-Ca va mieux? demanda Kian en se penchant à l'oreille de Seren tandis qu'ils tournaient à l'angle de la rue laissant le temple derrière eux.

-Je t'ai vu avec ton taureau, avoua-t-elle en pressant sa main blessée, c'est Camul qui me l'a montré.

Le guerrier blond esquissa un sourire malicieux.

-Je ne pourrais bientôt plus rien te cacher, plaisanta-t-il en la conduisant à gauche sous les guirlandes odorantes de fleurs multicolores qui s'entrcroisaient au-dessus d'eux.

Il en piqua une blanche qu'il glissa derrière l'oreille de Seren dans l'épaisse chevelure corbeau légèrement ondulée qui flottait librement dans son dos. Il se pencha sur ses lèvres et y déposa un baiser.

-Crois-tu que ce soit un hasard? l'interrogea-t-elle à voix basse car il y avait du monde autour d'eux.

-Non, répondit-il dans un souffle. Durant l'initiation, Camul s'est adressé à moi. Il m'a fait comprendre en termes bien sentis, (il esquissa un petit sourire triste), que si nous continuons sur cette pente glissante alors les dieux se retireront de l'Atlantide.

Il pesta en lui-même conscient d'avoir trop parlé. Mais la réaction de la jeune femme le surpris.

-Que peut-on faire? chuchota-t-elle avec inquiétude en s'asseyant avec lui sur une petite terrasse couverte de fleurs rouges pour y boire un verre de cidre de poire. Il te l'a dit?

Kian remercia Ceiclio qui les avaient accueillit puis qui leur avait adresser un clin d'œil en déposant devant eux des tartelettes aux noisettes. L'après-midi avançait.

-Ce n'est pas clair, avoua Kian en passant une main dans ses cheveux blonds. Il a promis de nous venir en aide mais je ne sais pas comment il se manifestera la prochaine fois ni ce qu'il demandera.

-La prochaine fois? releva-t-elle en sirotant sa boisson.

-Désolée, ajouta-t-elle précipitamment en voyant sa tête. Je ne t'ennuirai plus avec mes questions.

-Je t'ai déjà dit que tu avais le droit de me poser toutes les questions que tu voulais, lui rappela-t-il avec douceur en lui relevant le menton d'un doigt. Ce qui me rends furieux, c'est que s'est un passé que je pensais avoir laissé derrière moi dans les bas-fonds putrides de l'Annwyn.

Il sourit ayant deviné ses interrogations.

Il salua Andras qui faisait faire un tour à poney à un enfant dans un enclos de fortune avec deux de ses collègues qui riaient en promenant deux autres animaux à la crinière ébouriffée qui trottaient joyeusement. Quatre chevaux somnolaient attaché à la barrière.

-Brigh, confirma-t-il alors que le soldat rougeaud les saluaient en retour.

-Cette pourriture, cracha-t-il d'une voix sourde ses yeux brûlants de colère, exerçait au palais en abusant largement de son don qui est particulièrement puissant.

Ils virent Niall ceint de son bandeau argenté assis sur une couverture sous un arbre leur faire signe de la main. Ils s'installèrent sur l'herbe.

-Je te demande juste de me faire confiance, lui chuchota-t-il à l'oreille alors qu'elle était assise entre ses jambes les bras du jeune homme l'enlaçant tendrement. Et un peu de temps.

-D'accord, répondit-elle la gorge sèche.

L'histoire que les enfants avaient choisi (après s'être mis d'accord avec l'aide de Niall), était celle de Gullinborsti le sanglier d'or.

Deux nains forgerons, Eitri et son frère Brokk avait jeté dans un foyer une peau de porc. Ils avaient actionné longtemps leur soufflets puis un sanglier avec une crinière et des soies d'or était sorti des flammes.

Niall décrivait chaque étape avec des jeux de mains et des bruitages si réalistes, que chacun de ceux qui écoutaient avait l'impression de vivre le conte. Il fascinait les petits autant que les grands.

Les deux frères avaient offert Gullinborsti au dieu Freyr pour tirer son char. Ils lui avaient expliqué que ce sanglier courrait plus vite qu'un cheval. Il pouvait parcourir la terre, l'air et la mer. De plus, grâce à la lumière prodiguée par l'or de sa crinière il pouvait voyager par les nuits les plus noires.

Dès lors, l'on pouvait apercevoir le dieu Freyr filer à toute allure sur son char.

