Chapitre 2
Lyly avait ruminé toute la soirée. Tout compte fait, ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça d'aller à cette fête, si ? N'y allait-il pas avoir cette sorte de gène qui allait mettre mal à l'aise le reste du groupe ? Elle soupira. Elle avait prévu d'enfiler sa robe préférée, mais plus elle y pensait, et plus elle pensait à faire marche arrière. Au pire des cas, il n'était pas obligatoire de rester durant toute la fête, si ?
- Alors, t'as pu te libérer ma poule ?
Lyly sortit précipitamment de ses pensées et se tourna vers Suzanne qui prenait place sur la chaise d'à côté.
- Non, grimaça Lyly, je ne vais vraiment pas pouvoir venir ce soir avec vous...
- Oh non ! se lamenta-t-elle. Sérieux ?
Suzanne semblait vraiment déçue.
- Oui... Mais une autre fois !
- Tu veux dire que je vais devoir supporter Jacob toute la soirée ? Malheur ! Tu crois que je peux simuler un début de grippe ?
Lyly pouffa.
- Je crois que c'est un peu tard là, la journée de travail est presque terminée.
- Pitié ! Ou écrase-moi avec ta voiture ! Je te jure que je te revaudrai ça !
Lyly explosa de rire.
- Mais Jacob n'est pas si horrible que ça ! Il est attachant, dans son genre...
- Attachiant, tu veux dire. Quand il commence à parler, il arrête pas. Une vraie pipelette.
- C'est clair qu'il a un sacré débit. La semaine dernière il a parlé avec la dame de l'entretien pendant vingt bonnes minutes, elle saturait, la pauvre. Depuis, j'ai remarqué qu'elle évite son bureau quand il est là, ou qu'elle change de chemin quand il arrive vers elle.
Suzanne rigola.
- Sérieux ? Oh la vache, faut que j'analyse ça !
- Si elle te répond vite fait quand tu essayes de faire la conversation avec elle, ne cherche pas plus loin, tu sais pourquoi.
- Heureusement que mon bureau se trouve pas à côté du sien, autrement j'aurais déjà sauté par la fenêtre.
- En même temps on est au rez-de-chaussée, ce n'est pas si haut que ça. Donc je ne pense pas que tu prendrais un très grand risque en sautant d'ici, plaisanta Lyly.
- Sauf si tu démarres au même moment et que tu me roules dessus !
- Tu es complètement malade.
Les deux collègues explosèrent de rire ensemble.
- Plus sérieusement, ça me fait chier que tu viennes pas. Mais je te prends aux mots, tu as intérêt à être là au prochain repas. C'est le deuxième que tu loupes !
- Tu me raconteras ce que Jacob t'aura dit, la taquina Lyly.
Suzanne la fusilla gentiment des yeux.
- Sale peste, va.
Lyly approchait doucement de la maison. D'après ce qu'elle voyait dans le ciel, le soleil n'allait pas tarder à se coucher. Elle jeta un œil à sa montre, distraite, et soupira en voyant l'heure. Dix-neuf heures. Elle n'avait pas vu le temps passer avec ses collègues. Même si elle n'était pas restée à la fête avec Suzanne, elle avait quand même tenu à rester un moment afin de les aider à déposer les divers amuses bouches et boissons sur les longues tables en bois rectangulaires déplacées pour l'occasion dans le couloir de l'entrée principale.
Elle suivit des yeux de jeunes enfants en train de courir le long du trottoir, se rangea le long d'une boulangerie à la façade rosée pour les laisser passer avec leurs longues épées en plastique, et reprit sa marche. Elle se sentait légèrement inquiète. Cela faisait très longtemps qu'ils ne s'étaient pas tous réunis dans la même pièce pour faire la fête et discuter. Pas depuis l'accident. Alors comment John allait-il pouvoir faire pour mettre l'ambiance et mettre tout le monde à l'aise ? Allait-elle parvenir à faire ce qu'elle leur avait promis ?
Lyly sortit le trousseau de clés de sa poche et ouvrit la porte d'entrée de la maisonnette blanche en quelques secondes. Elle poussa la porte derrière elle, se défit de sa veste et de ses chaussures, et alla poser son sac dans la chambre.
