« Une semaine avant le coup d'État, la ville portuaire Tyrheim a été entièrement détruite par le souffle glacial d'un dragon. Des milliers de vies ont été perdus et Stolheim a mis des années à se relever économiquement et surtout psychologiquement de cette attaque.

Tout remonte à un accord passé entre le roi Vaeryl et le roi Stolh qui devait créer une alliance entre leur pays. Mais pour sceller l'alliance dans le temps, un mariage politique devait être conclu.

Le roi Jaden Vaeryl venait de promettre son avant-dernière fille à l'un de tes cousins. Vivianne aurait dû naturellement être promise au fils Stolh mais le roi Vaeryl voulait qu'elle épouse Jeremiah, d'où le fait qu'ils correspondent entre eux. Il ne restait alors plus qu'une option : que l'enfant illégitime de Jaden soit offerte à Stolheim.

Et cette enfant, c'était Cornélia. Jaden Vaeryl a refusé de la laisser partir mais a dû céder à la pression de Stolheim menaçant d'interrompre tout commerce avec Givreciel. Sauf que ça a très fortement déplu à son amante, Silja.

La rumeur de son ascendance divine était connue mais moquée et personne n'aurait pu prévoir qu'un dragon blanc allait attaquer, quelques jours après cet accord, la ville de Tyrheim. Le roi Stolh a perdu ses deux enfants dans l'attaque et a répliqué tout aussi violemment en faisant tomber la capitale de Voile-d'hiver... En pensant bien évidement que l'attaque du dragon était connue de tous et prévue par le roi Vaeryl alors que non, Silja avait agi seule pour garder son enfant.

C'est tout ce que j'ai pu apprendre pendant mes voyages et ma visite à Stolheim. Que tout est arrivé à cause de la déesse de l'hiver elle-même mais que tous les givrecieliens pensent que Stolheim ne les domine que par satisfaction et non vengeance. »

Les cheveux encore mouillés et la barbe fraichement rasée, Cassian terminait sa toilette en repensant aux mots de l'elfe lui ayant conté l'histoire du coup d'État. De cette nuit dramatique ayant hanté ses rêves quand il était plus jeune et détruit la vie de milliers de gens.

Il soupira, regardant son reflet dans le miroir et ne sachant quoi faire de cette information capitale. Comment expliquer à des rebelles que c'était l'hiver même qui était responsable de leur malheur ? Comment apaiser les tensions entre rebelles et royauté ?

Mais le chasseur retrouva subitement sa lucidité : ce n'était pas ses affaires. Il n'avait aucune raison d'intervenir dans ce conflit. Jeremiah était concerné en tant que futur époux de Vivianne, pas lui.

Il n'avait plus de lien avec la royauté Leonidi et n'était que Cassian Nyrh, chasseur de créature fantastique. Et c'était ce qu'il allait faire : chasser.

Évitant au maximum de s'impliquer, devenant observateur et non une arme afin de retrouver ce dragon blanc et de le vider de son sang pour son roi. Après cela, il partirait avec sa récompense.

Il irait sur le continent Est où personne ne connait son nom et ses antécédents, voyageant de pays en pays sans aucune contrainte, libre comme l'air.

La seule chose qui posait problème dans son plan était le dragon lui-même : comment trouver la déesse de l'hiver, la capturer et lui accorder une mort lente ?

Était-ce moral de tuer l'incarnation d'une saison ?

« Tu es allé jusqu'à être responsable d'extinctions pour des créatures fantastiques et c'est maintenant que tu te demandes si ta profession est morale ? Le froid ralentit tes neurones ? » pensa-t-il de lui-même avant de se changer et de descendre à la taverne.

L'ambiance chaleureuse de début de soirée s'était installée dans l'établissement alors que Baldrog servait des choppes d'Arctic Whisper en veux-tu en voilà. La serveuse que Cassian avait charmé le temps d'une nuit, arrêta de nettoyer les tables et leva la tête vers lui en souriant.

Il répondit par une simple main levée, faisant comprendre à la rousse qu'elle n'était qu'un coup d'un soir mais cette dernière en avait visiblement l'habitude.

Le chasseur sortit de la taverne pour affronter la douce fraicheur de la nuit et se dirigea vers l'entrée de la ville pour reprendre sa mission principale lorsqu'un hennissement le fit sursauter. Près des portes, sous le regard sévère des gardes rebelles, Vyrr Rhapsody tentait tant bien que mal de dompter sa monture visiblement contrariée d'être à nouveau sous ses ordres.

Cassian ne put s'empêcher de regarder la scène d'un œil moqueur avant de soupirer et d'aller à sa rencontre. Ce dernier jurait en elfique et fut surpris de revoir le chasseur caressant le cheval et le calmant instantanément.

— Tu n'as pas l'habitude des animaux, n'est-ce pas ?

