Chapitre 5 • La Caverne Miroitante, un lieu conclusif

Comme un serpent malsain qui rampait vers sa proie, le conte de l'Enfant et le vieux Chêne hantait mon esprit depuis la veillée au coin du feu. Je dormais peu la nuit, et la journée précédente s'était déroulée dans un parfait brouillard de prise de bec avec ma propre conscience.

Ce matin, je m'étais levé tôt. Les yeux injectés de sang, je rejoignis mes parents déjà debout dans le petit salon. Ils déplorèrent l'était lamentable de mon teint et me questionnèrent sur son origine. À cran, je grommelais une réponse assez agressive.

Après le repas de midi que nous prenions en collectif dans le réfectoire, , un des Anciens, s'approcha de nous. Par l'aura qu'il dégageait, je devinais ses origines d'Ifrit, un élémentaliste de feu. Une chaleur supérieure à la norme émanait de son corps ainsi qu'une odeur de cramé planait dans l'air.

— Jeune Alaric, il est temps que tu rencontres l'oracle, annonça-t-il d'une voix neutre avant de se détourner pour rejoindre les quelques autres membres des Conseils présents dans la salle.

Mon sang ne fit qu'un tour. Le moment espéré était imminent, pourtant le doute et la peur brisèrent en une fraction de seconde les résolutions tant aspirées sur mes attentes. Mes parents me poussèrent à suivre les traces de l'homme. D'un pas mécanique, je me mis en marche, le monde autour de moi devint flou.

Une préparation était nécessaire avant de pouvoir franchir le seuil de ladite oracle du Clan. Tout ce qui la concernait était tenu jalousement secret par les adultes. J'avançais vers l'inconnu avec aucune issu de secours sécurisée à ma connaissance.

Seulement trois Anciens m'accompagnèrent. Perdu dans les tours et les détours où ils m'entrainaient, finalement, j'empruntais à leur suite un fin boyau sombre. La roche n'avait pas été polie comme dans les autres couloirs. La lumière tamisait donnait une atmosphère lugubre au lieu, même les visages des Surnaturels furent accentués dans leur sévérité pour les ombres mouvantes.

Je me sentais lourd, peser plusieurs tonnes. Chaque pas devenait un supplice à franchir. La légèreté d'être enfin débarrasser de ce brouillard qui englobait ce choix n'était pas présente, bien le contraire... comme si le lieu ne désirait pas ma compagnie.

Qabis se retourna subitement vers moi, il fronça des sourcils et me détailla. Puis de sa voix profonde, il m'incita :

— Pour rappel, avant d'entrer dans un lieu sacré du Caché, tu dois l'arpenter de ton véritable visage et face à l'oracle, aucun camouflage, subterfuge ou mensonge n'est permis.

Sitôt prononcé, sitôt fait, il arbora sa forme surnaturelle d'Ifrit. J'en avais entendu parler, mais je n'avais jamais été confronté à l'un d'eux. La couleur de sa peau vira sur un rouge incarnat. Deux cornes de bouc lui poussèrent sur la tête parmi une chevelure bordeaux qui se plaquait sous un effet huileux en une longue queue. Ses oreilles s'allongèrent en pointe. Je reculai de surprise quand ses vêtements s'enflammèrent pour laisser place à une tenue tout droit sortie des contes des Milles et une Nuits des humains. Ses yeux me marquèrent. Dans la pénombre du souterrain, ses iris sanguins reflétaient une légère flamme qui y dansait sauvagement.

— Dépêche-toi ! me houspilla-t-il avant d'entrer derrière le lourd rideau sombre.

Je me retrouvai seul dans ce couloir malaisant. Je me mordis les lèvres sous l'indécision de mon apparence, un vrai casse-tête pour un métis. Me montrer sans illusion et ni artifice, laquelle de mes deux physionomies surnaturelles répondait à ses critères ?

