Chapitre 8

Hello,

Je vous souhaite à toutes et à tous de belles fêtes de fin d'année.

Je ne sais pas si je vais continuer à publier des chapitres de manière aussi assidue car je n'ai aucune réaction, aucun commentaire ; je n'ai aucune idée de ce que vous pensez de ces derniers chapitres. J'aime profondément cette histoire, alors je préfère me focaliser sur l'écriture de la suite plutôt que de publier toutes les semaines sans savoir si les chapitres sont lus ou non.

Dans tous les cas, je continuerai de publier la suite mais je ne sais pas à quelle fréquence.

Bonne lecture, et profitez bien de cette fin d'année !

-G

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Lyly resta immobile, les yeux ancrés dans ceux de Laure.

Quoi ?

Il lui fallut quelques secondes avant que l'information ne monte au cerveau et qu'elle ne se repasse la scène dans sa tête. « Je l'ai trouvé ».

Théo. Elle avait trouvé Théo.

- Lyly ? tenta Laure, visiblement mal à l'aise. Tu as entendu ce que je viens de te dire ? J'ai trouvé Théo. Il faut que tu ailles le voir.

Mais Lyly resta silencieuse. Aller le voir, oui, elle le devait, mais elle ne parvenait pas à répondre. Elle se sentait terriblement épuisée.

- Tu vas bien ? s'inquiéta Laure.

- Je sais que je ne devrais pas te dire ça, mais je suis fatiguée, avoua Lyly sans remarquer qu'elle osait enfin tutoyer son « ennemie » de toujours.

Elle soupira longuement et se frotta l'œil droit de fatigue.

- Il s'est passé quelque chose aujourd'hui ? demanda Laure.

La concernée posa son sac sur le sol et s'approcha lentement de Lyly. A la fois hésitante et gênée, elle posa sa main sur l'épaule de la jeune femme et la lui pressa lentement.

- Ce que tu vis avec Théo est pas facile. C'est dur de vivre avec une personne dépressive, de la voir sombrer et de pas pouvoir faire grand-chose. Mais ce que tu fais l'aide beaucoup, j'en suis sûre. Elle hésita et dit, malgré elle. Il a besoin de toi.

- Et comment je suis censée l'aider si je n'arrive pas moi-même à résoudre mes problèmes en ce moment ?

Lyly avait conscience de ce qu'elle était en train de faire. Malgré toute la rancœur et toute la jalousie qu'elle avait toujours ressenti pour Laure, elle ne parvenait pas à cacher ce qu'elle ressentait aujourd'hui.

- Je sais pas ce qui s'est passé, mais tu dois en parler à Théo s'il est pas au courant. Je sais qu'on peut avoir tendance à croire qu'il faut ménager les personnes dépressives, ce qui est vrai dans un sens, mais tu dois aussi lui montrer que rien a changé de ton côté, que tu as toujours besoin de lui dans ta vie. Alors va enfiler une tenue sortable, et suis-moi, je t'amène voir Théo.




Il était là, à une soixantaine de mètres devant elle. Assis dos à elle et aux clients, ses doigts glissaient sur les touches d'un piano à queue en bois qui, visuellement, semblait avoir fait son temps. Installé dans le fond d'un bar à moitié rempli, Théo enchaînait les musiques sans porter attention aux applaudissements ou bien aux personnes qui s'arrêtaient à quelques mètres de lui pour l'écouter.

Laure avait déposé Lyly vingt minutes plus tôt et lui avait conseillé, juste avant de s'en aller, de le rejoindre pendant qu'il en était encore temps. Mais elle n'avait pas encore trouvé le courage de le faire. Ou bien n'avait-elle pas encore voulu le déranger et le sortir de la bulle dans laquelle il était visiblement bien plongé. Le voir enchaîner des musiques qu'elle percevait à la fois lentes, tristes, lancinantes et douloureuses lui faisait atrocement mal au cœur. Il avait déposé son sac en bandoulière sur le côté droit du piano qu'il avait recouvert de sa veste noire et se laissait entraîner par la musique. La mélodie qu'étaient capables d'émettre ces fantastiques touches noires et blanches.

