Printemps
Les années qui suivirent furent heureuses pour Elijam. Le vieux luthier était un homme bon. Veuf et sans enfant, il avait consacré sa solitude à son travail. Sa réputation s'étendait bien au-delà du comté Vennois. Il initia le jeune Elijam à la fabrication d'instruments de musique. L'enfant était doué, patient et souvent rêveur. Au fond de son cœur, sa mère lui manquait toujours.
Chaque soir de pleine lune, il quittait en silence la demeure du luthier pour traverser la forêt. Il restait la nuit, assis au bord du lac à regarder la brume monter en linceul fantomatique. Il espérait la reine des Fées mais, mois après mois, jamais elle n'apparut.
Elijam grandit ainsi, dans l'amour d'un second père et la recherche de sa mère disparue. Désireux de musique, il se fabriquât une guiterne au son si pure que le temps semblait suspendre son souffle pour l'écouter. De ses voyages nocturnes, naquirent des sons, des accords emprunter à la forêt et à ses habitants. Chaque nuit de pleine lune devenait l'occasion d'un échange entre le jeune homme et ce lieu qu'il connaissait si bien à présent.
La nuit de ses vingt ans, Elijam s'assit sur un rocher au bord du lac et joua. Sa musique parlait de solitude, de la peur d'un enfant perdu, de l'odeur de l'herbe après l'orage, de la recherche d'un abri. De la forêt, de la présence rassurante des arbres millénaires, sages et bienveillants, du chant des oiseaux qui rassure et fait sourire et du souffle du vent dans les feuille qui berce et détends. Les notes dansaient dans la nuit se mêlant aux parfums piquants de la forêt. Et plus la musique s’intensifiait, plus les arbres eux-mêmes bruissaient au rythme des cordes. Puis la musique s’apaisa et un silence profond se fit.
Elijam ouvrit les yeux et, comme dix ans plus tôt, il rencontra ceux d’une femme. Elle avait les yeux d’un brun presque acajou qui brillaient sous la lune. Elle avait un visage à la peau claire devant lequel tombaient des mèches bouclées aux reflets de cuivres. Elle se tenait debout à quelques mètres de lui, sa robe d’un vert profond était parcourue de fils argentés et de perles évoquant des gouttes d’eau de rosée.
Elle ne bougeait pas, se contentant de le regarder avec un sourire doux. Puis soudain, elle fit demi-tour et s’enfonça dans la brume. Elle parue flotter sur l’eau un instant avant de disparaitre complètement.
Elijam resta de longue minutes à fixer le lac. Il ne savait pas qui elle était. Ce n’était pas la reine des Fées, il en avait la certitude.
Il revint le lendemain et joua à nouveau jusqu'à ressentir sa présence. Et, comme la veille, elle resta à le regarder un moment avant de disparaitre. Et, comme la veille, Elijam ne prononça pas un mot non plus.
Au dernier soir de la pleine lune elle parla enfin. Le souvenirs des notes de guiterne s’éloignait lentement laissant la nuit reprendre sa place. Le jeune homme sorti de sa torpeur musicale et salua enfin l’inconnue.
« Est-ce toi qui écrit cette musique ? Demanda-t-elle simplement.
-Je la ressens sans l'écrire, répondit Eliljam. Cela vous a-t-il plut ?
-Oui, il me semble. Ses yeux se voilèrent alors. Je dois partir, dit-elle avant de se diriger vers la brume.
-Attendez ! Je ne connais même pas votre nom.
-Je suis Eirhe. J’ai apprécié vous écouter ».
Et elle disparut.
Ainsi commença leur histoire. Pleine lune après pleine lune, le rituel était le même. Elijam jouait, elle venait à lui, ils parlaient jusqu’à ce qu’elle décide de partir soudainement.
Il sut qu'elle était une des filles de la reine des Fées. Elle aimait se promener aux frontières du monde des hommes et c’est sa musique qui l’avait poussé à franchir le brouillard.
« Pourquoi viens tu ici toutes les nuits de pleine lune ?
-Je cherche à savoir ce qu’il est advenu de ma mère il y a dix ans. »
Il conta son histoire. Partageant sa douleur d’orphelin et le désir de connaître la vérité.
« Je ne peux pas t’aider, lui dit-elle enfin. C’est ainsi.
Puis, une nuit d’été, alors que la lune était encore haute, Elijam osa un baiser, et alors tout changea. L'attente entre les lunes devint insoutenable. Les jours n’étaient là que pour marquer le temps entre leur rendez-vous et son travail s’en ressentit.
Mais chaque nuit de pleine lune était pour lui la plus belle. Sa musique emplissait les bois de mélodies aux sonorités douces et tendres, joyeuses et féeriques. Puis, dans le silence qui suivait, elle était toujours là.
De mois en mois, de nuit en nuit, leur amour grandit, se renforça. Il était pour lui une évidence. Souvent, il lui demanda de venir avec lui, toujours elle refusa. Il proposa alors de la suivre parmi les siens, elle refusa encore. Il ne pouvait venir dans son monde à elle, il n'y avait pas sa place lui dit-elle.
Et la nuit de ses 21 ans, elle lui annonça :
"Je peux venir avec toi mais seulement le temps de 12 lunes. Après je devrai retourner dans mon monde"
Le cœur d'Elijam s'emballa soudain, il la prit dans ses bras, l'embrassa et dansa avec elle sous les étoiles complices.
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