Quand je passa le seuil, je débouchai dans une petite salle circulaire où y brulaient des torches suspendues à un lustre en fer forgé. Des étagères, établis, pots en terre cuite étaient posés contre le mur. L'atmosphère oppressante me clouait à l'entrée, accentuant mon sentiment de ne pas être à ma place.

— Tu as donc opté pour ton apparence de Nahual... Vu ton tempérament, j'aurais parié sur ton côté Sylphe, ricana la Lamia.

Tous les trois s'affairaient à la préparation, chacun avec leur enveloppe surnaturelle très distincte. La jeune femme, au premier abord, ressemblait à une Ignorante, mais de détails subtils l'en différenciaient. Recouverte d'une légère robe à dos nu, celle-ci laissait entrevoir des écailles verdâtres tout le long de sa colonne vertébrale qui finissait en une queue de serpent. Elle fouettait l'air sous la contrariété trahissante de sa propriétaire. Ses jambes sveltes étaient tapissées de la peau des reptiles.

Je ne relevais pas sa pique acerbe, trop angoissé pour ouvrir la bouche. Pour ne pas me laisser ensevelir dans la peur, j'écoutais attentivement les directives que me divulguais Phoebé, la Naïade. Elle m'ordonna d'ôter mon haut d'une voix douce, mais autoritaire. Malgré l'intercalation avec ma mère, elle jouait son rôle d'Ancien sans animosité à mon égard. Récalcitrant de me dénuder le torse, mon regard se balada tout autour pour trouver une échappatoire. Les yeux chaleureux de la Nymphe des courants d'eau m'incita à m'y plier sans crainte.

La dame traça des arabesques et des symboles dans mon dos avec une pâte crayeuse de couleur ocre. L'humidité fraiche de ses doigts me provoqua des frissons sur toute la surface de ma peau. La Naïade attaquait ensuite mon torse. Ses longs cheveux noirs constamment trempés était retenue en une tresse agrémentée de fleurs aquatiques. Une odeur de vase me piqua le nez. Quand elle releva ses yeux, je fut frappé par la clarté du bleu des iris qui se distinguait du blanc par une fine ligne noir. La lumière des torches y dansait joyeusement et pourtant, je pouvais y percevoir une certaine amertume qui me glaça le sang.

Dans un silence de mort, les trois Anciens s'activèrent pour me préparer à affronter l'oracle. Un douloureuse impression d'assister à ma propre cérémonie d'embaumement de l'ancien Égypte poignarda mes pensées. Pendant que Phoebé traçait, Qabis préparait un bouquet d'herbes sèches tandis que la Lamia s'affairait à la concoction d'une potion ; qu'elle mélange tant de substances aux allures peu ragoutantes ne me rassura guère. Surtout quand la femme-reptile m'apporta le flacon avec un sourire carnassier. Devant mon refus d'obtempérer à l'avaler, elle murmura dans un sifflement :

— Tout aussi soupçonneux que sa mère !

Tous les Anciens de Clan avaient un grief contre ma famille ? Son regard accusateur et son aura meurtrière ne m'apaisaient guère à la négligence ; avaler sa mixture nauséabonde ne m'inspirait aucunement confiance.

— N'aies crainte, Daphné agit toujours ainsi avec tout le monde. Bois, je m'en porte garante, me souffla la Naïade, tout en continuant ses dessins.

Peu rassuré, j'ingurgitai le liquide. Commettre un meurtre sur un enfant lors de sa majorité n'était pas un acte qui resterait impuni, même pour un Ancien. La Compagnie ne tolérait pas la perte d'un futur Chevalier.

Un goût âpre resta longtemps dans ma bouche. Désagréable sensation d'avoir la langue pâteuse. Je ne sentis aucune manifestation douloureuse à la suite de l'absorption de la potion ce qui me rassura légèrement.

