ix. Infiltration

   Peter, Susan et Caspian pénètrent sans difficultés dans l'enceinte du château. À l'heure qu'il est, Ripitchip et ses soldats doivent déjà être entrés aussi. Soudain, je perçois un léger mouvement en contrebas. Un soldat nous a repéré et pointe son arbalète dans notre direction. Sans hésiter, je me jette sur Edmund en lui ordonnant de se baisser. Par chance, la flèche n'est jamais tirée. En me relevant, je découvre que c'est grâce à Caspian qui vient de l'assommer. Il lève les yeux vers moi et je lui fais un signe pour lui assurer que la voie est libre. Il me demande alors de descendre les rejoindre.

   — Edmund, je descends ! je préviens mon ami.

   — Très bien, fais attention à toi.

   J'hoche la tête. Je m'engage alors dans les escaliers déserts et arrive à l'étage inférieur où m'attendent les autres.

   — Tout va bien ? je demande alors.

   — Ça va, répond Susan, le visage concentré.

   — Attachons la corde et descendons par là, dit Caspian. J'aimerais retrouver quelqu'un qui pourrait nous aider.

   — Très bien. Tu descends en premier, et tu nous ouvres la voie, dis-je en détachant la corde. Je te suivrais.

   — D'accord.

   Déployant la solide corde dans le vide, j'entreprends de l'attacher solidement autour d'un mâchicoulis. Caspian vérifie la solidité du nœud et s'engage dans la descente. Seuls quelques mètres nous séparent du balcon inférieur, où Caspian pose le pied. Il attend que je descende à mon tour pour me réceptionner. Je m'accroche à ses épaules. Le balcon n'est pas très épais, et il nous faut vite ouvrir la fenêtre si nous voulons réussir à garder l'équilibre. Caspian toque deux coups contre les volets.

   — Docteur ? appelle-t-il.

   Ne recevant aucune réponse, il lève les yeux vers moi.

   — Il n'est peut-être pas là, je suggère.

   Caspian pince les lèvres et attrape un de mes poignards à ma taille, avant de glisser la lame dans la fente des volets. Avec quelques gestes de haut en bas, il parvient à forcer l'ouverture. Nous pénétrons dans la pièce, qui se révèle être un bureau rempli de paperasse et de bouquins. Caspian garde le poignard à la main, méfiant. Peter et Susan ne tardent pas à arriver à leur tour. Caspian va faire le tour du bureau et saisit une paire de lunettes posée sur celui-ci. Son regard se voile.

   — Je veux d'abord le retrouver, nous dit-il.

   — Vous n'avez pas le temps ! râle Peter. Vous devez aller ouvrir les grilles du château !

   — Sans lui vous ne seriez même pas là en ce moment ! réplique Caspian. Et moi non plus...

   Peter semble réfléchir. Il interroge Susan du regard.

   — Nous pouvons nous occuper de Miraz tous les deux, si Aby accompagne Caspian. Ils ne seront pas trop de deux pour se défendre.

   — Oui, et nous arriverons à temps pour ouvrir les grilles.

   Sur ce, Caspian m'attrape le bras et m'entraîne à sa suite hors de la pièce.

   — Tu as une idée d'où il peut bien être ? je lui demande à voix basse.

   — Je pense que oui. Mais j'espère que je me trompe.

   Il me fait traverser de nombreux couloirs, descendre de nombreux escaliers et me planquer derrière de nombreux murs. J'avoue que je me laisse traîner comme une poupée de chiffon, je ne sais vraiment pas où il m'amène. Il connaît ce château mieux que moi.

   Nous arrivons enfin à destination, dans ce qui semble être les cachots. Caspian me tire dans un coin sombre pour me cacher du garde qui surveille les cellules.

   — Le Docteur Cornelius est là, me murmure Caspian en désignant l'une des cellules dans laquelle un homme semble endormi à même le sol. Il faut trouver un moyen de récupérer la clé.

   — Il faut surtout trouver un moyen d'assommer le garde, c'est lui qui a la clé, je réponds en désignant l'homme en armure qui est assis sur une chaise dans un coin. Ça ne va pas être bien compliqué, il semble déjà ivre mort.

