v. Réunion et décision
Nous marchons longtemps avant de nous arrêter. Caspian, peu rassuré par la carrure des centaures, ne me lâche pas d'une semelle. J'essaie d'être rassurante en instaurant un climat détendu, mais les centaures ont l'air si sérieux que c'est difficile. Cependant, ils ne montrent aucun signe d'agressivité, et ne font que nous conduire à leur repaire. La nuit tombe doucement lorsque nous y arrivons enfin. Glenstorm nous demande de rester en retrait tandis qu'il rassemble tout le monde. Je commence à frissonner. Je ne suis toujours vêtue que d'une chemise de nuit et d'un châle que j'enroule autour de mes épaules du mieux que je peux. Malgré ça, la température nocturne est vraiment basse. Je me surprends même à claquer des dents.
— Tout va bien ? me demande Caspian.
— O- Oui, ne vous en f- faites pas. J'ai juste b- besoin de me r- réchauffer.
Caspian s'empresse de retirer sa cape et me la pose sur les épaules.
— Tenez, me dit-il doucement.
— Oh... Merci beaucoup, je réponds. Mais... Tutoyons-nous. Si tu le veux bien.
Caspian paraît surpris de ma demande, mais hoche la tête. Je lui offre un sourire qu'il me rend sincèrement. Je sens mes joues rougir. Heureusement pour moi, il fait sombre.
Tandis que les Narniens s'installent en cercle autour de nous, Glenstorm nous fait signe de nous avancer.
— La trompe magique de la Reine Susan est de nouveau parmi nous, dit-il. Elle nous a ramené la Reine Abigail pour nous venir en aide.
Les regards que me lancent les membres de l'assemblée me laissent croire qu'ils ne sont pas heureux de me voir ici. Seuls les animaux parlant ne me regardent pas avec haine.
— Où était-elle passée durant toutes ces années, tandis que les Telmarins comme lui prenaient le contrôle de Narnia ? questionne Nikabrik, hargneux.
Aussitôt, l'assemblée se met à vociférer ses pires insultes.
— Assassin ! C'est un Telmarin !
— Menteur !
— Tuez-le !
Le tout mêlé aux rugissements des panthères et des ours donne une belle cacophonie. Mon cœur s'emballe et je suis tout de suite moins rassurée du tournant de cette réunion.
— Le fait qu'il ait eu cette trompe prouve qu'ils nous ont encore une fois volé quelque chose qui nous appartenait ! reprend Nikabrik.
— Je ne vous ai rien volé ! se défend Caspian.
— Vous nous avez rien volé ?! intervient un faune. Vous voulez qu'on fasse une liste de ce que les Telmarins nous ont prit ??
— Nos maisons ! fait une centaure, les larmes aux yeux.
— Nos terres !
— Notre liberté ! continue un faune avec colère.
— Nos vies ! crie quelqu'un derrière nous, sous les acclamations de l'assemblée.
— Vous avez détruit Narnia !
— Vous me tenez responsable de tous les crimes de mon peuple ?! s'exclame Caspian à côté de moi.
— Responsable... et punissable ! répond Nikabrik en descendant de son rocher.
— Ah ! venant de toi c'est un comble, le nain, intervient Ripitchip en nous rejoignant, dégainant son épée. Aurais-tu déjà oublié que ce sont les tiens qui se sont alliés à la Sorcière Blanche ??
— Et je le referais, si ça pouvait nous débarrasser de ces espèces de barbares !!
La plupart des créatures autour de nous approuvent bruyamment.
— Nous sommes chanceux que tu n'aies pas le pouvoir de la ressusciter, dit alors Chasseur-de-Truffes. Ou est-ce que tu souhaiterais que ce garçon prenne la relève contre Aslan ?
Les exclamations se font plus fortes.
— Certains d'entre vous l'ont peut-être oublié, mais nous les blaireaux nous nous souvenons que Narnia n'a trouvé la paix que lorsqu'un fils d'Adam fut Roi, reprend Chasseur-de-Truffes en me regardant.
— C'est un Telmarin ! réplique Nikabrik. Pourquoi vouloir en faire notre Roi ?!
— Parce que je peux vous aider ! se dépêche de répondre Caspian, couvrant les exclamations de l'assemblée.
Le silence met un moment à revenir.
— On vous écoute ! lance un centaure, calmant tout le monde.
— Par-delà ces forêts, je suis un Prince, s'explique Caspian. Le trône de Telmar me revient de droit ! Aidez-moi à le reconquérir, et je vous promets que la paix régnera parmi nous !
Le silence qui suivit sa réplique fit brisé par Glenstorm qui s'avança vers nous.
— Il a raison, dit-il. Le temps est venu. J'ai observé le ciel, car il m'appartient de l'observer comme à toi il t'appartient de te souvenir, blaireau, s'adresse-t-il à Chasseur-de-Truffes. Tarva, le seigneur de la victoire, et Alambil, la dame de la paix, se sont réunis dans les salles célestes. Et sur Terre, un fils d'Adam a de nouveau surgi... pour que notre liberté nous soit rendue.
— Est-ce possible ? demande Saute-Brindille, l'écureuil. Connaîtrons-nous à nouveau la paix ? Je veux dire... vraiment ?