Pas un bruit ne provenait de la maison. Seuls les quelques klaxons de l'extérieur parvenaient à s'infiltrer à l'intérieur de l'habitation, et de ce fait à briser le silence dans laquelle la maisonnette était plongée. Lyly alla chercher une petite bouteille d'eau dans le réfrigérateur, pensive, en avala quelques gorgées, et resta plantée devant la portière lorsque ses yeux s'arrêtèrent sur la photo maintenue sur la porte du congélateur grâce à un petit aimant ovale de couleur rouge.
Un nœud s'inséra immédiatement dans sa gorge. Elle leva lentement le bras et la décrocha lentement sans la lâcher des yeux. Ils avaient pris cette photo un soir, devant la télévision, quelques jours avant que Lyly ne vienne annoncer à Théo qu'elle comptait se rendre dans la ville d'Anne. Ce soir-là, ils avaient ri. Beaucoup. Tellement que Lyly avait fini par renverser son thé glacé sur le tapis du salon et sur une partie du jean de Théo. Souhaitant au premier abord immortaliser les bêtises de Lyly dans une vidéo, Théo avait fini par la prendre en photo, puis à se prendre avec elle. Il avait glissé sa main derrière l'épaule de Lyly qui n'en finissait pas de rire, l'avait attiré vers lui en souriant et avait appuyé sur l'écran de son téléphone pour capturer leur moment de bonheur. Il lui était impossible de compter le nombre de fous rires qu'ils avaient pu avoir ensemble. Sa rencontre avec lui avait littéralement illuminé sa vie. Tout avait eu bien plus de sens à ses côtés. Bien plus de saveur.
Il n'y avait pas un jour où il ne lui avait pas partagé son savoir, ses connaissances. Et même s'ils avaient connu quelques moins bons moments, ils avaient toujours tout donné pour essayer de se rattraper, pour prouver que leur relation n'était pas qu'une simple amourette de passage.
Les yeux de Théo brillaient de bonheur sur cette photographie. Un bonheur qui lui semblait à la fois si proche et si lointain désormais. Et pourtant, cela ne faisait que six mois. Six petits mois... Elle déglutit difficilement et remit la photo à sa place. Même si elle se trouvait sur cette porte depuis des mois, elle n'était jamais parvenue à prendre le temps de l'admirer. Ou peut-être n'avait-elle jamais eu le courage de voir ce qu'elle avait perdu ce jour-là, dans l'hôtel. Après cette bagarre mortelle qui avait fait couler beaucoup trop de sang, et beaucoup trop de larmes.
Ils avaient été heureux. Mais ce n'était que maintenant qu'elle s'en rendait véritablement compte. Ils l'avaient été.
Lorsqu'elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir puis se refermer, elle tenta de reprendre ses esprits aussi vite que possible, rangea la bouteille dans le réfrigérateur et sortit de la cuisine. Ses chaussures étaient bien à l'entrée, tout comme sa veste. Elle jeta un vif coup d'œil dans le salon et avança vers la chambre. Personne. Elle fronça légèrement les sourcils, intriguée, et se dirigea vers le bureau. Quand elle l'aperçut de dos, agenouillé et penché sur son sac, elle soupira discrètement de soulagement.
- Hey.
Il jeta un rapide coup d'œil derrière lui et se remit à chercher dans son sac.
- Hey.
- Qu'est-ce que tu cherches ?
- Des feuilles que j'ai à remplir ce soir.
- Ce soir ? demanda-t-elle, étonnée.
Lyly se retint de froncer les sourcils et avança vers lui. Elle s'arrêta près du bureau, en face du sac de l'enseignant, ce qui le força à lever les yeux vers elle.
- Oui, ce soir.
- Non, pas ce soir, Théo... Tu sais très bien qu'on ne sera pas là.
Il se redressa.
- Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas y aller.
- J'ai promis à Ashley et John qu'on serait là. S'il te plaît, le supplia-t-elle.
Le concerné la fixa, le regard à la fois vide et épuisé.
- On ne restera pas longtemps. Ils ont besoin de te voir, ça fait tellement longtemps que tu ne les as pas vu... Sans parler de John. Tu manques beaucoup à John...
- Non, Lyly.
- Ça fait des mois qu'on refuse leurs invitations. On a même loupé l'anniversaire qu'ils t'avaient organisé pour tes trente ans.
- J'avais aussi dit non pour ça, soupira-t-il de lassitude.
Lyly resta les bras ballants, silencieuse.
