xiv. La Sorcière blanche
Une ou deux heures plus tard, nous sommes de nouveau tous les cinq réunis autour d'une table de petit-déjeuner. L'ambiance est conviviale et chaleureuse, comme elle ne l'a pas été depuis longtemps. Edmund mange avec appétit. Cela ne m'étonne pas de le voir avaler autant de pain beurré, son séjour avec la Sorcière Blanche n'a pas du être luxueux.
— Des tartines grillées y en aura toujours à Narnia, fait Lucy en regardant son frère engloutir un énième morceau de pain.
Edmund pouffe.
— On pourrait leur en demander quelques-unes pour le retour, dit alors Peter, adossé au rocher à quelques mètres de nous.
— Nous rentrons à la maison ? s'étonne Susan ?
— Vous oui, répond Peter.
Je m'étouffe avec ma tartine et me met à tousser. Peter me lance un regard en coin. Susan, bien que surprise par la réponse de son frère, n'hésite pas à me taper dans le dos pour m'aider.
— J'ai promis à Maman de veiller sur vous trois, ajoute Peter. Je ne pourrais être utile ici qu'une fois que vous serez partis.
J'étais à deux doigts de m'étouffer à nouveau. À la place, j'avale ce que j'ai dans la bouche et réplique :
— Je te trouve assez culotté, Peter ! Tu n'as pas grand chose à dire là-dessus.
— C'est trop dangereux pour eux !
— Eh bien, ton orgueil a triplé de volume depuis que tu as été nommé chevalier de Narnia... Tu estimes donc qu'ils sont moins aptes que toi à combattre ? Permets-moi de te rappeler, Monseigneur Peter, Terreur des loups, que la Prophétie fait mention de cinq Rois et Reines, pas d'un seul. Nous sommes tout aussi méritants que toi de participer à la victoire de Narnia, et tu n'es pas bien placé pour juger si oui ou non nous devons rester.
Sur ces mots, je vide mon verre d'un trait. Peter me regarde sans répondre.
— Aby a raison, ils ont besoin de nous tous ! intervient Lucy.
— Mais enfin, vous avez tous perdu la raison ? Toi, Lucy, tu as failli te noyer, et Edmund a failli être tué !
— C'est justement pour ça qu'il faut qu'on reste, dit Edmund. Je sais de quoi est capable cette sorcière. Je l'ai vu faire... Je l'ai même aidé. On a pas le droit de laisser ces pauvres gens souffrir à cause d'elle !
Enfin des paroles sensées !
J'offre un sourire à Edmund.
Lucy prend sa main par-dessus la table. Susan me tapote le bras avant de se lever.
— En ce qui me concerne, c'est décidé, annonce-t-elle en se dirigeant vers sa tente.
— Où est-ce que tu vas ? lui demande Peter.
La Pevensie prend son arc et son carquois rempli de flèches avec un sourire malicieux.
— Je vais m'entraîner ! déclare-t-elle. Aby, tu m'accompagnes ?
— Avec plaisir ! je lance en me levant à mon tour.
Je vais attraper ma ceinture et mes deux poignards avant de rejoindre mon amie. Lucy se met debout et nous rejoint en sautillant.
~●~●~●~
Voilà maintenant trois bonnes heures que nous nous entraînons sans relâche, lancers après lancers. Finalement, absolument tout le monde s'y est mit et même Lucy parvient désormais à atteindre le centre de la cible. Je n'aurais cependant jamais cru que c'était aussi épuisant, autant physiquement que mentalement. La frustration accumulée de tous mes lancers ratés explosait de temps à autre avec des cris de rage et les rires amusés des filles. Elles avaient d'ailleurs failli se retrouver avec un poignard entre les deux yeux à maintes reprises. Mais, dans l'ensemble, nous nous en sortions pas mal. Peter et Edmund s'essayaient au combat à cheval. Ils entrechoquaient leurs épées tout en essayant de garder le contrôle de leur monture. Peter avait hérité d'une licorne — rien que ça — dont la robe d'un blanc immaculé reflète les rayons du soleil. Tandis qu'Edmund monte un grand cheval alezan fin et musclé, dont les foulées de galop étaient aussi rapides que l'éclair. Les voir s'entraîner offraient un joli spectacle. Leurs coups étaient timides, hésitants mais je savais qu'ils sauraient faire la différence sur un champ de bataille. Pour l'instant, il valait mieux ne pas prendre le risque de se blesser.
Soudain, Mr Castor débarqua sur le lieu d'entraînement, appelant nos noms.
— Peter ! Aby ! Susan ! La Sorcière a demandé à vous rencontrer avec Aslan ! Elle est en route, elle arrive !!
Il ne nous en faut pas plus pour que nous abandonnions nos armes et que nous nous précipitions vers le campement.
