i. Arrivée
Mai 1940
Je lève les yeux vers l'immense manoir, ma main en visière pour cacher mes yeux noisettes du soleil. La voiture qui vient de me déposer repart aussitôt. Le conducteur a eu le temps de déposer mes bagages à côté de moi. Je mets un certain temps à admirer le terrain. La demeure surplombe le parc, majestueuse. Elle s'étend tout en longueur. Un chemin de gravier conduit à l'entrée, entouré de pelouse.
Lorsque ma contemplation prend fin, je saisis mes deux valises — une dans chaque main — et me dirige d'un pas saccadé vers l'entrée du petit château. Je me plante ensuite devant la porte et tire la poignée sur la gauche. J'entends la cloche retentir de l'intérieur. Des chaussures claquent sur le parquet. L'un des deux battants de la porte s'ouvre et une femme au visage sévère apparaît dans l'encadrement. J'ai un mouvement de recul, qui la fait renifler dédaigneusement.
— Nous ne vous attendions pas aussi tôt. Mais, bon, puisque vous êtes là, entrez donc.
Elle s'écarte, me laissant entrer dans le grand hall. Je pose mes valises au sol et retire mon chapeau, dévoilant mes deux tresses brunes collées à mon crâne. Elle me tend sa main, que je serre.
— Je suis Madame Macready, la gouvernante de cette maison. Je vous préviens immédiatement, je n'aurais pas le temps de satisfaire vos désirs. Pour cela, faites appel aux servantes. Maintenant, je vais vous montrer votre chambre.
Je repris rapidement mes valises en main. Madame Macready ne m'attendit pas longtemps. Elle me fit monter un escalier.
— Il y a trois règles très simples à suivre impérativement : tout d'abord, il est formellement interdit de crier. Cela dérange le professeur et il en a horreur. Ensuite, il vous est interdit de courir. Cela raye le parquet et cela n'est pas distingué. Enfin, je vous prierais de ne jamais toucher les œuvres d'art que vous voyez tout autour de vous. Ce sont des œuvres d'exposition très rares.
J'hoche la tête, ne sachant pas si je dois être intimidé ou si son ton sec doit me passer au-dessus. J'opte finalement pour la deuxième option.
Elle me conduit finalement à ma chambre. Elle a à peine ouvert la porte qu'elle disparaît sans un mot de plus. Je referme la porte et je soupire. Je sens que le temps va passer très, très lentement ici si tout le monde est comme cette vieille peau.
Au lieu de défaire mes bagages, je m'allonge sur mon lit.
Très vite, alors que je fixe le plafond, plusieurs larmes pointent au coin de mes yeux. Je me roule en boule et me met à pleurer silencieusement. Depuis le départ de mon père, je me sens plus seule que jamais. Qui sait ce qui se passera s'il ne revient pas ? Que deviendrais-je alors ?
Depuis la mort de ma mère, ma relation avec mon père s'est dégradé. Il s'est mit à travailler énormément pour faire son deuil. J'ai toujours été seule. Malgré tout, je sais qu'il m'aime. Mais parfois, j'aimerais qu'il me le montre.
Sans m'en rendre compte, je sombre dans le sommeil.
Je me réveille quelques heures plus tard avec l'impression d'avoir dormi pendant plusieurs jours. J'entends Madame Macready hurler des ordres au servantes — que je devrais bientôt rencontrer, d'ailleurs. Je m'assois alors sur mon lit. Je jette un regard à mes deux valises. Au lieu d'être en vrac près de la porte, elles sont rangées à côté de l'armoire en bois vernis. Je fronce les sourcils et me lève. J'ouvre les deux portes de l'armoire pour découvrir que tous mes vêtements ont été pliés et rangés sur les étagères. Je souris légèrement malgré moi. J'aurais quelques remerciements à faire.
Après quelques minutes à tourner en rond, je décide de quitter ma chambre et d'aller faire une petite visite par moi-même. Celle de la mère Macready ne m'aura pas fait voir grand chose.
Au cours de ma promenade dans le manoir, je découvre de nombreuses œuvres d'art magnifiques, comme des tableaux ou des sculptures. Mon grand-oncle a l'air d'en être un amateur.
D'aussi loin que je me souvienne, mon grand-oncle est un homme fort sympathique. Ma mère adorait se rendre chez lui. Elle m'y a emmenée plusieurs fois, étant petite. Avant que sa maladie ne l'emporte.
