Chapitre 2 : Ténèbres


Cassandre..., chuchota une voix. Cassandre...

Cassandre ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans un lieu inconnu, fait de brume et de ténèbres. Elle fronça les sourcils.

Où suis-je ? demanda-t-elle, perdue.

Dans ton esprit...

La jeune fille sursauta.

Qui êtes-vous ?

Je sais comment t'aider...

La voix semblait venir de nulle part et partout à la fois. Cassandre avait affreusement mal à la tête.

Qu'est-ce que vous me voulez ?

Je veux t'aider...

M'aider ?

Je sais pourquoi tu es comme ça...

Au prix d'un immense effort, Cassandre s'arracha à cette voix hypnotique, et s'exclama :

Je n'ai pas besoin de votre aide !

Un son étrange résonna dans l'obscurité, comme si la voix éclatait de rire. Ce n'était pas joyeux, c'était sombre, et Cassandre avait peur. Elle se retourna, et courut à perdre haleine. Le rire rauque résonna à nouveau.

Tu ne peux pas m'échapper, Cassandre... Tu penses être courageuse, mais ce n'est pas vrai... Tu fuis sans arrêt. Fais avec ce que tu es. Je peux t'aider. Laisse-moi t'aider...

Jamais ! hurla-t-elle.

Tout s'assombrit en une seconde. Les ténèbres s'enroulèrent lentement autour de Cassandre. Elle se rendit compte que ses: marques...saignaient. Un liquide noir et épais coulait de ses bras jusqu'au sol, formant une flaque. Elle arracha ses mains à l'obscurité dans un cri et trébucha en reculant.

Arrêtez !

Tu te fais mal toute seule..., répondit la voix avec un mépris à peine voilé. Je peux faire disparaître ces marques...

Cassandre se figea.

Comment ?

Il me faudra quelque chose en échange. Je voudrai que tu fasses quelque chose pour moi. Tu veux bien ?

Cassandre commença à hocher la tête, puis changea d'avis.

Je ne veux pas de votre aide, répéta-t-elle.

Bien sûr que si, siffla-t-il. Tu veux pouvoir vivre normalement, comme les autres... Tu veux avoir une famille, être aimée...

Stop ! cria Cassandre, les paumes devant elle comme pour repousser cette étrange voix qui avait l'air de tout savoir d'elle.

Le rire éclata à nouveau.

Je sais tout de toi, Cassandre, lança la voix. Nous avons la même conversation depuis plus de quinze ans... Tu ne peux pas m'échapper...

Quinze ans ? Cassandre recula encore.

Si j'ai toujours dit non jusqu'à maintenant, c'est que j'avais une bonne raison de le faire. Alors, c'est toujours...

La terre trembla sous ses pieds. La terre ? Il n'y avait pas de sol...

Tu oses refuser encore une fois ? tonna la voix.

Oui.

Le monde se déchira. Des mains l'attrapèrent brutalement par les épaules.

Bientôt, tu diras oui, tu verras.

La brume se figea puis se brisa comme du verre, des milliers d'éclats tranchants tombant au sol. Cassandre vacilla, puis perdit pied.

Trouve la Clé, trouve la Clé... Avant lui... Il te fera du mal... Trouve la Clé...

Des rubans dorés s'enroulèrent autour de Cassandre. Après les ténèbres glaciales, ce contact chaleureux était le bienvenu. Des voix chantaient partout, répétant la même chose à tour de rôle. Un rugissement sourd résonna dans le lointain. C'était la voix, et elle avait l'air furieuse.

Va-t'en. Fuis.

Fuis. Fuis. Fuis. Des mains poussèrent la jeune fille loin de la chaleur, loin de la sensation de protection. Elle courut encore, fuyant la voix qui criait de rage. Ce qu'elle savait faire de mieux. Et elle tomba, tomba, tomba, et...

