Voilà désormais deux mois environ que je vis chez mon grand-oncle, tantôt dans la bibliothèque, tantôt dans le parc. Je profite comme je peux du beau temps, plutôt que de rester enfermée. Il n'y a pas ce soleil, à Londres.

   En revanche, je ne me suis jamais sentie aussi seule. Les livres sont ma seule compagnie depuis plus de soixante jours. Bien sûr, la compagnie d'Ivy, Margaret et Betty m'est agréable, mais elle se fait rare. La plupart du temps, je suis seule. Je ne retrouve mon oncle qu'aux repas, c'est à dire deux fois par jours.

   Il a tout de même pu se libérer pour mon anniversaire. En effet, il y a deux semaines de cela, j'ai fêté mes quatorze ans. Oncle Digory a demandé à Betty de préparer en secret du pudding au chocolat, mon dessert préféré depuis toute petite. Cela m'a beaucoup touché qu'il ait tout mit en œuvre pour me faire une surprise.

   En parlant de surprise, ce qu'il m'a annoncé ce jour-là me laisse encore perplexe. Après le dessert, l'oncle Digory m'a annoncé avec un grand sourire :

   — Ma petite Abigail, j'ai pu réfléchir et je pense qu'une jeune fille de ton âge ne devrait pas rester seule comme tu le fais depuis de nombreuses semaines. C'est pourquoi j'ai décidé d'accueillir d'autres enfants pour te tenir compagnie. J'ai fait le nécessaire par courrier, ils devront arriver d'ici deux semaines. Beaucoup d'enfants sont en besoin de foyer, en ce moment. Je pense que cela peut te faire le plus grand bien d'avoir des amis ici.

   Je l'avais remercié chaleureusement. Sur le moment, j'avais été très heureuse. Puis, une fois seule, beaucoup de mauvaises pensées me sont parvenues. Je n'avais jamais été bonne en relation amicales, en quoi ce serait différent cette fois ? Au final, au lieu de me faire une joie de cette arrivée, elle ne faisait que m'angoisser.

  Ils doivent arriver dans quelques heures. De ce que je sais, ils sont quatre frères et sœurs — deux filles et deux garçons. Je ne connais pour l'instant ni leur prénom, ni leur âge.

   Vers trois heures de l'après-midi, Madame Macready quitte le manoir avec sa carriole tirée par deux chevaux de trait blancs. Pour passer le temps, j'emprunte un livre de la bibliothèque que je lis dans ma chambre, près de la fenêtre. Je ne cesse de jeter un œil dehors, guettant leur arrivée. J'ai une boule dans l'estomac qui ne cesse de grandir, plus les minutes passent.

   Au bout de deux heures, Madame Macready est de retour avec quatre enfants dans sa carriole. Je me lève d'un bond. Mon cœur se met à battre plus fort. Je fais alors les cent pas dans ma chambre, avant de décider de redescendre à la bibliothèque. Je les entends entrer. Comme pour moi, la mère Macready leur fait son discours de bienvenue en énumérant les règles à suivre. Je l'entends crier d'ici. Elle leur fait sa petite visite guidée du manoir. Au moment de passer devant la bibliothèque, elle ne remarque pas ma présence. En revanche, la plus jeune de la fratrie me voit et m'adresse un sourire que je lui rends. Ils repartent aussi vite qu'ils étaient arrivés. Je pousse un long soupir de soulagement. Les présentations se feront plus tard.

   Il ne s'écoule que quelques minutes avant qu'ils ne se précipitent tous les quatre dans la bibliothèque.

   — Je vous avais bien dit que j'avais vu quelqu'un ! s'exclame la petite fille.

   Les trois autres restent de marbre.

   — Bonjour ! lance alors la benjamine, enjouée. Je m'appelle Lucy, et voici Susan, Edmund et Peter.

   — Aby.

   — Enchantée, Aby ! Tu es ici depuis longtemps ?

   — Deux mois.

   Lucy ouvrent de grands yeux. Contre toute attente, ce n'est pas elle qui prend la parole en premier.

   — Deux mois ? demande Edmund, le plus jeune des deux frères. Toute seule ici ?

   J'acquiesce. Il soupire.

   — Ça veut dire qu'on va devoir rester encore combien de temps ? demande-t-il à Susan et Peter, les deux aînés.

   — Aussi longtemps qu'il le faudra, répond Peter durement.

   — On ne peut pas rentrer à la maison tant que la guerre n'est pas finie... explique Susan.

   — Je suis dans le même cas que vous, dis-je alors.

   Ils lèvent tous les yeux vers moi.

   — C'est ta mère qui t'a envoyé ici ? questionne Peter.

   Je secoue la tête de gauche à droite.

   — Mon père.

   Peter fait signe qu'il a compris. S'en suit un long silence.

   — Vous... Vous êtes bien installés ? je demande finalement.

   — Oui ! répond Peter. Oui, c'est parfait.

   — J'espère que le Professeur est plus aimable que cette vieille peau, sinon je sens que les jours vont être longs... soupire Edmund.

   Peter lui jette un regard sévère mais ne dit rien.

   — Oui, ne t'en fais pas. Mais vous ne risquez pas de le voir souvent. Il a beaucoup de travail...

   — Tu le connais bien ? me demande Susan.

   — C'était le grand-oncle de ma mère. Il m'arrivait de venir ici avec elle.

   — "C'était" ? fait remarquer Edmund.

   Peter lui administre une tape à l'arrière du crâne. Edmund lui lance un regard assassin. Lucy me dit alors :

   — Tu ne seras plus seule, maintenant ! On pourrait devenir amis !

   Sur le coup, je ne sais pas quoi répondre.

   — Tu aimes quel genre de jeux ?

   — Je... Je ne sais pas, je ne joue jamais à quoi que ce soit...

   — Tu n'as jamais joué à cache-cache ? À la bataille ? Au base-ball ?

   Je secoue négativement la tête.

   — Tu n'as pas de frères et sœurs ? s'inquiète Lucy.

   — Non...

   — Oh, se rétracta-t-elle. Excuse-moi.

   — Tu n'as pas à t'excuser, je la rassure avec un petit sourire. Je... Je serais ravie d'être votre amie.

   Son visage s'illumine soudainement. Elle se précipite pour me prendre la main et m'entraîner hors de la bibliothèque.

   — Viens avec moi, je vais te montrer plein de jeux ! Nous avons amené un jeu de cartes, je t'apprendrais à jouer à la bataille, au tarot et à plein d'autres jeux formidables ! Tu verras, tu ne vas plus t'ennuyer une seule seconde !

C'est l'arrivée des Pevensie haha ! J'espère que ce chapitre vous a plu 😊 tous vos retours sur le premier chapitre m'ont énormément touché, merci beaucoup 💖 dites-moi tout pour celui-là ! À bientôt !

- Marine