xi. La rivière gelée
Après notre courte entrevue avec le Père Noël en personne, nous nous sommes rapidement remis en route. Si Peter avait visé juste, la rivière gelée que nous étions censés traverser aurait bientôt fondu. Cela deviendrait problématique, car nous n'aurions aucun moyen de passer de l'autre côté.
C'est pourquoi nous nous sommes dépêchés de l'atteindre. Malheureusement, c'était déjà trop tard. Elle avait presque entièrement fondu. Des blocs entiers de glace se détachait de la dernière parcelle d'eau gelée. Cela ne nous laissait que très peu de place pour traverser.
— Nous avons intérêt à traverser tout de suite ! fait Peter, inquiet.
— Vous les castors, vous construisez des barrages ! lance Lucy à nos compagnons de route sur pattes.
— Oui, mais ça prend un certain temps... explique Mr Castor.
— Venez ! s'écrie Peter en prenant Lucy par la main.
— Attends, Peter, tu pourrais réfléchir cinq minutes ! s'exclame Susan.
— Il n'y a pas une minute à perdre ! réplique Peter.
— J'essaie simplement d'être réaliste, dit Susan fermement.
— Non, contredit Peter, tu essaies encore de te faire remarquer. Comme d'habitude.
— S'il vous plaît, j'interviens, on n'a pas vraiment le temps de débattre... D'ici cinq minutes, la rivière gelée ne sera plus qu'une rivière ordinaire alors il faudrait se décider, et vite !
Susan pose son regard sur moi, puis sur la rivière. Soudain, on entend un hurlement de loup au loin. Le visage de mon amie pâlit.
— Viens, Susan, dépêchons-nous de traverser tant que nous en avons l'occasion !
Je lui prend la main et l'entraîne derrière moi. Nous descendons la falaise aussi vite que possible sur un chemin escarpé et glissant. Je manque plusieurs fois de tomber, mais Susan me rattrape. Arrivés en bas, Peter s'arrête.
— Qu'est-ce que tu attends ?? je demande. Les loups sont à nos trousses, on n'a pas le temps de réfléchir !
Je m'avance à grands pas sur la derrière bande de glace qui couvre la rivière.
— Aby, non ! m'arrête-t-il. La glace en train de craquer.
Je me stoppe dans mon élan. J'entends à mon tour les bruits inquiétants de craquements et me tourne lentement vers mes amis.
— Allons-y doucement...
Peter s'avance à son tour sur la glace.
— Continue d'avancer, Aby, ne perds pas de temps.
J'obéis et continue mon chemin un pied devant l'autre. Je sens la glace craquer sous mes pas. Cela me donne des sueurs froides. Je prie pour qu'elle ne cède pas avant que nous ayons terminé notre traversée.
— Si Maman nous voyait faire ça... dit Susan, la voix tremblante.
— Maman n'est pas là, arrête ! réplique Peter entre ses dents, visiblement énervé.
— Oh non ! s'écrie soudainement Lucy, le doigt pointé vers le ciel.
Je lève les yeux dans la direction qu'elle montre. J'aperçois avec horreur les six loups en haut de la chute d'eau, suivant leur chef.
N'écoutant que mon instinct, je me met à courir sur la glace, suivie par les autres. Soudain, le loup le plus imposant descend la chute d'eau glacée en à peine trois bonds et vient se planter devant moi, grognant et montrant les crocs. Je recule instinctivement, cherchant un moyen de m'échapper. Malheureusement, d'autres loups se sont postés de l'autre côté, ne laissant aucune issue. Prise d'une pulsion qui ne me ressemble pas, je sors mes deux poignards de leurs fourreaux et les brandit devant moi.
— Range moi ça, petite.
Derrière moi, j'entends Peter faire de même avec son épée. Le loup se met à rire, un rire qui ressemble plutôt à un aboiement.
— Vous pensez sincèrement pouvoir faire le poids contre nous ?
Je prends un air déterminé. Hors de question de laisser croire que je suis effrayée.
Mr Castor, qui s'était avancé en position d'attaque, vient de se faire attraper à la gorge par l'un des loups.
— Non ! je crie.
Le chef de la meute s'avance dangereusement vers moi.
— Ne vous en faites pas pour moi, hurle Mr Castor, transpercez-le !!
J'hésite longuement. Ce ne serait pas une bonne idée. Ils sont beaucoup plus nombreux que nous, et les attaquer serait risqué. Ils s'en prendraient immédiatement à nous et je refuse qu'il arrive quelque chose à mes amis.
— Partez tant que vous le pouvez, et votre frère partira avec vous, impose le loup.
— Je pense que nous avons intérêt à l'écouter, Peter ! s'écrie Susan derrière moi.
Je serre la mâchoire.
— Voilà qui est sage, commente le loup.
— Il en est hors de question ! je m'exclame, mes poignards toujours brandis.
— Tuez-le ! hurle Castor. Tuez-le tout de suite !