   Je pointe du doigt la petite bouteille en métal qu'il garde dans la main. Caspian se retient de laisser échapper un rire.

   — On fait quoi, alors ? me demande-t-il.

   — Je suggère qu'on se glisse derrière lui et qu'on abatte cette poutre sur son crâne, je dis en montrant le morceau de bois appuyé contre le mur en face de nous.

   — Ça semble presque trop facile, me dit Caspian.

   — Parfois, ça l'est. Et j'ai envie de te dire : c'est tant mieux !

   Sans plus attendre, je sors de ma cachette sur la pointe des pieds et viens saisir la poutre à deux mains. Je me dirige lentement vers le garde et, en fermant les yeux, lui abat le morceau de bois sur la tête. Celui-ci pousse un grognement sourd et tombe au sol, assommé.

   — Bien joué, me lance Caspian en venant récupérer les clés.

   Je lâche la poutre avec une grimace. Mon ami s'empresse d'aller ouvrir la cellule de son précepteur et se penche au-dessus de lui. Je reste en arrière à triturer les paumes de mes mains à l'aide de mes ongles, pour en retirer les échardes.

   — Encore cinq minutes ? demande Caspian au Docteur Cornelius qui se réveille doucement.

   Celui-ci plisse les yeux tandis que Caspian se dépêche de le libérer de ses menottes.

   — Mais enfin, que faites-vous ici ? lui demande le Docteur à voix basse. Je ne vous ai pas aidé à vous échapper pour vous voir revenir ici en cachette...

   Alors voici l'homme grâce à qui Caspian est encore en vie... Je ne manquerais pas de le remercier.

   — Vous devez repartir avant que Miraz ne découvre que vous êtes ici ! s'exclame le Docteur tandis que mon ami l'aide à se relever.

   — Il le saura bien assez tôt... répond Caspian en lui donnant les clés. Et il finira dans cette cellule.

   Il tourne alors les talons mais son précepteur le retient.

   — Votre père a sous-estimé Miraz, ne faites pas la même erreur... dit le Docteur d'une voix caverneuse.

   J'en ai des frissons. Il me ferait presque peur, avec son regard glacial.

   — De quoi est-ce que vous parlez ? demande Caspian, visiblement aussi troublé que moi.

   — ... Je suis navré, répond simplement le Docteur.

   Caspian le fixe quelques secondes, avant de se dégager de son emprise et de venir m'attraper la main. Tandis qu'il m'entraîne dans les escaliers, le Docteur Cornelius et moi échangeons un regard. Il fronce les sourcils. Je n'ai pas le temps de dire un mot, Caspian est bien trop pressé.

   — Viens, Aby, dépêche-toi, me glisse-t-il en courant.

   Je suis tentée de lui dire que je n'ai pas le choix car c'est lui qui tient ma main, mais je me tais et me contente d'accélérer le mouvement. Nous remontons les escaliers quatre à quatre. Il semble exactement savoir où il va, et il court comme si sa vie en dépendait.

   Il s'arrête soudainement devant une porte et lâche ma main.

   — Où cette porte conduit-elle ? je demande.

   Caspian ne répond pas, gardant les lèvres scellées et le visage fermé. Je vois ses narines frémir. Il dégaine son épée et ouvre la porte. Je pénètre dans la pièce à sa suite. C'est visiblement une chambre. Dans le lit placé au centre, un couple est endormi. Je devine immédiatement qu'il s'agit de Miraz et de sa femme. Caspian garde son épée dressée devant lui et vient la pointer dans le cou de Miraz, qui se réveille immédiatement. Ce dernier esquisse un sourire narquois.

   — Le ciel soit loué, tu es sain et sauf, ricane-t-il.

   — Debout, ordonne Caspian.

   Miraz obéit, tapotant l'épaule de sa femme au passage. Celle-ci ouvre les yeux et découvre avec stupeur la scène qui se déroule sous ses yeux.

   — Caspian... ?

   — Restez où vous êtes ! lui lance Caspian.