Puis, elle s'était promise de le rejoindre dès qu'il choisirait de faire une pause ou bien irait au bar consommer une boisson avant de se remettre au travail. Au moment où il chercherait dans ses notes ou bien choisirait de laisser reposer ses doigts un court instant, mais Lyly avait très vite compris que cela n'arriverait pas. Pas tout de suite. Car, non seulement Théo ne semblait pas se fatiguer, mais en plus de cela, il n'avait aucun moyen de chercher dans ses notes, puisqu'il n'en possédait aucune. Il n'avait posé ni notes ni partitions devant lui. Tout semblait sortir de son esprit. Ses doigts semblaient prédestinés à glisser sur ces touches. Ils savaient définitivement quoi faire, à quel moment, et pour combien de temps.

Lyly analysa d'un coup d'œil les clients ou bien le jeune couple qui venait de pénétrer dans le bar, et prit une grande inspiration. Elle avança au ralenti vers le comptoir et interpella le barman le plus discrètement possible.

- Vous savez depuis combien de temps le jeune homme fait du piano ?

Le barman posa son torchon sur le rebord du comptoir et observa Théo.

- Je dirais deux heures, plus ou moins.

- Il ne fait jamais de pause ?

- Ça dépend des jours.

Lyly l'interrogea du regard.

- Il vient souvent ici ?

Le barman acquiesça d'un signe de tête et retourna vaquer à ses occupations, laissant Lyly pantoise.

Elle s'adossa au comptoir et observa les doigts de Théo glisser majestueusement sur les touches du clavier afin de faire vibrer les cordes du piano. Après un peu plus de huit mois de relation, ce n'était que maintenant qu'elle découvrait ce talent de Théo.

Où avait-il appris à jouer aussi bien ? En faisait-il souvent avant de la rencontrer ?

Quand elle vit l'heure affichée sur la pendule du bar, Lyly se décida enfin et avança lentement vers Théo d'un pas hésitant. Elle contourna quelques tables, ignora le regard étonné du barman qui la suivait des yeux tout en frottant un verre encore humide, et tenta d'essuyer ses mains moites sur son jean.

Pourquoi était-elle autant stressée ? Parce qu'ils ne s'étaient pas reparlés depuis qu'elle l'avait mis à la porte de la salle de bains ? Parce qu'elle ne savait pas s'il lui en voulait ? Parce qu'elle avait bêtement peur de l'embêter ? Lorsqu'elle arriva à moins de trois mètres de Théo, elle prit la plus grande inspiration qu'il lui ait été donné de prendre et elle avala les quelques mètres qui la séparaient de lui.

De l'homme qui lui manquait terriblement. De l'homme qu'elle avait besoin de revoir à ses côtés.

Théo ne fit pas tout de suite attention à la présence sur sa droite. A vrai dire, il ne semblait pas du tout perturbé par les clients, comme s'il avait l'habitude que des personnes ne viennent se poster aussi près de lui lorsqu'il se mettait à jouer. Ce n'est que lorsqu'il vit une main se poser sur son épaule et qu'il reconnut la bague anti-anxiété que portait Lyly à son index qu'il ôta aussitôt ses doigts des touches du piano, ce qui stoppa brutalement la mélodie dans le bar.

Elle le vit se tourner entièrement vers elle, sans la moindre hésitation, et croisa son regard brun à la fois vitreux et étonné.

- Lyly, laissa-t-il échapper.

Il se redressa aussitôt sur ses jambes et contourna le siège afin de s'arrêter devant sa petite amie. Théo jeta un œil aux clients, perturbé de voir autant de monde présent dans la salle, et reporta son regard sur Lyly, qui semblait éreintée.

- Qu'est-ce que...

- Il faut que je te parle, lâcha-t-elle d'une voix tremblotante.

Elle prit une seconde inspiration pour tenter de noyer son envie de pleurer et se balança nerveusement sur ses pieds. Elle était si heureuse d'avoir retrouvé Théo grâce à l'aide de Laure, mais elle se sentait aussi très nerveuse, ce qui lui valut de jouer avec sa bague. Théo allait probablement bientôt sortir de ses gonds, et c'était la dernière chose qu'elle souhaitait.

- Il faut qu'on parle, rectifia-t-il. Mais tu ne pouvais pas attendre ce soir ?

