x. Joyeux Noël !

   Dès le lendemain matin, nous nous remettons en route. Nous marchons plusieurs heures. Le chemin n'est pas de tout repos : il faut grimper, enjamber, veiller à ne pas s'enfoncer dans la neige... Mais je ne montre aucun signe de fatigue. Je suis déterminée à rencontrer Aslan.

   Je vois que Peter est en pleine réflexion. J'espère sincèrement qu'il changera d'avis.

   Mr Castor nous fait nous arrêter au milieu d'un pont naturel creusé dans la roche. De là-haut, la vue est magnifique. Des montagnes enneigées, un grand lac gelé et le soleil perçant derrière les nuages.

   — Le campement d'Aslan est tout près de la Table de Pierre, de l'autre côté de la rivière gelée.

   — La rivière ? questionne Peter.

   — Oui, acquiesce Mme Castor. Cette rivière est gelée depuis un siècle.

   — C'est tellement loin... soupire l'aîné des Pevensie.

   — Le monde est vaste, dit Mme Castor. Comment pensiez-vous qu'il était ?

   — Plus petit, fait Susan d'un ton sec.

   Je sens qu'elle va être difficile à convaincre. Mais j'y arriverais, coûte que coûte. Il faut qu'elle reste.

   Nous reprenons notre chemin. Nous arrivons bientôt sur une grande étendue de neige. Je n'en vois même pas la fin. Cependant, la marche est plus facile étant donné que le sol est plat.

   Je marche juste derrière Mr et Mme Castor, devant Peter, Susan et Lucy. Je ne leur adresse pas beaucoup la parole, depuis que nous nous sommes disputés chez les Castors. Mais je commence à avoir des regrets. C'est vraiment dommage d'avoir perdu notre complicité à cause d'un simple désaccord.

   — Allez, pressons ! s'exclame Mr Castor pour la énième fois. Même ma grand-mère marche plus vite que vous !

   Je soupire. Il a le don de me fatiguer encore plus que je ne le suis déjà.

   — S'il nous dit encore une fois de marcher plus vite, je me fais une toque en fourrure de Castor, souffle Peter en prenant Lucy sur son dos.

   Je souris.

   — Vite ! Dépêchez-vous ! s'écrie soudainement Mr Castor.

   Je pince les lèvres. Il est à deux doigts de me mettre en rogne.

   — Derrière vous ! reprend Mme Castor. C'est elle !

   Je me retourne brièvement pour apercevoir un traîneau tiré par six rennes blancs. Sans doute celui de la Sorcière Blanche, si l'on en croit l'air effrayé des Castors. Je me mets immédiatement à courir avec les Pevensie. Peter a fait descendre Lucy de son dos. Je prends la main de la petite Pevensie et m'élance avec elle à la suite des autres.

   Je n'ai jamais couru aussi vite de toute ma vie. Mais la peur de me faire attraper l'emporte sur ma fatigue.

   Nous atteignons bientôt la forêt.

   — Dépêchez-vous ! répète Mr Castor.

   Il se dirige vers une butte.

   — Cachez-vous ! Cachez-vous !

   Nous le suivons dans la petite grotte ou nous nous serrons les uns contre les autres, en veillant bien à ne pas faire de bruit.

   J'entends le traîneau s'arrêter juste au-dessus de nous. Je pince les lèvres pour ne faire aucun bruit. Un tintement de grelots retentit. Je trouve ça étrange que la Sorcière ait accroché des grelots à son traîneau, mais après tout ce que j'ai vu ici plus rien ne m'étonne.

   Soudain, un petit tas de neige tombe du dessus de la grotte et une ombre se dessine sous nos yeux. Je reste fixée sur celle-ci, me forçant à respirer le moins possible. L'ombre bouge et on ne la distingue plus.

   Mr Castor se met à humer l'air.

   — Elle est partie ? chuchote Lucy.

   — Je crois que je vais aller voir, dit Peter.

