14 - Déesse de l'hiver
Les flocons tombaient doucement du ciel alors que l'air s'était refroidi depuis des heures, rendant la moindre attente immobile difficilement supportable. Mais le chasseur tenait bon, il voulait la voir en action.
À une centaine de mètres devant lui, une proie. Un renard blanc, seul.
Son pelage lui permettait de passer inaperçu dans ce décor hivernal mais pas pour les yeux de lynx de Cassian et encore moins pour une connaisseuse comme Cornélia. Cette dernière était entre lui et l'animal, son arc en main et attendant le bon moment pour tirer.
Le chasseur vit soudain les doigts de cette femme tirer sur l'étrange mécanisme métallique, visant le renard alors qu'aucune flèche n'était présente. Cette dernière prit une petite inspiration avant de tirer sur l'animal propulsé en arrière dans la neige.
Cassian se releva en même temps qu'elle, marcha jusqu'à la proie pour examiner son corps lorsqu'il fut surpris de n'y trouver aucune flèche alors qu'il y avait une blessure dans le corps du renard qui ne laissait pas place aux suppositions.
Cornélia vint vers lui, l'arc en main, avant d'actionner un mécanisme encore jamais vu : les courbures de l'arc se redressèrent pour se tendre comme un pic, rangeant les fils d'acier en son centre, avant de se rejoindre à l'opposé et de fusionner entre elles pour former une épée.
Une arme unique en son genre, mi-arc, mi-épée, très ingénieuse et suscitant de la curiosité mais également une pointe de jalousie chez le chasseur. Cornélia n'avait eu qu'à appuyer sur le joyau bleu nuit en son centre pour la faire changer de forme.
— Magnifique... murmura Cassian.
— Merci, répondit Cornélia avec un sourire narquois.
— Tsss... Comment est-ce que tu as obtenu ce genre d'arme ?
— C'est la fusion de l'épée de l'ancien roi de Givreciel et de l'arc de la déesse de l'hiver. Forgé d'okril et fusionné par la meilleure forgeronne du pays, le mécanisme est aidé par le joyau magique au centre. L'arc fonctionne également avec de la magie, pas besoin de flèche car ce sont des « flèches d'air » que je tire. Un sortilège vraiment très basique. Cette arme s'appelle la « Valkyrie Impure ».
— L'arme parfaite pour une femme comme t-
Cassian s'interrompu en sentant le froid de la lame contre sa gorge mais resta imperturbable. Il baissa les yeux vers Cornélia, sondant son regard et se demandant si elle allait vraiment aller au bout de son geste.
L'air entre eux était à nouveau électrique et s'ils s'étaient supportés dans le silence toute la journée grâce à leur passion commune pour la nature, les choses venaient de changer. Ils étaient seuls, dans les bois et à des kilomètres de la civilisation.
Elle pourrait le tuer ici même, son sang colorant la neige, personne ne trouverait son cadavre devenu glace avant des années.
Si lui répliquait et arrivait à la tuer, il aurait presque tout le pays de Givreciel contre lui. Obligé de se cacher derrière son cousin et Vivianne Vaeryl, son premier amour lui donnant maintenant envie de vomir.
Seule la communication pourrait les aider mais ce n'était clairement pas le fort du chasseur.
Cornélia commença à appuyer sa lame contre son cou, faisant couler un peu de sang mais ne perturbant toujours pas l'expression trop froide d'un Cassian ne voulant pas se battre.
Mais, lorsqu'il leva ses mains pour retirer l'un de son gant, elle appuya de nouveau pour le faire faiblir jusqu'à ce que ses doigts viennent dégager doucement l'épée de son cou pour caresser sa coupure.
Se mettant à chanter d'une voix toujours grave mais avec harmonie l'air que lui avait appris sa mère et l'ayant sauvé mainte fois par le passé :
Quand tu perdras ton chemin
Voyageant toute la nuit
Je chanterais sous la pluie
Te protégeant du chagrin
Cornélia fut pour la première fois surprise devant lui, abaissant son épée en voyant la plaie se refermer lentement, ne laissant qu'une trace de sang dans le cou de Cassian.
Il l'essuya après avoir enfilé son gant et ses yeux noisette se mirent à luire légèrement, donnant l'impression d'être pétillants et défiant la femme devant lui. Cette dernière rangea son épée dans son fourreau, réduisant petit à petit la distance entre eux.
Se retrouvant comme la veille au soir, à quelques centimètres de son corps. Leurs souffles donnant des frissons à l'un l'autre et une tension particulière s'immisçant entre eux.
Une envie pressante d'en finir en un coup d'épée comme en un baiser pouvant briser leur silence.
Mais l'hiver n'accepta pas de voir ce rapprochement entre eux et un vent violent les fit s'éloigner, la peau presque griffée par le froid alors que les flocons devinrent plus épais à tomber.
« Merde, je ne pensais pas que la tempête passerait par ici. Allons trouver un abri pour la nuit. » déclara Cornélia en attrapant les pattes du renard mort avant de s'engouffrer encore plus loin dans la forêt.
