9


Dernier soir à la caserne

Kian sauta en arrière et fit dévier la lame avec son épée qui visait ses genoux. Profitant du léger déséquilibre de son adversaire, il attaqua et allongea une botte visant la poitrine, son épée tinta sur le bouclier qui stoppa sa lame. Il grogna sous le choc. Le bouclier se fendit dans un craquement, son rival s'en débarrassa.

Mugissant comme un taureau, Owain le repoussa et contre-attaqua. Kian recula sous le déluge de coups rapides et brutaux. Bloquant, parant, déviant, ses bras commençaient à fatiguer. Il plaça sa lame à l'horizontale au-dessus de sa tête se déplaça sur la gauche et d'un moulinet bloqua la pointe de l'épée de son adversaire contre le sol. Ils se dégagèrent et recommencèrent à se tourner autour.

Le soleil entamait sa descente, la sueur et la poussière lui piquait les yeux, il allait devoir feinter pour en venir à bout. Owain était un des meilleurs combattants à l'épée, il venait rarement dans la capitale. Disposant de sa propre troupe, il recrutait les jeunes guerriers et enseignait dans le territoire du taureau. Kian avait énormément appris de lui pendant sa formation et quand il lui avait proposé de l'évaluer aujourd'hui, il n'avait pas hésité.

Du coin de l'œil, il le vit arriver. Ils échangèrent rapidement trois passes, Owain changea soudain son épée de main obligeant Kian, maintenant le flanc à découvert, à le repousser du revers de sa lame, et à changer également. Il attaqua de la tranche de l'épée, les lames s'entrechoquaient bruyamment, en haut, en bas, parant, repoussant, attaquant à nouveau. Il trébucha, l'épée d'Owain glissa sur ses côtes, serrant les dents en sentant la brûlure de la lame, Kian pu ainsi le tromper. Il changea à nouveau de main et d'une passe habilement exécutée le désarma, puis posa la pointe de sa lame contre son cou. L'épée vola et retomba sourdement sur le sol.

Owain lui adressa un sourire, retira son casque qui alla rejoindre son épée dans un tintement métallique. Le guerrier blond écarta sa lame, une lueur de fierté transparaissant dans ses yeux bleus foncés.

-Bien joué Kini, le félicita Owain de sa voix rauque à peine essoufflé en lui donnant une tape dans le dos. Et moi qui croyais que la capitale t'avais transformé en chiffe molle.

-Tes compétences nous manquent ici, avoua Kian en s'essuyant le visage avec sa manche, et même si nous avons de bons instructeurs, ce n'est pas pareil.

Owain avait tout du taureau; massif, têtu, fonceur, mais sa bravoure, son agilité et sa force étaient sans égal.

-Tu sais pourquoi j'ai préféré rester loin d'Atlantis, rappela-t-il en lui tendant une gourde d'eau fraîche à laquelle il but longuement. Tu seras le bienvenu chez nous quand tu te seras lassé de toute cette mascarade, n'oublie pas ma proposition.

-J'y réfléchirais, acquiesça Kian en lui rendant la gourde.

-Bien, souria Owain en lui serrant l'avant-bras, on se reverra bientôt.

Linaëlle et Téa, sa chouette chevêche sur l'épaule, lui firent un signe de la main elles étaient accoudées contre la barrière, un gros plat couvert et un panier posé sur le sol à côtés d'elles. Après avoir déposé ses armes dans la réserve, il les rejoignit et les embrassa. L'une sentait les herbes fraîches et la rivière, l'autre la chasse et la forêt profonde. Lui puait la sueur et le sang frais. D'une main noircie, tremblante d'épuisement, il caressa la tête de la chouette qui cligna de ses yeux jaunes.

-Jolie démonstration, approuva la chasseresse avec un sourire, tu auras bien mérité ton repas.

-Après t'être lavé, intervint Linaëlle en fronçant le nez.

Il grimaça quand elle écarta le tissu déchiré qui avait adhéré à la plaie. Un hématome gros comme poing s'étalait sur ses côtes qu'une entaille suintante les traversait.

-Et que je t'ai soigné, ajouta-t-elle.

-Tu ne vas tout de même pas me faire attendre aussi longtemps? gémit-il alors qu'il s'était accroupit pour humer le délicieux plat dont il avait enlevé le couvercle.

Elles éclatèrent de rire.

C'était un ragoût de lièvre épicé, où dans la sauce épaisse et brune nageaient carottes, navets, oignons et aïl sauvage. Il découvrit le panier recouvert d'un linge; du pain frais et croustillant, un gros fromage de brebis enveloppé dans des feuilles d'orties, une motte de beurre, une dizaine de gâteaux au miel fourrés aux noisettes et une cruche de bière brune fraîche.

-Merci, dit-il sincèrement reconnaissant en se relevant, mais je ne vais pas pouvoir avaler ça tout seul et la compagnie féminine me manque, vous restez avec moi?

-Pourquoi pas, accepta Téa, (elle murmura à l'oreille de la chouette dans une langue qui ressemblait à un souffle de vent dans les branches d'un arbre et restait incompréhensible à l'oreille humaine. Après une dernière caresse, elle s'envola gracieusement en direction des collines). La taverne paraît bien vide sans toi et je n'ai pas envie de cuisiner pour moi seule.

