v. Débarquement
Comme je l'ai dit, je finis par remonter, laissant Eustache réfléchir sur sa décision. Sur le pont, Caspian et Edmund sont en train de se battre à l'épée. Je m'écarte le plus possible pour passer sans me prendre de coups et rejoindre Lucy, de l'autre côté.
— Qu'est-ce qui se passe ? lui demandé-je en me penchant vers elle.
— Je crois qu'ils ont besoin de prouver qu'ils sont forts.
— Ah, les hommes et leur testostérone... soupiré-je.
Lucy éclate de rire.
— Dis donc, tu ne m'avais rien dit pour Caspian et toi ! Je me suis bien ridiculisée, tout à l'heure !
Cette fois, c'est à moi de rire à gorge déployée.
— Oh, Lucy, je suis désolée... C'était vraiment pas le but. C'est juste qu'en Angleterre, je n'étais sûre de rien. Aslan me l'avait dit, l'avenir est incertain... Je ne savais pas si j'allais le revoir, alors j'ai préféré garder ça pour moi.
— Donc ça ne date pas d'aujourd'hui ?... me demande-t-elle d'un air suspicieux.
— Eh bien... officiellement, si. Mais si tu veux revenir à la source... il se pourrait bien que ça ne remonte à un an et demi.
— Comment ça ?
Je me mords la lèvre, hésitante, puis je me penche vers l'oreille de mon amie.
— Il se pourrait que... l'on se soit embrassé, après que vous soyez partis la dernière fois.
Lucy étouffe un cri. Je la prie rapidement de se taire, voyant Edmund arriver de loin. Heureusement, sa course est ralentie par un marin qui lui tend un verre d'eau. Lucy parvient à calmer ses émotions avant qu'il n'arrive près de nous.
— De quoi vous parlez, les filles ? nous demande-t-il nonchalamment.
— Je, euh...
— Je... demandais à Aby... par rapport à... par rapport au voyage !
— Oui ! C'est ça.
— Tu penses que si on atteint le... le bout du monde, on tombe dans le vide ? improvise Lucy.
— Oh, je pense qu'on en est très loin. Il n'y a pas à s'inquiéter, nous répond Edmund.
Je souffle discrètement et jette un regard reconnaissant à Lucy.
— Encore en train de débiter des absurdités... grogne une voix nasillarde derrière moi.
Je me retourne avec un grand sourire.
— Oh, Eustache ! Tu nous as finalement fait le plaisir de nous rejoindre ! Tes vêtements sont secs ?
Il ne répond rien, mais je vois bien qu'il se retient. Mon sourire narquois ne disparaît pas pour autant.
— Tu te sens mieux ? lui demande Lucy d'une voix douce.
— Oui, et c'est pas grâce à vous ! fait-il en s'appuyant contre la rambarde, à la droite d'Edmund. Heureusement, j'ai une solide constitution !
Je me retiens de pouffer.
— Toujours plein d'entrain à ce que je vois ! se moque Ripitchip en arrivant près de nous, perché sur les échelles de cordes. C'est le pied marin qui fait défaut.
— Mais j'ai le pied marin ! rétorque Eustache en fronçant son nez retroussé. J'étais en état de choc, voilà tout. Selon Mère, je suis joliment gâté par la nature... bougonne-t-il. Surtout pour l'intelligence.
Edmund recrache l'eau qu'il a dans la bouche. J'éclate de rire, ce qui me vaut un regard noir de la part du garçonnet.
— Je n'avais pas remarqué quoi que ce soit de joli en lui, nous dit Ripitchip.
Eustache se redresse d'un bond et commence à s'éloigner.
— Et soyez sûrs qu'aussitôt revenus à la civilisation, j'irais voir le consul de Grande-Bretagne, et je vous ferais arrêter pour enlèvement !
Soudain, il bute contre le torse de Caspian. Mon cœur se met à battre la chamade. Oh, si il me fait ça à chaque fois qu'il apparaît dans mon champ de vision, je serais morte bien avant d'avoir accosté.
