20 - Brise-Lac

Un corps chaud, se serrant à son bras.

Une respiration régulière dans son cou, caressant sa peau.

Un gémissement lui donnant l'illusion qu'il avait passé une nuit en très bonne compagnie...

Cassian se réveilla en sursaut, se rappelant qu'il était à Brise-Lac, alité depuis presque trois jours et qu'il devait reprendre la route. Et malgré la brume dans son esprit, il se souvenait également d'avoir passé la nuit seul et sans cette chose se collant à son corps à moitié nu.

Cette chose qui, à ses yeux, se révéla très vite être le corps d'une Cristal Rose endormie.

Le chasseur fit basculer l'adolescente hors du lit, faisant tomber cette dernière au sol qui ne manqua pas de pousser un cri de douleur contre les lattes de bois.

— Non mais ça ne va pas ?! s'exclama-t-elle en massant sa tête.

— Je ne suis pas un pédophile alors tu vas tout de suite sortir de ma chambre.

— Ce n'est pas TA chambre, monsieur le pervers ! Il n'y a qu'une chambre ici et elle appartient à tout le monde !

— Pervers ? releva-t-il en la pointant du doigt. Tu t'es glissé dans mes draps à peine habillée d'un short et d'un cache-cœur et c'est moi le pervers ? Tu m'aurais demandé de te prendre sur-le-champ que ça ne m'aurait à peine étonné.

— Raaaaah stupide chasseur !

La jeune fille se releva d'un bond, attrapant ses affaires avant de faire un doigt d'honneur et de quitter la chambre en grognant. Cassian poussa un grand soupir lorsqu'elle partit, s'allongeant à nouveau sur le lit et passant délicatement sa main sur ses bandages.

Son sang elfique avait facilité la régénération de son corps mais il lui suffisait d'appuyer un peu à l'endroit où il avait été blessé par le ver de neige pour ressentir encore la douleur.

Il jura en pensant à cette situation mais également de son retard dans sa mission lorsqu'il entendit la voix de Viktor lui demandant de se dépêcher de les rejoindre pour partir de Brise-Lac.

Lorsqu'il arriva en bas de ce qui semblait être une très petite taverne totalement vide, il récupéra immédiatement son équipement en ignorant les grimaces de l'adolescente devant lui.

— Qu'est-ce que tu faisais dans mon lit ? demanda-t-il malgré tout en enfilant son manteau.

— Je te l'ai dit, pervers, il n'y a qu'une seule chambre dans tout le village.

— À d'autres.

— Juré ! Ça se voit que tu es arrivé ici en étant inconscient alors...

La jeune fille laissa sa phrase en suspens avant d'ouvrir la porte et de sortir, suivie de Cassian s'arrêtant net face au paysage surprenant s'offrant à lui : un village à moitié gelé.

La partie gauche de Brise-Lac était comme toutes les autres villes du pays avec le même type d'architecture propre au nord et résistantes aux intempéries de l'hiver éternel. Des habitants vivants une matinée tranquille et vacant à leur occupation, ne regardant pas une seconde la partie droite.

Des maisons entièrement prisonnières de la glace, d'autres détruites et ne restant qu'à l'état de ruines jusqu'aux berges du grand lac dont le village portait le nom. Mais ce qui surprit le plus Cassian, outre la glace, fut des piliers étranges et alignés par taille.

Il ignora l'adolescente lui indiquant le chemin opposé, se rapprochant de ce qui ressemblait à des blocs difformes lorsqu'il se stoppa net.

« Mais... C'est... » murmura-t-il en plissant les paupières avant d'ouvrir grand les yeux.

S'approchant près d'un des blocs et posant sa main gantée dessus avec précaution.

— Rassure-moi, dit-il à Cristal le rejoignant, ce ne sont que des sculptures ?

— J'aimerais bien... Mais non. Ce sont bien des humains. Des habitants de Brise-Lac prisonniers de la glace.

— Comment est-ce que c'est arrivé ? Et puis pourquoi personne ne semble en avoir quelque chose à foutre ?

— C'est comme ça. C'est arrivé il y a un an, il me semble. Nous voulions reprendre les mines d'okril des montagnes de Vaeryl, au nord, et pour cela nous devions traverser le lac mais aussi la forêt sauf que l'armée nous y attendait. Ils nous ont repoussé jusqu'ici la situation était vraiment dramatique. Pour nous sauver, le dragon blanc est apparu et a gelé quelques soldats mais également certains habitants du village qu'on n'avait pas pu évacuer à temps.

— Tu en parles avec beaucoup de désinvolture pour ton jeune âge. Des gens sont tout de même emprisonnés dans la glace.

— Cornélia m'a appris que le monde ne s'arrêterait pas de tourner pour les vivants et qu'à vivre dans le passé, je finirais comme les gelés. « Le peuple de Givreciel ne craint pas la tempête ».

Le constat froid de l'adolescente qu'il ne voyait que comme une gamine énervante le surprit, même s'il le trouvait cruellement vrai. Dans un pays avec autant de tension, les faibles ne semblaient pas avoir de place et Cristal avait choisi de se battre malgré le mal qui semblait la ronger.