Elle ne savait plus comment faire. L'ancien regard de Théo qu'elle avait perçu plus tôt sur la photo n'était plus, ce qui lui donnait littéralement envie de pleurer. Cette joie, ce pétillement au fond de ses prunelles brunes. Tout avait disparu. Elle n'avait plus qu'une paire de yeux vitreux face à elle, qui la scrutait, en l'attente d'une capitulation de sa part. Ce qu'elle finissait toujours par faire face aux refus catégoriques de Théo lorsqu'il s'agissait de sortir voir du monde.
- Si tu acceptes de venir avec moi, tu seras tranquille pour des mois, tenta-t-elle.
- Je n'ai pas envie, persista-t-il.
- Mais pourquoi ?
- Je n'ai pas envie de faire semblant, lâcha-t-il, malgré lui.
A ces mots, la concernée se mura dans le silence.
Faire semblant. C'était ce qu'il avait fait pendant deux mois. Après que Théo ait perdu conscience sur le sol de l'hôtel, Lyly n'était pas parvenue à arrêter de pleurer. Elle avait continué, encore et encore, sans relâche, presque agrippée au corps de Théo qu'elle pensait avoir perdu pour de bon. L'arrivée des secours n'avait rien arrangé, et encore moins lorsqu'elle avait dû se séparer de lui pour que les médecins le mènent à toute vitesse vers l'unité des soins intensifs.
A leur retour chez Théo plusieurs semaines après sa sortie de l'hôpital et le jugement, il avait fait semblant de rien. Il avait continué de parler, de sortir, il avait repris ses habitudes comme si de rien n'était. Lyly s'était même sentie perturbée par ce comportement solaire, intouchable, surtout après tout ce qui venait de se passer et tout ce qu'il avait dû endurer. Il avait affirmé que tout allait bien, avait passé sous silence sa cicatrice, et avait montré qu'il n'y avait pas de raison de s'inquiéter pour lui.
Puis du jour au lendemain, tout était retombé. Comme une bombe à retardement, Théo s'était métamorphosé, et Lyly ne l'avait plus reconnu. Il ne parvenait plus à se lever avant treize heures, et cela même s'il se couchait tôt le soir ; n'avait plus aucun appétit et s'était brutalement coupé de tous, sauf de Lyly, qui vivait bien plus chez Théo que chez sa cousine désormais. Il avait annulé tous ses rendez-vous, avait décliné toutes les invitations de John et Justin, et avait arrêté de courir. Il avait perdu un peu de poids et n'avait plus touché à son téléphone, sauf pour répondre à Tô Tâm et Pascal une fois sur dix, à qui il cachait son jeu et prétendait que tout allait pour le mieux.
Le médecin généraliste de Théo lui avait diagnostiqué une dépression sévère, mais jusque-là, Théo n'était pas parvenu à le prononcer, ni même à le croire réellement. Lui, en dépression ? Sévère ? C'était insensé. Même s'il se sentait différent, il ne pouvait pas être autant dépressif. Pas lui. Pas encore.
Depuis leur retour, elle n'était pas parvenue à le faire parler de ce qui s'était passé à l'hôtel. Ni John, ni Ashley n'étaient au courant de ce qui était véritablement arrivé là-bas, et par compassion pour Théo, Lyly n'en avait jamais parlé non plus. Sauf à son psychologue, qui avait recommandé certains de ses confrères à Théo. Malheureusement, il n'avait continué avec aucun d'entre eux, et monsieur Kurmin s'était retrouvé à court de recommandations.
Pourtant, même si Théo semblait autant absent que désintéressé, l'amour qu'il ressentait pour Lyly n'avait pas changé. Il se sentait chanceux de l'avoir à ses côtés, et Dieu seul sait ce qu'il lui serait arrivé s'il s'était retrouvé seul après tous ces événements... Il n'aurait pas eu le courage de continuer, pas avec ce qu'il ressentait depuis des mois, ou bien ne ressentait plus, justement.
Et aujourd'hui, même s'il semblait déprimé, il ne pouvait pas ne pas voir la tristesse au fond des yeux de Lyly. Il se sentait à la fois coupable et innocent. Oui, il aurait pu faire un effort, mais en même temps, il n'avait rien demandé à personne. Il voulait juste rester chez lui, en paix. Toute interaction sociale avec ses amis allait le fatiguer, allait lui pomper le peu d'énergie qu'il avait en lui, il le savait.
- Je vois du monde, je vais à la fac tous les jours, expliqua-t-il. Je n'étais pas pour cette fête, je te l'avais déjà dit. Merci d'avoir essayé. Mais c'est non, je préfère rester ici.
