vi. Rébellion
Nous sommes rapidement assis dans les chaloupes. Je prends place au fond, partageant le banc avec Lucy et Eustache. Le trajet n'est pas long, et nous accostons bientôt au port.
— En avant ! s'exclame Ripitchip en sautant hors de la barque, tandis qu'un marin m'aide à sortir. En route vers l'inconnu !
— Ça ne peut pas attendre demain matin ? demande Eustache, l'air peu rassuré.
— C'est une question d'honneur, on ne tourne pas le dos à l'aventure ! réplique Rip.
J'aurais tendance à dire que c'est plutôt une question de raison, mais je reste silencieuse.
— C'est drôle... dit soudain Lucy, alors que nous montons les marches pour accéder à la ville. Il n'y a personne nulle part.
— Il est tard... je réponds, histoire de la rassurer. Les gens sont sûrement chez eux.
Derrière nous, Eustache tente de se débrouiller pour sortir de la barque, mais termine le nez dans la poussière. J'entends Ripitchip soupirer doucement.
— Vous êtes sûrs que vous êtes du même sang ? questionne Caspian.
Lucy se tourne vers son cousin avec un rictus gêné. Je pose une main sur son épaule et nous suivons les autres en haut des marches. Caspian a dégainé son arbalète, prêt à se défendre en cas de besoin. Le silence est pesant. Nous observons tout autour de nous, tendus au possible.
Soudain, un énorme son de cloche retentit, faisant sauter mon cœur. Je lève les yeux vers la haute tour qui semble être la source du bruit. Caspian pointe une flèche dans la même direction, mais ne tire pas.
— Ripitchip, dit-il soudain. Reste avec Drinian et ses hommes, et sécurisez les abords. Nous allons entrer. Si nous ne sommes pas revenus à l'aube, envoies des renforts...
Ah, parce qu'il y a un risque que nous ne revenions pas, en plus de ça ? Bien.
Retenant un profond soupir, je suis Caspian et les Pevensie jusqu'au grand hall qui marque l'entrée de la ville. Je vois avec étonnement Eustache nous suivre. Il vaut mieux que nous l'ayons avec nous, ou Ripitchip va vraiment finir par mettre ses menaces à exécution.
Nous pénétrons dans la ville sans un bruit. Assez inquiète, je reste près de Lucy, tout en gardant mes sens en alerte.
— Ça ressemble à une vraie ville fantôme... je murmure à mon amie. Ça me donne la chair de poule.
Caspian et Edmund se dirigent vers ce qui semble être la cathédrale, là où les cloches ont certainement été sonnées.
— Eh ! nous interpelle Eustache. C'est vide, y'a personne ! Qu'est-ce qu'on fait, on repart ?
Je vois Edmund se retourner vers lui avec une grimace.
— Tu veux te poster là et... monter la garde un moment ? lui demande-t-il.
— Ah, oui ! réagit immédiatement Eustache en accourant vers nous. Bonne idée cousin ! C'est... C'est bien vu.
Edmund hoche la tête, soulagé. Avant d'entrer à l'intérieur, Caspian hésite un instant avant de revenir vers Eustache et de lui tendre une courte lame.
Eustache la considère longuement, hagard. Caspian revient vers nous.
— Ça va aller, ça va aller... lance Eustache. Ne craignez rien !
Je lui lance un regard amusé.
— Allez-y, je vais rester avec lui, dis-je aux autres.
— Merci, souffle Edmund, soulagé.
— Tu es sûre ? me demande Caspian, un sourcil levé.
— Oui, ne t'inquiète pas. De toute manière, cette cathédrale me file les chocottes, je préfère rester dehors.
Il hoche la tête et tous trois pénètrent dans le bâtiment, laissant la porte grande ouverte.
Eustache me voit revenir avec un air étonné.
— Tu ne vas pas avec les autres ?
— Non, je préfère rester à l'air libre. Et puis, on ne sera pas trop de deux pour monter la garde.
Je vais immédiatement m'asseoir contre le mur, traçant des courbes dans le sable du bout de ma lame.
— Tu vas te marier avec Caspian ? me demande soudain le garçonnet.
Je relève mon visage vers lui.
— Pourquoi cette question ?
— ... Simple curiosité, répond-t-il en haussant les épaules.
— Je n'en sais rien... soupiré-je. Je suis encore jeune, j'ai le temps d'y réfléchir.
— Mais s'il te le demande ?
— Qu'est-ce qui t'intéresse tant dans ma vie sentimentale ?
— J'ai bien le droit de poser des questions ! Si tu ne veux pas y répondre, tant pis...
