Chapitre 1 • Prémices d'un voyage glacial décisif
Louvain-la-Neuve ~ vendredi 18 décembre 2020
Dans une chambre de kot au deuxième étage située dans le quartier des Bruyères
Je tournais machinalement mon stylo entre mes doigts alors que mon attention était rivée sur ma lecture laborieuse du contenu de mon manuel de chimie. Les formules complexes dansaient devant mes yeux parmi les brides de texte explicatif.
Les examens de Noël approchaient à grands pas ainsi que l'angoisse habituelle qui les accompagnait. Exceptionnellement cette année, mes pensées ne voguaient pas sur la teneur possible des questions griffonnées sur les copies futures, mais bien sur une autre partie de ma vie. Une session surchargée par une décision lourde de conséquence pour mon avenir. Malgré mon assiduité, je perdais souvent le file de mes révisions pour m'enfermer dans mon être intérieur et déambuler dans le labyrinthe de mes interrogations.
Mes révisions allaient être entrecoupées par un voyage. Non, pas un de ceux qu'on profite gaiment entouré de sa famille, à s'empiffrer de nourriture grasse et lourde pour finir malade comme un chien le lendemain sous les effluves de l'alcool ou encore, savourer la sensation de la poudreuse sous ses skis. Non, vraiment loin de tout ce que l'esprit humain pouvait imaginer.
Ce voyage marquerait ma vie de Surnaturel. Mes années d'insouciant prenaient fin le jour de mes vingt-trois ans. J'étais incapable de me projeter au-delà de ce choix qui me ferait basculer dans un monde inconnu sans retour en arrière. Une perspective dure à encaisser pour mon si jeune âge.
— Toujours le nez dans tes bouquins ?
Jarys s'était engouffré dans ma chambre estudiantine sans manifester sa présence au préalable, comme à son habitude perpétuelle. Adossé au chambranle de la porte, il attaquait la pomme qu'il tenait dans sa main.
— Tu sais pertinemment que je n'aurais pas le temps de m'y pencher entièrement pendant le blocus, lui répondis-je inlassablement depuis des semaines.
La mastication bruyante de la pomme parasitait ma concentration déjà fuyante.
— Mh ! Tout cha... tout ça à cause de ton passage à la majorité ?
Il s'installa sans gêne sur mon lit, puis il reprit d'une voix moins encombrée :
— Ils ne peuvent pas se moderniser un peu ? Tu es déjà majeur aux yeux des humains, ça ne peut pas suffire ?
— Pour les Ignorants, oui. Pour le Clan des , non. Les Surnaturels ne sont pas enclins à changer leur manière de faire ancestrale.
Le jeune homme était un humain jusqu'au bout des ongles, tout son corps transpirait de sa singularité. Malgré tout, il avait une connaissance du Monde Caché qui était dû entièrement de ma faute. Comment pouvait-on interdire à un gosse de seulement quatre ans de divulguer à son meilleur ami le secret le plus gardé du l'univers ?
Résultat des courses, Jarys baignait dans le Merveilleux depuis sa plus tendre enfance. Je n'avais pris conscience de ma maladresse enfantine que bien plus tard et le danger qui incombait maintenant au-dessus de la tête de mon meilleur ami. Grâce à mes parents compréhensifs et par un miracle de leur part, jamais l'information ne fuita et les géniteurs du jeune homme étaient ignorants de mes capacités particulières.
Maintenant, il m'était impensable de m'imaginer un seul instant une amitié noyée dans le mensonge. Jamais nous n'aurions pu créer le solide lien qui unissait et maintenait notre complicité depuis le berceau. Rares étaient les secrets qui existaient entre nous deux.
— Les Tŭlķ'iŋs ! Ces vieux croutons des monts ne s'intéressent à toi que pour tes origines hybrides...
Résigné de ne pouvoir continuer mes révisions, je quittai la page noircie de formules à rallonge pour poser un regard non-chaland sur un Jarys à l'aise, complétement avachi sur mes draps. La pomme finie, il regardais le plafond, les mains croisées sous sa nuque.
— Métisses, s'il te plait !
— Mouais, monsieur est susceptible sur le sujet.
