viii. Monopodes et Magicien

   Nous installons la petite Gael dans la chambre de Lucy. Comme ça, plus de questions à se poser...

   Après une courte discussion pour mettre Gael à l'aise, je décide de remonter sur le pont pour voir Edmund, comme promis. Il est toujours en train de retirer le calcaire de son épée, et il ne lui reste plus que le quart.

   — Tu as bien avancé, dis-je en venant m'asseoir par terre à côté de lui.

   — Je n'arrive pas à m'arrêter. J'ai besoin d'aller jusqu'au bout aujourd'hui, sinon ça va me frustrer.

   — Je vois, dis-je avec un sourire amusé. Elle va être magnifique.

   — Je l'espère.

   S'en suit un court silence, que je tente de combler rapidement.

   — Au fait, tu as eu des nouvelles de Susan et Peter ? Ils vont bien ?

   — Oh, oui, ils vont très bien.

   — J'aurais tant aimé aller en Amérique... Ça doit être splendide.

   — Oui, c'est sûr. Beaucoup mieux que chez notre tante.

   — C'est si dur que ça ?... je demande avec une grimace.

   — C'est surtout Eustache qui est difficile à supporter. Tante Alberta est adorable avec nous.

    — Et votre oncle ?

   — Oh, on ne le voit pratiquement jamais. Il n'est pas souvent à la maison et même quand il est là, il reste invisible. Il me fait un peu penser à ton grand-oncle, mais au moins lui nous témoignait un peu d'attention.

   — Ça doit être dur pour votre tante...

   — Je suppose qu'elle s'est habituée, après toutes ces années...

   — C'est bien triste de vivre son mariage comme ça. J'espère que le mien sera plus... mouvementé.

   — Si tu épouses Caspian, ça le sera très certainement.

   — Justement, si je l'épouse.

   — Tu n'en as pas envie ?

   — Non ! Enfin, si, beaucoup... Je n'en sais rien. C'est trop compliqué... je marmonne en prenant ma tête entre mes mains.

   — Ça ne devrait pas l'être, pourtant... Tu l'aimes, non ?

   — Évidemment ! Plus que tout...

   — Et il t'aime.

   — J'ose l'espérer, oui.

   — C'était pas une question. Alors, qu'est-ce qu'il y a de compliqué là-dedans ?

   — Je vous aime vous, aussi ! Et je vois difficilement ma vie sans vous...

   — Ce sera déjà plus facile à surmonter que de la vivre sans Caspian.

   — Non, c'est impossible. Vous êtes comme ma famille, les frères et sœurs que je n'ai jamais eu... Vous perdre, ce serait perdre une partie de moi-même.

   — Je te l'ai déjà dit... Tu nous auras toujours avec toi. Rien ne pourra nous séparer.

   — Edmund... Ce sont de belles paroles, mais tu sais comme moi que si j'ai un choix à faire, ce sera lui ou vous.

   — Libre à toi de penser comme tu veux. Mais je continue à croire que tu seras plus heureuse ici. Tu appartiens à ce monde, c'est clair comme le nez au milieu de la figure !

   Je ne réponds rien, cogitant.

   — Dieu sait que je ne veux que ton bonheur, Aby... reprend Edmund. Et je ne t'ai jamais vue aussi épanouie qu'à Narnia.

   Je me mords la lèvre inférieure.

   — Je... Je te promets d'y réfléchir, Ed.

   Il hoche la tête, bien qu'il soit peu convaincu. Je vais m'appuyer sur le bastingage, contemplant l'horizon.

   Le soleil se couche tandis que nous approchons d'une île. Caspian prévoit donc d'accoster. Je les rejoins en haut des escaliers, près du gouvernail.

   — Ça semble inhabité, dit-il. Et si les Seigneurs ont suivi le brouillard vers l'est, ils ont dû faire halte ici.

   — Ça pourrait être un piège, fait remarquer Drinian.

   — Ou ça pourrait être la réponse à nos questions, contredit Edmund. Caspian ?

   — Nous passerons la nuit à terre, et nous explorerons l'île demain, décide Caspian.

   — À vos ordres, Majesté.

   Je descends donc immédiatement dans notre cabine, préparer de quoi passer la nuit. Je sors les tapis du placard et les laisse tomber par terre, avant de prendre quelques vêtements plus chauds. Caspian ne tarde pas à me rejoindre.

   — Tu es déjà là ? demande-t-il.

   — Nous n'allons pas tarder à accoster, n'est-ce pas ? J'ai préféré me dépêcher pour ne pas perdre de temps.