   — Non ! l'arrête immédiatement Mr Castor. Si elle vous tue, on ne pourra plus sauver Narnia !

   — C'est valable pour toi aussi, Castor ! s'exclame Mme Castor.

   — Ne t'inquiète pas, la rassure Mr Castor en prenant ses pattes dans les siennes.

   Il se risque à sortir de la grotte. Tout en reniflant, il grimpe dessus. Je le suis du regard jusqu'à ce que je ne puisse plus le voir.

   Je ne saurais dire combien de temps nous attendons, quelques secondes peut-être ; mais la peur me donne l'impression de beaucoup plus.

   — Sortez, venez vite ! s'écrie Mr Castor en apparaissant soudainement devant nous, me faisant sursauter. J'espère que vous avez été sages, parce que vous avez de la visite !

   Je reprends mon souffle et fronce les sourcils. De quoi parle-t-il ?

   Nous nous levons donc et sortons de la grotte. Je me dépêche de grimper sur la butte. Ce que je vois me laisse bouche-bée. Un traîneau rouge, tiré par six rennes. Et devant, un grand homme avec une longue barbe blanche et un costume rouge foncé. Il ne lui manque plus que son fameux chapeau pointu.

   — Le Père Noël...

   Je m'avance, sceptique. Les Pevensie me rattrapent bientôt. Alors que Susan et Peter affichent le même visage que moi, Lucy est émerveillée par ce qu'elle voit et ne le cache pas.

   Le Père Noël, quant à lui, a un grand sourire aux lèvres.

   — Joyeux Noël, Père Noël ! lance Lucy.

   — Il sera joyeux, sans aucun doute ; puisque vous êtes enfin arrivés, répond notre interlocuteur.

   — Alors là... ricane Susan. J'ai fait beaucoup d'efforts depuis que je suis ici, mais ça !...

   — Nous vous avons pris pour la Sorcière, la coupe Peter.

   — Oui, je comprends, et j'en suis navré... dit le Père Noël. Mais, si je peux me permettre, je me déplace en traîneau depuis plus longtemps qu'elle.

   Je souris. Il m'a l'air d'être fort sympathique, au final. Je ne vois pas pourquoi Susan se méfie. Après tout, c'est le Père Noël...

   — Je croyais que Noël n'existait plus à Narnia, dit justement la Pevensie en faisant quelques pas de plus.

   — Non, confirme le Père Noël. Il a été banni depuis longtemps. Mais l'espoir que vous incarnez, Majestés, a finalement commencé à affaiblir les pouvoirs de la Sorcière.

   Il n'a pas besoin de m'en dire plus pour me convaincre que la décision que je prends est la bonne.

   — Cependant, reprend-t-il, si vous le permettez, j'ai quelque chose pour vous !

   Il se tourne et extirpe un grand sac en toile de la banquette de son traîneau. Il pose le sac au sol. Lucy réagit immédiatement.

   — Des cadeaux ! s'écrie-t-elle en accourant auprès de la hotte, faisant rire le Père Noël.

   Ce dernier fouille dans sa hotte. Lorsqu'il trouve enfin ce qu'il cherche, il se penche vers Lucy :

   — Essence de la fleur de feu. Une goutte de cette potion peut guérir toutes les blessures.

   Lucy prend la petite fiole accrochée à une ceinture. Le Père Noël lui tend un deuxième objet qu'elle saisit également.

   — J'espère que tu n'auras pas à te servir de ceci...

   Cela doit être une arme, pour qu'il soit aussi sérieux.

   — Merci, dit Lucy. Je crois pouvoir être suffisamment courageuse.

   — J'en suis persuadé, sourit le Père Noël. Mais les batailles sont d'horribles situations...

Lucy hoche la tête avant de revenir vers nous. Elle tient entre ses mains la petite fiole de potion, et une petite dague dans un fourreau en cuir rouge foncé.