Cassian approuva en silence, frottant sa barbe pour reprendre contenance après ce moment étrange entre eux, lorsqu'il se sentit soudainement épié. Il se tourna rapidement, surveillant de ses yeux de lynx les alentours et tâchant de repérer le moindre bruit... mais rien.
❄❄❄
« Tu es le fils d'un elfe ? »
Le chasseur terminant de ronger son os observa son interlocutrice à travers le feu éclairant à peine sa peau pâle. La tempête hors de leur grotte faisant rage et d'après Cornélia, ils ne pourraient rentrer à Echo qu'au petit matin.
Si Cassian n'avait aucune urgence à régler, ce n'était pas le cas de la cheffe de la rébellion qui se devait de rejoindre son quartier général tout à l'ouest du pays.
— Fils d'une demi-elfe. C'est elle qui m'a appris ce chant pour guérir les plaies superficielles et atténuer la douleur globale.
— Tu t'appelles Cassian Nyrh, c'est cela ? Tu es le fils de Laurenz, celui qui a terrassé le dragon blanc.
Le chasseur jeta son os, sentant qu'ils allaient enfin pouvoir avoir une discussion sérieuse sur le passé qui l'aiderait dans sa quête présente. Si Cornélia se souvenait de son père, elle devait se souvenir du petit garçon qu'elle avait fait involontairement pleurer avec sa voix.
Cassian confirma d'un hochement de tête, prêt à se livrer à condition que ce soit réciproque. Or, il avait l'impression qu'il pouvait faire entièrement confiance à Cornélia malgré le fait qu'ils étaient tous les deux des étrangers l'un pour l'autre. Comme si rien qu'avec son charisme et ses quelques gestes, elle l'avait convaincu.
— J'étais présent à Voile-d'hiver, il y a 17 ans. J'ai connu ce pays quelques jours d'été mais surtout le drame qui s'est produit la nuit après t'avoir rencontré.
— Alors c'était bien toi, ce petit garçon pleurnichard...
— Tais-toi, répondit-il presque sauvagement, je ne comprends pas encore pourquoi j'ai versé ces larmes mais ta chanson... Cette voix... Elle m'a fait vibrer de l'intérieur. Je ne me suis jamais senti aussi proche de ma mère morte qu'à ce moment-là.
— C'était la complainte de Givreciel. Une chanson tragique sur la disparition de l'être aimé.
— ...Tu saurais la chanter à nouveau ?
— Non. Pas à toi en tout cas.
— C'est direct.
— Je peux te chanter l'air.
Cornélia leva la tête vers le plafond de la grotte en fermant les yeux avant de chantonner cette mélodie que Cassian reconnut instantanément. Il ne mit pas longtemps à la suivre malgré le fait qu'il ne l'avait entendu qu'une seule fois dans sa vie, cela ne l'empêchant pas de reproduire les mêmes sons.
Transformant cette atmosphère froide entre eux en chaleur apaisante et réconfortante.
À la fin du chant, ils ne purent s'empêcher de se regarder en souriant avant de se rappeler qu'ils devaient se méfier l'un de l'autre et d'être rattrapés par leur froideur commune.
— Le dragon, reprit Cassian, tu as dit que mon père l'avait terrassé. Est-ce vrai ? Il y a des rumeurs qui disent le contraire.
— Effectivement, les rumeurs ont raison. Le dragon est toujours en vie et sort parfois de sa tanière pour soutenir le peuple de Givreciel dans sa rébellion.
— Est-ce que tu saurais où le trouver ? Je pense que le repère d'une créature pareille ne passe pas inaperçu, surtout pour un œil avisé comme le tien.
Cornélia fronça les sourcils, se méfiant de la demande du chasseur, à raison. Si Cassian commençait à se plaire au pays de l'hiver, il n'oubliait pas pourquoi il avait été envoyé là. Et tel un soldat fidèle à son roi, il remplirait sa mission peu importe les obstacles sur sa route.
— Pourquoi veux-tu trouver ce dragon ? Tu veux achever l'œuvre de ton père ?
— Je peux te jurer sur les dieux que ce n'est pas le cas. Je ne veux pas tuer cette créature.
— Personne ne peut tuer l'hiver.
— ...Quoi ?
— Le dragon que tu cherches, celui du coup d'État de Stolheim il y a 17 ans, il s'est réveillé pour protéger sa terre et sa famille.
— Tu veux dire que toutes ces histoires fantastiques sont réelles ? Que...
— Que le dragon blanc est un dieu et plus précisément une déesse.
« Ce dragon, c'est Silja la déesse de l'hiver et protectrice de ce pays. Ce que tu cherches, Cassian, c'est ma mère. »
❄ Prochain chapitre déjà disponible ! ❄
Qu'avez-vous pensé de la partie de chasse de Cassian et Cornélia ? De leur moment au coin du feu et enfin de l'aveu de Cornélia sur le dragon qui est la déesse de l'hiver aka sa mère ?
❄ Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et laisser un petit commentaire ! ❄
[La Valkyrie Impure est totalement inspiré de l'arme de Serah dans Final Fantasy XIII-2 dont vous voyez le mécanisme ci-dessous]
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