   — C'est une bonne initiative, fait-il en venant m'embrasser tendrement.

   Je me blottis contre lui.

   — Tu me promets qu'il ne va rien nous arriver, cette fois ? je lui demande doucement.

   — Je te le promets.

   Je retiens un soupir. Je sais très bien qu'il ne peut rien prévoir, et je suis inquiète. Mais tant qu'il reste avec moi, je sais que tout ira bien.

   La nuit est presque tombée lorsque nous accostons sur l'île. Nous avons à peine le temps d'installer le camp avant qu'il ne fasse complètement noir. Deux marins s'affairent à allumer un feu pour nous éclairer et nous tenir chaud. Je dois dire que je ne manque pas de chaleur, blottie contre Caspian. Je me sens complètement détendue et apaisée. Mes yeux se ferment doucement, et je cale ma respiration sur la sienne.

   Je me sens brusquement tirée du sommeil. En ouvrant les yeux, je m'aperçois que le soleil est à peine levé. Je fronce les sourcils.

   — Caspian... Il est trop tôt pour se lever...

   — Aby, j'ai besoin de toi ! chuchote-t-il en posant une main sur mon épaule. Lucy a disparu !

   J'ouvre les yeux et me redresse vivement.

   — Quoi ?!

   — Elle n'est plus sur sa paillasse, et il y a des traces de pas qui partent vers la forêt. J'ai peur qu'elle se soit faite enlever...

   — Mais comment ? Depuis combien de temps ? demandé-je en me levant pour aller vérifier les propos de Caspian.

   — Je n'en sais rien. Je me suis réveillée il y a quelques minutes, et j'ai voulu raviver le feu... C'est là que je me suis aperçu de sa disparition, m'explique-t-il, visiblement abattu.

   Mon cœur se met à battre la chamade. Je me dépêche d'aller réveiller Edmund.

   — Edmund ! Réveille-toi !

   Il grogne et ouvre difficilement les yeux.

   — Qu'est-ce qu'il y a ?...

   — C'est Lucy... Elle n'est plus là.

   Edmund se redresse comme s'il était parcouru d'un courant électrique. Je l'aide à se relever en lui tendant ma main.

   — Mais où est-elle... Lucy ! Lucy !

   Tandis que Caspian s'empresse de réveiller tous ses hommes, Edmund et moi examinons les traces de plus près, ramassant nos armes au passage.

   — Elles sont énormes... je glisse à Edmund, inquiète. Quelle créature peut bien laisser de telles traces ? Tu penses que ce sont des géants ? Ils étaient avec la Sorcière Blanche, autrefois...

   — Non, c'est impossible... répond Edmund, la voix tremblante.

   Je remarque soudain à quel point il est pâle. Je pince les lèvres, me maudissant pour ma bêtise. Caspian, Drinian et les autres marins ne tardent pas à nous rejoindre, et nous partons immédiatement. Heureusement, les traces sont tellement grosses qu'elles sont faciles à repérer. Elle nous mènent bientôt dans un genre de jardin, dont tous les buissons sont taillés dans de drôles de formes. Méfiante, je garde mes poignards serrés entre mes doigts, prête à l'attaque.

   — Caspian ! Aby ! appelle soudain Edmund à voix basse. C'est la dague de Lucy !

   Je me tourne vers lui. Il tient en effet l'arme de mon amie dans sa main. Je n'ai pas le temps de faire une quelconque remarque qu'une dizaine de pieux viennent se planter tout autour de nous.

   — Plus un pas, ou vous périrez ! s'exclame soudainement une voix venue d'outre-tombe.

   Je regarde tout autour de moi, lames dressées, mais je ne vois strictement rien. Une force invisible vient me frapper dans le dos et je bascule en avant, étouffant un cri de douleur. Je me relève sans attendre, complètement paniquée. Un coup vient s'abattre sur mes mains, m'obligeant à lâcher mes armes, et je suis de nouveau projetée au sol. Je remarque que tous les hommes sont dans le même cas, se battant contre du vide.

   — Quel genre de créatures êtes-vous ?? demande soudain Caspian, jetant des coups d'œils tout autour de lui.

   — De très grosses ! répond la voix caverneuse. Avec une tête de tigre et un corps de... de...

   — De tigre aussi, mais... pas le même ! reprend une autre voix nasillarde.

   — Vous avez pas intérêt à vous frotter à nous !

   — Vous ferez quoi, sinon ? défie Edmund.

   J'aperçois des formes floues apparaître tout autour de nous. Je plisse les yeux, intriguée.