- Je ne te parle pas de voir tes élèves, je te parle de voir tes amis... Ça fait des mois que tu les fuis. Je sais que c'est compliqué pour toi, mais...
- Non, tu n'en sais rien, la coupa-t-il.
Au regard de Lyly, Théo comprit qu'il avait été trop brutal. Trop cassant. Il ferma les yeux et expira doucement afin de tenter de se calmer. Lorsqu'il les rouvrit, il vit Lyly le contourner, l'air blessé.
- Ly... Tu vas où ?
Elle s'arrêta et se retourna. Si elle s'était écoutée, elle aurait pris son manteau et serait partie faire un tour pour s'aérer l'esprit ; pour prendre du recul sur la situation afin de ne pas hausser le ton sur Théo. Mais elle savait très bien qu'il n'était pas dans son état normal. Qu'il avait besoin d'elle, même s'il ne le démontrait pas. Au moins, elle avait essayé...
- Prévenir Ashley.
Théo ne bougea pas. Il resta à la fixer, les bras le long du corps. Que pouvait-il répondre à cela ? Merci ? Merci de toujours annuler tout ce que tu prévois pour moi ? Merci de ne pas t'en aller ? Merci de ne pas te fâcher et de ne pas fuir à la première occasion pour ne plus avoir à vivre avec une épave comme moi ? Merci de ne pas m'en vouloir de ne plus parvenir à te combler ?
Lyly s'approcha doucement et s'arrêta à moins d'un mètre de Théo, le regard ancré dans le sien. Il semblait si démuni. Si rongé de culpabilité qu'elle ne pouvait pas le laisser en plan au milieu de la pièce. Le voir dans un tel état lui faisait terriblement mal.
- Je ne partirai pas, Théo.
Elle leva le bras et fit glisser sa paume de main contre la joue légèrement creusée de son petit ami.
- Je sais que tu fais de ton mieux. Je ne t'en veux pas.
Elle déposa un chaste baiser sur sa joue désormais libérée et sortit de la pièce pour appeler Ashley.
Le lendemain midi, Lyly rejoignit Fabio dans un petit restaurant du centre-ville dans lequel il les avait invité tous les deux, quelques semaines plus tôt. Non sans surprise, Théo avait décliné l'invitation, et c'était seule que Fabio avait vu Lyly pénétrer dans le restaurant. Dès qu'elle l'eut enfin rejoint, il la prit dans ses bras, rassuré qu'elle ait fait le choix de venir, et il reprit place sur sa chaise, pendant que sa fille se défaisait de sa veste.
- Tu vas bien ?
Fabio acquiesça d'un signe de tête, les yeux plantés sur sa fille. Elle semblait à la fois rayonnante et exténuée.
- Et toi ? Et Théo ? Comment il va ?
Lyly s'assit à sa chaise et releva les yeux vers son père qui la fixait d'un air visiblement inquiet. Lui au moins osait dire les choses. On ne lui demandait pas comment sa journée se passait, on lui demandait comment ils allaient, point.
- On fait de notre mieux.
- Il ne se livre pas à toi ?
- Pas vraiment.
Un serveur vint apporter le menu et s'éclipsa trois rangées plus loin.
Lyly ne s'était jamais étendue sur le sujet avec son père. Certes, elle lui avait avoué que Théo ne se sentait pas bien et que cela avait un lien avec le meurtre de Rudy, le frère de Ludo. Elle lui avait également appris que son état n'allait pas en s'arrangeant, mais elle ne lui avait pas avoué le diagnostic que leur médecin avait posé.
- Tu as essayé d'en parler avec lui ?
- Au départ oui, mais il esquivait le sujet ou ne répondait pas.
- Ça lui ressemble d'agir comme ça ?
- Pas du tout.
Fabio hocha la tête de compréhension et ils jetèrent tous deux un œil au menu en silence. Lorsque le serveur revint à leur table quelques instants plus tard, ils communiquèrent rapidement leurs choix et attendirent qu'il soit assez éloigné pour reprendre leur conversation.
