xii. Négociation

   Les autres sont rapidement avertis et nous rejoignent sur les remparts. Nous observons les soldats débarquer des bois en armée bien rangée. Ils transportent même des catapultes avec eux, de quoi exploser notre refuge si l'envie leur prenait.

   — Réunion d'urgence, déclare Peter. À la Table de Pierre.

   Nous retournons tous à l'intérieur, précipités par l'inquiétude. Je me rends immédiatement à l'endroit indiqué par Peter, suivie de près par Caspian. Les autres arrivent après très peu de temps. Peter attend que tout le monde soit là pour prendre la parole.

   — Il nous faut un plan pour riposter au plus vite, dit-il.

   — Le dernier plan que nous ayons, Peter, c'est Aslan, répond Lucy.

   — Lucy... Si Aslan voulait nous venir en aide, il nous aurait rejoint depuis longtemps.

   — Justement, peut-être pas, dis-je.

   Les regards se tournent vers moi.

   — Et si, cette fois, nous devions aller nous-même à sa recherche ? Vous m'avez dit que Lucy l'avait aperçu, dans les bois. Et si il voulait justement qu'on le suive, qu'on le retrouve ?

   — Je ne te suis pas, Aby... répond Peter, sourcils froncés.

   — "Les choses ne se déroulent jamais deux fois de la même façon". C'est ce qu'il m'a dit, lorsqu'il est venu me chercher. La première fois, il est revenu à nous lorsque nous avions besoin de lui. Il nous a débarassé de la Sorcière Blanche. Je pense que cette fois, c'est à nous de venir le trouver.

   — J'irais ! s'exclame immédiatement Lucy. J'irais le retrouver. Après tout, je suis la seule à l'avoir vu... Si l'on omet Aby.

   — Alors je vais avec toi, dis-je.

   — Non, réplique Susan. On a besoin de tes talents ici, Aby. J'irais avec Lucy.

   J'hoche la tête.

   — Très bien, mais alors il nous faut gagner du temps pendant que vous cherchez Aslan.

   — Vous ne comptez tout de même pas suivre ce plan ? questionne Trompillon de sa voix grave. Ce serait du suicide !

   — Nous n'avons pas d'autre plan, je réponds fermement. Et il faut faire au plus vite.

   — Vous ne trouvez pas qu'il y a eu suffisamment de morts comme ça ??

   Je m'apprête à répliquer, mais je suis devancée par Chasseur-de-Truffes.

   — Nikabrik était aussi mon ami, dit-il sagement. Mais il avait perdu espoir... contrairement à la Reine Aby, à la Reine Lucy... et contrairement à moi.

   — Pour Aslan, clame Ripitchip en levant son épée.

   — Pour Aslan ! répète un ours, déterminé.

   Trompillon semble hésiter, mais finit par abdiquer.

   — Donc, quelqu'un a une idée pour nous permettre de gagner du temps ? Il faudrait que ça vienne assez vite, s'il vous plaît...

   — Si je peux me permettre... intervient Caspian derrière moi.

   Je fais volte-face et l'incite à parler. Il se lève timidement.

   — Miraz est probablement un tyran et un meurtrier, mais en tant que roi, il se soumet à toutes les traditions, et respecte les attentes de son peuple, explique-t-il. Et il y en a une en particulier qui peut nous faire gagner pas mal de temps...

   J'affiche un sourire plein d'espoir.

   — Laquelle ?

   — Imposez-lui un duel. Un duel à mort. Ça pourrait prendre pas mal de temps, connaissant les talents du Roi Peter à l'épée. Juste assez pour laisser la Reine Susan et la Reine Lucy revenir avec des renforts.

   — C'est une très bonne idée, dis-je. Il ne pourra pas refuser, sous peine de passer pour un lâche auprès de ses sujets. Peter ? Qu'en penses-tu ?

   Celui-ci relève les yeux vers moi, et acquiesce doucement.

   — Oui, ça se tient.

   — Tu n'as pas l'air très convaincu.

   — Si. Comme tu l'as dit, c'est une très bonne idée.

   — ... On a tous confiance en toi, Peter. Tu peux y arriver. J'en suis certaine.

   Peter me regarde un instant, la mâchoire serrée. Il me remercie d'un simple hochement de tête.

   — En revanche, si tu veux paraître crédible à ses yeux, il vaudrait mieux lui faire porter le message par quelqu'un d'autre, je conseille. Ça pourrait te donner plus de prestance.

   — Je peux y aller, se propose Edmund.