   — Qu'est-ce que tu fais ?? lui demande tout de même la femme.

   — Ça me paraît évident, ma chère. Dans certaines familles, cette attitude pourrait être qualifiée d'inappropriée...

   — Et la vôtre, comment la qualifiriez-vous ?! s'emporte Caspian, renforçant sa prise sur son épée.

   Je me risque à poser une main sur son bras. Il garde ses yeux fixés sur son oncle mais je sens qu'il se calme.

   — Mais tu n'es pas moi, ça change tout, réplique Miraz. Quel gâchis... Pour une fois que tu fais preuve de courage, ton sort est scellé...

   Je fronce les sourcils. Les yeux noirs de Miraz dévient vers sa femme. Aussitôt, je pose mes yeux sur elle. Celle-ci a dégainé une arbalète de je-ne-sais-où et la pointe sur Caspian.

   — Caspian, pose immédiatement ton épée, ordonne-t-elle d'un ton dur.

   Je sors mes poignards et les garde bien en main, prête à les lancer si la situation venait à dégénérer. La femme de Miraz m'aperçoit et dirige la pointe de la flèche vers moi. Caspian me jette un regard inquiet.

   — Je n'ai aucune envie de le faire, dit-elle.

   — Ça tombe bien, nous non plus ! s'exclame une voix féminine que je connais bien.

   Susan entre en trombe, son arc bandé et une flèche pointée vers la femme. Elle est suivie de près par Peter, épée en main. La femme de Miraz oscille son arbalète entre eux et nous. Caspian ne lâche pas sa cible.

   — Vous êtes dans mes appartements privés, se plaint alors Miraz.

   — Ça ne vous a pas vraiment gêné lorsque vos soldats se sont introduits en douce dans ceux de Caspian dans le but de le tuer, je réplique sèchement. La roue tourne.

   Miraz ouvre la bouche, prêt à déclarer quelque chose, mais se voit coupé par Peter :

   — Qu'est-ce que vous faites là ?? s'insurge-t-il. Vous étiez censés vous occuper de la grille !

   — Non !! s'écrie Caspian, me faisant sursauter. Cette fois je veux savoir, je veux la vérité !

   Je vois son bras trembler. Il est effrayé. Mais pour l'instant, il a l'avantage. Et je ferais tout pour qu'il le garde.

   — Avez-vous tué mon père ?! demande Caspian en s'avançant dangereusement vers son oncle, qui recule contre la fenêtre pour éviter de se faire embrocher.

   Je décide de faire un pas à mon tour pour rester près de Caspian.

   — Nous y voilà enfin... fait Miraz, le regard dur.

   — Tu disais que ton frère était mort durant son sommeil ?! intervient sa femme, la voix tendue.

   — C'était plus ou moins la vérité, répond Miraz.

   — Caspian, discuter n'arrangera rien, dit alors Susan.

   Je me tourne vivement vers elle pour l'inciter à se taire. Caspian est sur le point de connaître la vérité, une vérité qui pourrait le guérir de ses maux et donner un sens à sa fuite.

   — Pour avoir il faut prendre, nous avons toujours appliqué cette logique, reprend Miraz. Et ça ton père le savait mieux que n'importe qui.

   — Comment as-tu osé... s'indigne sa femme dans un souffle, abaissant son arme.

   — Pour la même raison que tu oseras te servir de ton arbalète ! Pour notre fils !

   Miraz fait quelques pas vers Caspian, qui recule tout en gardant une main ferme sur son épée. La pointe fait perler une goutte de sang dans le cou de Miraz.

   — Arrêtez ! s'exclame sa femme en relevant son arme et en oscillant entre Caspian, son mari et moi.

   — Restez où vous êtes ! s'écrie Susan en dirigeant sa flèche vers Miraz.

   — Il va falloir faire un choix, très chère... Veux-tu voir notre fils devenir roi ?... Ou alors qu'il grandisse comme lui... orphelin !

