vi. Cachette extensible
Voilà désormais une semaine que je ne m'aventure plus hors de ma chambre. Margaret a la gentillesse de m'apporter les repas auxquels je ne touche presque pas. Mais je ne ressens plus rien. Juste une profonde tristesse.
J'avais déjà vécu un deuil, et j'avais prié le Seigneur pour que cela ne se reproduise pas. Qu'avais-je fait pour le mériter ?
Je suis désormais privée de mes deux parents. Une orpheline.
Les seuls moments qui me font l'oublier sont ceux où je me plonge dans un livre. J'ai bien avancé dans L'Histoire des Narniens. C'est très intéressant. Cela me donnerait presque envie d'aller y vivre, si l'on omet la Sorcière diabolique et l'hiver éternel.
Hors de ces moments désormais précieux, ma solitude me hante jour et nuit. Lucy est venue, quelques fois, mais même sa présence enfantine et innocente ne me remonte pas le moral. De même pour mon Oncle, qui fait pourtant de son mieux.
Aujourd'hui, le soleil est éclatant. Cependant, je n'ai pas envie de sortir en profiter. À vrai dire, je n'ai pas envie de grand chose.
Les Pevensie sont dehors. Ils jouent au base-ball, je crois. J'aime à les regarder s'amuser, mais je n'ai pas le courage de les rejoindre. Soudain, Peter lève la tête vers ma fenêtre. Il me fait un signe. Je lui réponds par un demi-sourire qu'il ne verra sûrement pas. Les autres se sont arrêtés de jouer. C'est alors qu'il me propose de les rejoindre avec un geste de la main. Je secoue la tête. Je reste quelques secondes encore puis quitte ma fenêtre pour aller me réfugier dans l'ombre de ma chambre mal aérée. Je m'assois doucement sur mon lit.
Je ne vois pas ce qui m'empêche de les rejoindre, finalement. Enfin, si l'on omet le fait que je n'arriverais pas à jouer la comédie. À faire semblant d'être heureuse, à rire, à courir. Je ne risque que de gâcher leur jeu, en descendant.
Je reste allongée sur mon lit, attendant que le temps passe. Les minutes s'écoulent avec une lenteur insupportable. Au final, je ne sais pas si je reste ainsi cinq minutes ou une heure. Ce qui est sûr, c'est que les Pevensie sont toujours dehors.
Soudain, j'entends un grand vacarme dans la maison. Je me redresse. C'était un bruit de ferraille. Quoi qu'il se soit passé, la vieille Macready ne va pas être contente.
Curieuse, j'entrouvre la porte de ma chambre et tends l'oreille.
— QUE DIABLE SE PASSE-T-IL ICI ? hurle Macready.
Je m'apprête à refermer ma porte pour ne pas avoir à subir sa colère mais j'entends un bruit de cavalcade dans l'escalier. Je sors de ma chambre et me penche au-dessus de la balustrade. Ce sont les Pevensie qui montent les marches quatre à quatre. Lorsqu'ils arrivent à l'étage, je n'ai pas le temps de protester que Peter m'embarque avec eux.
— Peter ! je m'écrie.
— Viens, dépêche-toi !
Il tient fermement mon poignet dans sa main. Je n'essaie même pas de me débattre tant la situation me laisse sans voix.
Nous montons encore un escalier, cherchant une pièce où se cacher. Susan essaie une porte verrouillée. Edmund nous dirige vers la pièce d'à-côté. La porte s'ouvre miraculeusement. Nous entrons tous un par un, refermant la porte derrière nous. J'essaie tant bien que mal de reprendre mon souffle. Maintenant que je suis là, impossible de revenir jusqu'à ma chambre. La vieille Macready va m'attraper. Edmund va ouvrir l'un des battants de l'armoire.
— Dépêchez-vous ! s'exclame-t-il en désignant l'intérieur de l'armoire.
Qu'est-ce qu'il essaie de faire ? N'avait-il pas nié l'existence du passage, la dernière fois ?
— J'espère que tu plaisantes, dit Susan, réticente.
Malheureusement, les pas de la mère Macready résonne dans le couloir. En entendant ça, Peter et Susan nous entraînent vers l'armoire. L'aîné des Pevensie pénètre le dernier à l'intérieur et referme la porte. Je tends l'oreille. Les pas de Macready s'arrête juste devant la porte.
— Reculez-vous, souffle Peter.
Nous nous exécutons.
— Aïe ! lâche Lucy. Edmund, tu me marches sur le pied !
— C'est pas moi !
— Arrêtez de pousser !
J'ai l'espoir au fond de moi que l'on atterrisse à nouveau dans la forêt enneigée. Le passage sera-t-il ouvert, cette fois ? J'essaie de regarder par-dessus la tête d'Edmund, devant moi. Soudain, j'aperçois une branche. Mon cœur s'accélère. Je marche désormais sur la pointe des pieds, tentant de voir plus loin devant moi.
