ix. Fuite

   Mme Castor se met immédiatement à fouiller dans les placards.

   — Alors, voyons voir...

   — Qu'est-ce que vous faites ? je demande en enfilant mon manteau.

   — Vous me remercierez plus tard ! lance-t-elle sans se tourner. Le voyage risque d'être long...

    Elle pose six grands sacs en toile sur la table et commence à les remplir avec des provisions en tout genre : nourriture, mouchoirs, allumettes... Il s'écoule bien cinq minutes avant qu'elle ne termine. Je piétine sur place, attendant le moment où il va falloir courir. Mme Castor distribue les baluchons à chacun d'entre nous. Soudain, un hurlement se fait entendre.

   — Les loups, je frissonne.

   — Castor, tu avais dit vingt minutes !

   — J'ai pu me tromper ! Mais on n'aurait pas perdu de temps si tu n'avais pas décidé de faire des bagages !

   — Ne rejette pas la faute sur moi !

   — S'il vous plaît ! je m'écrie. Il serait peut-être temps que l'on parte, maintenant !

   — Oui, pardon, tu as raison, dit Mme Castor.

   Mr Castor ouvre une petite porte en bois dans le fond de la pièce.

   — Par ici, tout le monde ! Ils ne nous verrons pas sortir !

   Il nous encourage à pénétrer dans une sorte de tunnel souterrain. Je m'y engouffre derrière Lucy et Mme Castor. Les autres suivent rapidement, Mr Castor fermant la marche. Il nous rattrape bientôt et passe en première ligne pour nous guider.

   — J'ai construit cette galerie avec Blaireau ! Elle mène droit chez lui ! explique-t-il.

   Cela nous fait un refuge, jusqu'à ce que la Sorcière ne découvre à nouveau où nous sommes.

   — Tu m'avais dit qu'elle conduisait chez ta mère ! dit Mme Castor sur un ton de reproche.

   Mr Castor ne prend pas la peine de répondre.

   Soudain, Lucy trébuche sur une racine que je venais moi-même d'éviter. Alors que Susan la relève, nous entendons des hurlements et des grognements qui résonnent dans le tunnel.

   — Ils sont derrière nous ! comprend Lucy.

   Cette pensée me provoque des sueurs froides. Je n'ai aucune envie de finir dévorée par un loup !

   — Vite, courez ! crie Mr Castor.

   Nous ne le faisons pas répéter une deuxième fois et nous nous élançons à sa suite.

   C'est alors que nous tombons sur un cul-de-sac. Je reste figée, attendant que Mr Castor ne trouve une solution.

   — Tu aurais dû apporter une carte ! s'exclame Mme Castor.

   — Il fallait choisir, c'était la carte ou la confiture !!

   J'ai l'impression soudaine que mon sac de provisions pèse une tonne.

   Mr Castor se met à escalader le mur, nous incitant à le suivre. Je laisse passer Mme Castor et Lucy. Alors qu'il ne reste plus que Susan, Peter et moi, nous entendons à nouveau les grognements. Nous échangeons un regard. Peter aide sa sœur à monter, puis se tourne vers moi.

   — Donne-moi ton pied, je t'aide !

   Je n'hésite pas longtemps. Il me fait la courte-échelle à l'aide de sa main et me pousse vers le haut. Je réussis à sortir à l'air libre, comme d'un terrier. Je me lève rapidement et tends la main à Peter pour lui rendre la pareille. Une fois tout le monde en haut, nous plaçons un tonneau devant le trou pour cacher la sortie aux loups qui ne devraient plus tarder à arriver devant le mur. Lorsque je me retourne, je vois Lucy allongée sur le sol à côté de petites statuettes d'animaux. Je l'aide à se relever.

    L'air horrifié de Mr Castor me laisse deviner qu'il s'est passé quelque chose de grave. C'est alors que je comprends : ces statuettes sont en fait de vrais animaux, habitants de Narnia, qui ont été transformé en pierre par je ne sais quel maléfice. Mr Castor s'approche de l'une d'entre elle. Un blaireau. Sûrement cet ami dont il nous parlait...

   — Je suis désolée, mon chéri... le réconforte Mme Castor.

   — C'était mon meilleur ami...