Ce même mal que le chasseur constata à nouveau lorsqu'elle s'éloigna de lui pour tousser dans ses mains avant de les secouer et d'enfiler ses gants, faisant tomber de la poussière grise dans la neige.

« Elle me rappelle moi, quand j'étais jeune et avide de liberté. Aucun doute que si elle quittait le pays pour le continent Est, elle pourrait devenir Prodige d'une nation puissante. » pensa-t-il avant de la suivre jusqu'à la sortie de la ville.

Ils arrivèrent quelques minutes plus tard, Cristal retrouvant sa monture alors que Cassian cherchait du regard le cheval que lui avait « offert » Vyrr avant leur aventure avec le ver de neige.

— Oh ne cherche pas, Viktor m'a dit que l'elfe était reparti avec ton cheval.

— Sympa. Vraiment. Ce Vyrr me fait regretter chacun de mes bons sentiments.

— Un de nos gars en avait besoin, c'était plutôt gentil de sa part. Enfin je n'en sais rien, je ne l'ai pas rencontré mais Viktor l'a décrit comme « un type hautain mais intéressant ».

— J'aurais ajouté « égoïste » mais passons... Est-ce que je vais devoir venir derrière toi pour rejoindre votre quartier général ?

— Beurk, non ! Tu vas avoir l'ultime privilège de monter sur le dos de Viktor, si ce n'est pas royal !

— ...Monter sur le dos d'un aveugle sur des kilomètres dans la neige ?

Cristal roula des yeux en souriant à l'ignorance du chasseur jusqu'à balayer du regard le paysage immaculé avant de s'arrêter sur les abords du lac au loin. Elle se mit à siffler avec ses doigts, fixant un point au loin que Cassian devina aussitôt avec ses yeux de lynx.

Il dégaina son épée et se mit en position de combat, provoquant un petit rire moqueur chez l'adolescente alors que la forme blanche se mêlant à l'environnement approchait en courant.

De par sa taille devenant de plus en plus grande, le chasseur crut voir un loup-de-givre prêt à leur bondir dessus mais il put faire la différence grâce à la couleur blanche de sa fourrure et de ses yeux gris.

Mais surtout parce qu'il avait déjà vu ce loup. C'était le loup blanc géant de Cornélia. Celui qui était venu la chercher dans la forêt mais également celui sur qui il avait presque tiré avec l'une des armes des remparts du château à son arrivée.

Pensant que la créature devait lui en vouloir, il serra sa main sur son arme jusqu'à ce que la créature ralentisse et arrive tranquillement jusqu'à eux.

Lorsque Cassian comprit enfin en voyant de plus près les yeux du loup aveugle.

— Oh putain...

— AHAHAH ! s'exclama Cristal. J'adore voir la réaction des gens quand ils apprennent la vérité sur Viktor !

— Quand on m'avait dit que Viktor était le demi-frère de Cornélia, je ne pensais pas qu'il était un enfant de déesse...

« La déesse de la faune hivernale, Fenrir »

La voix grave du loup fit sursauter Cassian et prolongea l'éclat de rire de l'adolescente se délectant des réactions du chasseur encore abasourdi.

— Viktor... ? murmura Cassian. C'est vraiment toi ?

— Tu connais beaucoup de loup aveugle ?

— Tu... Enfin c'est... Je savais que les divinités pouvaient prendre forme humaine mais euh... Non enfin... c'est juste dingue ! Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

— Est-ce que ça change quelque chose dans notre relation ?

Cassian fronça les sourcils, rangeant son épée et croisant les bras en détaillant le loup géant devant lui. En soi, il lui mentait également sur son objectif et c'était tout à fait légitime que Viktor ne révèle pas ses secrets à un inconnu devenu ami depuis seulement quelques jours.

C'était juste très inattendu. Il savait qu'il existait des dragons et d'autres créatures capables d'avoir une forme humaine mais de là à imaginer un aveugle comme Viktor être le fils d'une déesse louve, c'était beaucoup.

— Alors ? insista Viktor en grattant son oreille de sa patte.

— Non, ça ne change rien. Je dois juste assimiler l'information...

— Vous aurez tout le temps de bavarder sur le trajet, les interrompit Cristal, on est attendu par Cornélia.

— D'accord. Bon eh bien... Tu permets que je te grimpe dessus ?

— Tant que tu gardes ton épée dans son fourreau, tu as l'autorisation. Tu peux t'accrocher à mes poils pour garder l'équilibre et surtout, fais-moi confiance. J'ai beau être aveugle, je vois mieux que n'importe qui avec mes sens primaires.

« Si Viktor peut se transformer en loup... Alors qu'est-ce qui pourrait empêcher Cornélia de se changer en dragon ? »



❄ Prochain chapitre déjà disponible ! ❄

Qu'avez-vous pensé du réveil de Cassian en compagnie de Cristal ? De la situation à Brise-Lac et des conséquences de la guerre froidement expliqué par l'adolescente ? Et enfin de la révélation (évidente pour les lecteurs.trices de Flambée de désir) sur la nature de Viktor ?

❄ Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et laisser un petit commentaire ! ❄

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