xv. Insomnie
Le soir, un grand festin est organisé pour fêter le sauvetage d'Edmund. J'y participe avec plaisir, heureuse pour mon ami. Mais je vois bien qu'Aslan n'est pas dans le même état que d'habitude. Et j'en ai un pincement au cœur.
Bien que la fête ne soit pas terminée, je m'éclipse dans notre tente pour me coucher. Pourtant, je me tourne et me retourne dans mon lit sans parvenir à trouver le sommeil. Je me doute bien que l'état d'Aslan vient de son entrevue privée avec la sorcière, mais que se sont-ils dit pour que cela l'affecte autant, au point qu'il ne puisse plus faire semblant ?
Bien que j'y réfléchisse calmement et profondément, toutes ces inquiétudes ne m'apportent qu'une seule chose : un énorme mal de tête.
Au bout d'un certain moment, Susan et Lucy viennent me rejoindre. Elles chuchotent entre elles, ne voulant sûrement pas me réveiller. Je me redresse sur ma couchette. Leurs visages se tourne vers moi.
— Oh, pardon Aby, nous t'avons réveillé ? me demande Susan.
— Non, je la rassure. Je ne dormais pas.
Elle hoche la tête, lèvres pincées, et s'assoit sur son lit. Lucy prend place à côté d'elle.
— C'était une drôle de soirée, dit alors Susan.
— Oui, confirme Lucy. Ce n'était pas vraiment la même ambiance...
Je pense deviner d'où vient toute cette préoccupation.
— À cause d'Aslan... ? je demande.
— Oui, répond Lucy. Tu l'as remarqué aussi ?
J'hoche tristement la tête.
— Je ne sais pas ce qui se passe... Il est comme ça depuis que la Sorcière est repartie. Cela m'inquiète.
— Moi aussi... soupire Lucy.
— On ferait mieux de dormir... conseille Susan. Comme on dit, la nuit porte conseil. Si Aslan ne va pas mieux demain, on ira le voir et lui demander ce qui ne va pas.
— D'accord, nous répondons en chœur avec Lucy.
Je me rallonge sur mon lit, un bras derrière la tête et l'autre négligemment posé sur mon ventre. Je ne parviens pas à fermer les yeux. Toutes ces préoccupations au sujet d'Aslan ont fait apparaître d'autres questions dans mon esprit.
En réalité, que faisons-nous là ?
Pourquoi nous et pas d'autres ?
Serons-nous à la hauteur du peuple de Narnia ?
Est-il possible que nous y laissions notre vie ?...
Tant de questions auxquelles personne n'avait de réponses. À l'en croire les dires du Grand Lion, celles-ci se présenteront à nous lorsque nous nous y attendrons le moins.
Plus tard dans la nuit, alors que je ne dors toujours pas, j'entends des pas feutrés s'approcher de notre tente. Je me redresse subitement, tendant l'oreille. Je plisse les yeux pour tenter d'apercevoir quelque chose dans la pénombre. Je vois seulement une ombre passer près de notre dortoir, l'ombre d'Aslan. Intriguée, je me lève et vais regarder discrètement à l'extérieur. Celui-ci se dirige vers la forêt.
— Aby ? m'appelle une petite voix derrière moi, me faisant sursauter.
Je me retourne brusquement vers Lucy, qui se tient debout derrière moi, se tordant les mains.
— Tu m'as fait peur, je chuchote. Qu'est-ce qu'il y a ?
— Où se rend Aslan ?
Mon visage se décompose. Je regarde une nouvelle fois à travers l'entrée, soulevant légèrement le tissu, et me tourne vers Lucy.
— Je n'en sais rien. Je vais essayer d'aller voir. Ne bouge pas, d'accord ?
Lucy hoche la tête. Je jette ma cape sur mes épaules. À pas de loups, je sors de la tente et suis le chemin qu'Aslan a prit il y a quelques secondes. Je tente de me faire discrète, je vérifie sans arrêt où je pose mes pieds pour être sûre de ne pas écraser de brindilles ou de tas de feuilles mortes qui me trahiraient dans ma filature.
Aslan s'enfonce dans la forêt. Il a la démarche lourde et la tête basse, ce qui me conforte dans mon idée de départ : quelque chose se trame, et à mon avis ce n'est pas quelque chose qui jouera en ma faveur.
