iv. Rencontres

   Nous avons alors pris la décision de partir dès le lendemain à la recherche des Narniens. Chasseur-de-Truffes a aménagé la pièce où Caspian avait dormi afin que je puisse m'y installer aussi. Il s'est confondu en excuses, se désolant de ne pas m'offrir de chambre plus "acceptable" mais je l'ai rassuré en affirmant que c'était parfait. Je me suis rapidement endormie dans un sommeil sans rêves, tant j'étais fatiguée.

   Le lendemain, mon ami le blaireau nous réveille dans le milieu de la matinée. Caspian s'éclipse immédiatement de la chambre pour me laisser "me réveiller en paix". Tous ces traitements de faveur me laissent un peu sans voix, je n'ai pas l'habitude d'être abordée avec tant d'égards.

   Je remets mon châle autour de mes épaules et rejoins mes compagnons dans la salle à manger. Caspian a déjà revêtu son pardessus en cuir et attaché sa ceinture autour de sa taille. Autour de celle-ci pend une épée et la trompe de Susan. Mon regard traîne un peu dessus, et je pense à mes amis. Où sont-ils en ce moment ? J'aime à croire que je les retrouverais bientôt, mais rien ne le prouve pour l'instant. Mis à part mon propre retour.

   — Nous devrions partir immédiatement, dis-je alors aux trois autres. Il ne faut pas perdre plus de temps.

   Chasseur-de-Truffes acquiesce, bien que je vois qu'il n'est pas réellement convaincu.

   Nous nous mettons cependant rapidement en route. Déterminée, je marche en tête. Caspian me suit de près, et Nikabrik et Chasseur-de-Truffes ferment la marche. Je me retourne de temps en temps, surveillant leur pas. À chaque fois, je croise le regard intrigué de Caspian. Au bout d'un moment, je décide de m'arrêter pour rester à son niveau.

   — Je vois que vous avez des interrogations plein la tête, lui dis-je. Peut-être que je peux vous éclairer sur certains points ?

   — J'avoue que je ne comprends pas vraiment ce qui m'arrive, depuis hier soir... On m'oblige à m'enfuir de mon propre château, sous peine d'être assassiné par mon oncle. Je ne sais pas comment tout a pu basculer de la sorte...

   — Ce n'est pas quelque chose que je peux vous expliquer, malheureusement... Je ne suis pas revenue à Narnia depuis plus d'un siècle.

   — Je le sais... J'ai étudié votre histoire. D'ailleurs, cela m'étonne que vous soyez... aussi... jeune ?

   Je ris doucement.

   — J'ai la réponse à cette question, lui dis-je. Dans mon monde, le temps s'écoule différemment qu'à Narnia.

   — Mais... Narnia est aussi votre monde, n'est-ce pas ?

   — Il l'a été, à une époque. Maintenant, je n'en suis plus si sûre... je confie tristement.

Quand on a été Roi ou Reine de Narnia, on l'est pour toujours.

   Les paroles d'Aslan me reviennent en tête, me mettant du baume au cœur.

   — On raconte que les habitants de Narnia vous ont admiré et aimé durant de longues années, reprend Caspian. C'est impossible qu'ils vous aient oublié. Vous faites partie de l'Histoire.

   Je souris.

   — Comment savez-vous autant de choses sur nous ? je demande malicieusement.

   — J'ai eu un très bon professeur. Il m'a raconté tout ce qu'il y avait à savoir sur Narnia et son histoire.

   Je m'apprête à lui répondre lorsque Chasseur-de-Truffes, derrière nous, nous interpelle.

   — Qu'y-a-t-il ? je demande, inquiète.

   — Ça sent l'humain...

   — Vous... voulez parler de nous ?

   — Non... Je parle d'eux, annonce-t-il d'une voix grave en pointant une direction derrière nous avec sa patte.

   Je plisse les yeux, le yeux fixés sur un point lointain. J'aperçois en effet quelques silhouettes d'hommes en armure, chacun une arbalète à la main. J'affiche un visage terrorisé.

   — Comment ont-ils pu nous retrouver ??

   — Je n'en sais rien, mais vous feriez mieux de courir ! s'exclame Caspian en attrapant mon poignet avant de m'entraîner à sa suite.

   Dès que nous accélérons le pas, les flèches volent autour de nous. L'une d'elle m'entaille l'épaule. Je pousse un grognement de douleur mais continue ma course. En revanche, Chasseur-de-Truffes a moins de chance et en reçoit une au milieu du dos. Il pousse un cri déchirant. Nous nous retournons et remontons sur nos pas. Caspian s'agenouille auprès du blaireau.

   — Fuyez, votre Majesté ! me dit-il lorsqu'il me voit, penchée au-dessus de lui. Vos vies à tous les deux ont plus de valeur que la mienne.