- Non... Je ne savais pas si tu allais rentrer, avoua-t-elle d'un ton attristé.

- Bien sûr que si, où veux-tu que j'aille ?

- Loin de moi ?

Théo ouvrit de grands yeux d'étonnement.

- Loin de toi ? répéta-t-il, incrédule. Pourquoi je voudrais être loin de toi ?

- Tu as dormi sur le canapé hier... et tu pars pendant des heures sans me dire où tu vas. J'ai l'impression que tu as besoin de t'éloigner de moi, que...

- Bien sûr que non, la coupa-t-il, étonné. Non, bien sûr que non. Je... Il jeta un second coup d'œil dans la salle. Écoute, on va aller parler dehors, d'accord ? Attend.

Il contourna Lyly, attrapa sa veste ainsi que son sac et fit signe à sa petite amie de le suivre. Elle le suivit jusqu'au bar où il alla brièvement saluer le barman et continua de le suivre jusqu'à ce qu'ils arrivent dehors.

- Je suis garé là-bas, indiqua-t-il d'un signe de tête.

Elle resta derrière lui, le cœur battant de nervosité, et monta quelques secondes plus tard à l'avant de la voiture.

Lyly tenta de cacher son inquiétude et observa l'intérieur de la voiture. Cela faisait des semaines qu'elle n'était pas montée, ce qui prouvait une fois de plus à quel point Théo et elle s'étaient éloignés. Plus aucune ballade en amoureux. Plus aucune sortie entre amis. Rien.

- Tu as mis un nouveau parfum, constata-t-elle à mi-voix en respirant l'air de la voiture.

Théo inséra sa clé et tourna le visage vers Lyly, qui ne semblait pas aller très bien.

- Pour hier...

Le concerné sembla réfléchir.

- J'ai merdé, reprit-il. Je voulais juste m'asseoir quelques minutes mais je me suis endormi. Ce n'était pas contre toi, j'étais juste crevé.

- Tu m'aurais rejoint autrement ?

Théo acquiesça d'un vif mouvement de tête.

- Tu m'en veux de t'avoir mis à la porte ? Je m'en suis beaucoup voulue, Théo. Je ne voulais pas. Mais je ne savais pas comment échapper à la conversation, je ne voulais pas parler de travail.

- C'est pour ça que tu m'as rejoint ce soir ? Il hocha la tête. Ce n'était pas la peine... Oui je t'en ai voulu, mais pas longtemps. J'imagine que ta réaction t'a évité de mettre tes nerfs sur moi...

- Je suis tellement désolée, s'empressa-t-elle de dire en se retenant de triturer sa bague. Tellement désolée.

- Laisse tomber.

Quand il fit glisser son regard sur les mains de Lyly et vit qu'elles étaient entrain de trembloter entre ses deux cuisses, il retrouva rapidement ses prunelles vertes et fronça les sourcils.

- Lyly. Qu'est-ce qui se passe ?

- J'ai des choses à te dire, balbutia-t-elle. Des choses qui ne vont pas te plaire. Et j'ai...

- Quoi ?

- Je ne veux pas parler de ça ici, le supplia-t-elle. S'il te plaît, ramène-nous à la maison.





A la plus grande surprise de Lyly, Théo avait obtempéré sans broncher et avait aussitôt mis le contact. Et même s'il n'avait pas prononcé un seul mot sur le chemin du retour, elle n'avait pas pu s'empêcher de l'observer du coin de l'œil afin de tenter de savoir ce qu'il ressentait. Et comme elle avait si bien pu l'imaginer, elle l'avait trouvé nerveux. Et cela n'était rien comparé à la manière dont il allait se sentir après les révélations de Lyly...

Dès qu'ils eurent passé la porte, Théo vit Lyly se précipiter dans la chambre sans prononcer le moindre mot. Il hocha la tête d'incompréhension, complètement perdu, et ôta ses chaussures du bout des pieds. Il posa sa veste ainsi que son sac à l'entrée et avança lentement dans le salon, où Lyly le rejoignit quelques secondes plus tard, un calepin jaune à moitié déchirée entre les mains.

