vii. Rebondissements

   Les bandits sont très vite maîtrisés, et le soulagement des villageois me permet de respirer un bon coup. Nous en avons terminé. Sur le chemin du retour, nous sommes acclamés de toutes parts. Caspian, un grand sourire aux lèvres, ne lâche pas ma main une seule seconde. Je dois dire que je ne suis pas mieux, j'ai eu tellement peur de l'avoir perdu que mes doigts sont blancs à force de serrer les siens.

   Soudain, quelqu'un nous interpelle parmi la foule. En me retournant, je reconnais l'homme qui poursuivait le chariot où se trouvait sa femme, il y a à peine une heure.

   — Majesté ! Majesté !!

   Drinian l'arrête en plein élan, pensant à un potentiel ennemi.

   — Non Drinian ! je m'exclame. Je le connais.

   Caspian me regarde avec un léger fronçement de sourcils.

   — Je l'ai vu courir après l'un de ces chariots, ceux qui transportaient les gens vers le port, expliqué-je avant de me tourner vers l'homme. Je suppose que c'était votre femme à l'intérieur... ?

   Il hoche la tête. Caspian lâche ma main pour venir en poser une sur son épaule.

   — Elle a été emmenée avec eux, nous dit-il. J'aimerais partir avec vous !

   La gamine qui lui courait après tout à l'heure, sûrement sa fille, vient s'accrocher à son bras, protestant. Je la regarde tristement.

   — Non, Gael, reste avec ta tante... lui dit-il doucement.

   Une femme s'approche, attirant la gamine dans ses bras.

   — Je suis un bon marin, continue l'homme. Je connais bien la mer, j'y ai passé ma vie. Laissez-moi une chance de la retrouver...

   — Très bien, accepte Caspian. Viens.

   — Merci, souffle l'homme visiblement soulagé.

   — Non, Papa, reste !! s'écrie la petite fille.

   — Ne suis-je pas toujours revenu, Gael ? la rassure son père en l'embrassant une dernière fois. Attends moi, et sois bien sage.

   La fillette se met à sangloter mais hoche la tête, laissant sa tante l'entourer de ses bras. Je me mords la lèvre, attristée par cette scène déchirante. Je jette un dernier regard à la gamine avant de suivre mes compagnons.

   — Merci de m'avoir défendu, me dit l'homme en venant marcher à côté de moi.

   — C'est normal. Je ferais tout pour vous réunir de nouveau avec votre famille.

   Il me sourit avec reconnaissance.

   — Je m'appelle Rhince.

   — Abigail. Mais appelez-moi Aby.

   Il hoche la tête et rejoint Caspian. Je marche avec Lucy, accrochant mon bras au sien.

   Lorsque nous arrivons au port, un vieillard accourt vers nous, tenant dans ses mains une longue épée recouverte de calcaire.

   — Mon Roi ! appelle-t-il, attirant l'attention de Caspian, qui vient à sa rencontre. Ceci m'a été remis par votre père. Je l'avais caché dans une cave il y a des années de ça.

   — C'est une épée très ancienne, fait remarquer Edmund.

   — Elle date de l'Âge d'Or ! précise le vieil homme.

   ... Soit les quinze premières années de notre règne, aux Pevensie et à moi.

   — Il en existe sept semblables, continue-t-il. Toutes offertes par Aslan afin de protéger Narnia. Votre père nous les avait confié... Tenez, prenez-la.

   Il tend l'épée à Caspian, qui la saisit délicatement.

   — Puisse-t-elle vous protéger, termine le vieillard.

   — Merci, Seigneur Bern. Nous retrouverons les disparus, j'en fais le serment.

   Il lui adresse un dernier regard reconnaissant, et s'éloigne avec Edmund. Après quelques pas, il s'arrête et lui tend l'épée. Edmund, surpris, la prend en le remerciant. Je ne peux m'empêcher de sourire.

   Ainsi, ce vieil homme était l'un des sept seigneurs disparus. Plus que six, désormais. Nous gagnons du terrain, et c'est bon à savoir.

   Nous regagnons le bateau à bord des chaloupes. Je me dirige immédiatement vers ma chambre, et la fatigue me submerge. Je me reposais un peu lorsque la porte de la cabine s'ouvre doucement. Je me redresse et aperçois Caspian, la tête passée dans l'entrebaillement. Je lui souris.