Quand Phoebé eut fini, les trois Anciens m'encadrèrent en triangle. Qabis tint devant lui son bouquet sec qui enflamma doucement de sa magie, puis il le divisa et donna un brin à ses consœurs. L'épaisse fumée qui s'en dégagea tournoya autour de moi. Elle agressa mes narines et mes yeux se mirent à picoter et larmoyer. À ce moment-là, ils entamèrent un chant guttural très ancien donc j'en compris aucun mot. Quand l'effluve brumeuse se dissipa et que la mélopée ne fut qu'un murmure mourant, le rituel prit fin. J'étais enfin prêt à pénétrer dans l'antre de la femme qui allait dévoiler un pan de mon avenir.

〰️

Devant les profondeurs des ténèbres qui s'ouvraient devant moi, je déglutis. La première marche fut la plus difficile à franchir pour m'enfoncer dans les entrailles de la montagne. L'escalier interminable était lui aussi éclairé par les mêmes torches magiques. Plus je descendais dans les limbes, plus l'humidité ambiance augmentait et avec elle, le froid mordant. Ce lieu ne bénéficiait pas de la chaleur cocooning constante qu'il régnait dans les étages. Comment une personne pouvait constamment vivre en cet endroit lugubre et glacial ?

En bas des marches, la température avait chuté d'au moins une quinzaine de degrés. Je frissonnais torse nu, je frictionnai mes bras pour les réchauffer. Ma physionomie Nahual ne m'aidait pas à vaincre l'air hiémal des lieux, je m'en voulus de ne pas avoir penché en la faveur des Sylphes.

La lumière des torches vacillait devant mon passage, celles-ci étaient fort espacées pour permettre une bonne vision du chemin. Le bruit de chute des gouttes d'eau m'accompagnait. Elles formaient par-ci par-là des stalagmites et stalactites et rendaient le chemin irrégulier, glissant et étroit par endroits. Une vraie aventure pour rencontrer l'oracle.

Mon souffle chaud par l'effort libéra une brume quand je poussai un soupir face aux ténèbres de l'antichambre dont je venais de débouler. Plus aucune torche n'éclairait les lieux. Je parvenais à distinguer difficilement une seconde ouverture au fond, un peu sur la droite. Un son mélodieux de cascade emplissait le silence. Comme un fil d'Ariane, il me guidait vers la Caverne Miroitante, là où résidait l'oracle de notre Clan Européen.

Je traversais la pièce, apaisé par le chant de l'eau. Au seuil de la grotte, je fis face à une des entrées des plus insolites. Je me trouvais devant une porte qui ne laissait filtrer que le son, mais ma main ne rencontra aucun battant physique. Un dernier regard en arrière, je posai ensuite le pied dans la Caverne.

Une vive douleur me tiraillait au niveau de mes marquages, j'arquai le dos et un haut-le-cœur me déchira l'estomac. La désagréable sensation de traverser un espace-temps différent affola tous mes sens. La respiration n'était pas aisée et une odeur nauséabonde de chair en putréfaction m'agressait le nez. Une envie de déguerpir sonna comme un instinct de survie, mon cœur s'emballa aussi que mon souffle.

Les yeux fermés pour calmer mes sens et mon tambour interne, je restai prostré dans l'entrée pendant quelques minutes. Quand j'entrouvris un cil, une faible clarté bleutée pulsa. Attiré tel un papillon nocturne, je fus subjugué par son éclat et avançai vers le centre où la boule de feu s'amplifia à mon approche. Elle dominait un lac sous-terrain d'où ses bras incandescents firent luire une myriade de minuscules miroirs à la surface de l'eau. Ceux-ci se répercutaient sur les parois humides, inondant la Caverne d'un millier de lucioles.

Le lac s'étendait à perte de vue, je ne pouvais en apercevoir le fond dans la noirceur de la grotte. La désagréable sensation de ne plus me trouver dans les entrailles du mont Smolikas me tordit le ventre.

Une silhouette floue se découpa sous la source de lumière. Posée sur l'eau, elle me présentait son dos ; elle se tenait droite, drapée d'un tissu terne de la tête au pied qui se confondait avec le décor. Je m'approchai de la limite du lac à pas prudent. Pris d'une sensation étrange, je n'osai déranger la dame, même ma respiration se fit silencieuse, seule le bruit de la cascade résonnait.