— Il y a deux jours, je ne croyais pas en l'existence des animaux doués de parole... ni aux nains, ni aux centaures... et encore moins au retour des Rois et des Reines de l'Ancien Temps. Pourtant, la Reine Abigail est parmi nous et vous, vous êtes là, devant moi, nombreux et forts ! Je sais qu'à Telmar, personne ne peut s'en douter ! Alors qu'importe que cette trompe soit magique ou non, elle a pu nous réunir et nous a ramené une aide précieuse, fait-il en posant une main sur mon épaule. Et en étant tous réunis, et guidés par la Reine Abigail, nous pourrons reprendre ce qui nous revient de droit !
Je m'arrête de respirer, guettant avec appréhension la réaction de l'assemblée.
— Si vous deux consentez à nous conduire, alors mes trois fils et moi seront dévoués à votre cause, finit par dire Glenstorm en levant son épée, suivi par les autres centaures.
Rapidement, l'assemblée entière se rallie à lui et bon nombre d'armes sont dressées.
— Et nous vous offrirons nos vies sans réserve, dit Ripitchip en s'inclinant.
Je glisse ma main dans celle de Caspian et la lève au-dessus de nos têtes. Des cris de joie résonnent dans toute la forêt. Un large sourire fend mon visage. Mes espoirs n'étaient pas vains. Nous avons réussi.
— Miraz et son armée ne doivent pas être bien loin, Altesses, prévient Chasseur-de-Truffes une fois l'euphorie retombée.
— Si on veut être prêts au combat, il nous faut rapidement réunir des soldats et des armes, dis-je.
— Tu as raison, dit Caspian en hochant la tête. Je pense qu'ils seront bientôt là...
J'assimile gravement ce qu'il me dit.
— Dès demain, nous partirons, dit Glenstorm en s'adressant à tous. Il nous faut rassembler le plus de soldats possibles, et trouver un endroit où lever le camp. Un endroit sûr.
J'acquiesce. Après ça, nous suivons les créatures qui nous entourent jusqu'au lieu où nous établirons le camp pour la nuit. Je suis toujours emmitouflée dans l'épaisse cape de Caspian, qui me réchauffe grandement. Il marche à mes côtés, les yeux rivés vers le sol. Ripitchip n'est pas loin, à veiller au grain. Une fois arrivés, un grand feu est allumé et chacun se place autour. Je m'assois et replie mes genoux contre ma poitrine. Caspian s'installe à côté de moi.
— Tu... Tu es vraiment différente des autres reines que j'ai croisé, me dit-il à voix basse.
— Il faut croire que je n'ai pas l'habitude. J'essaie... de faire de mon mieux.
— D'après ce que j'ai lu dans les livres d'histoire, tu avais plutôt bien réussi. La preuve en est, on parle toujours de toi aujourd'hui.
— J'aime savoir que j'ai servi à quelque chose quelque part, je réponds avec un sourire en levant les yeux vers Caspian.
Il me sourit également. Les flammes du brasier éclairent son visage et dansent dans ses yeux sombres. Le silence règne pendant quelques instants. Je n'arrive pas à fermer l'œil. Je suis trop préoccupée par le déroulement de la journée du lendemain pour être fatiguée.
Alors que je parviens enfin à m'allonger et à sombrer dans le sommeil, je sens qu'on me secoue doucement.
— Aby, m'appelle la voix de Caspian.
— Oui ? je réponds d'une voix pâteuse.
— Viens avec moi, me dit-il. J'aimerais faire quelque chose.
— Quelle heure est-il ? je demande en me redressant.
— Je n'en sais rien, mais le soleil ne va pas tarder à se lever.
— Mais... Je viens de m'endormir...
— Non, sourit Caspian. Tu as dormi plusieurs heures déjà.
— Oh, d'accord... Où veux-tu aller ? je questionne tandis que Caspian me tend la main pour m'aider à me lever.
— Je veux t'emmener quelque part.
Je fronce les sourcils mais ne répond pas. J'accélère le pas pour marcher à sa hauteur.
— Je n'arrivais pas à dormir, alors je suis allé marcher un peu, m'explique-t-il. Je suis tombé sur un énorme rocher. Je l'ai escaladé, et de là-haut j'arrivais à voir jusqu'à la rivière. Les Telmarins sont en train d'y construire un pont. Mais ce n'est pas ça que je veux te montrer... De là-haut, on a une superbe vue. Je voulais te montrer le lever du soleil.
Je souris en coin. Caspian se détend de plus en plus en ma présence, et ça me touche beaucoup.
Nous arrivons enfin jusqu'au rocher. Il me propose de m'aider à monter.
— Non, vas-y toi. Tu m'aideras mieux une fois là-haut.
J'ai surtout peur qu'un coup de vent soulève ma chemise de nuit. Alors Caspian grimpe le premier. Il se tourne vers moi et me désigne l'une après l'autre les prises où m'accrocher. Je finis par arriver en haut, après que Caspian m'ait tendu sa main pour m'aider sur le dernier mètre. Je viens m'asseoir à côté de lui avant de poser mes yeux sur l'horizon.
— C'est... magnifique, je souffle.
En effet, les rayons du soleil percent déjà derrière les collines et offrent un tableau bleu et orangé, brouillé par la brume matinale.
— J'aimerais faire durer cet instant pour l'éternité, dis-je soudainement.
Je sens le regard de Caspian se poser sur moi mais je garde le mien fixé sur le soleil.
Je suis détendue. Je suis heureuse. Je me rends alors compte que Narnia est le seul endroit où je me sens vraiment bien.
j'espère que ces deux chapitres vous ont plu 💛 n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça me fait toujours très plaisir :)
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