Des enfants issus de deux espèces différentes n'étaient pas rare en soi, ni proscrit par le code des Surnaturels, mais à leur majorité, ils devaient se prononcer sur un des races. Si un tel acte n'avait pas lu, une bataille incessante entre les deux parties serait livrée dans le corps du pauvre malheureux. Deux chemins s'offraient alors à lui, soit la folie, soit la souffrance perpétuelle qui finissait généralement par un suicide. Rien de bien réjouissant à notre jeune âge pour les métis comme moi.
J'enviais ceux qui n'avaient pas autant de tracas face à leur cérémonie de la majorité. Un passage aussi anodin que celui des humains. Pour ma part, il me restait encore quelques jours où l'ombre et la lumière se disputaient mon corps, bientôt un seul serait vainqueur, mais l'issue n'était pas encore tranchée.
Un gout ferreux se répandit sur ma langue, ce ne fut qu'à ce moment-là que je me rendis compte que je me mordais la lèvre inférieure, déjà malmenée depuis des jours. L'hiver n'arrangeait rien avec les fissures.
— Quand tes parents passent te prendre ?
Le sérieux de sa question me surprit. Son sourire avait déserté son visage ; Jarys fixait intensément un point quelconque du plafond. Ses muscles tendus trahissaient la peur de ma réponse.
— Dans deux heures environ, lui répondis-je dans un murmure, après avoir consulter les chiffres sur mon téléphone.
Je me retournai sur mes cours, faisant grincer les roulettes de ma chaise de bureau. Je détestais l'atmosphère pesant qui s'installait dans la pièce.
— Tu ne vas pas passer tes deux dernières heures en compagnie de tes bouquins ! Je veux profiter de mon Alaric encore un peu...
Il s'était redressé sur le bord du lit et essayait d'afficher un sourire béat sur son faciès, mais je le connaissais assez pour y déceler une certaine tristesse. Je soupirai et lui rétorquai, las pour cacher mon malaise :
— Merci, je ne vais pas changer au point de ne plus te reconnaître !
— On ne sait jamais avec les Surnaturels.
L'éclat de ses yeux reprenait doucement sa vitalité. En parti soulager de retrouver un peu de la bonne humeur de mon ami, je ne protestai même pas et encore moins quand celui-ci me traina hors du notre kot. C'était peine perdue de lui déloger son idée en tête, je ne pouvais subir, mais sans une certaine joie de le voir prendre à cœur mes dernière heures avec lui avant mon voyage.
Assis à la fenêtre d'un bar estudiantin du centre, je regardais déambuler les passants emmitouflés dans leur doudoune. L'hiver s'était confortablement installé, il apportait dans ses bagages l'air glacial qui piquait la peau.
Jarys me sortit de ma rêverie du ballet des passants quand il déposa devant moi un verre de limonade. Nous étions dans une des villes les plus réputées estudiantines de Belgique, mais je ne désirais pas me bourrer avant de retrouver mes parents. Une bière aurait pu suffire, mais nous n'étions pas à l'abri de faire des rencontres qui poussent à l'excès...
—Il y en a un ?
La question me surprit avant de croiser le regard anxieux de mon ami. Les traits du visage crispé, il déglutissait difficilement, en observant les gens aux alentours. Il me ramena à la réalité du moment : Jarys et sa crainte des Surnaturels. Il était mal à l'aise en présence d'êtres du Merveilleux, chose étonnante quand son meilleur pote appartenait à ce monde.
Je baladais mon regard sur les quelques clients ; un couple qui papillonnait, un homme barbu enfoncé dans son siège qui sirotait sa bière, un groupe de cinq jeunes étudiants qui rigolaient à tue-tête... Toutes les personnes que je croisais respiraient l'humain.
À l'annonce de mon verdict, Jarys se détendit et retrouva son sourire légendaire qu'il arborait comme une façade. En société, il se faisait un honneur de déborder d'une assurance, d'une joie, d'un trop plein d'énergie et surtout, d'une facilité à converser. Moi, j'avais plutôt la fâcheuse tendance à me refermer et m'abriter dans l'ombre de mon ami. Les gens me jugeaient comme quelqu'un de taiseux, de posé, de réfléchi et de solitaire. J'avouais que discuter avec les humains étaient parfois une belle gymnastique verbale. À calculer la moindre de mes paroles, la fatigue me rattrapait assez vite et l'erreur était encore plus fatale. Alors, j'avais pris l'habitude de me dissimuler, en pipant aucun mot.