Lyly ne savait plus si cela était une si bonne idée. Certes, elle ne pouvait pas faire marche arrière, et cela allait lui faire du bien de savoir que Théo serait enfin au courant, mais elle appréhendait tellement sa réaction qu'elle ne savait plus si cela était le bon jour pour tout avouer. Peut-être devait-elle attendre demain... Ou le jour d'après...

- Pourquoi tu es allée chercher ce calepin ? demanda-t-il, ce qui la sortit de sa réflexion.

Il tenta de rassembler tous les éléments qui lui trottaient en tête, mais rien ne semblait faire sens. Ce qu'il vivait depuis qu'elle l'avait rejoint dans ce bar était incohérent.

- Tu me promets que tu ne vas pas t'énerver ?

Théo arqua un sourcil de surprise et finit par ricaner nerveusement.

- M'énerver ?

Face au silence de sa petite amie, Théo retrouva aussitôt son sérieux.

- Rassure-moi... Tu ne m'as pas trompé ?

Prononcer ces mots lui déchira le cœur. Tromper. Lyly serait-elle capable de le tromper ? Rien que le fait de l'imaginer avec un autre lui donnait envie de monter dans une rage folle. De vomir. Ils avaient déjà eu une conversation de ce style une fois, Lyly lui avait demandé s'il était possible qu'il la trompe s'ils n'avaient aucune relation sexuelle ensemble. Il lui avait répondu que non, ce qui avait été une réponse à la fois sincère et évidente. Mais il ne l'avait pas demandé à Lyly ce jour-ci, il ne lui avait pas retourné la question, car une fois de plus, la réponse lui avait semblé évidente. A vrai dire, Théo ne s'était jamais imaginé avoir la vie sexuelle qu'il avait aujourd'hui. Inexistante. Elle était foutrement inexistante. Alors oui, peut-être aurait-il dû lui retourner la question.

- Hein ?

Lyly semblait étonnée.

- Mais jamais de la vie ! reprit-elle, offensée.

Théo se sentit soulagé mais continua de la fixer. Même s'il savait maintenant que cela n'avait rien à voir avec une quelconque tromperie, il ne se sentait pas plus avancé. Tout ce qu'il savait était que Lyly était suffisamment touchée par la chose pour trembler d'anxiété, ce qui n'était pas commun.

- Pourquoi je m'énerverais ?

- Il y a des choses que tu ne sais pas... Depuis des semaines.

- Depuis des semaines ?

Lyly ne savait pas comment s'y prendre ni comment lui annoncer. Merde, devait-elle aller droit au but ou bien lui faire comprendre ce qui s'était passé en semant quelques éléments par-ci, par là ?

- J'ai une mise à pied disciplinaire, lâcha-t-elle d'une traite avant de baisser le visage de honte.

Théo resta silencieux. Il chercha une quelconque trace de plaisanterie sur le visage de Lyly, mais elle semblait sérieuse. Trop sérieuse pour que ce soit une blague de mauvais goût.

- Je ne sais pas encore de combien de jours, mais je devrais bientôt le savoir.

- Toi ? dit-il, interloqué. Une mise à pied ?

- Oui... Je me suis battue.

Théo fit de grands yeux et son envie de ricaner nerveusement disparue brutalement au fond de sa gorge. Est-ce que c'était une blague ?

- Tu t'es battue ? répéta-t-il. Toi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

Théo connaissait assez bien Lyly pour savoir qu'elle détestait la violence et préférait fuir plutôt que de faire face à un potentiel danger de ce genre. Lyly ? Se battre ? Insensé ! Pourtant, ce n'était ni le premier avril, ni le moment de plaisanter. Elle ne serait pas venue le rejoindre dans ce bar dans le seul et unique but de blaguer.

Lyly s'avança en vitesse vers Théo, lui péta nerveusement le calepin jaune dans les mains et recula de quelques pas en le regardant.

Décidément, Théo ne comprenait rien de ce qui était en train de se passer. Lorsqu'il vit Lyly s'entortiller les doigts d'anxiété, il baissa les yeux vers le calepin et l'ouvrit lentement. Si ce carnet la mettait dans un tel état, ce n'était pas bon signe.

La première page était encore vierge mais légèrement abîmée, probablement à force d'ouvrir et de refermer ce calepin, ça ne l'étonnait pas. Il tourna la page, la bouche légèrement pâteuse, et vit quelques premières annotations.