— Enlèvement ? répète Caspian, goguenard. C'est drôle, je croyais qu'on vous avait sauvé la vie !
— Vous me retenez contre mon gré ! s'écrie Eustache, sa voix montant à nouveau dans les aigus.
— Ah oui ? fait Caspian, véritablement amusé.
— Qui plus est, dans des quartiers dépourvus d'hygiène !! C'est une vraie ménagerie, en bas !
— Il adore se plaindre, non ? questionne rhétoriquement Ripitchip.
— Et ce n'est qu'un échauffement, soupire Edmund.
Je m'apprête à répondre quelque chose, mais je suis coupée par la vigie, en haut du mat.
— TERRE EN VUE ! nous déclare-t-elle d'une voix forte.
Aussitôt, Caspian monte rejoindre Drinian au niveau du gouvernail. Je me retourne vers la mer pour essayer d'apercevoir quelque chose. En effet, en plissant les yeux, je remarque un semblant d'île. Un sourire se dessine sur mon visage.
— Comme c'est excitant ! dit Lucy, à ma droite.
Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'elle a raison. Ça y est, nous sommes enfin plongés dans l'aventure.
Le bateau vire donc de bord, se dirigeant droit vers la fameuse île que nous voyons au loin. Le soleil commence à décliner, tandis que nous nous rapprochons, et nous offre un magnifique tableau orangé. Je reste à l'avant du bateau, contemplant ce spectacle avec un léger sourire. Soudain, deux mains viennent saisir ma taille. Je sursaute, et mon crâne rencontre le menton de Caspian — car c'est bien lui.
— Oh, je suis sincèrement désolée ! je m'exclame aussitôt en me retournant vers lui, examinant son visage sous toutes les coutures. Je ne t'ai pas fait mal ??
— Non, ne t'inquiète pas... rit doucement Caspian. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû arriver sans prévenir.
Je fais une moue dubitative et embrasse le bas de sa joue recouverte d'une légère barbe. Caspian affiche un sourire satisfait.
— Je devrais me blesser plus souvent, si c'est pour être récompensé comme ça...
— N'abuse pas trop non plus, le taquiné-je en reprenant ma position d'origine.
Il entoure ma taille de ses bras et pose sa tête sur mon épaule.
— Au moins j'aurais essayé.
Avec un sourire, je pose une main sur les siennes, contre mon ventre. Il dépose plusieurs baisers sur le côté de ma tête.
— Les couchers de soleil sont vraiment les plus beaux, à Narnia, dis-je soudainement. J'aimerais voir ça tous les soirs.
— ... Tu le pourrais, répond Caspian d'une voix quasi-inaudible.
Je me tends entre ses bras. J'imagine qu'il a dû le sentir, car il s'écarte immédiatement pour venir se placer à côté de moi.
— Désolé, dit-il en appuyant ses bras sur la rambarde. Je ne voulais pas dire ça.
— Non... C'est pas grave.
Il garde les yeux baissés vers les vagues qui s'écrasent contre la coque du bateau. J'aimerais faire disparaître cet air triste de son visage, j'aimerais hurler au monde entier que je l'aime, mais les mots restent bloqués dans ma gorge.
— Est-ce qu'on est bientôt arrivés ? je lui demande d'une voix tout sauf naturelle.
Caspian se redresse.
— Oui, je pense. Je vais aller chercher Drinian. Attends-moi là.
Le voir s'éloigner obstrue ma gorge d'une grosse boule de regrets. Je prends ma tête entre mes mains, pestant contre moi-même.
— Bravo, Aby, marmonné-je. Tu as gagné le prix de l'idiotie.
— Qu'est-ce qui te prend à parler toute seule ? demande Edmund qui me rejoint.
— Rien...
— Bon... Si tu ne veux rien me dire...
Je pouffe doucement.
— Non, c'est pas ça... Tu vas me trouver bête.
— Ça risque pas d'arriver, vu mon propre quotient intellectuel...