Je distinguais subitement un marmonnement qui passa au-dessus de la chute d'eau. Venu des profondeurs de la terre, il se modulait dans une langue gutturale au sonorité tribal qui montait en crescendo. Je ne pouvais le nier qu'il me glaçait le sang. Pris de panique, je vérifiai que nous étions bien que nous deux.

Soudain, le corps drapé fut parcouru de soubresauts. Les membres se tordirent dans des angles inhumains, ses mains montèrent pour implorer le soleil bleuté. Je sentis que je n'étais pas au bout de mes peines. Puis, brusquement, son buste se retourna, ses doigts noirs de saleté raclaient la peau grise de son ventre à nu.

Je reclus prestement. L'effroi se lisait sur chaque trait de mon visage et mes yeux devaient exprimer mon horreur face à la vision épouvante.

Le faciès pâle de la dame était encadré par une toison hirsute et encrassée qui descendait jusqu'à son nombril. Des pierres, des branches se mélangeaient dans les nœuds de cheveux. Elle arqua son buste dans ma direction, j'avais tout l'opportunité de la dévisager, mais deux cicatrices proéminentes dominaient son minois. Je déglutis. Ses yeux clos à jamais par de coutures grossières lui rendirent un aspect encore plus cadavérique.

— Qui est l'opportun qui trouble ma quiétude ? crissa la voix qui sortait de ce corps à l'agonie.

Incapable de parler, j'ouvris plusieurs fois ma bouche comme un poisson hors de l'eau. Ma gorge sèche ne laissa passer alors qu'une voix rauque et hésitante après plusieurs minutes de silence.

— Excusez mon... mon intrusion... d-dans vot-votre sanctuaire... ma d-dame la...

La suite de ma phrase mourut sur mes lèvres quand elle s'approcha. J'étais incapable de citer un mot pour nommer cette apparition, aucun ne me venait en tête.

Sous ses pieds nus, l'eau ondulait joyeusement et se répercutait sur toute la surface. La dame pencha la tête sur le côté. Malgré ses yeux clos à jamais, elle semblait m'observer. Je claquai des dents, partagé entre effroi que m'inspirait son physique et l'air glacial qui entourait sa silhouette.

— Je conçois aisément l'objet de votre venue...

Elle se détourna, marcha quelques pas hésitants puis enchaina d'une voix perdue dans ses pensées :

— Les gens m'ont tellement affublées de tant de noms au fil des saisons que j'en ai oublié le prénom que notre Mère à tous m'a donné. Vous pouvez me nommer : Devineresse, oracle de Delphes ou encore la Pythie, si ça vous enchante.

Je n'arrivais plus à bouger, résigné, je l'écoutais, tout en l'observant. Quand elle reporta son attention sur moi, l'idée de prendre mes jambes à mon coup m'avait effleuré, mais j'étais paralysé sous la puissance de son aura. Pris au piège de sa toile, je sentais des mains invisibles palper chaque partie de mon corps. Chaque contact propageait un coup de froid dans ma chair. J'allais finir en glaçon car mes ongles viraient déjà au bleu, tout comme mes lèvres, je présumais.

— Vous n'êtes pas très bavard...

Elle détourna encore la tête comme si ses yeux pouvaient apercevoir un point invisible au mien. Elle me rappelait l'Armière, pourtant l'oracle, elle, était dépourvu de ses prunelles. Puis, elle ramena son « regard » sur moi et reprit d'une voix où je décernais une pointe d'amusement :

— Je comprends maintenant la puanteur de la peur qui se dégage de votre corps, il y avait bien longtemps qu'un être eut la capacité de me voir telle que je sois... J'ai hâte de lire les lignes de votre destinée... Car c'est bien cela ? Vous êtes venu en ce lieu pour quérir mon Savoir. Approchez donc et immergez-vous complétement dans l'eau de mes larmes !