— Oh, voyons... tente le loup d'une voix qui veut paraître sage. Cette guerre ne vous concerne pas. Tout ce que ma Reine demande, c'est que vous repartiez d'où vous êtes venus.
— C'est ridicule ! s'acharne Susan. Ce n'est pas parce qu'un vieil homme vêtu de rouge vous a offert ces armes que cela fait de vous des héros ! Peter, jette ton épée, je t'en prie !
— La ferme ! je m'écrie un peu trop violemment.
— Narnia a besoin de vous ! s'exclame Castor, entre les pattes du loup. Étripez-le, ne ratez pas cette occasion !
Saisie d'une rage incontrôlée, engendrée par toute cette pression, je balance l'un de mes poignards en plein sur le loup. Malheureusement, il rate sa cible de peu et ne fait que d'entailler sa chair au niveau de son dos. Le poignard glisse sur la glace près de Mr Castor. Le loup se tourne vers moi, grognant de plus belle. Je me recule.
C'est alors que j'entends un craquement provenant de la chute d'eau. La glace qui la recouvre est en train fondre, provoquant d'énormes fissures sur tout le long. La glace se met à craquer tout autour de moi. Cela semble même inquiéter les loups.
— Aby ! m'appelle Peter, derrière moi. Reviens !
Je n'hésite pas une seule seconde à obéir. Je les rejoins en quelques pas incertains.
— Accrochez-vous à moi ! ordonne-t-il.
J'obtempère en agrippant son manteau de fourrure. Je prends Lucy sous mon bras droit et la blottis contre moi. Peter lève son épée et l'abat sur la glace, la plantant solidement dedans. Il ne faut que quelques secondes de plus au mur de glace sur notre gauche pour s'effondrer, provoquant une énorme vague qui nous emporte sur notre radeau gelé. Je ferme les yeux, serrant Lucy contre moi. L'eau nous recouvre entièrement mais le petit iceberg remonte à la surface. Par chance, je suis toujours accrochée à Peter qui tient fermement son épée. J'ouvre les yeux pour découvrir que nous filons à toute vitesse sur la rivière qui s'écoule normalement, recouverte de petits blocs de glace flottants comme le nôtre.
Mr et Mme Castor surgissent de l'eau à côté de nous, et dirige notre radeau de fortune vers la berge. Je réussis, non sans mal, à me hisser sur la terre ferme. Une fois chose faite, je me tourne vers Susan pour l'aider. Elle me fixe d'abord d'un regard mauvais, puis prend tout de même ma main.
— Je suis sincèrement désolée de t'avoir crié dessus, Susan... je dis immédiatement. Je paniquais, et... pardonne-moi. Je ne sais pas ce qui m'a pris.
— Nous sommes encore tous en vie et c'est un peu grâce à toi. Alors, j'accepte tes excuses.
Je ris légèrement.
— Merci.
Elle me sourit.
— Lucy... souffle Peter.
Susan et moi nous retournons immédiatement vers lui.
— Où est Lucy ? questionne Susan.
Peter tient son manteau entre ses mains.
— Qu'est-ce que tu as fait, Peter ?? s'écrie Susan.
— Rien, je...
Je me sens immédiatement coupable. Je tenais Lucy jusqu'à ce que l'on arrive. Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'elle disparaisse sans que je ne le remarque ??
— LUCY ! j'appelle à voix forte. LUCY !
Susan l'appelle à son tour. Il semble s'écouler une éternité avant que sa voix fluette ne parvienne jusqu'à nos oreilles.
— J'ai perdu mon manteau !
Nous nous tournons immédiatement vers elle. Je lui bondis dessus pour s'assurer qu'elle va bien.
— Tu n'as rien de cassé ?? Tout va bien ?
— Oui, ça v- va, j'ai j- juste froid.
Je souris et la serre contre moi.
— Je suis tellement désolée, je n'ai pas fait attention... je chuchote.
— Attention à q- quoi ?
— ... À rien, je dis finalement. Dépêches-toi de mettre ton manteau.
Peter lui pose sur les épaules. Lucy s'emmitoufle dedans. Bien qu'il soit trempé, cela fait toujours une couche de plus.
— Je crois que vous n'aurez bientôt plus besoin de ces manteaux de fourrure, dit Mme Castor.
Je me tourne vers la forêt. Le Père Noël avait raison. L'hiver touche à sa fin.
Mr Castor vient se placer devant moi.
— J'ai récupéré ça pour vous, votre Majesté, me dit-il en me tendant le poignard que j'ai lancé sur le loup quelques minutes auparavant.
— Oh, mon poignard ! m'exclamai-je en le saisissant. Merci beaucoup, Mr Castor !
— C'est tout naturel.
J'espère que ce chapitre vous a plu !! Je le trouve cool, j'espère seulement que c'est crédible 😅 n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça me fait toujours plaisir de lire vos commentaires 💙 à bientôt !!
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