Linaëlle hocha la tête.

-Niall est assez grand pour réchauffer son repas tout seul, (après un instant de réflexion elle ajouta), et notre lit.

Ils s'esclafférent. Kian portant la marmite de ragoût, Linaëlle le panier, ils se dirigèrent tous les trois en direction du réfectoire.

Kian prit rapidement un bain dans les thermes, il y serait bien resté plus longtemps pour y détendre ses muscles courbaturés, mais il avait faim. Linaëlle armé de son attirail débarqua dans sa chambre. Elle le fit lever et tâtonna ses côtes.

-Mara te cherchais il y a quelques jours, l'informa-t-elle en lui faisant remuer le bras droit tout en appliquant une pression de sa main fine. Je ne l'ai pas revue depuis. Elle est venue te voir?

-Oui, répondit-il en grimaçant légèrement quand elle lui redressa le coude, je ne m'y attendais pas vraiment.

-Tu ne pensais pas qu'elle pourrait s'attacher à toi, hein? le railla-t-elle en le forçant à retenir son souffle.

-Franchement? répondit-il quand il pût relâcher. Non.

Il avait découvert avec surprise Mara qui l'attendait devant le puits, et qui, contrairement à l'habitude, s'était habillée et coiffée avec simplicité. Il lui avait raconté qu'effectivement il avait rencontré une femme et qu'ils avaient mangé ensemble. Mara avait baissé la tête. Il lui avait ensuite expliqué avec douceur, qu'entre eux, il n'avait jamais été question de sentiments. Il l'avait vu acquiesçer et, avec étonnement, s'était aperçu qu'une larme roulait sur sa joue. Elle était partie.

-Elle aura vite fait de m'oublier, assura-t-il en enfilant une tunique propre par-dessus son bandage. Elle ne reste jamais seule bien longtemps.

-Mouais, répondit-elle sceptique. (Elle secoua la tête). Je ne sais vraiment pas comment tu te débrouilles pour que chaque femme tu croises te tombent dans les bras, te suivent la langue pendante et s'en repartent en larmes.

-Tu veux que je te montre? s'amusa-t-il en s'approchant imperceptiblement d'elle un sourire malicieux aux lèvres.

-Tu es parfois insupportable Kini, lâcha-t-elle en lui donnant un coup de coude dans les côtes en rangeant son matériel.

Il poussa un gémissement de douleur, elle avait beau ne lui arriver qu'à l'épaule, ce petit bout de femme le dominait. Se frottant les côtes, marmonnant, il la suivit dans le réfectoire.

Une dizaine de soldats seulement se trouvaient dans la salle, les autres étaient rentrés chez eux. Trois longues tables s'alignaient. En journée, cinq foyers y brûlaient où les cuisiniers se relayaient pour nourrir les trois cents soldats affamés que comptait la caserne revenant de missions ou de l'entraînement. En soirée, un seul feu était allumé, car il y avait toujours au moins une vingtaine de guerriers à venir s'y restaurer.

Il s'installa sur le banc face aux filles et à la marmite fumante que Téa avait mise à réchauffer sur le foyer en les attendant. Linaëlle distribua les assiettes, tandis qu'ils se servaient de pain, de fromage et de beurre.

-Finn ne vient pas? s'enquit Linaëlle auprès de Téa alors que Kian dévorait son ragoût.

-Il est avec Owain et Cynfarch, je ne le verrai sûrement pas avant demain soir. (Elle baissa la voix). Owain est passé déjà deux fois à la maison, confia-t-elle en buvant une gorgée de bière.

-Pourquoi? questionna le guerrier blond en épongeant son assiette avec un morceau de pain avant de l'avaler.

-Eh bien, (Elle regarda autour d'elle, il n'y avait personne à proximité). Il recherchait son soutien. La première fois qu'il est venu, la conversation à été assez vive, Finn n'était pas à l'aise à l'idée de défier l'autorité du grand roi, révéla-t-elle en beurrant rapidement une tranche de pain pendant que Linaëlle resservait une deuxième assiette de ragoût.

-On peut le comprendre, ricana la blonde qui émiettait son morceau de fromage avant de le manger. Qui aurait envie de se faire pendre par les couilles et exécuter pour haute trahison?

Ils s'esclafférent.

-Owain a toujours fait les choses à sa façon, ajouta Kian en buvant une gorgée de bière. Il est loin de la capitale, il dispose de plus de soldats, dévoués qui plus est, et ses compagnons partagent sont point de vue. Il fera ce qu'il pense être juste, quittes a défier les dieux eux-mêmes.

Ils repoussèrent leur assiettes vides, se reservirent de bière et de gâteaux au miel.

-Finn ne l'aidera pas? demanda Linaëlle à voix basse.

-Si, répondit Téa avec douceur, il sait que c'est Owain qui as raison, nous sommes prêts à prendre le risque. Ils ont déjà envoyés des hommes dans les territoires il y a cinq jours, nous attendons leur retour.

-Vous pouvez compter sur moi, affirma Kian à voix basse.

-Nous serons à vos côtés, assura Linaëlle ses yeux gris emplis de détermination, même si cela nous vaudra probablement l'écartelement.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top