Les lianes invisibles se desserrèrent. Libre de mes mouvements, je regardais avec crainte le lac à mes pieds. L'eau léchait les graviers sombres de la grève au rythme du balancement d'un pied sur l'autre de la Pythie.

Son invitation me laissait perplexe. J'avais suffisamment froid pour ne pas désirer entre dans de l'eau encore plus glacée.

— N'ayez crainte, mon enfant !

Elle accompagna son encouragement avec un sourire grotesque qui ne m'incitait pas à lui donner ma confiance. Maintenant, je voyais le lac comme un monstre prêt à m'engloutir au premier pied posé. Pourtant, ma voix interne me dicta de suivre les recommandations de l'oracle ; ces Surnaturelles extraordinaires n'étaient pas réputées pour mettre en danger leurs semblables.

Après une grande maitrise sur mes angoisses, je posai un pied dans l'eau. Je fus surpris par sa fraîcheur ; elle n'était pas glaciale, mais étrangement tiède vu le lieu. Je continuai à m'enfoncer avec prudence dans le lac et l'oracle m'encourageait d'une voix qu'elle essayait douce. C'était comme demander à un corbeau de chanter tel un rossignol. Elle appuyait le tout avec des gestes disgracieux qui firent voler ses hayons et ses cheveux graisseux dans un ballet grotesque. Et pourtant, obnubilé par sa danse, je poursuivais à m'enliser. Une pierre sous mon pied se déroba. Prompt, je me retrouvai complétement immergé avec comme salut, une bouffée d'air ravie par un réflexe de survie.

Mes membres lourds m'empêcher de nager vers la surface. De mes yeux désespérés, je regardais avec une envie jalouse la plante des pieds de l'oracle au-dessus de moi. Les lianes invisibles s'enroulèrent de nouveau autour de mon corps. Paniqué, j'en lâchai l'air précieux que je gardais prisonnier dans mes poumons ; ils brulèrent quand le liquide les pénétra. L'eau avait un gout salé.

Alors que je m'enfonçais dans la noirceur des profondeurs, une myriade de bulles s'échappèrent et remontèrent vers la surface. Simple spectateur de ma noyade, je ne pouvais que les envier de leur légèreté. L'air me manquait ; ma vision se brouillait. Je perdais peu à peu conscience...

Mes sens me trahissait. Mes doigts rencontrèrent la fraicheur et la solidité de la roche. Mes poumons essayèrent de se remplir de l'air qui me faisait défaut, pourtant, ils y parvinrent sous une horrible douleur de brulure. Je crachotai l'eau qui restait encore dans poitrine. Je toussai violemment et pris appui sur mes mains pour me relever. Quand j'entrevis les yeux, le monde se jouait de moi et tournait dans tous les sens. Je frissonnai quand le souffle de la grotte mordit chaque parcelle de mon épiderme.

— Je ne peux lire votre avenir, déclara l'oracle, contrariée.

Il me fallut un moment pour comprendre le sens de ses paroles et un autre pour retrouver une respiration moins meurtrie. J'articulai difficilement et d'une voix rauque :

— Comment est-ce possible ?

— Je ne peux lire votre avenir, répéta-t-elle dans un murmure. Vous êtes de ceux englobé dans une brume onirique qui vous protège de mes maigres capacités. Il m'est donc impossible de percer votre mystère.

Le monde s'écroulait sous mes pieds. J'avais tellement espéré de cette rencontre, mais jamais, j'en aurais cru ce dénouement inattendu. Personne dans le Clan n'avait relaté la possibilité que la Pythie soit incapable de lire l'avenir d'un Surnaturel, c'était impensable. Une pointe de colère monta en moi.

— Vous êtes l'oracle des terres de Gãlv depuis les temps anciens, il est inimaginable de votre...

— Vous devez aller consulter notre Mère ! me coupa-t-elle d'un ton neutre percé d'une pointe de mélancolie mélangée à une jalousie.