— N'importe quoi ! je m'exclame en lui donnant un coup de coude. Tu n'es pas plus bête qu'un autre, Edmund. Tu es même très intelligent.
— Si tu le dis... Bon, tu me le racontes, ce gros malheur ?
— ... C'est juste que... j'ai peur de faire le mauvais choix.
— Comment ça ?
— La dernière fois que nous sommes repartis de Narnia... Je l'ai amèrement regretté, pendant toute une année. Et maintenant que je suis revenue... je ne sais plus ce que je dois faire.
— Tu sais... personne ne pourra décider à ta place, Aby.
— Je sais... C'est bien ça le problème.
— Oh, arrête de geindre un peu. On dirait Eustache.
— Ah, non ! Je t'interdis de me comparer à lui !
Edmund s'esclaffe.
— Je plaisante.
Un court silence s'en suit.
— Tu sais... reprend mon ami. Je pense que tu trouveras difficilement quelqu'un qui t'aimera comme lui. Ce que je veux dire, c'est que tous les hommes de notre monde sont corrompus. Évidemment, je ne me mets pas dedans...
— Ben voyons...
— ... et tu trouveras difficilement quelqu'un qui soit aussi sincère que Caspian. Il a le cœur noble, et il est le seul qui puisse te donner tout l'amour que tu mérites.
— ... C'est gentil, Ed.
— Je le pense vraiment. Si tu le quittes, tu risques d'être malheureuse toute ta vie.
— Mais je vous aurais vous...
— Tu nous auras toujours, Aby. Quel que soit ton choix. Caspian, tu ne peux l'avoir qu'ici.
Je reste silencieuse, méditant ses paroles. Soudain, Drinian et Caspian arrivent avec Tavros et viennent se placer entre nous. Drinian déplie une longue-vue et regarde à l'intérieur des cercles.
— C'est le port de Narrowhaven, nous dit-il. Nous sommes bien aux îles Solitaires.
Caspian emprunte la longue-vue à son tour.
— C'est étrange. Aucun drapeau de Narnia en vue.
Il fait passer l'outil à Edmund, qui jette un œil dedans.
— Les Îles Solitaires ont toujours appartenu à Narnia ? demande-t-il.
— Ça ne me dit rien qui vaille... dit Caspian en guise de réponse.
Edmund replie la longue-vue.
— Lancez le détachement, nous débarquons, fait-il. Drinian ?
— ... Pardonnez-moi, Majesté... répond l'interpellé. Mais le seul maître à bord de ce navire est le Roi Caspian.
— Oh... Bien sûr.
— On prend les chaloupes, lance alors Caspian. Drinian, rassemblez des hommes et suivez-moi à terre. À toi Tavros.
Après avoir lancé ses directives, il disparaît. Je m'empresse de le suivre, tandis que le Minotaure répète ses paroles aux marins. Aussitôt, l'agitation s'élève sur le pont.
— Caspian ! j'appelle, au milieu de tout cette cohue.
Il se retourne immédiatement et m'interroge du regard.
— Tu ne penses pas que nous ferions mieux de nous y rendre demain matin ? Il va bientôt faire nuit, et l'idée me promener dans cette ville plutôt lugubre aussi tard ne me rassure pas...
— Tu n'as pas à t'inquiéter, nous n'y resterons qu'une heure, tout au plus, me rassure-t-il. Si tu veux, tu peux rester à bord...
— Hors de question ! je réplique immédiatement. Je serais encore plus inquiète de vous savoir là-bas sans moi.
Caspian me sourit, amusé.
— Très bien, alors prépare-toi. Tu n'as qu'à aller chercher un gilet dans mon armoire, il va faire assez froid.
J'hoche la tête. Avant que je ne puisse ajouter autre chose, il m'embrasse le front et repart vaquer à ses occupations. Je me retiens de soupirer. Au moins, il ne m'en veut pas.
j'espère que ce chapitre vous a pluuu huhu 😌
moi je l'aime beaucoup personnellement x)
dites moi ce que vous en avez pensé, je vous embrasseee 💙
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