   — Je t'ai réveillé ? me demande-t-il.

   — Je dormais à peine. Comment ça va ?

   Il vient s'asseoir au bord du lit.

   — Mieux. J'ai passé la nuit à m'inquiéter...

   — Moi aussi, dis-je en me redressant. J'étais complètement terrorisée, et le fait de ne pas t'avoir avec moi n'arrangeait rien...

   — Pour moi aussi... Mais, au moins, je me suis rendue compte d'une chose.

   — Quoi ?

   — Tu comptes vraiment beaucoup pour moi, Aby. À un niveau... inimaginable. Je ne me vois plus vivre ma vie sans toi. J'ai passé trois ans sans pouvoir te voir, et ça a été la pire des tortures... Je me sentais terriblement seul et je pensais constamment à toi. C'est... invraisemblable d'aimer quelqu'un à ce point, mais c'est pourtant la réalité. Cette nuit, quand j'ai cru te perdre une deuxième fois, j'ai pensé pendant un moment que je n'y survivrais pas. Tu es tout ce qui fait mon bonheur, Aby.

   Je reste interdite, assimilant ses paroles. Des larmes ont commencé à briller dans ses yeux. Doucement, je me rapproche de lui et l'entoure de mes bras. Il passe les siens autour de ma taille, et nous nous laissons lentement tomber à la renverse sur le matelas. Il niche son visage dans mon cou. Je caresse doucement ses cheveux, le regard dans le vide.

   — Je t'aime vraiment, Aby, me dit-il, la voix tremblante. Et je vais paraître égoïste, mais je ferais tout pour que tu restes avec moi, à Narnia. Parce que sans toi, ce monde est vide... et mon cœur aussi.

   Une larme d'émotion roule sur ma joue.

   — Je t'aime aussi, Caspian, murmuré-je. Plus que tout au monde.

   ... Mais j'ai peur. Peur de te faire une promesse que je n'arriverais pas à tenir. Je ne sais pas encore quelle sera ma décision, et je refuse que tu aies le cœur brisé à cause de moi.

   J'ai toute ma vie, à Londres. Mes amis, la dernière famille qui me reste, mon école...

   Mais à Narnia, j'ai Caspian. Et je crois sincèrement qu'il commence à prendre le dessus sur tout le reste.

///

   Lorsque je me suis réveillée, quelques heures plus tard, nous étions toujours dans la même position. J'avais chaud, collée contre lui, mais je préférais mille fois rester dans ses bras. En attendant qu'il n'ouvre les yeux à son tour, je caresse son bras passé autour de ma taille du bout des doigts. Il commence à bouger après quelques minutes, prenant ma main dans la sienne.

   — Bien dormi ? demandé-je doucement.

   — Comme un bébé, répond-t-il, son nez dans mon cou.

   Je pouffe légèrement.

   — Dis-moi... Il reste une chambre libre, non ?

   Je sens ses lèvres s'étirer en un large sourire.

   — J'ai cru que tu ne le demanderais jamais, me dit-il.

   Nous nous mettons à rire tous les deux.

   Il m'explique alors que la chambre était inutilisée jusqu'à maintenant, et qu'il comptait y faire dormir Eustache. Cependant, Edmund avait dit qu'il préférerait avoir son cousin en bas, avec lui et les autres marins. Caspian a donc eu l'idée d'installer Lucy dans la cabine libre, et de me laisser décider de l'endroit où je voudrais dormir.

   J'étais plutôt inquiète quant au fait de me retrouver dans une position aussi intime avec Caspian, mais après ce qui s'est passé cette nuit, je refuse de m'éloigner de lui. D'autant plus que ce sont sûrement mes derniers moments en sa compagnie...

   Nous remontons ensuite sur le pont. Caspian m'embrasse la tempe avant de rejoindre Drinian, qui est penché sur une carte. Je m'approche de Lucy, assise dans un coin, qui raccommode sa veste. Je prends place à côté d'elle.

   — Ça va ? je lui demande.

   — Très bien, et toi ?

   — Ça va...

   — Tu étais passée où ? Edmund voulait te montrer son épée. Il a passé tout son temps à l'astiquer, depuis qu'on est reparti. Il en est très fier.