À de rares occasions, je pouvais me transformer en une bête enragée, cornes devant lui près à embrocher et remettre à sa place le fauteur de trouble. Généralement, un tel acte de leader était exposé lors de mes retrouvailles avec des personnes de confiance, là où je ne devais pas peser chaque mot, donc entre Surnaturels, mais des amis de longue date.
Je scrutais ma boisson, incapable d'avaler la moindre gorgée. J'avais déjà du mal à déglutir ma salive. Plus le temps s'écoulait, plus l'angoisse montait en moi, m'enfermant dans un mutisme. Ce choix me taraudait, toute ma vie future en serait à jamais changée, comment le prendre calmement en connaissance de cause ? Je me demandais si tous les métis passèrent par un tel stade de tourment. Je n'avais jamais eu l'opportunité d'en rencontrer un ou je n'en avais jamais eu connaissance. Généralement, la majorité passée, les Surnaturels ne parlaient plus de leur enfance, comme un sujet tabou, surtout pour les sang-mêlés.
J'avais la trouille, une de ces peurs viscérales de me tromper, une de celles qui vous rongeait de l'intérieur et qui ne vous quittait plus. Et aucune personne à qui se confier et qui pouvait vous guider, c'était désolant.
— Alaric ? Reviens parmi nous !
Papillonnant des cils, je redressai mon regard pour faire face à Jarys qui me dévisageait de ses yeux cyan marqués d'une pointe de tristesse. Toujours les lèvres scellées, je me raccrochais à mon ami pour ne pas encore sombrer. En parfaite opposition à ma peau blafarde, la sienne café au lait révélait une apparenté lointaine aux populations africaines. Ses courts cheveux crépus, eux aussi héritage de sa lignée sudiste, n'étaient pas sa fierté. Pourtant, je n'aurais jamais pu l'imaginer avec une autre coiffure, une parfaite harmonie.
— Tu me disais quelque chose ?
— J'étais occupé à te parler de ton voyage...
Il était contrarié, juste à la manière dont il plissait son fin nez légèrement en trompette. Je le connaissais sur le bout des doigts pour qu'il puisse me cacher ce que son corps reflétait. En d'autres circonstance, cela m'aurait amusé.
— Tu en as de la chance de pouvoir profiter des pentes blanches des Monts Pinde. J'ai supplié mes parents de partir au ski, mais ils sont imperturbables concernant les examens... Pff !
— Je n'y vais pas pour une partie de plaisir, lui répondis-je trop sèchement à mon goût.
— Mouais... mais après ta majorité, tu auras tout le temps de pouvoir t'y mettre. Tu ne vas pas me dire qu'ils vous interdisent de vous amuser...
Jarys était un cas désespéré, malgré tout, il restait un humain et la compréhension du Merveilleux lui demeurait encore obscur sur certains points, surtout la mentalité arriérée des Surnaturels. Puisque je côtoyais le monde des Ignorants depuis tout jeune, j'avais donc une connaissance parfaitement les deux camps, même si je n'acceptais pas toujours toutes leurs idées...
En dépit de son ton plaisantin, l'étincelle de tristesse n'avait pas quitté les iris de mon ami. À quoi jouait-il ? Pourquoi ne lâchait-il pas le morceau qu'il avait sur le cœur ?
— Ce « voyage » n'est pas des vacances. Quand les Surnaturels se réunissent dans le sanctuaire du Clan, ce n'est jamais pour se poser et se tourner les pouces. Ma majorité est un prétexte pour réunir mes parents et les autres grands Surnaturels d'Europe. Malgré mon métissage et mon choix « important », je ne reste qu'à leur yeux une simple épine qui va bientôt disparaitre.
— Est-ce cela qui te perturbe tant ? De ne pas être le centre des attentions ?
— Non, bien sûr que non... Cela m'arrange en quelque sorte, tu sais comme je n'aime pas porter l'attention sur moi... ce qui me déplait, c'est l'impact que peut avoir ma décision sur ma vie et personne qui peut ou ne veut m'aider à faire le bon choix.
— Tu sors enfin de ton mutisme.