   — Susan, appelle alors le Père Noël.

   La concernée s'avance. Le vieil homme lui tend un arc et un carquois rempli de flèches.

   — Si tu fais confiance à ta flèche, elle ne ratera pas sa cible, dit le Père Noël.

   Susan prend l'objet comme s'il s'agissait d'une très ancienne relique qu'il fallait manipuler avec précaution.

   — Mais pourtant... Vous dites que les batailles sont d'horribles situations...

   Le Père Noël se met à rire, mais je remarque immédiatement qu'au fond il est très sérieux.

   — Et si tu as des problèmes pour te faire entendre, souffle là-dedans, conseille-t-il en tendant à Susan une trompe sculptée en ivoire blanc. Où que tu sois, tu recevras une aide précieuse.

   Susan le remercie du bout des lèvres puis reviens vers nous.

   — Abigail ? m'interpelle le Père Noël alors que j'étais en train de contempler le superbe arc de Susan.

   Je lève les yeux et m'avance vers lui.

   — Je t'offre ce talisman. Puisse-t-il te protéger lors des batailles et t'être utile au cours de tes voyages.

   Je saisis le médaillon dans ma main droite. Il pend à une chaîne dorée assez longue. Il est rond et fait à peu près le double de la taille d'une pièce de monnaie. Une tête de lion est gravée dessus.

   — C'est le sceau d'Aslan, m'explique le Père Noël. Et... voici pour t'aider à te défendre.

   Il me tend une ceinture en cuir rouge. Deux poignards assez longs y sont accrochés. Je lève les yeux vers lui.

   — Merci beaucoup...

   Il me regarde fixement, un sourire aux lèvres. Il semble me dire qu'il compte sur moi. Mécaniquement, j'hoche la tête. Il laisse échapper un rire.

   Je reviens vers mes amis, les yeux fixés sur le lion qui orne mon pendentif. Tandis que Peter s'avance à son tour, je le passe autour de mon cou.

   Le Père Noël sort de sa hotte une longue épée glissée dans un fourreau rouge foncé semblable à celui de mes poignards, dont le pommeau est surplombé d'une tête de lion rugissante. Avec, il lui tend un bouclier en fer blanc sur lequel est dessiné un lion rouge.

   — Tu auras à t'en servir plus tôt que tu ne le crois, dit le Père Noël.

   Peter prend les objets d'un geste solennel. Il sort l'épée de son fourreau, ses yeux parcourant les inscriptions gravées dessus.

   — Merci, monsieur, dit-il.

   — Ce sont des outils, dit le Père Noël en nous regardant tous l'un après l'autre. Pas des jouets. Prenez-en soin et utilisez-les avec sagesse.

   Peter glisse l'épée dans son fourreau.

   — Bien, reprend le Père Noël. Je dois me hâter. L'hiver arrive à son terme et, croyez-moi, on a du pain sur la planche lorsque l'on s'est absenté pendant cent ans !

   Il hisse son sac à l'intérieur de son traîneau. Avant de monter dedans et de partir définitivement, il se retourne une dernière fois vers nous et lance :

   — Longue vie à Aslan ! Et joyeux Noël !

   Et il s'éloigne sous nos exclamations d'au-revoir.

   — Je t'avais dit qu'il existait, dit ensuite Lucy à sa sœur, me faisant sourire.

   — Vous avez entendu ? fait soudainement Peter. L'hiver arrive à son terme.

   Je me tourne vers lui.

   — Ce n'est pas une bonne chose ? je demande. Cela signifie que le règne de la Sorcière Blanche va prendre fin... non ?

   — Tu sais ce que cela signifie, surtout ? Plus de neige, plus de glace !

   Je fronce les sourcils. Que veut-il dire ?

   C'est alors que je comprends.

   — La rivière...

J'espère que ce chapitre vous a plu !! Il se passe pas grand chose mais ça viendra vite 😅😂 en attendant, dites moi tout ! 💜

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