— J'ai l'habitude qu'on s'en occupe à ma place. Tu quittes déjà la ville ? Tu ne m'as toujours pas dit pourquoi tu étais ici, Cassi.

— Pitié, pas « Cassi ». Eh oui, je dois partir. Vu l'honnêteté dont tu as fait preuve avec moi, je peux seulement te dire que je pars pour cet endroit.

Cassian sortit sa carte de sa sacoche avant de montrer le sud-ouest du pays représenté par une multitude d'arbres et de montagne mais avec un grand lac qu'il pointait du doigt.

— « Le lac de Sija », lu Vyrr en se grattant le cou, j'ai l'impression qu'il n'y a rien là-bas. As-tu un amour inconsidéré pour la solitude et la forêt ? Serais-tu dendrophile ?

— De quoi ?

— Moins tu en sais, mieux c'est.

— D'accord... J'y vais pour traquer une créature. Et toi ? Tu rentres à Voile-d'hiver ?

— Bien sûr que non. Je vais continuer ma route jusqu'à l'extrême ouest pour rencontrer Cornélia et découvrir comment elle influence aussi facilement les gens !

« Une traversée du pays, tout seul... C'est sûr qu'il va mourir dans la nuit. » pensa Cassian en observant des pieds à la tête l'elfe.

— Tiens d'ailleurs, s'exclama Vyrr en pointant du doigt un autre cheval, as-tu besoin d'une monture ? C'était celle de mon escorte Emilyne mais le temps que je la retrouve, ça ne va que me ralentir. Je te l'offre, cadeau.

— Pourquoi tant de générosité envers un « sale humain » ?

— Presque demi-elfe, rectifia-t-il. Tu as du potentiel et je devais bien ça au fils de Sissi.

« Il va tellement se faire dévorer par des loups s'il traverse la forêt. Est-ce qu'il sait au moins faire de la magie ou ce n'est qu'un artifice ? Est-ce qu'au moins, il a une arme sur lui ? »

Cassian fixa l'elfe ajustant sa cape et sa capuche avant de monter sur son cheval, un peu incertain, et de consulter sa carte avec attention. Il le remercia d'un hochement de tête avant de se rapprocher de l'autre monture et de grimper dessus.

Le chasseur commença à partir en direction du sud lorsqu'il s'arrêta. Repensant à Vyrr qui avait une très grande probabilité de mourir prochainement. Il soupira, revenant à cheval vers l'elfe surpris de le revoir si tôt.

— Je t'accompagne un bout de chemin, déclara Cassian en mettant sa capuche.

— En quel honneur ?

— Ma mère m'en voudrait de ne pas avoir pu empêcher ta mort, dévoré par les loups.

— Quelle confiance en mes capacités de survie ! répondit l'elfe avec ironie. Vraiment, merci !

— Allez, ne tardons pas. Avançons.

C'est ainsi que Cassian Nyrr partit dans la nuit en direction de l'ouest de Givreciel, accompagnant le haut-elfe Vyrr Rhapsody mais suivant un objectif différent du sien. Un voyage nocturne à travers les plaines enneigées qui fut bien moins compliqué qu'ils le pensaient et ça grâce à leurs nyctalopies communes facilitant la direction de leurs chevaux.

Pressés d'avancer, ils ne firent qu'une pause de quelques heures pour dormir et reposer leurs montures avant de repartir au lever du soleil jusqu'à arriver à l'entrée d'une immense forêt.

« BRISE-LAC au Nord / Devant vous, la MORT » lu à voix haute l'elfe avant de bailler du peu d'intérêt de la menace. Cassian prit en compte l'avertissement en redoublant de méfiance pendant qu'ils traversaient un chemin tout tracé dans la forêt.

*ATCHOUM !*

— Ça peut tomber malade, les « êtres supérieurs » ? se moqua gentiment Cassian en voyant le nez de Vyrr couler.

— 'Pas ma faute, je viens du sud.

— Ça m'aurait presque donné envie de chant-

Le chasseur s'interrompit en plissant les paupières, faisant signe à Vyrr de s'arrêter. Il descendit de son cheval, avançant lentement dans la neige et à l'affut du moindre son.

Lorsque ses yeux de lynx virent une forme blanche au loin, venir rapidement vers eux. Cassian se mit à courir face à la menace pour s'éloigner des chevaux, dégainant son épée dans le même temps.

Vyrr le suivit et regarda dans sa direction mais la forme avait disparu... jusqu'à ce que le sol tremble et qu'un bruit strident se fasse entendre.

Et Cassian n'eut pas le temps de réagir qu'un ver de neige géant sortit de terre ne l'attrape par la taille avec ses crochets pointus.

Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De l'histoire du coup d'état d'il y a 17 ans ?

De la décision de Cassian sur sa neutralité sur la guerre ? Celle d'accompagner Vyrr pour lui éviter la mort ? Vous l'avez senti, le prochain chapitre sera un combat contre un ver géant et... ce sera rude.

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