Il y avait tellement de soulagement dans sa voix que j'en perdis les mots. Depuis le début, il voulait arriver à ce que je crache mon morceau et non le sien ; j'étais le responsable de sa mélancolie passagère avec mes états d'âme. Je me rendis compte que je ne m'avais jamais exposé plus longuement sur le sujet avec lui, j'en avais parlé brièvement, mais mes tourments internes lui étaient rester cachés.
Sa manœuvre réussite, Jarys affichait un large croissant de lune sur ses lèvres, toute trace de détresse disparue de ses yeux. Et moi, je comprenais qu'en parler me libérait d'un certain poids, je continuai donc sur ma lancée.
— J'ai conscience que ce n'est pas un choix à prendre à la légère ou encore, sur un coup de tête, mais comment prendre la bonne décision ? Mes parents n'arrêtent pas de me rabâcher les oreilles, pourtant, aucun d'eux ne m'aident. Ils me mettent la pression de jour en jour, renforçant mon hésitation. Je suis à bout de tourner en rond. Je n'arrive même plus à penser à autre chose et même en rêve, je me vois constamment devoir trancher dans la précipitation pour vivre une vie malheureuse dans les deux cas...
Je poussai un soupir et reportai mon attention sur le ballet de passants dans la rue. Mon menton dans le creux de ma main, le coude posé sur le bois de la table, je repris d'une petite voix :
— Je me sens acculé et incompris dans ma douleur.
Enfin mettre des mots sur mes tourments de ces derniers mois me libéra de mes tensions. Jamais je n'aurais pu imaginer que ce simple acte pouvait être si bénéfique, certes, il n'avait pas résolu mon problème, mais allégé quelque peu mon être.
Quand mes yeux s'ancrèrent à ceux de Jarys, il était en plein réflexion, son sourire effacé. Se rendait-il compte de la responsabilité que je lui incombais ? Auteur de ma libération, je lui imposais inconsciemment la lourde tâche de continuer sur sa lancée.
Silencieux, il avait été patient lors de mon monologue, attendant que je finisse pour me faire part de sa clairvoyance :
— Tu n'as aucune aide, le moindre indice, ou quelque chose d'autre pour t'aider dans ton choix ? Ils te laissent ainsi sans explication ? Ils sont vraiment des corniauds tes Anciens !
Je ne pouvais lui en tenir rigueur de cette petite injure sur les dirigeants de mon Clan, moi-même, en ce moment, je ne menais pas large avec eux...
— Si, chaque jeune, avant sa cérémonie de la majorité, a droit à une visite chez l'oracle rattachée à son Clan.
— Pourquoi alors autant de panique ? Elle pourra te guider dans ton choix... non ?
— Ce n'est pas aussi simple... Tu connais ce qu'on dit sur les oracles dans le passé ? Elles ne délivrent que des messages alambiqués, aux sens jalousement cachés. Je n'ai pas le temps de déchiffrer ses paroles avant ma majorité.
Jarys repartit en grande réflexion avant de revenir à l'attaque :
— Tu connais les deux races pour les avoir côtoyés et si souvent arborés. As-tu fait une liste de leurs points positifs et négatifs pour les comparer ensuite ? Il doit y avoir une qui te tente plus qu'une autre...
Depuis mon plus jeune âge, j'avais passé mon existence de Surnaturels à exhiber une forme puis l'autre. Jarys en avait toujours été estomaqué par mes exploits et la physionomie de mes enveloppes corporelles. À l'aise avec mes deux visages du Merveilleux, jamais une essence n'avait pris le dessus sur l'autre.
— Et tes parents ne sont vraiment d'aucune aide ?
Je poussai un rire nerveux, avant de lui répondre tout penaud :
— Peine perdue ! Disons qu'ils cachent bien le fait qu'ils espèrent que je choisisse leur espèce. Je sens la tension entre eux qui monte quand le sujet est abordé. Ils sont bien trop fiers pour s'avouer vaincu et j'ai peur qu'à la suite de mon choix, ça devienne épineux entre eux...
— Aïe ! Avec un tel comportement, c'est sûr que ça ne t'aide pas, mon pote... Je ne peux pas dire que je vais t'être d'un grand soutien, je suis un peu dépassé par les événements, je n'ai que mon regard humain pour comprendre. Alors, tout ce que je peux te dire : n'importe quel choix sera le bon, dis-toi que tu ne peux regretter une voie dont tu ignores complétement où elle aurait pu t'emmener.