Je continue ma visite pendant quelques minutes encore. Au détour d'un couloir, je manque de percuter une jeune femme dont les cheveux attachés en chignon sont recouverts d'une coiffe brodée. Elle a un mouvement de recul. Lorsque nos regards se croisent, elle me sourit.
— Je vois que Mademoiselle est réveillée. Le sommeil a été bon ?
— Très bon, merci... je réponds timidement.
— Madame Macready m'a demandé de ranger vos bagages, alors je me suis permise d'entrer dans votre chambre, Mademoiselle, j'espère que cela ne vous dérange pas.
— Non, non, pas le moins du monde. Qui dois-je donc remercier ?
— Je m'appelle Ivy, Mademoiselle.
— Aby.
Ivy a un léger froncement de sourcil. Naturellement, mon grand-oncle a dû m'annoncer sous mon prénom entier, Abigail. Je le déteste depuis toujours, alors je me fait surnommer Aby. C'est beaucoup moins dur à porter.
Ivy hoche ensuite la tête.
— Vous m'excuserez, Mademoiselle, je vais devoir disposer. Madame Macready a horreur du travail non-fait en temps et en heure.
— Je vous en prie.
Je m'écarte pour la laisser passer. Elle m'adresse un dernier sourire et continue son chemin.
Je reprends le mien aussitôt.
Je ne croise plus personne, mais je tombe sur une grande bibliothèque qui m'attire immédiatement l'œil. Je pénètre dans la pièce et en fait lentement le tour, examinant chaque livre qui est entreposé sur les étagères. J'ai toujours aimé lire. Les livres me faisaient me sentir moins seule. Cela me transportait toujours vers d'autres lieux ou d'autres époques, loin de tout ce qui pouvait causer mon malheur.
— Tu as déjà trouvé la bibliothèque ? m'interpelle une voix à l'entrée de la pièce.
Je me retourne vivement. Mon grand-oncle Digory se tient debout, droit, dans l'encadrement de la porte. Je souris.
— Bonjour mon oncle.
— Bonjour, Abigail. Tu as beaucoup grandi depuis la dernière fois que je t'ai vu.
— Ce n'est pas étonnant, c'était il y a huit ans ! je réponds en faisant quelques pas dans sa direction.
— Quel âge cela te fait, désormais ?
— Treize ans, bientôt quatorze.
Il hoche la tête silencieusement.
— Ma petite Abigail, sache que tu ressembles beaucoup à ta mère au même âge. Tu as le même visage empli de douceur et le même regard déterminé.
Je souris, émue.
— Merci, je souffle.
Il fait quelques pas vers moi, mains croisées dans le dos.
— J'imagine que tu as déjà été installée. Ta chambre te plaît ?
— Oui. Elle est très bien. Merci beaucoup.
— Parfait. Le souper va bientôt être servi.
— Si tôt ? Il est à peine six heures...
— Nous mangeons tôt, ici. Comme ça, tu auras tout le loisir de consulter ces ouvrages après manger, me dit-il d'un ton complice.
— Cela me semble être un bon compromis, je m'exclame sur le ton de la plaisanterie.
L'oncle Digory rit et s'assoit sur le sofa, au milieu de la pièce.
— Tu sais, ma petite Abigail, je ne vais pas pouvoir être très présent pour toi. J'espère que tu ne te sentiras pas trop seule...
— Je sais que tu as beaucoup de travail de recherche, mon Oncle, je ne te dérangerais pas. Et pour ce qui est de me retrouver seule, j'ai l'habitude. Ne t'en fais pas, je vais être très bien ici. Et puis, le personnel m'a l'air d'être fort sympathique.
— Mh... Ne fais pas attention à l'air revêche de Madame Macready. Elle paraît désagréable comme ça, mais elle sait faire preuve de bonté. Mais, peut-être qu'Ivy, Margaret et Betty te seront de meilleure compagnie...
— Je ne souhaite pas leur donner plus de travail. Ne t'inquiète pas pour moi.
Il pince les lèvres, l'air peu convaincu.
Une cloche retentit.
— Ah, fait-il en levant une main. L'heure du souper a sonné. Viens avec moi, ma petite, tu vas me raconter ton voyage...
J'espère que ce début vous plaît. Je sais pas encore si j'ai eu une bonne
idée en commençant à poster alors je vais attendre quelques retours pour continuer haha
Merci déjà à ceux qui ont lu 💖
- Marine 🌳
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top