Lyly eut l'impression que cela durait une éternité. Voir Théo tourner les pages une à une les sourcils totalement froncés et les doigts maintenant le carnet de plus en plus contractés lui fit légèrement peur. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il était en train de penser, mais cela n'allait probablement pas tarder à arriver.

Lorsqu'elle l'aperçut achever la dernière page remplie de petites annotations, elle ne le vit pas tout de suite relever les yeux. Théo resta un moment de marbre et se contenta de refermer le calepin en silence.

Le calme avant la tempête ? Avait-il réussi à faire sens dans sa tête ?

Lyly attendit qu'il émette un cri ou bien un quelconque commentaire, mais il n'en fut rien. Il resta le regard braqué sur le calepin, comme paralysé.

- Dis quelque chose... murmura-t-elle, le cœur bombardant. S'il te plaît, dis quelque chose...

- C'est qui ce Guillaume ?

Lyly leva les yeux en l'air et se mordilla fortement la lèvre supérieure en la sentant trembloter. La fameuse question qu'elle redoutait. Ce que ça faisait mal d'entendre ce prénom sortir de la bouche de Théo.

- C'est qui ce Guillaume ? répéta-t-il très lentement.

N'entendant pas Lyly répondre, il releva lentement les yeux vers Lyly et la vit fixer le plafond, prête à éclater en sanglots.

- Lyly ! C'est qui ce mec ? hurla-t-il.

- Un collègue, balbutia-t-elle.

Théo serra malgré lui le calepin entre ses mains et contracta ses mâchoires. Il n'avait jamais entendu parler de ce Guillaume. Ni de tous ces putains de propos déplacés. Et même si ses dents lui faisaient désormais un mal de chien à trop les serrer, il continua. La colère bouillonnait en lui. Et il ne savais pas comment faire pour la maintenir au fond de lui. Pour qu'elle n'éclate pas sur Lyly, qui n'avait aucune idée de la personne qu'il était lorsqu'il laissait sa colère ressortir. De quoi il était véritablement capable lorsque la colère crépitait en lui.

- Tu veux démissionner à cause de lui ? mâcha-t-il lentement.

- Ça m'a traversé l'esprit un jour, quand je ne savais plus où j'en étais, expliqua-t-elle d'une voix tremblante.

Elle vit Théo baisser les yeux vers le calepin, le rouvrir et chercher une ligne précise sur la troisième feuille du carnet. Celle soulignée en vert.

- « Il a dit que j'étais passée sous le bureau pour avoir ce travail » lut-il sèchement, « il a dit que j'étais une soumise, que je m'envoyais en l'air avec Théo juste avant d'arriver au travail et qu'il m'en restait au coin des lèvres. Il... »

Théo se stoppa et releva les yeux vers Lyly. Il avait l'air furieux.

- Tu retranscris absolument tout ce que te connard te fait et te dit depuis le début ?

- Théo...

- Mais c'est qui ce mec ! s'énerva-t-il en la fusillant du regard. C'est quoi son poste ? D'où il sort ?

- Théo... tenta-t-elle pour le calmer.

- Depuis quand ça dure cette merde ?

- Quelques semaines, mais...

- Mais merde Lyly ! Des semaines ! s'écria-t-il. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? Qu'est-ce qui t'est passé par le crâne ? Tu disjonctes !

- Mais on ne communique presque pas, toi et moi, se justifia-t-elle rapidement d'une voix tremblante. On se croise dans les pièces, on se parle en coup de vent mais ça fait des lustres qu'on n'a pas pris le temps de communiquer ! Tu as besoin de temps, j'en ai conscience, alors je ne voulais pas te prendre la tête avec mes problèmes...

- Me prendre la tête avec tes problèmes ? Il ricana et jeta aveuglément le calepin sur le canapé avant de la pointer du doigt. T'es dingue, tu n'as pas intérêt à redire une connerie pareille ! On peut gérer ça ensemble, c'était ce qu'on faisait avant, ça n'a jamais changé ! Alors je te le répète, qu'est-ce qui t'est passé par le crâne de me cacher ça ?