Elle s'approcha de moi, étrangement, je n'en avais plus peur. Je l'apercevais comme une pauvre âme en errance dans ce monde d'absurdités, elle n'y étais pour rien et subissait ses lois autant que moi. Elle posa ses mains tièdes sur mes tempes. Une chaleur bienveillante se répandit dans mon être, me réconforta et chassa le froid de mon corps. Les tremblements de mes membres cessèrent.

— Elle seule peut vous venir en aide.

Son souffle chaud chatouilla mes oreilles. Je savais à qui elle faisait allusion, La Cendre, l'Oracle, la mère de toutes les oracles qui foulaient la Terre. M'envoyer à elle signifiait un glorieux destin ou une fin tragique.

— Comment suis-je censé la rencontrer ? murmurais-je d'une voix tirée dans les aigües.

Tout ce que nous avions comme connaissance de cette Dame était sa vie reculée du monde dans un espace-temps différent du nôtre. Personne ne pouvait parvenir à elle s'en être convié.

— Suis le Chant du Rossignol à la parure nébuleuse parsemée d'Étoiles.

La Pythie se détacha de moi et repartir au milieu du lac. Elle reprit sa douce et lente litanie. Je n'avais plus rien à attendre d'elle, je me détournai et me dirigeai vers la sortie d'un pas incertain. Tant de questions virevoltaient devant mes yeux.

Quand je retraversai le voile de l'espace, mes tripes se retournèrent et je vidai mon estomac de mon copieux repas. Ma tête me tourna, le sol tanguait dangereusement. Je me pinçai l'arête du nez, les yeux crispés et attendis que tout s'apaise.

Alors que ma respiration se calma, mon corps se contracta d'un coup, mes cheveux se dressèrent sur mon crâne signe d'une présence derrière moi. Les muscles raidis, je me retournai pour faire face à une ombre qui piqua vers moi, les mains tendues. Elles encerclèrent mon cou et pressèrent avidement. Mon corps paralysé refusait désormais de bouger d'effroi.

À la lumière tamisée, un corps putride me surplombait de sa hauteur ; de sa respiration saccadée s'échappait une haleine immonde qui agressait mes narines. Son rire extatique résonnait à mes oreilles bourdonnantes.

Quand l'air commença à me manquer, mon corps fut porté par un élan de survie. Je me débattis dans tous les sens, la pression sur mon cou se desserra, sans attendre, je m'y délogeai d'un coup brusque et détalai comme un lapin dans le boyau de la montagne.

J'haletais lors de ma course folle. À plusieurs reprises, je glissai sur le sol humide, une fois, je chutai gravement et m'écorchai les genoux. Vite sur pieds, je continuai à filer sur le sentier sans me soucier de la douleur qui pulsait. Plus je m'éloignais de cette « créature », plus je me rapprochais de la sortie, plus j'avais de chance de lui échapper.

Je remontai l'escalier à une vitesse vertigineuse, je ne sentis même plus les marches sous mes pieds. Je passai comme un cours d'air dans l'antichambre qui juxtaposait l'entrée pour arriver dans une pièce plus imposante où attendait mes parents et quelques membres du Conseil. Tous les regards étaient portés sur moi et j'avais la sensation d'avoir interrompu un houleuse conversation.

Un bruit derrière moi me fit sursauter et m'écarter d'un bond du seuil. Les yeux rivés sur le gouffre sombre de l'escalier, je remarquai très peu les voix qui m'interpellaient. Une main se posa sur mon épaule, je m'écartai vivement et percutai mon père en plein torse. Ma mère, le bras tendu, était interloquée et chagrinée de ma réaction disproportionnée ; ce fut à ce moment-là que je réalisai que j'étais en sécurité.

— Il a essayé de me tuer, articulai-je.

Puis mon corps relâcha d'un coup la pression. La pièce tourna, mes jambes ne purent me supporter plus longtemps. Je me sentis partir. Des bras puissants me retirent avant que mon visage rencontre la roche du sol. Le néant m'accueillit.

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