« — Tu... pleures ?

— Non, c'est une poussière dans l'œil !

— Si, tu pleures ! Ma voix est si horrible ?

— Non c'est l'inverse. C'était super beau... Qu'est-ce que tu fais toute seule ici ? Tu ne joues pas à cache-cache avec les autres ?

— J'ai peur.

— De quoi ?

— Du chasseur. »

Cassian ouvrit doucement les yeux, enroulé dans son manteau et les pieds profitant encore de la chaleur du feu toujours allumé. Il tourna la tête et fut surpris de voir Cornélia encore éveillée en train de consulter une carte du pays. Il devait être aux alentours de deux heures du matin, la tempête de neige s'étant légèrement calmée dehors, mais elle ne dormait pas.

« Je t'ai réveillé ? » dit-elle soudainement sans le regarder. Cassian grommela avant de s'assoir en tailleur et d'ouvrir grands les yeux en remarquant la tenue de son interlocutrice : Cornélia ne portait qu'un chemisier blanc soutenu par ses épaules et dévoilant certaines cicatrices dont une allant dans son décolleté.

Par réflexe, le chasseur lui jeta son manteau à la figure mais tellement violemment qu'il la fit basculer en arrière. La scène aurait pu paraitre comique de l'extérieur si Cornélia n'avait pas répliqué en jetant le fameux manteau dans le feu devant elle.

Cassian l'arracha rapidement des flammes alors que la femme devant lui ne comprenait pas son agression soudaine.

— C'était pour te couvrir ! s'exclama Cassian au même ton qu'elle. Même pour moi et ma résistance au froid, ça caille ! Tu vas attrap-

— Quand est-ce que tu m'as vu trembler ?! Dois-je te rappeler, monsieur le voyeur, que lorsque l'on s'est rencontré j'étais nue dans un lac presque gelé ?! Ne t'ai-je pas dit que j'étais la fille de la déesse de l'hiver ?

— J'avais occulté ce détail surprenant... Ce n'était pas une raison pour balancer au feu mon seul manteau.

— Tu l'as bien cherché.

Les deux se défièrent du regard, prêt à en venir aux mains pour une bagatelle qui aurait pu se terminer sur cet échange. Mais la tension était revenue à l'instant où Cassian avait baissé les yeux pour détailler la femme devant lui.

Comme s'il analysait sa proie, cherchant des failles et jaugeant ses attributs. Et Cornélia ne manqua pas de faire la même chose lorsqu'elle décida de casser cet échange en s'appuyant sur ses mains devant lui.

Encore assise sur ses genoux mais presque à quatre pattes et se rapprochant du chasseur avant d'arquer un sourcil et de le provoquer avec un mordillement de langue en déclarant : « C'est vrai que ce serait du gâchis de priver le monde d'une si belle gueule... »

Avec ce genre de remarque et de posture, Cornélia avait l'habitude d'intimider ceux ne la connaissant pas. Les femmes du nord avaient du caractère mais autant que les hommes et c'était généralement ces derniers qui faisaient le premier pas... Sauf concernant Cornélia.

Tellement respecté que personne n'osait l'aborder et qu'elle avait pris l'habitude de donner le feu vert à ses proies. Mais dans tous les cas, après ce genre de réplique, les hommes se dégonflaient et elle devait forcer l'acte avec une caresse.

« Et toi Cassian ? Quel genre d'homme es-tu ? » pensa-t-elle en attendant une réaction autre que son air toujours imperturbable.

Sentant un silence gênant s'installer entre eux, Cornélia soupira de déception face à la froideur de son interlocuteur et commença à reculer vers sa place lorsque le chasseur attrapa soudainement son menton. Le ramenant jusqu'à son visage, à quelques centimètres de sa bouche et regardant tel un juge son visage.

Cornélia déglutit, surprise par le geste qui, dans un autre contexte, aurait amené sa lame jusqu'au cou de cet homme la dévisageant.

« C'est vrai que ce serait du gâchis de me priver d'une si belle gueule... »

À ces mots, Cassian glissa sa main jusqu'à la nuque de Cornélia pour l'amener définitivement à ses lèvres et l'embrasser avec une passion presque dévorante. Cette dernière, toujours surprise, répondit avec autant d'entrain en poussant le torse du chasseur en arrière.

Sans se séparer de sa bouche, elle profita du fait qu'il soit allongé pour lui grimper dessus alors qu'il retirait avec hâte sa tunique et son chemisier. Se retrouvant torse nu contre une femme avide et impatiente.

L'embrassant avec encore plus de hâte, sa langue jouant avec la sienne et ses mains perdues dans ses longs cheveux châtains. Une envie fiévreuse d'arracher le reste de ses vêtements et de la prendre brutalement dans cette grotte en plein milieu de la nuit.

« Faites attention au dragon »

Soudain, Cassian éloigna les lèvres de Cornélia des siennes comme si elles venaient de le brûler. Créant une nouvelle vague de surprise remplacée par de l'irritation chez la femme ne s'accommodant plus du silence.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle en caressant son torse. Tu as peur de moi ?

— Je suis crevé.

— ...Hein ?

Cassian ne répéta pas et la repoussa avant de se rhabiller et de s'allonger pour retourner dormir comme si de rien était. Comme si leur baiser n'existait pas et que la tension sexuelle allait disparaître toute seule.