Cassandre se réveilla en sursaut dans le grenier, le cœur battant à tout rompre. Elle était toujours roulée en boule dans un coin, contre la poutre. La jeune fille repoussa les mèches humides de sueur de son front en expirant profondément. Puis elle se leva pour jeter un coup d'œil dehors, à travers la lucarne. Il faisait encore nuit, mais l'horizon commençait à se parer de rose et de doré. Les premières lueurs de l'aube..., songea Cassandre en appuyant son menton sur sa main pour observer le spectacle. Savoir qu'il allait bientôt faire jour la rassurait. Après ce monde sombre qu'elle venait de quitter dans ses cauchemars, voir des couleurs chaudes la rassurait grandement.

Le maigre sourire de Cassandre se figea lorsqu'elle se rappela qu'on était dimanche. Ce soir-là, elle devrait rejoindre la directrice dans le sous-sol glacial, pour subir une nouvelle séance d'expériences. Cette pensée lui donna la nausée, mais elle déglutit après s'être couverte la bouche d'une main.

— Reste calme, reste calme..., se murmura-t-elle à elle-même.

Son regard tomba sur ses bras dénudés. Ou, plus exactement, sur les entrelacs de fils noirs qui zébraient sa peau pâle. Cassandre aurait pu dire oui à cette voix, cette nuit-là. Elle aurait pu dire oui à tout moment depuis des années. Mais quelque chose la retenait. Et ces voix qui lui conseillaient de fuir ne l'aidaient pas. Cette voix avait-elle raison ? Pouvait-elle l'aider ? Mais qui se cachait derrière cette mystérieuse voix ? Et de quelle Clé ces voix parlaient-elles ? Cassandre ne pouvait poser de questions à personne. En fait, la jeune fille ne pouvait pas même parler à qui que ce soit. Elle se sentait très seule depuis toujours mais aujourd'hui, plus seule que jamais.


🗝️🔮🗝️🔮🗝️

Le soir était arrivé après une matinée passée à l'église et un après-midi gris où Cassandre était restée cloitrée dans le grenier en regardant les autres enfants jouer à la marelle ou à la corde à sauter dehors. La jeune fille avait interdiction de se mêler aux autres, sauf pour aller à l'église. Elle n'avait le droit de toucher personne, de ne parler à personne. Et personne n'avait le droit d'engager une conversation avec elle. Mais qui le voudrait ? Elle était juste...un monstre.

Le dimanche soir, Cassandre n'avait pas le droit de manger, interdiction de la directrice. Mais Cassandre avait l'habitude, et contrôlait sa faim. Son ventre ne grondait plus si elle sautait un repas, ou même plusieurs dans la journée. Elle avait très souvent été privée de nourriture en guise de punition. Et le pire dans tout cela, c'était que la jeune fille pensait mériter ce que la directrice lui infligeait.

La cloche sonna, annonçant le début du repas. C'était le seul moyen pour Cassandre de savoir quelle heure il était. Elle n'avait pas le droit de descendre pendant la journée pour se mêler aux autres ou regarder l'horloge dans le hall, sauf si la directrice l'y autorisait, ce qui arrivait rarement.

Dans une heure et vingt-sept minutes exactement, Cassandre pourrait descendre, car tout le monde aurait fini de manger et serait remonté dans les dortoirs. Il fallait deux minutes et cinquante-trois secondes pour descendre jusqu'à la salle du sous-sol. Pour remonter...c'était une autre histoire. Cela dépendait de la directrice. Parfois, elle enfermait Cassandre dans le sous-sol humide pendant trois ou quatre jours. Pendant ces moments-là, la jeune fille pensait devenir folle.

Mais Cassandre n'en voulait pas à la directrice de la traiter ainsi. Le traitement qu'elle recevait était tout à fait normal, selon elle. Elle était différente des autres. Elle était bizarre. Elle faisait chaque nuit des rêves étranges.

Ses bras recouverts de marques noires annonçaient simplement une vérité cruelle : elle était un monstre, et devait être traitée comme tel.

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