19 - Échiquier du monde
Traçant des mots avec sa plume sur une lettre immaculée, la souillant avec l'encre noire, Jeremiah Leonidi en était à sa dixième missive.
Alors qu'il participait à un échange fort animé pendant une partie de cartes, l'un des nobles stolheimien à sa table de jeu avait révélé une vérité inconnue. La curiosité du prince avait été immédiatement réveillée mais la discussion avait coupé court.
Visiblement, le sujet réveillait de vieilles rancœurs vis-à-vis des givrecieliens.
Mais la passion de Jeremiah sur l'histoire et la géographie l'avait poussé à enquêter sur cette vérité : sur le drame d'il y a 17 ans.
Et c'est de la bouche de Vivianne même qu'il apprit comment cette nuit était devenue traumatisante à ses yeux.
Stolheim avait envahi la capitale de Voile-d'hiver, un coup d'État orchestré comme représailles à l'attaque sur la ville portuaire de Tyrheim à l'Est. Un dragon blanc envoyé par Jaden Vaeryl, signant la fin de la lignée royale exceptée la plus jeune des princesses.
Vivianne avait été recueillie par le roi Stolh, élevé sur le continent Est et revenu à la fin de son adolescence pour devenir régente de ce pays sous la domination étrangère.
C'était à son retour que le peuple de Givreciel, autrefois docile car encore traumatisé, avait commencé à se rebeller. L'armée stolheimienne n'avait jamais eu aucun mal à calmer tout signe de révolte...
Jusqu'au jour où la capitale entendit parler de la cheffe des rebelles, Cornélia. Fille illégitime de Jaden Vaeryl.
« Que faites-vous, altesse ? Revenez dans mes bras... »
La lueur d'une bougie éclairant à peine son bureau, Jeremiah ne daigna pas jeter un seul regard à la femme de chambre stolheimienne l'attendant nue dans son lit. Oui, le prince savant ne manquait pas à sa réputation de Don Juan même hors de son pays et ça malgré son futur mariage.
Il estimait avoir des besoins ne pouvant attendre une lune de miel prévu dans plusieurs mois avec une vierge sans expérience. Les filles des peuples du nord, elles, savaient s'y prendre et il ne voulait en aucun cas perdre cette occasion de les tester.
— Je termine. Je lèche cette enveloppe et j'arrive.
— Je connais autre chose qui voudrait être léché... dit la domestique d'une voix langoureuse.
*TOC TOC TOC*
« Ah, pile au bon moment ! » s'exclama Jeremiah avant de fermer sa lettre et d'aller ouvrir à la porte de sa chambre. Devant lui, un coursier se tenant droit comme un i et prenant note des ordres du prince avant de lorgner sur la belle blonde nue et étendue sur les draps.
Jeremiah claqua des doigts pour le faire revenir à lui avant de lui tendre la missive, à transmettre d'urgence à son cousin Cassian. Il lui tendit également une lettre mais cette fois-ci à faire parvenir par voie aérienne à son père, le roi.
— Envoyez l'aigle le plus rapide que vous ayez pour Odyssey, c'est urgent.
— Très bien votre Altesse.
— Tenez mon brave, dit-il en lui glissant des pièces d'argent dans les mains pour acheter son silence.
Le coursier ne se fit pas prier pour partir, laissant Jeremiah vaquer à ses nouvelles occupations bien plus satisfaisantes que l'écriture : faire à nouveau gémir la blonde lui retirant sa chemise et son pantalon.
— Tu ne diras pas un mot à ta princesse ?
— Aucune inquiétude, votre altesse. Je suis votre servante jusqu'à ce que vous en ayez marre de moi.
— J'aime cette dévotion... Allez, viens-là toi !
Le prince attrapa ses hanches pour la coller à son torse avant de lui baiser le cou tout en malaxant sa poitrine. La jeune femme ne put retenir ses soupirs d'aise avant de faire glisser ses mains sur son torse et de se mettre à genoux devant lui.
Confirmant son désir de le servir en laissant faire ses lèvres et sa langue autour de sa virilité tendue. Jeremiah se contentant de fermer les yeux et de poser ses mains sur la tête de la domestique en fermant les yeux.