- Je ne savais pas comment gérer ça, paniqua-t-elle, les yeux rougis. Et je ne savais pas comment faire pour me sortir de tout ça sans quitter l'entreprise. Depuis que j'ai fait la connaissance de Guillaume, tout a changé au travail. J-je n'arrive plus à me balader sereinement d'une pièce à une autre. Je ne mange même plus dans la salle de déjeuner pour pouvoir l'éviter. Je ne sais plus quoi faire. La seule chose qui m'importait était de te protéger de tout ça, je ne voulais pas qu'il s'en prenne à toi.

- Me protéger de cette merde ? Mais tu plaisantes j'espère ! Je te le démonte, ce mec ! Tu crois quoi, que je ne peux pas me défendre face à un type comme lui ?

Théo serra les poings et se mordilla la langue pour ne pas s'emporter. Inspirer. Expirer. Inspirer. Lentement.

- Théo...

Voir Lyly se frotter les paupières pour ne pas pleurer fit redescendre sa colère d'un cran. Il avait conscience que le seul fautif dans l'histoire était ce foutu Guillaume, mais il en voulait à Lyly de ne pas lui en avoir parlé avant. Il aurait peut-être pu intervenir pour éviter cette mise à pied disciplinaire. Il aurait pu intervenir pour mettre un terme à toute cette merde beaucoup plus rapidement. Il en avait croisé des types de ce genre, il savait de quoi ils étaient capables. Et là-dessus, il avait véritablement un coup d'avance, parce que ces mecs n'avaient absolument aucune idée de ce que Théo était capable de faire. Il avait toujours tenté de laisser sa colère enfouie au fond de lui. Il avait toujours tenté de la laisser là, endormie, dans un coin de son corps. Mais elle venait de se réveiller. Et il savait à quel point toute cette histoire pouvait dégénérer.

- Tu aurais dû me parler de tout ça, dit-il d'un ton qui se voulait plus calme mais qui resta tout de même sec. J'aurais voulu t'aider.

- Je sais.

Théo prit une grande inspiration pour tenter de se calmer et quitta le regard de Lyly. Comment allait-il faire pour garder son calme ? Pour ne pas que Lyly s'en prenne davantage plein la figure ?

- Tu n'as eu aucune remarque aujourd'hui ?

Lyly hocha la tête que si.

- Je n'ai juste pas eu le temps de les noter...

- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? demanda-t-il le plus calmement possible.

Lyly hésita.

- Lyly, insista-t-il amèrement.

- Quand je suis allée manger ce midi il était déjà devant son assiette. Il était seul dans la pièce. Ce n'est que quand je me suis assise à l'autre bout de la table que j'ai reçu une petite cuillère dans le visage. Je lui ai dit qu'il avait un problème, qu'il devait aller se faire soigner et je la lui ai relancé, mais il m'a rétorqué qu'il voulait que je lui parle de ce que j'avais fait sous le bureau pour pouvoir être embauchée. J'ai complètement vrillé, je me suis levée et je l'ai insulté, mais il s'est contenté de continuer et m'a demandé de lui montrer ce que je te faisais le matin avant d'arriver au boulot.

- A moi ?

Lyly acquiesça et baissa la tête, gênée. Elle se sentait à la fois mal à l'aise de lui dévoiler tout cela parce que cela faisait des lustres que Théo et elle ne se touchaient plus alors que ça avait toujours été plus ou moins important pour Théo, mais également gênée parce que cela allait rappeler à Théo ce que sa dépression engendrait sur leur couple. Un éloignement... Une perte d'envie...Moins de communication...

- Ce mec me crache sur le dos depuis des semaines, te fait des allusions sexuelles et tu ne me dis rien ?

Lyly se prit le visage entre les mains, dépassée.

- Je vais le massacrer.

- Non, laisse tomber, Théo. Je vais me débrouiller...

- Te débrouiller ? Mais tu as une mise à pied, putain ! Si tu n'es pas virée, tu auras certainement un rappel à l'ordre, tout comme ce connard, et rien ne dit qu'il arrêtera ses conneries ! Tu attends quoi, qu'il te demande de faire des démonstrations sur lui ? Qu'il te chope par derrière et qu'il te tripote comme le gros porc qu'il est ?

- Théo...

- Je vais régler ça.

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