   Je ne peux m'empêcher de ressentir une profonde tristesse. Tous ces animaux étaient bien vivants et ont été stoppés en plein mouvement. J'ai cette drôle d'impression qui me laisse croire qu'ils vont se réveiller d'une seconde à l'autre, mais rien ne se passe. Ils sont pétrifiés.

   — Que s'est-il passé ? demande Peter.

   — Voilà ce qui arrive à ceux qui bravent la sorcière, explique une voix inconnue sortie de nulle part, nous faisant sursauter.

   Je lève les yeux. Une créature au pelage roux s'avance vers nous, le museau en l'air. Un renard.

   Je ressens aussitôt une étrange sensation de bien-être. J'ai toujours adoré les renards, plus que tous les animaux qui existent sur notre planète. Un jour, alors que j'avais environ six ans, ma mère et moi avons trouvé un renardeau abandonné par sa mère que nous avons nourri et recueilli chez nous. Il a grandi et s'est attaché à nous, tout comme je me suis attachée à lui. Cela a été très dur de devoir le laisser partir. Avec ce nouvel arrivant, j'ai l'impression de revoir les jours heureux de mon enfance.

   — Fais un pas de plus, sale traître, et je réduis en bouillie ! fulmine Mr Castor, retenu par son épouse.

   Je fronce les sourcils. Un traître ?

   Le renard descend de son piédestal où il était perché et s'approche de nous.

   — Calme-toi... je fais partie des gentils, assure-t-il.

   — Ah oui ? questionne Mr Castor, peu convaincu. Parce que tu ressembles étrangement à un méchant !

   — Eh oui, soupire le renard en roulant des yeux, nous avons un air de famille, malheureusement. Mais nous parlerons des lignées plus tard. On ne peut pas rester là.

   Nous entendons derrière nous les aboiements des loups. Ils arrivent.

   — Que proposez-vous ? je demande.

   Le renard lève ses yeux vers moi et fait un grand sourire.

   — Je vais faire diversion pendant que vous grimperez dans cet arbre, dit-il en désignant un grand chêne derrière nous.

   — Hors de question de vous laisser ici tout seul, à la merci des loups ! je m'exclame.

   — Je crains fort que ce soit notre seule solution, ma chère. Grimpez vite, ils ne vont pas tarder à arriver.

   À contrecœur, j'obéis avec les autres. Renard s'occupe d'effacer nos traces au moment où les loups sortent du terrier. Ils sont six et se mettent immédiatement à tourner autour de notre nouvel ami.

   — Bonsoir, Messieurs ! lance ce dernier, l'air confiant. On a perdu quelque chose ?

   — Garde tes plaisanteries pour toi, grogne l'un des loups, sûrement le chef. Nous savons parfaitement dans quel camp tu es. Nous recherchons des êtres humains.

    Renard se met à rire sans quitter le loup des yeux.

   — Des êtres humains, ici ? À Narnia ? C'est un renseignement qui mérite une belle récompense, non ?

   Aussitôt, un autre loup se jette sur lui et l'attrape entre ses crocs, le laissant pousser un gémissement. Je plaque mes mains sur ma bouche pour étouffer un cri. Des larmes me montent aux yeux. Je ne quitte pas Renard du regard, inquiète.

   — Ta récompense sera ta vie sauve ! Elle ne vaut pas grand chose, ricane le loup. Mais c'est mieux que rien.

   Je n'ai jamais détesté quelqu'un autant que je déteste ce loup. J'ai une envie folle de descendre de mon perchoir et d'aller lui régler son compte.

   — Où sont les fugitifs ? s'emporte-t-il.

   Renard baisse la tête.

   — Au Nord, lâche-t-il finalement. Ils courent vers le Nord.

   — Retrouvez leur trace ! ordonne le chef à sa meute.

   Renard est balancé comme un malpropre dans la neige et les loups se précipitent dans la direction qu'il a indiqué.

   J'attends que les aboiements s'éloignent puis me dépêche de descendre de l'arbre où nous sommes perchés depuis dix longues minutes. Je m'empresse de m'agenouiller auprès de Renard, qui ne s'est toujours pas relevé.

   — Comment allez-vous ? je demande.

   — Cela aurait pu être pire. J'imagine que j'aurais dû les remercier pour m'avoir laissé en vie...