Lorsque nous arrivons auprès d'Aslan, le nain sous-fifre de la Reine est déjà en train de l'annoncer :
— Jadis, Reine de Narnia, Impératrice des Îles Solitaires !
Je reprends mon souffle, observant la Sorcière arriver. Elle est incontestablement très belle, mais c'est une beauté froide et sévère, qui inspire tout sauf de la sympathie. Sa peau est blanche, blanche comme la neige ou le sucre glace et sa bouche est rouge sang. Elle a de longs cheveux noirs, aux reflets bleutés, ornés d'une grande couronne dorée. Elle est vêtue d'une épaisse robe immaculée comme son teint. Sa chaise est soulevée par quatre cyclopes et sa posture impose le respect, la soumission. Pendant une fraction de seconde, j'hésite à faire la révérence.
La Sorcière est alors posée à terre. Elle se lève et, solennellement, s'avance vers Aslan. Je ne parviens pas à détourner mon regard d'elle. Elle fixe Edmund durant quelques longues secondes et, une fois postée devant le Grand Lion, elle prend la parole :
— Il y a un traître dans tes rangs, Aslan.
Edmund, à ma droite, baisse la tête. Fronçant les sourcils, je pose une main sur son épaule en guise de soutien.
— Sache que ce n'est pas toi qu'il a le plus offensé, réplique Aslan d'un ton calme, mais méfiant.
— Aurais-tu oublié les lois sur lesquelles Narnia a été bâtie ? questionne la Reine en haussant le menton d'un air de défi.
— Ce n'est pas à moi que tu expliqueras la magie, Sorcière ! rugit Aslan. J'étais là lorsqu'elle a été inventée.
La Sorcière écarquilla brièvement les yeux, sûrement impressionnée. Mais elle ne se démonte pas pour autant et continue :
— Alors, tu dois te rappeler que tous les traîtres m'appartiennent... à vie. Leur sang est ma propriété.
— Touchez-le, et vous verrez ! menace Peter en brandissant son épée.
La Sorcière tourna lentement sa tête vers nous, un sourire mesquin aux lèvres.
— Crois-tu vraiment qu'il te suffira d'user de la force pour me priver de mes droits, petit roi ? demande-t-elle d'une voix moqueuse.
Peter se tend à côté de moi. Il ne bouge pas pour autant. La Sorcière se redressa de toute sa hauteur, menaçante.
— Aslan sait que si je n'obtiens pas le sang comme la loi m'y autorise, Narnia sera entièrement ravagé. Vous périrez tous dans le feu ou sous les flots. Ce garçon (elle pointe Edmund du doigt) mourra sur la Table de Pierre.
Je ressers mon emprise sur l'épaule d'Edmund. Ma gorge se serre.
— Comme la tradition l'exige, ajoute-t-elle avec un sourire mielleux, avant de plonger ses yeux glacés dans ceux, chauds, d'Aslan. Tu n'oseras pas t'y opposer.
— Cela suffit, clame Aslan, faisant taire toute agitation alentours. Nous nous entretiendrons seuls.
Et il disparait dans sa tente, suivi par la Reine.
Je ne peux dire combien de temps nous avons attendu avant qu'ils ne de décident à revenir. Au bout d'un moment, nous nous sommes assis dans l'herbe. Edmund, dont l'inquiétude était à son paroxysme, arrachait les brins d'herbe par dizaine.
Finalement, Aslan et la Sorcière reviennent se présenter parmi nous. Mon cœur se met à battre à mille à l'heure. La Sorcière retourne vers sa chaise, non sans jeter un long regard à Edmund. Aslan revient se poster sur sa petite butte, d'où il toise cette dernière.
— La Sorcière renonce au sang du fils d'Adam, annonce-t-il finalement.
La joie explose alors chez les soldats du Grand Lion. Poussant des cris de soulagement, nous nous mettons à sautiller partout, un immense sourire aux lèvres.
— Comment être sûre que tu tiendras parole ? demande alors la Sorcière en fixant Aslan.
Ce dernier se met à rugir en guise de réponse. Sonnée, la Reine tombe assise dans son siège. Un rire s'élève parmi nous, bientôt transformé en nouveaux cris de joie. La sorcière repart sous les acclamations, mais elles ne lui sont pas adressées.
Alors que je m'apprête à aller remercier Aslan, je croise son regard et quelque chose me brusque : la lueur chaleureuse qui offrait un bonheur certain à celui qui la croisait s'était éteinte. Les yeux d'Aslan ne reflètent plus que de la tristesse.
j'espère que ce chapitre cadeau de Noël vous aura plu !! n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé :)
je vous souhaite de passer un très bon réveillon avec vos proches, j'espère que vous serez bien gâtés comme il se doit (vous le méritez tous hihi)
je vous dis à bientôt alors 😘
Marine
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