Il était maladroit et son sourire manquait de conviction, mais ses paroles m'apportèrent un baume au cœur qui me faisait défaut ces derniers jours. La gorge déliée, je pus enfin profiter de ma boisson.
La porte de la bâtisse s'ouvrit sur un groupe de jeunes. Ils bavardaient bien fort, et leur inconscience me plombait le peu de moral durement acquis. J'allais me lever et supplier de passer mes derniers instants avec Jarys loin de l'agitation humaine quand une voix connue me coupa l'herbe sous le pied.
— Eh Alaric ! Ça va ? On se voit ce soir à l'entrainement ?
Je me refrognai tout en m'enfonçant dans mon siège pour grommeler une réponse incompréhensible que mon meilleur ami se fit une joie de traduire.
— Je ne pense pas que cela puisse est possible, notre cher acolyte ici présent, à une obligation ce soir.
Son sourire espiègle me disait rien qu'il vaille. Qu'avait-il encore en tête ?
— Ma parole ! Tu es perdu ta langue ou tu as embauché un serviteur ? pouffa de rire mon interlocuteur.
— Non, mais je ne pourrais pas venir aujourd'hui à l'escrime, je dois prendre l'avion... l'entraineur est déjà au courant.
— Pas de soucis, on se retrouve après les vacances pour tâter de nos lames ? J'ai une revanche à prendre.
Je lui confirmai d'un signe de la tête et mon camarade retrouva vers ses amis attablés. Une bonne séance d'escrime pour me vider la tête, ça me faisait tellement envie que j'en étais presque acariâtre de ne pas pouvoir y aller.
— Toujours aussi bon avec une lame ? me taquina Jarys.
— Pas le choix et tu sais bien pourquoi.
Une plainte stridente m'arrachait une grimace. Je n'eus pas le temps de prévenir le jeune homme qu'une petite boule sombre fit irruption sur la table entre nous. Pris d'un sursaut de peur, mon ami fit racler sa chaise lors qu'il entreprenait de se lever à la hâte, mais avant de s'écarter précipitamment encore plus, il s'avisa en reconnaissant l'intrus.
— Je n'm'y ferais jamais au Familier de ta mère, murmura-t-il entre apaisement et adrénaline.
Comme un ignorant du ménage qu'il avait provoqué, l'animal s'étira de tout son long sur la table. Invisible seulement aux humains, il se délectait de provoquer des frayeurs à mon meilleur ami qui était momentanément immunisé contre le sortilège. Un cadeau de ma part qui résident dans un bijou enchanté depuis des centaines d'année.
— Bastet ! la sermonnais-je.
Elle reporta alors ses deux grands yeux jade aux reflets jaunes sur moi. Appuyé du regard ardent, le message était clair et je ne pouvais m'en dérober. Une vilaine angoisse secoua mon corps, je n'étais pas prêt à surmonter ce qu'on attendait de moi.
— Nous devons rentrer, soufflais-je.
Je n'avais pas besoin de l'expliquer à Jarys, il comprenait tout aussi bien le signal de l'apparition du félin. Je me levai de mon siège mécaniquement tout en passant mon manteau. L'impression d'être un automate ne me quitta pas, même dans la rue.
Bastet s'était installée sur mon épaule, frotta sa tête contre ma joue. Ses ronronnements et son pelage noir d'une douceur réconfortante ne me laissait pas de marbre, l'animal avait toujours réussi à briser mes barrières pour s'y engouffrer et dans son sillage répandre une aura de bien-être.
À l'œil observateur, dans sa fourrure sombre se dessinaient des rayures d'un ton plus claire. Par sa petite taille qui s'approchait plus du chaton et son pelage particulier, Bastet se différenciait d'un quelconque chat noir de gouttière. Parce qu'elle n'était pas un, elle faisait partie d'une espèce propre au Caché : les Chats Noirs. Ces félins souvent associés dans les mythes humains à la sorcière étaient mal vus par leur extrême intelligence et des pouvoirs qui leur appartenaient. Ne jamais en parler à ma mère de cette réputation peu envieuse, elle détestait quand quelqu'un abordait le sujet.
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