Savourant chaque coup de langue et chaque va-et-vient jusqu'à ce que le désir monte tellement en lui qu'il dut la repousser pour la tourner dos à lui, qu'elle se penche et appuie ses avant-bras sur le rebord du lit.
Caressant ses seins et embrassant son dos avant de la pénétrer sans plus de manières, la faisant gémir et se cambrer. Le prince ne retint pas son excitation et continua ses mouvements de bassin alors que la jeune femme griffait les draps sous ses ongles.
Il ne fallut qu'à Jeremiah une dizaine de minutes pour emmener sa blonde à l'extase grâce à son membre et ses doigts agiles, la suivant dans l'orgasme quelques instants plus tard.
Le prince s'écroula à côté d'elle, embrassant son épaule avant de se dégourdir les jambes et de s'appuyer sur le rebord en pierre de la fenêtre vitrée.
Observant ce qu'il craignait et qu'il avait signalé à son père et son cousin : l'agitation et les allers-retours de la garde de Voile-d'hiver vers les forges. Même à une heure si tardive, l'effort de guerre était intense tant par la fabrication de nouvelles armes que de la solidification des défenses du château. Un effort demandé par la princesse régente et mettant à mal les réserves stratégiques de la capitale, dont en okril. Ce minerai rare dont les principaux filons appartenaient aux rebelles et qui avait des propriétés exceptionnelles et très recherché par les forgerons.
« L'okril, le seul métal capable de terrasser les dieux eux-mêmes. » chuchota Jeremiah avant de bâiller et de retourner dans son lit pour un repos bien mérité.
Le lendemain matin, après le départ discret de la domestique stolheimienne et son petit-déjeuner en toute innocence avec Vivianne, le prince décida de se rendre à la bibliothèque royale de Voile-d'hiver.
Un lieu caché à une très grande profondeur, dans les entrailles mêmes du château et où le froid était certes moins agressif par l'absence de vent mais plus important. Il descendit le long des interminables escaliers menant enfin aux archives, accueilli par une vieille naine gardienne des lieux.
— J'aimerais consulter des ouvrages sur l'histoire du pays.
— C'est au fond là-bas, répondit-elle d'une voix faible. L'elfe y est déjà avec sa chandelle.
— L'elfe ? Vous voulez dire le bibliothécaire de Rhapsodia ?
La naine ne répondit pas et retourna à sa lecture, plus parce qu'elle n'avait rien entendu que par méprise. Jeremiah prit une des chandelles sur la table et l'alluma avant de déambuler entre les immenses bibliothèques remplies de livres poussiéreux.
« Visiblement, la lecture n'est pas la priorité du pays... » murmura-t-il en faisant un triste constat de l'état des divers ouvrages.
Au bout d'à peine deux minutes de marche, il arriva enfin vers le point lumineux indiqué par la vieille naine et tomba sur Taras Faraelyne, le bibliothécaire accompagnant Vyrr. Ce dernier était en pleine recherche et retranscription d'ouvrage, se servant de la magie pour recopier le contenu de certains livres avec rapidité.
« Votre Altesse » salua l'elfe sans pour autant regarder le prince. Ce dernier ne répondit pas, sentant une pointe d'irritation dans le ton employé par le bibliothécaire.
Si son cousin était doué dans de multiples domaines liés à son métier, Jeremiah avait le don de repérer les individus suspicieux et cet elfe en particulier, l'avait tout de suite semblé louche. Il était très discret et avait une bonne réputation sur l'autre continent mais pourtant, s'il aurait pris plaisir à échanger avec un savant, le prince avait déjà une mauvaise impression à son sujet.
— Je l'ai senti, fit soudainement remarquer l'elfe.
— De quoi parlez-vous ?
— Cette aura que vous dégagez en vous approchant de moi. Vous vous méfiez de ma personne. Vous qui pourtant avez du sang de demi-elfe dans les veines, vous n'auriez pas intérêt à être raciste, je me trompe ?
— Un futur roi doit traiter les différentes races de la même façon. Aucune discrimination et un jugement par les actes et non pas les dires.