   — Je t'accompagne, cette fois. À nous deux, nos paroles auront plus de poids.

   Edmund hoche la tête.

   — Il faudrait préparer un cheval pour les filles... dis-je alors.

   — Je peux seller le mien, propose Caspian. Il est digne de confiance.

   — Parfait. Lucy ? Susan ? Allez vous armer convenablement. Je ne souhaiterais pas qu'il vous arrive quelque chose.

   Mes deux amies acquiescent et quittent la pièce en trombe. L'agitation commence à monter autour de nous.

   — Miraz respecte peut-être les traditions, mais je n'ai pas confiance en lui. Allez vous préparer pour le combat ! je lance à voix forte. Prévenez tout le monde, cela pourrait surgir à tout moment !

   Tout le monde quitte la salle, et je me retrouve seule avec Peter, Caspian et Edmund.

   — Vous deux, j'interpelle les deux premiers. Rédigez-moi un message qui réussira à convaincre Miraz. Edmund, allons nous changer.

   Je m'apprête à sortir de la salle, lorsque j'entends les garçons ricaner doucement.

   — Hey ! je m'écrie en me tournant vers eux. Je vous entends.

   Ils gardent un visage impassible mais je vois bien qu'ils se retiennent d'éclater de rire.

   — Edmund ! Allons-y !

   — Oui, Madame !

   J'attends qu'il soit à ma hauteur pour lui administrer une tape derrière la tête. J'entends les deux autres pouffer.

   — Et plus vite que ça !

   Il disparaît dans le tunnel. Je dirige mon regard vers Caspian et Peter.

   — Venez me voir dès que vous aurez fini, ordonné-je.

   — Oui, votre Majesté, répond Caspian, amusé.

   Je lève les yeux au ciel et quitte la pièce à mon tour, suivant les pas d'Edmund. Je le retrouve dans la salle qui nous sert d'armurerie.

   — J'ai retrouvé ton équipement, il risque d'être un peu petit mais ça devrait faire l'affaire, m'annonce mon ami lorsque je m'approche de lui.

   — Merci ! Oh, il était un peu grand la première fois, alors ça devrait aller.

   Il me tend une cotte de maille et une tunique rouge ornée d'un lion doré sur le devant. Je me cache dans un coin pour enfiler tout ça par-dessus mon pantalon en tissu. Je déniche également une paire de bottes en cuir et une ceinture à laquelle je glisse mes poignards fétiches. Je place ensuite des protections en métal sur mes épaules et sur mes avant-bras. Après quoi, je noue mes cheveux en une queue de cheval basse, que je laisse pendre sur mon épaule.

   — Ed ? Tu es prêt ?

   — Presque, dit-il d'une voix à peine audible.

   Je reviens auprès de lui. Il est en train de se débattre avec son armure.

   — Je suis coincé avec ces machins, j'arrive pas à les mettre correctement.

   Il me montre ses épaulettes. Je vais me placer derrière lui et redresse le haut de son armure pour le replacer correctement. Je resserre également sa ceinture d'un cran.

   — C'est bon.

   — Merci beaucoup.

   — Allon retrouver les autres.

   J'attrape Edmund par le bras et l'entraîne avec moi hors de la pièce. Nous allons retrouver Caspian et Peter, penchés sur un morceau de parchemin.

   — Vous avez terminé ? je demande en m'approchant d'eux.

   — Oui, fait Caspian en me tendant la missive. Qu'est-ce que tu en penses ?

   Je parcoure rapidement le texte des yeux.

   — À première vue, ça me paraît très bon ; mais tu sais mieux que nous quelles formules officielles qu'il faut employer, alors je te fais confiance.

   Il hoche la tête avec un léger sourire.

   — Edmund, allons-y dès maintenant. Peter, tu ferais mieux de commencer à te préparer. Caspian, je veux bien que tu ailles aider les filles à seller Destrier.

   — J'y vais tout de suite.

   — Et dis leur d'être très prudentes !

   — Je n'y manquerais pas, me rassure-t-il avant de quitter la salle.

   Je me tourne vers Peter.

   — Partez sans perdre plus de temps, nous dit-il.

   — Nous serons très vite de retour, assuré-je.

   Je roule le parchemin entre mes mains et tourne les talons. Edmund me rattrape, et nous sortons de la pyramide. Nous traversons le champ qui sépare notre campement de celui des Telmarins, installé dans la forêt. Nous sommes conduits par le général jusque sous la tente où siègent Miraz et ses compagnons.

   — Nous avons un message de la plus haute importance à faire passer au Seigneur Miraz, dis-je d'une voix ferme.