C'est alors qu'Edmund s'arrête, m'obligeant à m'arrêter aussi. Je vois ensuite Susan, les fesses dans la neige.
Je constate avec émerveillement que nous sommes revenus. Je tapote l'épaule de Lucy, qui se retourne vers moi. Elle comprend immédiatement où je veux en venir et me fait un grand sourire.
Nous sortons tous de l'armoire.
— C'est pas croyable... souffle Susan, à nouveau sur ses pieds.
Peter paraît tellement stupéfait qu'aucun son ne sort de sa bouche. Lucy se place à côté d'eux, un sourire espiègle aux lèvres.
— Oh, ce n'est rien. C'est votre imagination qui vous joue des tours.
Peter et Susan se tournent vers elle.
— J'imagine que toutes les excuses du monde ne seraient pas suffisantes, dit alors Peter.
— Oui, ce ne serait pas assez... commence Lucy, les mains derrière le dos. Il faudrait ajouter au moins ça ! s'exclame-t-elle soudainement en dévoilant la boule de neige qu'elle cachait et en la lançant sur Peter.
Son grand frère prend un air choqué et ne met pas longtemps pour reproduire la même chose. Susan s'y met aussi. Je les regarde faire, le sourire aux lèvres. Soudain, je sens un impact derrière mon crâne puis une sensation glacée dans ma nuque. J'y passe une main pour essayer de retirer la neige et me retourne. C'est Edmund. En me voyant ainsi, le visage fermé, le cadet des Pevensie perd son sourire. Son air apeuré m'amuse tant que je plonge à mon tour les mains dans la neige.
— Tu vas voir ce que tu vas voir ! je m'écrie.
(je sais que sa tenue sur le gif ne correspond pas du tout mais je l'ai mis pour le geste et l'actrice 😊)
Sans qu'il n'ait le temps de réagir, ma boule de neige atterrit en plein sur son visage. Son sourire revient. Il paraît rassuré. Peut-être était-ce une façon de se faire pardonner. Elle était étrange, certes, mais cela avait fonctionné.
Soudain, une nouvelle boule de neige arrive par derrière et le frappe sur l'épaule.
— Aïe ! grogne-t-il. Ça va pas ??
Les Pevensie s'arrêtent de jouer. Peter s'avance vers son frère, tandis qu'il se frictionne l'épaule pour faire passer la douleur.
— Petit menteur ! s'exclame Peter d'un ton plein de reproches.
— Vous non plus, vous ne l'avez pas crue ! réplique Edmund.
— Présentes tes excuses à Lucy ! ordonne Peter.
Edmund reste silencieux.
— Dis lui que tu es désolé ! renchérit Peter.
— Ça va... marmonne Edmund. Je suis désolé.
— Ce n'est pas grave ! répond immédiatement Lucy. Les enfants font toujours semblant, ils ne savent pas s'arrêter.
Je souris malgré moi.
— Très drôle... soupire Edmund.
— Il vaut mieux que l'on rentre, maintenant, conseille Susan.
— On pourrait au moins... visiter, faire un tour ! proteste Edmund.
— J'estime que c'est à Lucy d'en décider, tranche alors Peter en se tournant vers la concernée dont les yeux se sont illuminés tout à coup.
— J'adorerais vous présenter Mr Tumnus !
— Alors, allons voir ce Mr Tumnus ! approuve Peter en retournant dans l'armoire.
Je le regarde faire, hésitante. Dois-je rentrer ? Ou les accompagner ?
— On ne peut pas se promener dans la neige habillés de cette façon ! fait remarquer Susan.
— Non ! lance Peter, toujours dans l'armoire.
Il en ressort après quelques secondes, un tas de fourrures dans les bras.
— Le Professeur ne nous en voudra pas de les avoir empruntés ! D'autant plus que, si on y réfléchit, ces manteaux ne sortent même pas de l'armoire.
Il en donne un à chacun d'entre nous. Lorsqu'il vient vers moi, je l'arrête.
— Je pense que je vais rentrer, Peter...
— Oh non, accompagne-nous !
— Il vaut mieux que je retourne à l'intérieur... Mon Oncle va s'inquiéter, et-
— Ce n'est que pour une heure ! Nous serons revenus d'ici-là. Je pense sincèrement que cela te fera le plus grand bien, Aby...
Je pince les lèvres et finis par prendre le manteau de fourrure noire que j'enfile aussitôt. Il est très confortable et très chic. J'ai l'impression d'être une grande dame, avec. Cela me remonte un peu le moral, tout comme le sourire heureux de Lucy dans ma direction.
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