— Le bon prince récite bien sa leçon.
Le rire moqueur de l'elfe exaspéra Jeremiah qui soupira avant de retirer de la bibliothèque le livre qu'il cherchait : « L'okril et ses mille et une utilisations ».
Il commença à s'éloigner avec sa chandelle lorsque les mots de Taras l'immobilisèrent :
« Et s'il existait plus que les races des humains, des elfes et des nains ? S'il existait un monde d'où pourraient sortir des créatures « monstrueuses » mais pourvues d'intelligence ? Est-ce qu'en tant que roi, vous sauriez les traiter avec équité ? »
Jeremiah en fut surpris et sa curiosité lui fit rebrousser chemin pour faire face à cet elfe énigmatique mais n'inspirant pas une once de confiance.
— Même si ces autres races existaient, je saurais appliquer mes principes : ne juger que par les actes de chacun. Au cas par cas s'il le faut.
— Pour cela, il faudrait que vous soyez roi... Mais vous avez peu de chance de le devenir.
— Au cas où vous ne seriez pas au courant, je vais épouser la pr-
— Le mariage n'est pas votre avenir, l'interrompit-il. Vous valez bien plus que cela dans l'échiquier du monde d'Heranyon. Vous pourriez avoir autant de pouvoir à l'Ouest que le roi de Greenland à l'Est.
— Je ne suis pas le premier héritier et mon père a encore de belles années devant lui. Ma sagesse m'interdit de prendre plus que ce que je mérite.
— Allons, prince Jeremiah... Ne souhaitez-vous pas faire partie d'un projet bien plus grand ? Je pourrais vous donner les moyens de réclamer le trône de votre père et en échange, vous me rendriez un petit service à l'avenir.
Le prince rangea le livre dans ses mains, croisant les bras et attendant la proposition de l'elfe Taras. Il n'était pas pour les complots, ni pour les coups d'État vu le traumatisme qu'il avait hérité en étant enfant.
Mais était-il prêt à s'enchaîner à une princesse régente incapable de repousser une révolte dans son pays ? Est-ce que son nom pourrait entrer dans l'histoire s'il restait à Givreciel ? N'avait-il pas un rôle plus important à jouer ?
— Je suis tout ouïe.
— Je vais vous donner quelque chose. Une chose qui vous permettra, le moment venu, de réclamer votre place sur le trône. De montrer la puissance de votre pays à toutes les autres nations du monde. En échange, je veux que dans le futur, vous utilisiez ce pouvoir pour bloquer ces dites nations. Les empêcher de venir jusqu'à vous mais également jusqu'ici, à Givreciel.
— J'imagine que vous ne me donnerez pas le but de cette intervention future, n'est-ce pas ?
— Vous devez me promettre de créer un blocus empêchant les pays de l'Est de venir se servir des mines d'okril de ce pays.
— L'okril ? Pourquoi ? Quel rapport avec le futur et surtout l'Est ? Que va-t-il se passer dans le futur ?
— Il y aura une guerre. Elle ne vous concernera qu'indirectement et c'est pour cela que je veux être sûr de votre engagement : traiter toutes les races de la même façon. Bloquer l'Est et ses agissements et surtout... N'oubliez jamais que vous avez une dette envers mon maître Vyrr Rhapsody. Je sens qu'il a un grand avenir devant lui...
— Dites-m'en plus, Taras.
L'elfe hocha la tête, refusant d'en dévoiler davantage car tout chez lui n'était que des suppositions sur l'avenir. Il se contentait de préparer ses cartes pour une partie qu'il ne jouerait pas mais qu'il céderait à un autre.
« En échange de tout cela, je veux vous offrir le pouvoir de contrôler une créature fantastique. Immense et endormi dans les fonds marins, un dieu de la mer prisonnier et servile. Je veux vous donner le Léviathan. »
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre à Voile-d'hiver ? De l'attitude de Don Juan de Jeremiah ?
De son rôle et de sa discussion avec Taras Faraelyn lui proposant un marché pour le moins surprenant ? Qu'est-ce que cela augure ?
On se retrouve mercredi prochain pour deux nouveaux chapitres !
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