   Il grimace.

   — Vous avez mal... je constate. Laissez-moi voir ça !

   — Tout va bien, ma Reine.

   Reine ? Il vient de m'appeler une Reine ?

   Il se relève difficilement.

   — Nous allons allumer un feu, dit Peter qui vient de descendre avec les autres. Reposez-vous.

   Mr Renard le remercie d'un hochement de tête.

   — Vous êtes vraiment très courageux, lui dis-je.

   — Je n'ai fait que mon devoir, répond-t-il.

   Peter et Mr Castor s'affaire à ramasser du bois pour le feu, tandis que Mme Castor et moi-même désinfectons la plaie de Renard, qui a décidé de se rallonger.

   Une fois la chaleur du feu répandue, Mr Castor demande à Renard ce qui est arrivé ici.

   — Ils soutenaient Tumnus. La Sorcière est arrivé avant moi et... Aïe !

   Je retire immédiatement mon mouchoir humide de sa plaie.

   — Désolée.

   — Ce n'est rien...

   Je vois qu'il se retient de se plaindre. Cela me fend le cœur.

   — Ça va aller ? s'inquiète Lucy.

   — J'aimerais pouvoir dire qu'ils hurlent plus fort qu'ils ne mordent...

   Il pousse un gémissement d'animal en détresse. Je grimace.

   — Arrêtez de gesticuler ! râle Mme Castor. Vous êtes pire que Castor le jour où il prend son bain !

   — C'est le jour de l'année que je déteste le plus, se dédouane Mr Castor.

     — Merci pour votre gentillesse, dit soudain Renard en se levant, mais je n'aurais pas le temps de subir d'autres soins.

   — Vous ne pensez pas à partir, tout de même ? je questionne.

   — Ce fut un plaisir, ma Reine, et un honneur.

   Je ne peux m'empêcher de sourire.

   — Mais le temps presse et Aslan lui-même m'a demandé de rassembler les troupes.

   Mr et Mme Castor poussent des exclamations de surprise.

   — T- Tu as vu Aslan ? demande Mr Castor.

   — Comment est-il ? interroge Mme Castor.

   — Il est... exactement tel qu'on nous l'a décrit, raconte Renard avec un sourire. Vous serez contents de l'avoir à vos côtés lors de la bataille contre la Sorcière.

   — Peter, Lucy et moi ne prévoyons pas de nous battre contre une Sorcière ! réplique immédiatement Susan.

   Renard lève les yeux vers moi puis les reposent sur les Pevensie.

   — La Reine Abigail ne peut être seule, contredit Renard. C'est la prophétie...

   Peter baisse la tête.

   — Nous ne pouvons faire la guerre si vous n'êtes pas cinq Rois et Reines, ajoute Mr Castor.

   Peter semble hésiter. Une lueur d'espoir m'envahit. A-t-il changé d'avis ?

   — Nous voulons seulement récupérer notre frère, lâche-t-il finalement.

   Je baisse la tête à mon tour.

   — Bien. Espérons que vous changiez d'avis d'ici quelques jours... soupire Renard en se tournant. Au revoir, mes amis.

   Je me lève aussitôt.

   — Laissez-moi vous accompagner un peu !

   — Si vous le désirez, ma Reine.

   — Je... Je ne suis pas Reine. Du moins, si la Prophétie dit vrai, pas encore. Alors, je propose que vous m'appeliez simplement Aby.

   — Aby... C'est d'accord. Ne vous éloignez pas trop de votre campement.

   — Ne vous en faites pas pour moi. Je voulais simplement vous dire que... Je combattrais à vos côtés. Je remplirais mon rôle tel qu'il est décrit dans la Prophétie.

   — Je n'en doute pas une seule seconde, Aby. Vous m'avez l'air d'être une personne de confiance et je suis sûr que je pourrais compter sur vous.

   J'hoche la tête.

   — Nous nous reverrons, j'en suis certain, me salue Renard avant de disparaître.


J'espère que ce chapitre vous a plu !! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, personnellement je l'aime bien haha (parce que y a Renard qui est là et que j'adore les renards, voilà. 😂)
J'espère que vous allez bien, je vous souhaite une bonne journée, une bonne semaine, et je vous embrasse

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top