Je suis le lion dans ses pas, de cachettes en cachettes. Soudain, j'entends du bruit derrière moi. Un frisson parcoure mon échine et je me retourne lentement. Je découvre alors Susan et Lucy, vêtues de leur cape, essayant de se dérober à ma vue.
— Que faites-vous là ?! je demande à voix basse.
Lucy baisse la tête.
— J'avais peur qu'il ne t'arrive quelque chose, me dit-elle. Alors j'ai réveillé Susan et nous t'avons suivi.
— ... D'accord. Suivez-moi, mais restez discrètes.
Je tourne les talons pour reprendre mon pistage mais je me pétrifie devant les yeux ambrés d'Aslan qui me fixent sans ciller. Je ne bouge plus, par réflexe. Le Lion lâche un profond soupir.
— Ne devriez-vous pas être au lit, toutes les trois ?
J'ouvre la bouche sans cependant savoir ce que je vais bien pouvoir dire. Lucy me devance :
— On n'arrive pas à dormir.
Les deux Pevensie s'approchent et s'arrêtent à mon niveau.
— S'il vous plaît, Aslan... Peut-on venir avec vous ? demande Susan.
— Je serais ravi de faire quelques pas en votre compagnie, répond Aslan poliment, bien que je vois que c'est à contrecœur. Merci.
Lucy et Susan n'attendent pas plus longtemps pour venir se placer à côté du Lion. Quant à moi, j'hésite longuement. Aslan me regarde. Il semble m'attendre. Finalement, je le rejoins à mon tour. Nous reprenons le chemin tous les quatre. Je reste légèrement en arrière, les yeux rivés vers le sol.
Nous marchons longtemps sans prononcer un mot. Le silence est pesant. Un poids s'est installé dans mon estomac, comme symbole de mon mauvais pressentiment. Au bout d'un certain moment, Aslan s'arrête. Je relève la tête.
— À partir de maintenant, je dois continuer seul, nous dit le Lion en se tournant vers nous. Je vous demande de me faire confiance. J'ai un devoir à accomplir. Merci à toi, Susan. Merci à toi, Lucy. Merci à toi, Abigail. Je n'aurais qu'une faveur à te demander...
J'hoche frénétiquement la tête. Une boule s'est formée dans ma gorge.
— Une fois le soleil levé, préviens Peter et Oreius que vous devez vous rendre au Gué de Beruna. La Sorcière vous y attendra avec son armée. L'avenir de Narnia se jouera là-bas. Préparez-vous. Vous devrez vous montrer forts.
Mon visage reste fermé. Nous y voilà. D'ici quelques heures, nous accomplirons notre destin, comme la prophétie le dit.
— Au revoir, mes enfants, nous salue Aslan gravement avant de partir sans se retourner.
Je le regarde marcher quelques longues secondes avant de faire demi-tour pour retourner au campement. Susan m'attrape alors le poignet et me fait un signe de tête désignant l'opposé de nos tentes. Je fronce les sourcils sans comprendre.
— Suivons-le encore, murmure-t-elle. Je veux savoir où il va...
— Il nous a dit que nous ne devions pas venir ! je m'exclame à voix basse.
— Il peut avoir besoin de nous... !
— Nous ne pouvons l'aider en rien, Susan. Aslan est le Grand Souverain, rappelle-toi. Il n'a besoin de personne.
Susan me lâche alors le bras et redresse le menton.
— Très bien. Libre à toi de rentrer. Moi, je le suis. Je refuse de l'abandonner.
Et elle se met à marcher en suivant la direction qu'Aslan a prise. Lucy me regarde, fait une moue désolée et va trottiner derrière sa sœur. Je reste plantée un instant et lâche un profond soupir. Finalement, je les suis en marmonnant. Susan m'adresse un sourire entendu.
— Quoi ? je fais. Je ne veux pas vous laisser seules au milieu de nulle part.
Susan lève les mains pour se dédouaner. Un léger sourire apparaît au coin de mes lèvres.
j'espère que ce chapitre vous a plu !! n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, j'adore lire vos commentaires :) sur ce je vous embrasse et vous dit à bientôt <3
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