en lieu de repos, échangeant avec entrain et se divertissant avec des tournois improvisés de bras de fer.

Viktor entraina Cassian bien plus loin dans la montagne, le faisant encore rêver lorsqu'il lui révéla qu'il y avait des endroits encore plus magnifiques dans les souterrains. Tous les deux descendirent le long d'un escalier en pierre, passant devant un grand bâtiment thermal d'où s'échappaient de la fumée et une douce odeur de fleur, avant de continuer leur descente.

Ils arrivèrent à une autre cavité bien moins peuplée, mais où les immenses colonnes minérales étaient couvertes de plusieurs bannières, dont une aux couleurs de la famille royale de Givreciel.

Cassian reconnut également l'emblème des Rose qu'il avait déjà aperçu sur l'épée de Cristal. Cette dernière qu'il apercevait déjà au loin en train de parler avec une forgeronne lui montrant une dague.

« Je reviens » déclara Viktor dans sa forme humaine, le chasseur n'ayant même pas remarqué quand ce dernier était redevenu un homme. Ce dernier attrapa ses longs cheveux blancs pour les attacher grossièrement avant d'entrer dans une bâtisse dont l'entrée ne se résumait qu'à un grand tissu bleu cachant l'intérieur des curieux.

Cassian en profita pour observer en détail tout ce qui passait devant ses yeux, l'excitation de la nouveauté grandissant petit à petit en lui, lorsque la voix de Cristal l'interpella au loin. Ce dernier rejoignit l'adolescente assise sur une chaise et agitant ses jambes d'excitation en désignant du doigt la forgeronne.

— Cassian, je te présente ma sœur Karen ! Karen, c'est lui le pervers dont tout le monde parle.

— Ah le fameux chasseur !

Karen Rose retira ses gros gants de travail avant de tapoter son tablier en cuir plein de poussière de minerai et de retirer le foulard dans ses cheveux, libérant une tignasse auburn.

Cassian ne put contrôler son regard suivant ses longs cheveux tombant jusqu'à sa poitrine généreuse jusqu'à ce qu'il se reconcentre en imaginant le coup de poing violent qu'elle pourrait lui mettre avec ses bras musclés.

— Ai-je déjà une réputation à cause de votre sœur ?

— Pas d'inquiétude, chasseur, peu de gens écoutent les rumeurs proférées par Cris. Si l'on parle de vous ici, c'est parce que vous avez défendu le village d'Emyth. J'ai également appris par le haut-elfe dédaigneux arrivé hier soir que vous aviez affronté un ver de neige ! C'est impressionnant.

— J'ai échoué et perdu une épée de bonne facture.

— Un détail peu subtil pour me faire comprendre vos intentions.

— Il parait que la famille Rose a les meilleurs forgerons du pays.

— Du continent ! s'exclama Cristal avant de se taire et de rougir sous le regard amusé de sa grande sœur.

— Que désirez-vous ? Une épée robuste ? Magique ? Et est-ce que vous avez de quoi payer ?

— L'argent n'est pas un problème. Ce que je veux en revanche, va vous surprendre.

— Dites toujours.

— Je veux que vous forgiez une épée capable de terrasser un dragon.



Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De l'explication sur la maladie de Cristal ? Avec Flambée de désir, on comprend vite quelles proportions cela à pris sur elle...

De l'arrivée de Cassian au bastion des rebelles dans les montagnes d'Onhild ? J'espère que la description de la cité souterraine est claire (et belle) ! De sa rencontre avec Karen, la soeur de Cristal et forgeronne ainsi que de sa demande ?

On se retrouve mercredi prochain pour deux nouveaux chapitres !

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