J'ouvre la bouche, m'apprêtant à répondre, mais je suis coupée par un puissant son de cloche venant de l'intérieur. Je me relève immédiatement. Des hommes sortis de nulle part sont en train de prendre mes amis en embuscade.
— Tu m'excuseras, mais on finira ça plus tard !
Je m'engouffre dans le bâtiment, dégainant mon deuxième poignard. Je suis à peine à mi-chemin qu'un cri déchirant retentit derrière moi. Je me retourne vivement. Eustache s'est fait attraper par l'un de ces hommes, qui tient un couteau sous sa gorge. Je serre la mâchoire.
— À moins que vous n'ayez envie de l'entendre brailler comme une donzelle une deuxième fois, je vous conseille de lâcher vos armes immédiatement.
— C'est qui la donzelle ?? fait Eustache d'une voix étranglée.
— Lâchez-les !! hurle l'homme en resserrant son emprise.
Rageusement, je jette mes poignards au sol. J'entends mes amis faire de même dans mon dos.
— Maintenant, enchaînez-les ! ordonne le truand qui tient Eustache en otage.
Une forte emprise se referme autour de mes poignets. Je tente de me débattre, mais l'individu tord mes bras dans mon dos pour me faire abandonner. Je pousse un cri de douleur.
— Ne la touchez pas !! s'écrie Caspian, se débattant avec ses agresseurs.
Malheureusement, leur nombre fait qu'ils ont facilement le dessus sur nous. Mes mains se retrouvent rapidement liées.
— Emmenez ces trois là sur la place, dit alors le mercenaire en nous désignant Lucy, Eustache et moi. Quant aux deux autres, au cachot !
Je tente de m'échapper de l'emprise de mon ravisseur par tous les moyens, en vain.
— ÉCOUTE MOI BIEN PAUVRE FOU ARROGANT, JE SUIS TON ROI ! hurle Caspian au chef.
Edmund se prend un énorme coup dans la mâchoire.
— Tu devras payer pour ça !! s'exclame-t-il avec colère.
— En réalité, c'est plutôt quelqu'un d'autre qui paiera... répond un homme sortant de l'ombre derrière nous. Pour vous tous.
Aussitôt, mon ravisseur m'entraîne vers la sortie. Paniquée, je me tourne vers Caspian. Nos regards se croisent et je peux voir de la peur dans ses yeux sombres.
— Aby !!
— Caspian ! je m'exclame d'une voix forte. Caspian, non !!
À côté de moi, Lucy appelle son frère, mais les deux garçons sont retenus de l'autre côté par d'autres mercenaires.
— CASPIAN ! je m'exclame une dernière fois, d'une voix déchirée.
Je suis à deux doigts de fondre en larmes.
— ABY ! LÂCHEZ-LA !
Nous sommes traînés de force à l'extérieur. Lorsque je perds Caspian de vue, mes yeux se brouillent et j'abandonne toute tentative de fuite.
C'est probablement la dernière que je l'ai vu, et je n'ai même pas pu lui dire à quel point je l'aime.
///
Lorsque je me réveille le lendemain, le soleil n'est pas encore très haut dans le ciel. Je suis toujours attachée au mur, une énorme chaîne autour du cou et des poignets. Me remémorant les événements de la veille, je me remets à pleurer silencieusement. Mes reniflements finissent par réveiller Lucy, qui se blottit contre moi. J'aimerais pouvoir la rassurer, mais je n'en ai pas la force. Eustache aussi ouvre doucement les yeux et se rapproche de moi inconsciemment.
Il nous faut attendre encore quelques heures pour qu'une agitation anime la place. Le groupe de marchands d'esclaves sillonne les rues avec cet air hautain, comme s'ils se pensent maîtres du monde.
De temps à autre, un chariot rempli d'une dizaine de personnes environ traverse la place et disparaît vers le port. Les gens à l'intérieur pleurent, ou affichent un air abattu. Je me demande sérieusement où ils sont conduits comme ça...
Alors que quatrième d'entre eux roule sur les pavés de la place, je m'aperçois qu'un homme le suit en courant, appelant quelqu'un désespérément.
— HELAINE ! HELAINE !!
Une petite fille court quelques mètres derrière lui, appelant sa mère. Mon cœur se déchire. À l'intérieur, une femme tend la main vers eux.
— PITIÉ ! GAEL ! hurle-t-elle à sa fille.
L'homme réussit à atteindre sa main, mais l'un des bandits lui envoie un coup de poing dans le visage. Il tombe au sol.
— MAMAN ! hurle une dernière fois la fillette.
— GAEL, RESTE AVEC PAPA !!
L'homme se relève.