Kian s'étira puis aida la jeune femme à se lever. Il se rendirent sous le petit évent qui croulait sous les pâtisseries joliment exposées et les boissons où Linaëlle leur offrit une bière. Niall les rejoignit sous le regard déçu des enfants à qui il promit une nouvelle histoire plus tard. Il embrassa chaleureusement ses amis.

Linaëlle tapa sur la main de Kian qui s'avançait pour chiper un gâteau à la crème.

-Les tiennes sont là, grogna la guérisseuse en prenant un sac plein à craquer derrière son comptoir qu'elle lui fourra dans les bras.

Un début de sourire apparut sur le visage du conteur qui servait à boire en discutant avec les visiteurs.

-Merci, dit Kian rayonnant à la belle blonde en prenant son sac.

-Vous en voulez? proposa-t-il aimablement à Seren et Niall en leur présentant les pâtisseries au miel dorées à point.

-J'ai peur d'en faire une indigestion, plaisanta Niall, depuis des jours on ne mange pratiquement plus que ça.

Sa compagne lui jeta un regard agacé, le conteur amusé déposa un baiser sur sa joue.

-Moi j'aurais plutôt envie de cette tartelette aux fraises, avoua la jeune femme en pointant du doigt la tarte qui dégageait un délicieux parfum qui lui mettait l'eau à la bouche.

-Elle est à toi, souria Linaëlle en la lui déposant sur une serviette.

-Je t'en garderai quelques-uns, promit Kian à Seren avant de l'embrasser légèrement. Chaque année j'y ai droit. (Il adressa un clin d'œil à Linaëlle).

-Je ne négocie plus avec lui, expliqua la guérisseuse à son amie qui haussait un sourcil pendant que Kian engloutissait un gâteau les yeux fermés une expression d'extase sur son visage. La seule fois où j'ai essayé, j'y ai perdu une demie matinée, mes pâtisseries et mes oreilles ont sifflé pendant trois jours.

-Tu ne voulais pas m'en donner! lui rappela-t-il en se léchant les doigts.

-Tu en avais déjà dévoré la moitié! répliqua-t-elle d'un ton narquois en s'accroupissant pour donner une friandise à une fillette brune qui tenait la main de sa maman.

Seren se mit à rire. S'il était vrai que son amant mangeait parfois comme un ours, il n'avait pas une once de graisse.

-J'avais faim! affirma-t-il en en piochant une deuxième.

-Tu ne pense qu'à ton estomac! l'accusa-t-elle en le pointant du doigt.

-Viens allons-nous asseoir, proposa Niall à Seren avec un large sourire deux nouvelles bières à la main. Chaque année ils se chamaillent. La dernière fois ça à duré plus de deux heures et le public a applaudit à la fin.

Ils s'esclafférent en s'asseyant sur un banc face à face au bout de la table rectangulaire décorée de petits pots de fleurs multicolores où d'autres personnes se trouvaient aussi profitant d'un moment de détente autour d'un verre entre amis.

-On ne laisse pas partir un soldat le ventre vide! se défendit Kian en mordant dans un troisième gâteau au miel fourré aux noisettes.

-Tu n'avais même pas ton uniforme! riposta Linaëlle en tendant une infusion de menthe refroidie à un garçonnet qui suivait l'échange fasciné.

-Papa! appela un petit garçon aux cheveux noirs qui courait dans l'herbe.

Niall se retourna sur son banc, il prit l'enfant dans ses bras, le fit sauter en l'air sous les cris joyeux du garçonnet avant de l'asseoir sur ses genoux pour le chatouiller. L'enfant gloussait en se tortillant dans ses bras. Niall lui déposa un bisou sur le bout du nez puis se retourna face à Seren qui souriait.

-Mon fils Bran, le lui présenta le conteur ses yeux noirs brillants de fierté, il est avec nous depuis une semaine.

Seren serra la petite main timide. Bran avait les yeux gris-bleus de Linaëlle le même visage lumineux que son père. D'après ce qu'elle se souvenait, il avait huit ans et suivait sa formation dans le Territoire du Cheval avec ces mêmes animaux.

-C'est toi qui aime autant les pâtisseries au miel de ta maman? demanda-t-elle malicieusement.

Bran rougissant hocha la tête avec enthousiasme, tandis que Niall riait.

-C'est vrai qu'elles sont délicieuses, confia-t-elle, je suis obligée de les cacher quand j'en ramène à la maison, sinon au matin elles ont toutes disparus.

Le garçonnet écarquilla les yeux. Il se pencha vers elle quand Seren lui fit signe qu'elle voulait lui dévoiler un secret. Elle chuchota une main contre son oreille.