Et il avait raison sur ce point car pour Cornélia, il n'était plus question de sexe entre eux vu le degré de colère dans son corps après ce rejet.

Jamais personne ne lui avait résisté et elle allait toujours au bout de ses intentions, que ce soit une petite gâterie ou un repas complet. Cette situation était autant rageante que stimulante car Cassian venait de devenir un nouveau défi à relever.

Le chasseur, lui, s'était écarté par instinct. Résister à Cornélia venait d'entrer dans la liste des choix les plus durs qu'il ait eu à faire mais il savait que lui céder aurait été trop dangereux et pour cause : si sa mère était un dragon, pourquoi ne le serait-elle pas ?

Et coucher avec sa proie était la pire des choses à faire.

❄❄❄

« Débrouille-toi pour rentrer à Echo. Et que je ne revois plus ta belle gueule sur mon territoire. »

C'était les derniers mots de Cornélia en quittant la grotte au petit matin alors que le chasseur, son air mal luné habituel, bâillait en l'observant siffler et attendre que quelque chose se produise.

Cassian avait eu le temps de s'équiper entièrement et de ranger le surplus de morceaux de renard gelé dans sa sacoche lorsqu'il entendit un hurlement de loup au loin. Il n'eut qu'à plisser les yeux et se concentrer sur le paysage trop blanc pour distinguer une forme se mouvoir entre les arbres.

Un loup blanc géant, pas aussi grand qu'un loup-de-givre mais de très bonne taille, arriva en courant jusqu'à la cheffe des rebelles le récompensant par un morceau de viande. Cette dernière jeta un dernier regard à Cassian avant de grimper sur le dos de sa monture prête à repartir et de s'exclamer : « Allez Viktor, direction Brise-Lac ! »

« Et en plus elle a appelé son loup comme son frère... » pensa le chasseur en les regardant disparaître au loin.

« Vous aussi, vous devriez vous hâter de retourner à Echo. »

Cassian sursauta et sortit sa dague en prenant une posture défensive, sachant pertinemment qu'il ne serait pas bon au combat avec les nombreux centimètres de couche de neige à ses pieds.

Mais un simple clignement des yeux suffit à faire apparaitre face à lui, à quelques centimètres de son torse, cette fameuse femme qui le semblait le suivre à la trace depuis son arrivée.

Ses longs cheveux blancs et son teint de porcelaine pouvant passer inaperçus dans le décor mais ses yeux bleus comme la mer le troublaient toujours autant. Le chasseur garda sa dague levée vers elle jusqu'à ce que cette dernière pose ses doigts gelés sur sa joue et la caresse délicatement.

— Vous êtes devenu tellement beau...

— Les compliments sont en promotion aujourd'hui, fit remarquer le chasseur en rangeant son arme. Pourquoi est-ce que vous me suivez partout et surtout, qui êtes-vous ? Je n'ai pas le souvenir de vous avoir connu.

La femme ne put retenir un sourire qui, étrangement, mit mal à l'aise le chasseur dont le cœur venait de s'emballer. Il savait que s'il l'avait rencontré, c'était forcément à Givreciel avant le drame mais que vu sa jeunesse, elle ne pouvait être qu'une enfant à ce moment-là. Or il n'avait aucun souvenir d'une fillette aux cheveux blancs.

— Ne vous attachez pas au passé, le présent est tellement plus captivant.

— Ça ne répond pas à mes questions.

— En parlant de présent, continua-t-elle en l'ignorant, vous devriez vraiment vous hâter pour rentrer à Echo.

— Je ne suivrais ce conseil que si vous me donnez plus d'information sur vous et vos intentions.

L'inconnue répondit en tournoyant sur elle-même, jouant avec les pans de sa robe blanche et dorée alors que son rire cristallin résonnait autour d'eux.

Cassian, quoique charmé par la créature agréable à regarder devant lui, commençait à perdre patience et le signifia en poussant un long soupir, les bras croisés.

— Je vous suis pour vous guider dans les terres de givre. Vous êtes très important pour moi, Cassian Nyrh.

— D'accord... Je suppose que je n'aurais pas plus de révélations pour aujourd'hui. Génial. Et pourquoi est-ce que je dois me dépêcher de retourner à Echo ?

— Parce que vous devez faire la bonne rencontre au bon moment. Une rencontre qui va changer votre vie mais pour cela, vous devez sauver la sienne.

— Vous savez, ce n'est pas parce que j'ai l'air calme que j'apprécie les phrases énigmatiques. Je préfère d'ailleurs l'honnêteté mais surtout la clarté donc ce que je vous propose c'est : soit vous me laissez avec cette énigme et je prends tout mon temps sur la route, soit vous me donnez au moins une bonne information et je presse le pas. Et dépêchez-vous parce que l'on perd du temps, justement.

Malgré l'insensibilité du chasseur, la femme se mit à rire à nouveau avant de s'éloigner vers la forêt, de se tourner une dernière fois vers lui et de déclarer :

« Sauvez l'elfe aux yeux violets même s'il vous semble hautain, il vous le rendra bien. »

Alors ? Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De la tension entre Cassian et Cornélia se transformant presque en moment charnel ? Du rejet de Cassian par méfiance ? 

Et enfin de l'intervention à la fin de la femme qui stalke le chasseur ? Vos théories sur la suite ?

❄ Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et laisser un petit commentaire. On se retrouve mercredi prochain pour la suite ! ❄