   — Allez-y, nous intime Miraz en se redressant.

   Je tends le parchemin à Edmund, qui s'avance au milieu. Je reste légèrement en retrait, gardant un regard froid posé sur Miraz.

   Mon ami déplie le parchemin et se racle la gorge.

    — « Moi, Peter, par la grâce d'Aslan, par élection et par conquête, Grand Roi de Narnia, Seigneur de Cair Paravel, et Empereur des Îles Solitaires, dans le but d'éviter une abominable effusion de sang, défie et appelle l'usurpateur Miraz à un combat singulier sur le champ de bataille, jusqu'à ce que mort s'en suive. Le vainqueur obtiendra une capitulation totale. »

   Sa lecture finie, Edmund replie le parchemin. Miraz reste silencieux un instant.

  — Dites-moi, Prince Edmund...

  — Roi, le coupe Edmund.

  — ... Je vous demande pardon ?

  — C'est Roi Edmund, en fait, corrige mon ami. Seulement Roi. Peter est le Grand Roi. Je sais, c'est compliqué, ajoute-t-il devant le regard sceptique de Miraz.

   Miraz reprend ses esprits et se penche vers nous.

  — Pourquoi je devrais accepter une telle proposition quand mon armée est sur le point de vous anéantir ? demande-t-il doucereusement.

  — N'auriez-vous pas, par le passé, déjà sous-estimé notre nombre ? réplique Edmund. Car enfin, il y a encore une semaine à peine, les Narniens étaient censés être éteints...

  — Et vous le serez bientôt pour de bon, siffle Miraz entre ses dents.

  — Dans ce cas, vous n'avez rien à craindre, le provoque Ed.

   Miraz s'esclaffe.

  — Ce n'est pas une question de bravoure !

  — Donc c'est avec bravoure que vous refusez d'affronter un adversaire qui a la moitié de votre âge ?

   Miraz s'arrête instantanément de rire et se penche vers nous, l'air menaçant.

  — Qui a dit que je refusais ?

  — Vous aurez notre soutien, votre Majesté, s'exprime l'un des seigneurs sur sa gauche. Quelle que soit votre décision.

  — Sire... intervient un autre homme assis directement sur la droite de Miraz. Notre avantage militaire à lui seul vous offre une parfaite excuse pour éviter ce duel...

  — Je ne cherche pas à éviter quoi que ce soit ! s'écrie Miraz en bondissant de son siège, dégainant son épée.

   L'autre seigneur a un mouvement de recul.

  — Je mets simplement en évidence le fait que Monseigneur est parfaitement en droit de refuser...

  — Sa Majesté ne refusera jamais, déclare le général qui nous a conduit jusqu'ici. Car c'est pour elle l'occasion rêvée de prouver au peuple le courage de son nouveau roi.

   Un discret sourire naît sur mes lèvres. Ils sont sur le point de mordre à l'hameçon.

   Miraz jette un regard circulaire tout autour de lui, avant de le reporter sur nous.

  — Vous, s'exclame-t-il en nous désignant de la pointe de son épée. Il vaudrait mieux pour vous que l'épée de votre frère soit mieux aiguisée que sa plume.

   J'affiche un sourire en coin.

  — Ne vous en faites pas pour ça, lançai-je malicieusement. Je vous conseille de bien vous échauffer.

   Sur ces mots, je quitte la tente, suivie par Edmund. Il pose sa main sur mon épaule et effectue une pression dessus.

  — On a réussi, Aby !! chuchote-t-il à mon oreille.

  — Attends d'être sorti d'ici pour exprimer ta joie, ils vont trouver ça louche.

   Je reste neutre, mais je jubile intérieurement. D'ailleurs, dès que nous sommes assez éloignés du campement des Telmarins, je laisse échapper ma joie en sautillant et en serrant le poing.

  — Il n'a aucune chance de s'en sortir face à Peter ! je m'exclame. Et quand Susan et Lucy reviendrons avec Aslan, nous serons officiellement débarrassés de ces ordures ! C'est comme si nous avions déjà gagné !

  — Ça me semble presque trop facile, dit Edmund, songeur.

  — Parfois, ça l'est. Dépêchons-nous de revenir, Peter nous attend.

j'espère que ce chapitre vous a plu !! après celui-ci, il n'en reste que 4 + l'épilogue et ce sera la fin de l'épilogue :) rassurez-vous, j'ai déjà commencé l'écriture du troisième tome, alors on enchaînera direct hehe
je vous embrasse 💕

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