-Je soupçonne que ce sont les farfadets qui me les chipent.

-Des farfadets? s'étonna Bran en se redressant.

-J'aurais plutôt pensé à un grand lutin gourmand, s'esclaffa Niall.

Seren qui buvait une gorgée de bière lui jeta un coup d'œil amusé puis se tourna vers Bran.

-Un jour j'ai trouvé une toute petite chaussure trouée sur une étagère, mais le pot que j'avais cassé plus tôt dans la journée était réparé et dedans il y avait ça. (Elle sorti de sa bourse une petite pierre noir puis la déposa dans la main de l'enfant).

Niall se pencha par-dessus l'épaule de son fils pour regarder.

-On dirait qu'elle est recouverte d'une toile d'araignée, fit remarquer Bran émerveillé en passant un doigt sur les fines lignes qui s'entrcroisaient élégamment.

-De l'obsidienne? demanda le conteur à Seren qui acquiesça un léger sourire aux lèvres.

-Elle est magique, assura la jeune femme en s'adressant à Bran, elle apporte chance et protection. Garde-la bien dans ta poche.

Bran le visage grave hocha la tête en refermant sa main sur la pierre.

-Merci, souffla-t-il.

-Tu es vraiment insupportable Kini! lâcha Linaëlle.

-Tu voulais me demander quelque chose? questionna Niall en sirotant son verre.

-Je peux aller voir la course de char dans le parc?

-Vas-y, accorda le conteur en le laissant descendre de ses genoux. Si jamais tu ne retrouve plus ton chemin, n'importe qui pourra t'orienter.

Bran acquiesça embrassa son père qui lui ébouriffa les cheveux avec affection. Il déposa un petit baiser sur la joue de Seren qui le lui rendit.

-Attends avant de filer, le retint la jeune femme, tu vois le jeune homme qui discute avec ta maman?

Kian chuchotait à l'oreille de Linaëlle avec un sourire en coin. Elle secouait la tête les yeux au ciel. Il éclata de rire tandis qu'un sourire se dessinait sur le visage de la guérisseuse.

-Oui, répondit Bran ses yeux gris-bleus observant Kian d'un air intrigué.

-Eh bien il a quelques pâtisseries au miel, je suis sûre qu'il t'en donnera une si tu lui dit que tu viens de ma part.

Bran les yeux pétillants eut un large sourire. Il déguerpit, se faufilant à travers la foule pour atteindre le petit évent.

-Il va repartir? demanda Seren à voix basse.

-Dans quelques jours, soupira Niall en s'essuyant le front avec la manche de sa tunique jaune. Il sera mieux avec son poney à Wild Valley, qu'ici si Serbet déclare la guerre. Et si les choses tournes mal, nous nous sommes arrangé pour pouvoir aller le rechercher.

-Tiens, dit Kian souriant en s'accroupissant à la hauteur de Bran. Un pour chaque main, les courses de char ça creuse.

Bran lui fit un sourire rayonnant ses petites mains pleine de gâteaux. Kian lui tapota la tête en se redressant. Linaëlle grogna les bras croisés sur sa robe bleue en jetant un regard de travers à son fil.

Kian vit fugitivement un museau blanc allongé et un œil jaune. Son regard tomba sur Bran qui prenait un air innocent devant sa maman. Une aile noire brillante aux reflets bleuté apparut brièvement.

-Kini? appela la guérisseuse en le voyant reculer d'un pas.

Ils sentait les regards inquiets de Linaëlle et de son fils sur lui.

-Ce n'est rien, assura-t-il avec un sourire le cœur battant la chamade. J'ai eu une nuit éprouvante. Je vois encore des oursons verts avec des défenses.

Elle éclata de rire.

-Viens, proposa la blonde en le prenant par le bras, on va boire une bière avec ta belle et Niall. (Elle s'adressa à Bran). Toi tu files, (elle l'embrassa sur la joue), sinon tu va manquer la course.

Kian caressa la tête de Bran qui lui sourit avant de filer.

-Il m'a vue ainsi que ton fils, dit Linaëlle en regardant partir le couple main dans la main. Il croit qu'il a eu une hallucination due aux drogues qu'on lui a données, il en a oublié ses pâtisseries, (elle sourit). C'est un don qui peut se révéler utile, donne-lui un coup d'pouce.

Niall hocha la tête avec un doux sourire. Il souffla dans sa main tendue devant lui. Une poussière d'or s'en éleva qui toucha Kian entre les omoplates. Elle le recouvrit comme un voile puis se dissipa.