   C'est alors que tout dégénère. Hurlant, la femme de Miraz tire sa flèche qui atterrit dans l'épaule de Caspian. Miraz en profite pour s'éclipser par une porte dissimulée. Susan tente de l'atteindre avec sa flèche, mais il se baisse juste à temps. Je me précipite vers Caspian. Celui ci tombe sur un des fauteuils. La femme de Miraz pousse un hurlement déchirant. Je lui lance un regard partagé. Elle a essayé de tuer Caspian, mais je ne peux cependant pas me résoudre à la tuer à mon tour. Elle est mère, et je sais combien c'est dur pour un enfant de grandir sans sa mère. Elle a besoin de veiller sur son fils.

   Soudain, les cloches du château retentissent. D'un coup sec, je retire la flèche de l'épaule de Caspian. Celui-ci grimace et pousse un grognement.

   — Ça va ? je demande, inquiète.

   — Ça va, répond-t-il entre ses dents. Nous devons y aller.

   Sans attendre, nous nous dépêchons de quitter la pièce. Cette fois, c'est à moi de traîner Caspian par la main. Peter court en tête, un peu trop vite pour nous.

   — Peter ! l'interpelle Susan.

   — Nos troupes nous attendent dehors ! répond-t-il. Dépêchez-vous !

   Susan et Caspian échangent un regard.

   — Pour une fois, il a raison, dis-je. Il faut vite les faire entrer !

   Je m'élance derrière lui, rapidement suivie par les deux autres. Nous sortons dans la cour du château. Quelques gardes nous surprennent. Nous nous empressons de les mettre hors d'état de nuire, avant de nous diriger vers la grille. Peter n'hésite pas un seule instant et tourne la roue pour relever le portail.

   — Peter ! s'exclame Susan. C'est trop tard ! Il vaut mieux tout arrêter maintenant !

   — Non, je peux encore y arriver ! Aidez-moi !

   Nous nous concertons tous les trois du regard avant de venir l'aider à tourner la grande roue.

   — Dans l'intérêt de qui est-ce que tu fais tout ça, Peter ?? demande alors Susan.

   Le concerné ne répond pas, mais la réponse me paraît évidente. Je m'éloigne de la roue et regarde le grand portail. Le pont-levis est en train d'être abaissé. Tous nos soldats attendent de l'autre côté.

   — Peter ! je m'exclame. Susan a raison ! Il vaut mieux nous replier ! C'est de la folie de nous accrocher au plan principal alors que ça ne s'est pas déroulé comme prévu !

   — Ah oui ?! Et à cause de qui, à ton avis ??

   J'affiche un air offusqué. Caspian baisse la tête en serrant la mâchoire.

   — Tu commences sérieusement à me taper sur les nerfs, Peter ! je m'écrie durement. Ce n'est pas de ma faute si ton plan était foireux dès le départ !!

   — Ce n'est pas le moment, Aby ! s'exclame Caspian.

   — Arrête de le défendre ! je réplique, irritée. Il est exécrable, et beaucoup trop sûr de lui ! Ça ne sert à rien d'essayer de remettre la faute sur les autres quand on ne sait pas établir soi-même un plan d'attaque qui tient la route !

   Caspian lâche la roue à son tour pour venir vers moi. Il m'éloigne des autres et pose ses mains sur mes épaules.

   — Aby, tu as absolument raison sur toute la ligne, me dit-il d'une voix calme mais ferme. Mais là, c'est trop tard. Tout ce qu'il nous reste à faire, c'est combattre et espérer pour une chance de victoire. Alors tu vas me faire le plaisir de mettre toutes tes rancœurs de côté, et te concentrer dans la bataille, d'accord ??

   Après un instant d'hésitation, je finis par hocher la tête, les lèvres pincées. Caspian esquisse un léger sourire et dépose un long baiser sur mon front. Ça a le don de m'apaiser immédiatement. Il a raison. Ça ne sert à rien de s'énerver maintenant.

   Tandis qu'il retourne aider Peter et Susan, je reste en retrait et dégaine mes poignards. Le reste de notre armée est en train de faire trembler le pont-levis. Que la fête commence.

j'espère que ce chapitre vous a plu !! vu que celui d'avant n'était pas très intéressant, je préfère vous poster celui-là avec :')
n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! je vous embrasse 💙

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