-Tu sais, je ne t'en ai jamais parlé, hésita-t-il, mais quand on s'est séparés ta mère et moi, je l'ai très mal vécu... J'aimais profondément ta mère. Et j'ai eu beaucoup de mal à mettre des mots sur ce que je ressentais, je pensais qu'on ne me comprendrait pas, alors je n'en parlais à personne. Je savais que c'était le bon choix, que je ne pouvais pas pardonner ses tromperies, mais je m'en voulais aussi de mettre un terme à la relation avec ta mère que j'aimais. J'aurais tout fait pour elle. Je n'avais pas imaginé un seul instant pouvoir vivre sans elle. Et quand elle a décidé de m'enlever de toi, quand elle a disparu avec toi et Ludo, je ne savais plus quoi faire de ma vie. Je me sentais totalement dépassé, perdu, triste. J'étais en colère et je me sentais terriblement trahi. J'en voulais à tout le monde de ne pas m'avoir aidé, de ne pas avoir bougé le petit doigt pour m'aider à te retrouver. Et je me suis encore plus renfermé sur moi. Quand quelqu'un me parlait, j'avais envie de l'envoyer balader, je ne voulais plus parler à personne. Je ne savais pas quoi faire de ma colère, et j'avais peur que ça finisse par éclater sur quelqu'un, alors je la gardais pour moi.
- Et comment tu as fait pour te sentir un peu mieux ?
- Je ne suis jamais passé à autre chose, mais ma colère s'est peu à peu calmée. Au départ je ne parvenais plus à penser raisonnablement, mais avec le temps, beaucoup de temps, insista-t-il, c'est revenu. Mes idées devenaient plus claires. Je ne parvenais toujours pas à expliquer à mes proches ce que je ressentais, je me sentais toujours aussi triste, mais je sentais que le temps m'avait aidé. Des amis à moi m'ont forcé à sortir, j'ai rencontré du monde, et ça m'a permis de reprendre le dessus.
- Si tu devais expliquer ce qui t'avait le plus aidé, tu dirais quoi exactement ? Peut-être le temps ?
Fabio fit une petit moue dubitative et croisa ses bras sur la table.
- Pas seulement le temps. C'est l'ensemble qui m'a aidé. Oui, on m'a laissé le temps nécessaire, j'ai pu prendre du temps pour moi, me recentrer sur moi, mais mes proches aussi m'ont aidé. Les interactions. Le fait de ne pas rester chez moi à tout bout de champ. J'avais besoin de prendre l'air, d'occuper mon esprit à faire autre chose que ruminer. Ça ne marche pas pour tout le monde, certes, mais moi ça m'a aidé. Je ne savais pas que j'avais besoin de sortir, ce n'est qu'après que je m'en suis rendu compte.
Lyly approuva d'un signe de tête.
- Je ne savais pas que tu avais ressenti tout ça. Je veux dire, à propos de maman, de moi... Ça a dû être très dur à vivre pour toi.
- Pour toi aussi ça l'a été. Et tu étais bien trop jeune pour comprendre que je ne t'aurais jamais laissé tomber.
- C'est vrai...
Lyly crut apercevoir un serveur venir leur apporter leur repas, mais celui-ci tourna au dernier moment et vint déposer trois assiettes à un groupe de jeunes, probablement des étudiants. Elle attrapa sa serviette de table et la déplia en deux.
- Je ne sais pas ce que ressent Théo, avoua-t-elle, à mi-voix. Parfois j'ai l'impression qu'il n'a besoin de personne, et parfois j'ai l'impression de lui être totalement nécessaire. Je ressens qu'il fait des efforts, surtout quand il me rembarre et qu'il tente de se rattraper, même si ça reste parfois maladroit. Je ne sais pas, j'ai l'impression que plein de choses se battent dans sa tête, et qu'il ne parvient pas à prendre le dessus.
- Il ne t'a jamais reparlé de Rudy ?
- Jamais.
Fabio acquiesça, l'air sérieux.
- La situation a échappé à tout le monde... Je ne pensais pas que Rudy tenterait de venir vous faire du mal, pas à ce point, pas maintenant.
- Le fait que maman nous dévoile les activités de Ludo et son frère a sûrement accéléré les choses... Et je crois que le fait qu'on ne sache pas où est Ludo n'aide pas. Il a totalement disparu.
- Même le détective que j'avais engagé n'est pas parvenu à le retrouver... Il fronça soudainement les sourcils. Tu crois que je pourrais le voir ?
Lyly l'interrogea du regard.
- Qui ? Théo ?
- Oui. Peut-être que ça lui fera quelque chose de me voir.
- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée... Théo a beaucoup de rancœur envers toi.
- Justement ! Peut-être qu'il me sautera dessus pour me refaire le portrait. Ça débloquera peut-être quelque chose en lui.
Lyly hocha la tête que non.
- Je ne préfère pas. Il m'en voudra, et je ne veux pas. On a besoin l'un de l'autre. Et encore plus maintenant.
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