   — Sinon, moi je te lacère avec mes griffes !! répond une première voix, dont le corps devient plus net.

   — Et moi je plante mes défenses dans ta carcasse !

   J'ouvre de grands yeux ébahis. Les créatures monstrueuses que je croyais combattre ne sont en fait que des... nains ? Avec un seul pied ? Et ils sont perchés les uns sur les autres pour faire parvenir leurs voix de plus haut ? Ingénieux.

   — Et moi avec mes dents je te déchiquète !

   — Et moi avec mes crocs je te mets en pièce !

   Je retiens un éclat de rire. J'échange un regard amusé avec Edmund.

   — Et avec vos gros ventres, vous nous écrabouillez ? fait ce dernier, goguenard.

   Les nains paraissent complètement perdus. Je crois qu'ils n'ont pas compris qu'ils étaient de nouveau visibles.

   — Et vous nous chatouillez avec vos doigts de pieds ? renchérit Caspian, hilare.

   Déstabilisé, l'un des leur bascule en avant et s'écrase dans l'herbe. Edmund s'approche immédiatement de lui, le menaçant de son épée.

   — Qu'as-tu fais de ma sœur, demi-portion ?

   — Ça va, du calme mon garçon... répond le nain, peu rassuré.

   — Où est Lucy ?? insiste Edmund.

   — Elle... E-Elle est dans le manoir !

   — Quel manoir ??

   Il lui suffit de poser la question pour une immense bâtisse apparaisse à quelques mètres devant nous.

   — Pas sûre, mais ça pourrait être ce manoir, là, dis-je à mon ami en s'approchant de lui.

   — C'est une manie chez vous de toujours partir sans moi ?! grogne soudain une voix derrière nous.

   Je me retourne pour découvrir Eustache, bouche bée. Ah, c'est vrai qu'on avait pas pensé à le réveiller...

   — Oh, c'est le petit cochon ! s'exclame les nains.

   Je pouffe. C'est vrai que ça lui va bien.

   — Ça devient trop bizarre, tout ça... fait Eustache, le visage déconfit.

   Les nains se mettent soudain à sautiller dans tous les sens, affolés. Je me tourne pour chercher la raison de leur panique générale. Je découvre avec joie que Lucy est revenue, accompagnée d'un homme avec une barbe fleurie et une longue robe lui donnant l'allure d'un magicien.

   — C'est l'oppresseur ! Au secours ! s'exclame les nains.

   Je me précipite vers mon amie pour l'enlacer.

   — Oh, Lucy, tu n'as rien le ciel soit loué !

   Elle me sourit. L'homme à ses côtés s'inclinent devant nous.

   — Votre Majesté, dit-il à l'attention de Caspian.

   — Aby, Caspian, Edmund, je vous présente Coriakin, le maître de cette île.

   Je me penche en avant pour le saluer.

   — Ça c'est ce qu'il croit ! Tu as été injuste avec nous, Magicien ! s'insurge soudain un des nains derrière nous.

   — Je n'ai pas été injuste avec vous, réplique Coriakin en s'avançant vers eux, les faisant reculer dans un mouvement de foule paniqué. Je vous ai rendu invisible pour vous protéger.

   — Nous protéger ? Nous oppresser, oui ! Oppresseur !

   — C'est faux, je ne vous opprime pas.

   — Mais tu aurais pu ! Si tu l'avais voulu !

   Plus je les regarde, plus je me dis que cette scène est surréaliste. Coriakin sort quelque chose de son long manteau et le jette sur les nains, qui s'enfuient en sautillant et en poussant des cris de souris.

   — Que leur avez-vous jeté ? s'inquiète Lucy.

   — De la peluche. Mais ne leur dites pas...

   — C'est quoi, ces choses ?? questionne Eustache, effaré.

   — Des Monopodes ! lui répond le Magicien.

   Je vois Eustache rouler des yeux.

   — Ben oui, bien sûr, suis-je bête !

   Je laisse échapper un rire.

   — Allez viens, dis-je en venant le prendre par les épaules. Ne te perds pas à nouveau.

   — Je n'étais pas... commence-t-il, indigné, avant de s'arrêter et de souffler bruyamment.

   Je me mords la lèvre pour ne pas éclater de rire.

j'espère que ce chapitre vous plu hehe

je le poste aujourd'hui parce que j'aurais pas le temps demain, je vais à la pride 🌈 je vais mourir de chaud mais bon 😂

déjà là je suis comme une larve dans mon lit, avec la fenêtre ouverte en grand, et je transpire comme je sais pas quoi 😭😭

n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé 💙 je vous aiiiiime

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