— JE TE RETROUVERAI ! hurle-t-il. JE TE LE JURE !
Ma lèvre inférieure se met à trembler. Je lève les yeux vers le ciel pour empêcher les larmes de couler.
Bientôt, on vient nous chercher. Je les suis sans rechigner. Je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit.
— Toi, fait un homme en attrapant Lucy. T'es la première à passer.
— Lâchez-la ! je m'exclame durement. Prenez-moi à sa place !
— Sois pas si pressée, ton tour viendra aussi, ricane grassement le bandit.
Je regarde avec horreur Lucy monter sur l'estrade. Les enchères commencent à soixante sous, et montent jusqu'à cent cinquante. Lorsque le prix est fixé, le mercenaire vient passer un panneau "VENDU" autour de son cou. Je réprime un haut-le-cœur. Après elle, c'est Eustache qui est présenté aux acheteurs.
— Et maintenant pour ce... très beau spécimen... Qui ouvre les enchères ?
Personne ne réagit.
— Allons, messieurs... Il ne paie peut-être pas de mine mais... il est fort ! assure l'homme en tâtant le bras du blondinet.
— Son odeur aussi elle est forte ! réplique un homme dans la foule.
— Il pue comme un cul de minotaure ! s'esclaffe un autre, provoquant le rire de tous les hommes présents.
— Cette accusation est un scandale ! s'indigne Eustache. J'ai eu le premier prix de propreté deux ans d'affilée !!
Si la situation n'était pas aussi grave, j'aurais sûrement ri. Mais tout ce dont j'ai envie en ce moment, c'est de lui dire de la fermer pour ne pas s'attirer plus d'ennuis.
— Allons, qui ouvre les enchères ? répète le bandit à côté de lui.
— Moi je vous le prends ! s'exclame une voix familière dans la foule.
Je fronce les sourcils. Un homme s'avance, son visage camouflé sous une capuche.
— D'ailleurs, je vous les reprends tous !! Pour Narnia !
Aussitôt, une dizaine d'hommes du Passeur d'Aurore dévoilent leur visage, dégainant leurs armes. Un gigantesque sourire se dessine sur mon visage. Ripitchip, qui était la voix que j'ai entendu, vient immédiatement vers moi pour me libérer de mes chaînes.
— Merci infiniment Ripitchip, t'es le meilleur !!
— Qu'est-ce que je ne ferais pas pour son Altesse !
Et il repart au combat. Je vois Lucy derrière moi, entre les mains d'un bandit, complètement paniquée. Je m'élance vers eux et balance mon poing dans la figure de l'homme sans une once d'hésitation. Mes phalanges craquent mais je n'y fais pas attention. Il se retrouve étalé au sol, à moitié inconscient. Je récupère un trousseau de clés à sa ceinture et m'empresse de libérer Lucy. Elle me sert dans ses bras, soulagée.
— Merci, Aby !
— Ce n'est rien. Reste saine et sauve ! lancé-je avant d'aller récupérer Eustache, prostré dans un coin.
Je me baisse à sa hauteur et déverrouille le cadenas qui retient ses chaînes.
— Maintenant, Eustache, tu vas aller rejoindre les chaloupes, d'accord ? Tu sauras retrouver le chemin jusqu'au port ??
Il hoche frénétiquement la tête, ses yeux observant tout autour de lui avec frayeur.
— Alors vas-y, et attends nous là-bas ! Reste à l'abri, d'accord ?
— O-oui...
Et il part en direction du port. J'attends qu'il se soit assez éloigné pour revenir sur la place. Lucy est en train de se battre toute seule contre deux hommes, et je dois dire qu'elle s'en sort très bien.
Je vais personnellement arracher le sabre attaché à la ceinture de l'homme que j'ai assommé, et me dirige d'un pas décidé vers les combats. Je m'attaque sans attendre au premier homme que je croise. Je m'aperçois avec bonheur que les villageois nous ont rejoint dans la bataille, s'attaquant à leurs ennemis avec colère. Mais mon bonheur se fait encore plus grand lorsque j'aperçois la silhouette de Caspian descendre un escalier pour venir nous rejoindre. Nos regards se croisent et, comme d'un commun accord, nous accourons l'un vers l'autre. Je me jette dans ses bras avec émotion. Il pose ses mains sur ma taille et m'offre un vrai baiser rempli de passion. Mon cœur se met à palpiter.
— Je t'en supplie, reste près de moi, me dit-il.
— Je ne te lâche plus, c'est promis.
Il sourit légèrement et nous repartons au combat.
BAAAHHH j'adore ce chapitre 😢
j'espère qu'il vous a plu aussiiii
je vous embrasse 💙
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