   — J'imagine, elle doit être magnifique sans cette couche de calcaire. J'irais le voir tout à l'heure.

   — Et... ?

   — Et quoi ?

   — Et, tu étais passée où ? répète Lucy avec un air espiègle.

   — J'étais... en train de dormir. J'étais très fatiguée, et...

   — J'ai l'impression que tu ne me dis pas tout.

   — C'est la stricte vérité ! J'ai réellement dormi, pendant tout ce temps.

   — Très bien, mais il ne me semble pas avoir vu Caspian non plus...

   — Peut-être parce qu'il était avec moi... je réponds d'une petite voix.

   — Je le savais !!

   — Shhht ! Tu vas alerter tout le monde...

   — Mais vous êtes si mignons, ensemble... Tu sais, on en a discuté avec Edmund, et on pense tous les deux la même chose.

   — ... Qui est ?

   — Vous devez vraiment tout faire pour rester ensemble. Il n'y avait qu'à voir ton état, quand nous sommes revenus en Angleterre ! Tu n'étais qu'une coquille vide... Ta seule raison de vivre, c'est Caspian.

   — Eh, tu ne trouves pas que tu vas un peu trop vite en besogne, là ?

   — Absolument pas. Vous êtes faits l'un pour l'autre, ça saute aux yeux !

   — Je n'en sais rien, Lucy... Ma vie est très bien à Londres.

   — Mais ce n'est pas avec moi que tu vas te marier ! Et encore moins avec Edmund.

   Je pouffe.

   — Mais il n'est même pas question de mariage, pour l'instant... Je n'ai que 17 ans !

   — Et alors ? L'amour, ça n'a pas d'âge. Et, je doute guère que la majorité matrimoniale ne soit qu'à 21 ans, ici. Dès la fin de cette aventure, tu pourras rentrer au château avec Caspian et l'épouser en bonne et due forme.

   — Tu t'emballes un peu trop, Lucy, taquiné-je. Je ne sais pas si je suis prête à franchir le pas... À prendre une décision aussi importante.

   — Crois-moi, d'ici quelques jours tu t'en rendras compte.

   Je m'apprête à répondre, mais entends soudain les rires des marins et la voix de Ripitchip résonner dans mes oreilles.

   — Qu'est-ce qui se passe ? je demande en me penchant.

   — Je n'en sais rien... Allons voir.

   Je me mets debout sur mes jambes et aide Lucy à faire de même. Nous nous approchons des voix. À peine sommes-nous arrivées que je vois Eustache tomber en arrière, renversant un grand panier en osier qui pousse un cri aigu.

   Attendez, quoi ? Le panier a crié ?

   Je m'accroupis et soulève la toile qui le recouvrait. Un visage rond et recouvert de tâches de rousseurs apparaît. C'est la gamine du port, la fille de Rhince...

   — Tu n'as rien ? lui demandé-je en l'aidant à se relever.

   Elle secoue négativement la tête.

   — Gael ? l'interpelle son père.

   La fillette se tourne vers lui, baissant tristement la tête. J'échange un regard avec Rhince. Il se dirige vers elle et la prend dans ses bras. Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire. Drinian s'approche de nous, une orange dans la main. Gael se cache derrière son père, intimidé, mais le capitaine lui offre un sourire.

   — Nous avons un nouveau membre d'équipage, on dirait.

   Rhince lui lance un regard reconnaissant. Drinian tend le fruit à la fillette, qui le prend avec un timide sourire.

   — Bienvenue à bord, lui lance Lucy en s'approchant d'elle.

   — Votre Majesté, fait Gael avec une petite révérence.

   — Appelle-moi Lucy, sourit mon amie. Viens, Aby et moi allons t'installer.

   Elle me jette un regard, et je lui fais signe que je la suis. Je reviens vers Rhince, et pose une main sur son bras.

   — Ne vous en faites pas, lui dis-je. On va bien s'occuper d'elle.

   — Je ne vous remercierai jamais assez, votre Majesté... Aby.

   Je lui souris et emboîte le pas à Lucy.

j'espère que ce chapitre vous a pluuuu !! désolée, je n'ai pas pu le poster hier alors je me rattrape aujourd'hui haha 💙

je vous embrasse, à bientôt !

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