   — Vous dites n'importe quoi, je dis entre mes dents serrées.

   Caspian s'apprête à le soulever du sol, lorsque nous entendons des cris de douleur venir des soldats qui nous poursuivent. Je relève la tête et les vois tous tomber les uns après les autres, attaqués par une force invisible. Je fronce les sourcils. Caspian prend Chasseur-de-Truffes sur son épaule et nous revenons vers Nikabrik.

   — Il faut le mettre en lieu sûr, dit Caspian en confiant le blaireau au nain.

   Il fait alors volte-face et dégaine son épée. Sous nos yeux ébahis, le dernier soldat tombe à terre. Nous voyons alors la chose qui les a tués s'avancer vers nous à la vitesse de l'éclair. Désarmée, je reste en retrait derrière Caspian, suivant des yeux la progression de l'être invisible.

   Soudain, une forme bondit de sous les herbes et se jette sur Caspian, le faisant tomber à la renverse. Je ne peux m'empêcher de pousser un cri de surprise avant de voir ce qu'est exactement cette chose invisible. Une énorme souris se tient debout sur la poitrine de Caspian. Il a un anneau doré agrémenté d'une plume autour de l'oreille et une ceinture attachée autour de lui, passée par dessus l'une de ses pattes. Il brandit une épée aussi grande et aiguisée qu'une aiguille sous le nez de Caspian.

   — Choisis tes dernières paroles avec sagesse, Telmarin ! s'exclame-t-il soudain.

   Les yeux écarquillés, je reste bouche bée.

   — Vous êtes une souris... souffle Caspian. Une vraie souris...

   L'animal en question soupire profondément et répond :

   — Je m'attendais à quelque chose de plus... original. Ramasse ton épée !

   — Euh... hésite Caspian en jetant un coup d'œil à son arme tombée à côté de sa tête. Non, ça ira...

   — Ramasse ton épée ! insiste la souris. Je ne combattrais pas un ennemi désarmé.

   — Et je désire continuer à vivre, c'est la raison pour laquelle je ne croiserais pas le fer avec vous, noble souris, dit Caspian, méfiant.

   — J'ai dit que je ne te combattrais pas... et non que je te laisserais vivre ! fait la souris.

   Cette menace me sort de ma torpeur.

   — Euh, je... Laissez-le ! je m'exclame.

   La souris lève les yeux vers moi.

   — Ce sera ton tour après, prends le temps de préparer tes derniers mots avec soin, menace-t-elle.

   J'hausse les sourcils, choquée.

   — Ripitchip !! s'écrie le blaireau au loin. Ne les tue pas !

   — Chasseur-de-Truffes ? fait la
souris. J'ose espérer que tu as une bonne raison de retarder le coup de grâce !

   — Il n'en a pas, continue, intervient le nain.

   — C'est lui qui a soufflé dans la trompe ! explique Chasseur-de-Truffes. Et cette jeune fille d'Ève, tu ne la reconnais donc pas ? C'est la Reine Abigail ! Ne me dis pas que tu ne connais pas les Rois et Reines de l'Ancien Temps ?!

   — Quoi ?... murmure Ripitchip en levant les yeux vers moi. Votre Majesté, si j'avais su je... Je suis sincèrement désolée, dit-il en rangeant son épée et en venant s'agenouiller devant moi. Je suis Ripitchip, je vous jure fidélité jusqu'à ma mort.

   — Relève-toi, lui dis-je gentiment. Tu n'as pas à t'excuser, tu as eu parfaitement raison de te méfier. C'est le comportement d'un parfait soldat.

   Il m'adresse un regard reconnaissant. Soudain, quatre magnifiques centaures apparaissent derrière nous.

   — Laisse-les, dit le plus massif de tous d'une voix grave et douce. Leur venue est la raison pour laquelle nous nous sommes rassemblés.

   Il descendent la légère pente et arrive jusqu'à nous. Je leur adresse un salut poli de la tête, qu'ils me rendent tous.

   — Heureux de vous revoir parmi nous, votre Altesse, me disent-ils.

   L'un d'entre eux vient aider Caspian à se relever. Ce dernier vient immédiatement se poster derrière moi. Je comprends qu'il soit impressionné, je le suis également un peu.

   — Je vous présente le Prince Caspian, légitime héritier du royaume de Telmar. Il a été chassé de chez lui, sous peine d'être assassiné par son oncle qui souhaite monter sur le trône à sa place. Il est désormais sous ma protection.

   Les centaures hochent la tête.

   — Quant à moi, je suis Aby. Je préfère me faire appeler sous ce surnom, si ça ne vous dérange pas.

   Celui qui semble être le chef des centaures se présente sous le nom de Glenstorm. Il nous annonce qu'il va nous conduire aux autres Narniens rassemblés pour l'occasion. Soulagée, je les suis avec entrain.

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